Обозначения:

полужирный шрифт ударная гласная

↑ немая безударная стопа

↓ немая ударная стопа

↔ цезура

e — внесистемно немая «e» (на концах строк «e» у Мольера вообще не произносятся, поэтому их я не помечал; то же перед цезурой).

Что касается непроизносимых « e » на концах слов, особенно, если на них приходится сильная доля, их необязательно произносить, но все равно нужна паузочка, чтобы сохранить ритм стиха.

[i](y)[j] = y и i[j] = i — для того, чтобы разделить ударную и безударную стопы. {В квадратных скобках с нижним регистром показано, как следует произносить текст, заключенный в круглые скобки. В случае отсутствие круглых скобок, в квадратных нижних скобках показаны появляющиеся дополнительные звуки, как в случае с дополнительным йотированием.}

Александрийский стих формально состоит из двух полустрок, между которыми стоит цезура. Каждая полустрофа состоит из трех ямбических стоп. Итого — шесть слогов. В конце строки добавляется строковая пауза, представляющая собой «немую» стопу. То же — на месте цезуры. В обоих случаях завершающее полустроку немое «e» (при его наличии) включается и в цезуру, и в строковую паузу. Например[1]:

Quoi, le beau nom de fille↔est un titre, ma sœur,

- ‘ –‘ –‘ (–‘)[2]- ‘ –‘ –‘ (–‘)[3]

Dont vous voulez quitter↔la charmante douceur ?

- ‘ –‘ –‘ (–‘)- ‘ –‘ –‘ (–‘)

Таким образом, ритмически одна строка состоит не из шести, а из восьми стоп, три ямбические, немая (цезура), три ямбические, завершающая немая (строковая пауза). Обе паузы: и цезура, и строковая — тоже двусложные, в соответствии с ритмом ябма.

 

Molière

LE TARTUFFE OU L’IMPOSTEUR

Comédie

ACTEURS

MADAME PERNELLE, mère d’Orgon.

ORGON, mari d’Elmire.

ELMIRE, femme d’Orgon.

DAMIS, fils d’Orgon.

MARIANE, fille d’Orgon et amante de Valère.

VALÈRE, amant de Mariane.

CLÉANTE, beau-frère d’Orgon.

TARTUFFE, faux dévot.

DORINE, suivante de Mariane.

MONSIEUR LOYAL, sergent.

UN EXEMPT.

FLIPOTE, servante de Madame Pernelle.

La scène est à Paris.

ACTE I

SCÈNE PREMIÈRE

MADAME PERNELLE et FLIPOTE, sa servante, ELMIRE, MARIANE, DORINE, DAMIS, CLÉANTE.

MADAME PERNELLE

Allons, Flipote, allons;↔que d’eux je me délivre.→

ELMIRE

Vous marchez d’un tel pas,↔qu’on a peine à vous suivre.→

MADAME PERNELLE

Laissez, ma bru, laissez ;↔ne venez pas plus loin;→

Ce sont toutes façons,↔dont je n’ai pas besoin.→

ELMIRE

De ce que l’on vous doit,↔envers vous on s’acquitte.→

Mais, ma mère, d’où vient[1]↔que vous sortez si vite?→

MADAME PERNELLE

C’est que je ne puis voir↔tout ce ménage-ci,→

Et que de me complaire,↔on ne prend nul souci.→

Oui, je sors de chez vous↔ fort mal ↑édife ;→

Dans toutes mes leçons,↔ j’y suis↑ contrare ;→

On n’y respecte rien;↔chacun y parle haut,→

Et c’est, tout justement,↔la cour du roi Pétaut[2].→

DORINE

Si…

MADAME PERNELLE

Vous êtes, mamie,↔une fille suivante→

Un peu trop forte en gueule,↔et fort impertinente :→

Vous vous mêlez sur tout↔de dire votre avis.→

DAMIS

Mais…

MADAME PERNELLE

Vous êtes un sot[3]↔en trois lettres, mon fils ;→

C’est moi qui vous le dis,↔qui suis votre grand’mère ;→

Et j’ai prédit cent fois↔à mon fils, votre père,→

Que vous preniez tout l’air↔d’un méchant garnement[4],→

Et ne lui donneriez↔jamais que du tourment.→

MARIANE

Je crois…

MADAME PERNELLE

Mon Dieu, sa sœur,↔vous faites la discrète,→

Et vous n’y touchez pas,↔tant vous semblez doucette :→

Mais il n’est, comme on dit,↔pire eau, que l’eau qui dort[5],→

Et vous menez sous chape,↔un train que je hais fort.→

ELMIRE

Mais, ma mère

MADAME PERNELLE

Ma bru[6],↔qu’il ne vous en déplaise,→

Votre conduite en tout,↔est tout à fait mauvaise:→

Vous devri[j]ez leur mettre↔un bon exemple aux yeux,→

Et leur défunte mère↔en usait beaucoup mieux.→

Vous êtes dépensre,↔et cet état me blesse,→

Que vous alliez vêtue↔ainsi qu’une princesse.→

Quiconque à son mari↔veut plaire seulement,→

Ma bru, n’a pas besoin↔de tant d’ajustement.

CLÉANTE

Mais, Madame, après tout…↔

MADAME PERNELLE

Pour vous, Monsieur son frère,→

Je vous estime fort,↔vous aime, et vous révère :→

Mais enfin, si j’étais↔de mon fils son époux,→

Je vous pri[j]erais bien fort,↔de n’entrer point chez nous.→

Sans cesse vous prêchez↔des maximes de vivre,→

Qui par d’honnêtes gens↔ne se doivent point suivre :→

Je vous parle un peu franc,↔mais c’est là mon humeur,→

Et je ne mâche point↔ce que j’ai sur le cœur.→

DAMIS

Votre Monsieur Tartuffeest bien heureux[7] sans doute…→

 

MADAME PERNELLE

C’est un homme de bien,[8]qu’il faut que l’on écoute ;→

Et je ne puis souffrir,sans me mettre en courroux,→

De le voir querellépar un fou comme vous.

DAMIS

Quoi! je souffrirai, moi,↔qu’un cagot[9] de critique,→

Vienne usurper céans↔un pouvoir tyrannique ?→

Et que nous ne puissions↔à rien nous divertir,→

Si ce beau monsieur-là↔n’y daigne consentir?

DORINE

S’il le faut écouter,↔et croire à ses maximes,→

On ne peut faire rien,↔qu’on ne fasse des crimes,→

Car il contrôle tout,↔ce critique zélé[10].→

MADAME PERNELLE

Et tout ce qu’il contrôle,↔est fort bien contrôlé.→

C’est au chemin du Ciel↔qu’il prétend vous conduire ;→

Et mon fils, à l’aimer[11],↔vous devrait tous induire[12].

DAMIS

Non, vo[i](y)[j]ez-vous, ma mère[13],↔il n’est père, ni rien[14],→

Qui me puisse obliger↔à lui vouloir du bien.→

Je trahirais mon cœur,↔de parler d’autre sorte ;→

Sur ses façons de faire,↔à tous coups je m’emporte ;→

J’en prévois une suite,↔et qu’avec ce pied plat→

Il faudra que j’en vienne↔à quelque grand éclat.→

DORINE

Certes, c’est une chose↔aussi qui scandalise,→

De voir qu’un inconnu↔céans s’impatronise ;→

Qu’un gueux qui, quand il vint,↔n’avait pas de souliers,→

Et dont l’habit entier↔valait bien six deniers,→

En vienne jusque-là,↔que de se méconntre,→

↑ De contrarier tout,↔et de faire le mtre.

MADAME PERNELLE

Hé, merci de ma vie[15]↔il en irait bien mieux,→

Si tout se gouvernait↔ par ses ordres pieux.→

DORINE

Il passe pour un saint↔dans votre fantaisie ;→

Tout son fait, cro[i](y)[j]ez-moi,↔n’est rien qu’hypocrisie.→

MADAME PERNELLE

Vo[i](y)[j]ez la langue!

DORINE

À lui,↔non plus qu’à son Laurent,→

Je ne me fierais, moi,↔que sur un bon garant.→

MADAME PERNELLE

J’ignore ce qu’au fond↔le serviteur peut être ;→

Mais pour homme de bien[16],↔je garantis le mtre.→

Vous ne lui voulez mal,↔et ne le rebutez[17],→

Qu’à cause qu’il vous dit↔à tous vos vérités.→

C’est contre le péché↔que son cœur se courrouce,→

Et l’intérêt du Ciel↔est tout ce qui le pousse.

DORINE

Oui; mais pourquoi surtout,↔depuis un certain temps,→

Ne saurait-il souffrir↔qu’aucun hanteans ?→

En quoi blesse le Ciel↔une visite honnête,→

Pour en faire un vacarme↔à nous rompre la tête ?→

Veut-on que là-dessus↔je m’explique entre nous ?→

Je crois que de Madame↔il est, ma foi, jaloux.→

MADAME PERNELLE

Taisez-vous, et songez↔aux choses que vous dites.→

Ce n’est pas lui tout seul↔qui blâme ces visites ;→

Tout ce tracas qui suit↔les gens que vous hantez,→

Ces carrosses sans cesse↔à la porte plantés,→

Et de tant de laquais↔le bruyant assemblage,→

Font un éclat fâcheux↔dans tout le voisinage.→

Je veux croire qu’au fond↔il ne se passe rien;→

Mais enfin on en parle,↔et cela n’est pas bien.

CLÉANTE

Hé, voulez-vous, Madame,↔empêcher qu’on ne cause ?→

Ce serait dans la vie↔une fâcheuse chose,→

Si pour les sots discours↔où l’on peut être mis,→

Il fallait renoncer↔à ses meilleurs amis:→

Et quand même on pourrait↔se résoudre à le faire,→

Croiriez-vous obliger↔tout le monde à se taire?→

Contre la médisance↔il n’est point de rempart ;→

À tous les sots caquets↔n’a[i](y)[j]ons donc nul égard ;→

Efforçons-nous de vivre↔avec toute innocence,→

Et laissons aux causeurs↔une pleine licence.→

DORINE

Daphné notre voisine,↔et son petit époux,→

Ne seraient-ils point ceux↔qui parlent mal de nous?→

Ceux de qui la conduite↔offre le plus à rire,→

Sont toujours sur autrui↔les premiers à médire ;→

Ils ne manquent jamais↔de saisir promptement→

L’apparente lueur↔du moindre attachement[18],→

D’en semer la nouvelle↔avec beaucoup de joie,→

Et d’y donner le tour↔qu’ils veulent qu’on y croie.→

↑Des actions d’autrui,↔teintes de leurs couleurs,→

Ils pensent dans le monde↔autoriser les leurs,→

Et sous le faux espoir↔de quelque ressemblance,→

Aux intrigues qu’ils ont,↔donner de l’innocence,→

Ou faire ailleurs tomber↔quelques traits partagés→

De ce blâme public↔dont ils sont trop chargés.

MADAME PERNELLE

Tous ces raisonnements↔ne font rien à l’affaire :→

On sait qu’Orante mène↔une vie exemplaire[19] ;→

Tous ses soins vont au Ciel,↔et j’ai su par des gens,→

Qu’elle condamne fort↔le train qui vient céans.→

DORINE

L’exemple est admirable,↔et cette dame est bonne :→

Il est vrai qu’elle vit↔en austère personne ;→

Mais l’âge, dans son âme,↔a mis ce zèle ardent,→

Et l’on sait qu’elle est prude,↔à son corps défendant,→

Tant qu’elle a pu des cœurs↔attirer les hommages,→

Elle a fort bien joui↔de tous ses avantages :→

Mais vo[i](y)[j]ant de ses yeux↔tous les brillants[20] baisser,→

Au monde, qui la quitte,↔elle veut renoncer;→

Et du voile pompeux↔d’une haute sagesse,→

De ses attraits usés,↔déguiser la faiblesse.→

Ce sont là les retours↔des coquettes du temps.→

Il leur est dur de voir↔déserter les galants.→

Dans un tel abandon,↔leur sombre inquiétude→

Ne voit d’autre recours↔que le métier de prude ;→

Et la sévérité↔de ces femmes de bien,→

Censure toute chose,↔et ne pardonne à rien ;→

Hautement, d’un chacun,↔elles blâment la vie,→

Non point par charité,↔mais par un trait d’envie→

Qui ne saurait souffrir↔qu’une autre ait les plaisirs[21],→

Dont le penchant de l’âge↔a sevré leurs désirs.→

MADAME PERNELLE

Voilà les contes bleus[22]↔qu’il vous faut, pour vous plaire.→

Ma bru, l’on est, chez vous,↔contrainte de se taire ;→

Car Madame[23], à jaser,↔tient le dé tout le jour :→

Mais enfin, je prétends↔discourir à mon tour.→

Je vous dis que mon fils↔n’a rien fait de plus sage,→

Qu’en recueillant chez soi↔ce dévot personnage ;→

Que le Ciel au besoin[24]↔l’a céans envo[i](y)[j]é,→

Pour redresser à tous↔votre esprit fourvo[i](y)[j]é ;→

Que pour votre salut↔vous le devez entendre,→

Et qu’il ne reprend rien,↔qui ne soit à reprendre.→

Ces visites, ces bals,↔ ↑ ces conversations,→

Sont, du malin esprit,↔ ↑ toutes inventions.→

Là, jamais on n’entend↔ ↑ de pieuses paroles,→

Ce sont propos oisifs,↔chansons, et fariboles ;→

Bien souvent le prochain↔en a sa bonne part,→

Et l’on y sait médire,↔et du tiers, et du quart.→

Enfin les gens sensés↔ont leurs têtes troublées,→

↑ De la confusion↔de telles assemblées :→

Mille caquets divers ↔ s’y font en moins de rien ;→

Et comme l’autre jour↔un docteur dit fort bien,→

C’est véritablement↔la tour de Babylone,→

Car chacun y babille,↔et tout du long de l’aune[25];→

Et pour conter l’histoire↔où ce point l’engage…→

Voilà-t-il pas Monsieur↔qui ricane déjà?→

Allez chercher vos fous↔qui vous donnent à rire ;→

Et sans… Adieu, ma bru,↔je ne veux plus rien dire.→

Sachez que pour céans↔j’en rabats de moit[26],→

Et qu’il fera beau temps,↔quand j’y mettrai le pied.→

Allons, vous; vous rêvez,↔et ba[i](y)[j]ez aux corneilles ;→

Jour de Dieu[27], je saurai↔vous frotter les oreilles ;→

Marchons, gaupe[28], marchons. ↔[29]

SCÈNE II

CLÉANTE, DORINE.

CLÉANTE

Je n’y veux point aller,→

De peur qu’elle ne vînt ↔ encor me quereller.→

Que cette bonne femme…[30]

DORINE

Ah! certes, c’est dommage,→

↑ Qu’elle ne vous ot↔tenir un tel langage ;→

Elle vous dirait bien↔qu’elle vous trouve bon,→

Et qu’elle n’est point d’âge↔à lui donner ce nom.→

CLÉANTE

Comme elle s’est pour rien↔contre nous échauffée!→

Et que de son Tartuffe↔elle part coiffée ![31]

DORINE

Oh vraiment, tout cela ↔ n’est rien au prix du fils ;→

Et si vous l’aviez vu,↔vous diriez, c’est bien pis[32].→

Nos troubles l’avaient mis↔sur le pied d’homme sage[33],→

Et pour servir son Prince, ↔il montra du courage :→

Mais il est devenu↔comme un homme hébété,→

Depuis que de Tartuffe↔on le voit entêté.→

Il l’appelle son frère,↔et l’aime dans son âme→

Cent fois plus qu’il ne fait↔mère, fils, f[i](ill)[j]e, et femme[34].→

C’est de tous ses secrets ↔unique confident,→

Et de ses actions↔le directeur[35] prudent.→

Il le choie, il l’embrasse ;↔et pour une maîtresse,→

On ne saurait, je pense,↔avoir plus de tendresse.→

À table, au plus haut bout[36],↔il veut qu’il soit assis,→

Avec joie il l’y voit↔manger autant que six ;→

Les bons morceaux de tout,↔il fait qu’on les lui cède[37];→

Et s’il vient à roter,↔il lui dit, Dieu vous aide[38].→

(C’est une servante qui parle.)→

Enfin il en est fou ;↔c’est sont tout, son héros ;→

Il l[39]admire à tous coups,↔le cite à tout propos ;→

Ses moindres actions↔lui semblent des miracles,→

Et tous les mots qu’il dit,↔sont pour lui des oracles.→

Lui qui connt sa dupe,↔ et qui veut en jouir,→

Par cent dehors fardés,↔a l’art ↑de l’éblouir[40];→

Son cagotisme[41] en tire↔à toute heure des sommes,→

Et prend droit de gloser[42]↔sur tous tant que nous sommes.→

Il n’est pas jusqu’au fat,↔qui lui sert de garçon[43],→

Qui ne se mêle aussi↔de nous faire leçon.→

Il vient nous sermonner↔avec des yeux farouches,→

Et jeter nos rubans,↔notre rouge, et nos mouches.→

Le trtre, l’autre jour,↔nous rompit de ses mains,→

Un mouchoir qu’il trouva↔dans une Fleur des Saint[44];→

Disant que nous mêlions,↔par un crime effro[i](y)[j]able,→

Avec la sainteté,↔les parures du diable.

SCÈNE III

ELMIRE, MARIANE, DAMIS, CLÉANTE, DORINE.

ELMIRE

Vous êtes bien heureux, ↔de n’être point venu

Au discours qu’à la porte↔elle nous a tenu.→

Mais j’ai vu mon mari;↔comme il ne m’a point vue,→

 

Je veux aller là-haut↔attendre sa venue.→

 

CLÉANTE

Moi, je l’attends ici↔pour moins d’amusement[45],→

Et je vais lui donner↔le bonjour seulement[46].→

 

 

 

DAMIS

De l’hymen[47] de ma sœur,↔touchez-lui quelque chose.→

J’ai soupçon que Tartuffe↔à son effet[48] s’oppose ;→

Qu’il oblige mon père↔à des détours si grands,→

Et vous n’ignorez pas↔quel intérêt j’y prends.→

Si même ardeur enflamme,↔et ma sœur, et Valère,→

La sœur de cet ami,↔vous le savez, m’est chère :→

Et s’il fallait…

DORINE

Il entre. ↔

SCÈNE IV

ORGON, CLÉANTE, DORINE.

ORGON

Ah, mon frère, bonjour[49].→

CLÉANTE

Je sortais, et j’ai joie↔à vous voir de retour :→

La campagne, à présent,↔n’est pas beaucoup fleurie.→

ORGON

Dorine, mon beau-frère,↔attendez, je vous prie.→

Vous voulez bien souffrir,↔pour m’ôter de souci,→

Que je m’informe un peu↔des nouvelles d’ici.→

Tout s’est-il, ces deux jours,↔passé de bonne sorte ?→

Qu’est-ce qu’on fait céans ?↔Comme est-ce qu’on s’y porte ?→

 

DORINE

Madame eut, avant-hier,↔la fvre jusqu’au soir,→

Avec un mal de tête↔étrange à concevoir.

ORGON

Et Tartuffe ?

DORINE

Tartuffe?↔Il se porte à merveille,→

Gros, et gras, le teint frais,↔et la bouche vermeille.→

ORGON

Le pauvre homme !

DORINE

Le soir[50]↔elle eut un grand dégt,→

Et ne put au souper↔toucher à rien du tout,→

Tant sa douleur de tête↔était encor cruelle.→

ORGON

Et Tartuffe ?→

DORINE→

Il soupa,↔lui tout seul, devant elle,→

Et fort dévotement↔il mangea deux perdrix,→

Avec une moit↔de gigot en hachis.→

ORGON→

Le pauvre homme[51] !

DORINE

La nuit↔se passa tout entre,→

Sans qu’elle pût fermer↔un moment la paupre ;→

Des chaleurs l’empêchaient↔de pouvoir sommeiller,→

Et jusqu’au jour, près d’elle,↔il nous fallut veiller.→

ORGON

Et Tartuffe ?

DORINE

Pressé↔d’un sommeil agréable,→

Il passa dans sa chambre,↔au sortir de la table ;→

Et dans son lit bien chaud,↔il se mit tout soudain,→

Où sans trouble il dormit↔jusques au lendemain.→

ORGON

Le pauvre homme !→

DORINE→

À la fin,↔par nos raisons gagnée,→

Elle se résolut↔à souffrir la saignée,→

Et le soulagement↔suivit tout aussitôt.

ORGON

Et Tartuffe ?

DORINE→

Il reprit↔courage comme il faut ;→

Et contre tous les maux↔ ↑ fortifiant son âme,→

Pour réparer le sang↔qu’avait perdu Madame,→

But à son déjeuner,↔quatre grands coups de vin.→

ORGON

Le pauvre homme ![52]

DORINE

Tous deux↔se portent bien enfin ;→

Et je vais à Madame↔annoncer par avance,→

La part que vous prenez↔à sa convalescence.

SCÈNE V

ORGON, CLÉANTE.

CLÉANTE

À votre nez, mon frère,↔elle se rit de vous ;→

Et sans avoir dessein↔de vous mettre en courroux,→

Je vous dirai tout franc, que c’est avec justice.→

A-t-on jamais parlé↔d’un semblable caprice?→

Et se peut-il qu’un homme↔ait un charme aujourd’hui

À vous faire oubli[j]er↔toutes choses pour lui ?→

Qu’après avoir chez vous↔réparé sa misère,→

Vous en veniez au point…↔

ORGON

Alte-là, mon beau-frère,→

Vous ne connaissez pas↔celui dont vous parlez.→

CLÉANTE

Je ne le connais pas,↔puisque vous le voulez :→

Mais enfin, pour savoir↔quel homme ce peut être…→

ORGON

Mon frère, vous seriez↔charmé de le conntre,→

Et vos ravissements[53]↔ne prendraient point de fin.→

C’est un homme… qui… ha…↔un homme… un homme enfin.→

Qui suit bien ses leçons,↔goûte une paix profonde,→

Et comme du fumier,↔regarde tout le monde[54].→

Oui, je deviens tout autre↔avec son entretien,→

Il m’enseigne à n’avoir↔ ↑ affection pour rien ;→

De toutes amits ↔il détache mon âme ;→

Et je verrais mourir↔frère, enfants, mère, et femme,→

Que je m’en soucierais↔autant que de cela.→

 

CLÉANTE

Les sentiments humains,↔mon frère, que voilà!→

ORGON

Ha, si vous aviez vu↔comme j’en fis rencontre,→

Vous auriez pris pour lui↔l’amitié que je montre.→

Chaque jour à l’église↔il venait d’un air doux,→

Tout vis-à-vis de moi,↔se mettre à deux genoux[55].→

Il attirait les yeux↔de l’assemblée entre,→

Par l’ardeur dont au Ciel↔ il poussait sa pri[j]ère :→

Il faisait des soupirs,↔de grands élancements,→

Et baisait humblement↔la terre à tous moments ;→

Et lorsque je sortais,↔il me devançait vite,→

Pour m’aller à la porte↔offrir de l’eau bénite.→

Instruit par son garçon,↔qui dans tout l’imitait,→

Et de son indigence,↔et de ce qu’il était,→

Je lui faisais des dons;↔mais avec modestie,→

Il me voulait toujours↔en rendre une partie[56].→

C’est trop, me disait-il,↔c’est trop de la moit,→

Je ne mérite pas↔de vous faire pit :→

Et quand je refusais↔de le vouloir reprendre,→

Aux pauvres, à mes yeux,↔il allait le répandre.→

Enfin le Ciel, chez moi,↔me le fit retirer,→

Et depuis ce temps-là,↔tout semble y prospérer.→

Je vois qu’il reprend tout,↔et qu’à ma femme même,→

Il prend pour mon honneur↔un intérêt extrême ;→

Il m’avertit des gens↔qui lui font les yeux doux,→

Et plus que moi, six fois,↔il s’en montre jaloux.→

Mais vous ne croiriez point↔jusqu’ monte son zèle ;→

Il s’impute à péché↔la moindre bagatelle,→

Un rien presque suffit↔pour le scandaliser,→

Jusque-là qu’il se vint↔l’autre jour accuser→

D’avoir pris une puce↔en faisant sa pri[j]ère,→

Et de l’avoir tuée↔avec trop de colère.→

CLÉANTE

Parbleu, vous êtes fou,↔mon frère, que je croi.→

Avec de tels discours↔vous moquez-vous de moi ?→

Et que prétendez-vous↔que tout ce badinage…[57]

ORGON

Mon frère, ce discours↔sent le libertinage[58].→

Vous en êtes un peu↔dans votre âme entiché[59];→

Et comme je vous l’ai↔plus de dix fois prêché,→

Vous vous attirerez↔quelque méchante affaire.→

CLÉANTE

Voilà de vos pareils↔le discours ordinaire.→

Ils veulent que chacun↔soit aveugle comme eux.→

C’est être libertin,↔que d’avoir de bons yeux ;→

Et qui n’adore pas↔de vaines simagrées,→

N’a ni respect, ni foi,↔pour les choses sacrées.→

Allez, tous vos discours↔ne me font point de peur ;→

Je sais comme je parle,↔et le Ciel voit mon cœur.→

De tous vos façonniers↔on n’est point les esclaves,→

Il est de faux dévots,↔ainsi que de faux braves :→

Et comme on ne voit pas↔qu’où l’honneur les conduit,→

Les vrais braves soient ceux↔qui font beaucoup de bruit ;→

Les bons et vrais dévots↔qu’on doit suivre à la trace,→

Ne sont pas ceux aussi↔qui font tant de grimace.→

Hé quoi! vous ne ferez↔ ↑ nulle distinction

Entre l’hypocrisie,↔ et la dévotion ?→

Vous les voulez traiter ↔ d’un semblable langage,→

Et rendre même honneur↔au masque qu’au visage ?→

Egaler l’artifice,↔à la sincérité ;→

Confondre l’apparence,↔avec la vérité ;→

Estimer le fantôme,↔autant que la personne ;→

Et la fausse monnaie,↔à l’égal de la bonne ?→

Les hommes, la plupart,↔sont étrangement faits !→

Dans la juste nature↔on ne les voit jamais.→

La raison a pour eux↔des bornes trop petites.→

En chaque caractère↔ils passent ses limites,→

Et la plus noble chose,↔ ils la gâtent souvent,→

Pour la vouloir outrer,↔et pousser trop avant.→

Que cela vous soit dit↔en passant, mon beau-frère.→

 

ORGON

Oui, vous êtes, sans doute[60],↔un docteur qu’on révère ;→

Tout le savoir du monde↔est chez vous retiré,→

Vous êtes le seul sage,↔et le seul éclairé,→

Un oracle, un Caton[61],↔dans le siècle nous sommes,→

Et près de vous ce sont↔des sots, que tous les hommes.→

CLÉANTE

Je ne suis point, mon frère,↔un docteur révéré,→

Et le savoir, chez moi,↔n’est pas tout retiré.→

Mais en un mot je sais,↔ ↑↓pour tout ma science,→

Du faux, avec le vrai,↔faire la différence :→

Et comme je ne vois↔nul genre de héros→

Qui soient plus à priser↔que les parfaits dévots ;→

Aucune chose au monde,↔et plus noble, et plus belle,→

Que la sainte ferveur↔d’un véritable zèle ;→

Aussi ne vois-je rien↔ qui soit ↑ plus odieux[62],→

Que le dehors plâtré↔ d’un zèle spécieux ;→

Que ces francs charlatans,↔que ces dévots de place[63],→

De qui la sacrilège↔et trompeuse grimace→

Abuse impunément,↔et se joue à leur gré,→

De ce qu’ont les mortels↔de plus saint, et sacré.→

Ces gens, qui par une âme↔à l’intérêt soumise,→

↑ Font de dévotion↔métier et marchandise,→

Et veulent acheter↔crédit, et dignités,→

À prix de faux clins d’yeux,↔et d’élans affectés.→

Ces gens, dis-je, qu’on voit↔d’une ardeur non commune,→

Par le chemin du Ciel↔courir à leur fortune ;→

Qui brûlants, et pri[j]ants,↔demandent chaque jour[64],→

Et prêchent la retraite↔au milieu de la cour :→

Qui savent ajuster↔leur zèle avec leurs vices,→

Sont prompts, vindicatifs,↔sans foi, pleins d’artifices,→

Et pour perdre quelqu’un,↔couvrent insolemment,→

De l’intérêt du Ciel,↔leur fier[65] ressentiment ;→

D’autant plus dangereux↔dans leur âpre colère,→

Qu’ils prennent contre nous↔des armes qu’on révère,→

Et que ↑ leur passion↔dont on leur sait bon gré,→

Veut nous assassiner↔avec un fer sacré.→

De ce faux caractère,↔on en voit trop partre ;→

Mais les dévots de cœur↔sont aisés à conntre.→

Notre siècle, mon frère,↔en expose à nos yeux,→

Qui peuvent nous servir↔ d’exemples glorieux.→

Regardez Ariston,↔ ↑ regardez Périandre,→

Oronte, Alcidamas,↔Polydore, Clitandre :→

Ce titre par aucun↔ne leur est débattu,→

Ce ne sont point du tout↔fanfarons de vertu,→

On ne voit point en eux↔ce faste insupportable,→

Et leur ↑ dévotion↔est humaine, est traitable.→

Ils ne censurent point↔ ↑ toutes nos actions,→

Ils trouvent trop d’orgueil↔ dans ces corrections,→

Et laissant la fierté↔des paroles aux autres,→

C’est par leurs actions,↔qu’ils reprennent les nôtres.→

L’apparence du mal↔a chez eux peu d’appui[66],→

Et leur âme est portée↔à juger bien d’autrui ;→

Point de cabale en eux;↔point d’intrigues à suivre ;→

On les voit pour tous soins,↔se mêler de bien vivre.→

Jamais contre un pécheur↔ils n’ont d’acharnement.→

Ils attachent leur haine↔au péché seulement,→

Et ne veulent point prendre,↔avec un zèle extrême,→

Les intérêts du Ciel,↔plus qu’il ne veut lui-même.→

Voilà mes gens, voilà↔comme il en faut user,→

Voilà l’exemple enfin↔qu’il se faut proposer.→

Votre homme, à dire vrai,↔n’est pas de ce modèle,→

C’est de fort bonne foi↔que vous vantez son zèle,→

Mais par un faux éclat↔↑je vous crois ébloui[67].→

ORGON

Monsieur mon cher beau-frère, ↔ ↑ avez-vous tout dit ?→

CLÉANTE

Oui.

ORGON

Je suis votre valet. (Il veut s’en aller.)↔

CLÉANTE

De grâce, un mot, mon frère,→

Laissons là ce discours.↔Vous savez que Valère,→

Pour être votre gendre,↔a parole de vous.→

ORGON

Oui.

CLÉANTE

Vous aviez pris jour↔ pour un lien si doux.→

ORGON

Il est vrai.

CLÉANTE

Pourquoi donc↔en différer la fête ?→

ORGON

Je ne sais.

CLÉANTE

Auriez-vous↔autre pensée en tête ?→

ORGON

Peut-être.

CLÉANTE

Vous voulez↔manquer à votre foi ?→

ORGON

Je ne dis pas cela.↔

CLÉANTE

Nul obstacle, je croi,→

Ne vous peut empêcher↔d’accomplir vos promesses.→

ORGON

Selon.

CLÉANTE

Pour dire un mot,↔faut-il tant de finesses ?→

Valère, sur ce point,↔me fait vous visiter.→

ORGON

Le Ciel en soit ↑ loué.↔

CLÉANTE

Mais que lui reporter ?→

 

ORGON.→

Tout ce qu’il vous plaira.↔

CLÉANTE

Mais il est nécessaire→

De savoir vos desseins.↔ Quels sont-ils donc ?

ORGON

De fair[68]

Ce que le Ciel voudra.↔

CLÉANTE→

Mais parlons tout de bon.→

Valère a votre foi.↔La tiendrez-vous, ou non ?→

ORGON

Adieu.

CLÉANTE

Pour son amour,↔je crains une disgrâce,→

Et je dois l’avertir↔de tout ce qui se passe.

ACTE II

SCÈNE PREMIÈRE

ORGON, MARIANE.

ORGON

Mariane.

MARIANE

Mon père.↔

ORGON

Approchez. J’ai de quoi

Vous parler en secret.↔

 

MARIANE

Que cherchez-vous ?

ORGON (Il regarde dans un petit cabinet.)

Je voi

Si quelqu’un n’est point là,↔qui pourrait nous entendre :→

Car ce petit endroit↔est propre pour surprendre.→

Or sus, nous voilà bien.↔J’ai, Mariane, en vous,→

Reconnu, de tout temps,↔un esprit assez doux ;→

Et de tout temps aussi↔vous m’avez été chère.→

MARIANE

Je suis fort redevable↔à cet amour de père[69].→

ORGON

C’est fort bien dit, ma fille ;↔et pour le mériter,→

Vous devez n’avoir soin↔que de me contenter.→

MARIANE→

C’est je mets aussi↔ma gloire la plus haute.→

ORGON→

Fort bien. Que dites-vous↔de Tartuffe notre hôte[70][71] ?→

MARIANE→

Qui, moi ?

ORGON→

Vous. Vo[i](y)[j]ez bien↔comme vous répondrez.→

 

MARIANE

Hélas ![72] j’en dirai, moi,↔tout ce que vous voudrez.→

 

 

 

ORGON

C’est parler sagement.↔Dites-moi donc, ma fille,→

Qu’en toute sa personne↔un haut mérite brille,→

Qu’il touche votre cœur,↔et qu’il vous serait doux→

De le voir, par mon choix,↔devenir votre époux.→

Eh ?

MARIANE (Mariane se recule avec surprise.)

Eh ?→

ORGON

Qu’est-ce ?

MARIANE

Plaît-il ?↔[73]

ORGON

Quoi ?

MARIANE

Me suis-je méprise ?→

ORGON

Comment?

MARIANE

Qui voulez-vous,↔[74]mon père, que je dise,→

Qui me touche le cœur,↔et qu’il me serait doux→

De voir, par votre choix,↔devenir mon époux ?→

ORGON

Tartuffe.

MARIANE

Il n’en est rien,↔mon père, je vous jure :→

Pourquoi me faire dire↔une telle imposture ?→

ORGON

Mais je veux que cela ↔ soit une vérité ;→

Et c’est assez pour vous, que je l’aie arrêté.→

MARIANE→

Quoi! vous voulez, mon père…↔

ORGON

Oui, je prétends, ma fille,

Unir, par votre hymen[75],↔Tartuffe à ma famille.→

Il sera votre époux,↔j’ai résolu cela ;→

Et comme sur vos vœux↔je…

SCÈNE II→

DORINE, ORGON, MARIANE.→

ORGON

Que faites-vous là ?→[76]

La curiosité qui↔vous presse, est bien forte,→

Mamie, à nous venir↔écouter de la sorte[77].→

DORINE

Vraiment, je ne sais pas↔si c’est un bruit qui part→

De quelque conjecture,↔ou d’un coup de hasard ;→

Mais ↓ de ce mariage↔on m’a dit la nouvelle,→

Et j’ai traité cela↔de pure bagatelle.→

ORGON

Quoi donc, la chose est-elle↔ incro[i](y)[j]able?

DORINE

À tel point[78],→

Que vous-même, Monsieur,↔je ne vous en crois point.→

ORGON

Je sais bien le mo[i](y)[j]en↔de vous le faire croire.→

DORINE

Oui, oui, vous nous contez↔une plaisante histoire.→

ORGON

Je conte justement↔ce qu’on verra dans peu.→

DORINE

Chansons.

ORGON

Ce que je dis[79],↔ma fille, n’est point jeu.→

DORINE

Allez, ne cro[i](y)[j]ez point↔à Monsieur votre père,→

Il raille.

ORGON

Je vous dis…↔

DORINE

Non, vous avez beau faire,→

On ne vous croira point. ↔

ORGON

À la fin, mon courroux…→

DORINE

Hé bien on vous croit donc,↔et c’est tant pis pour vous.→

Quoi ! se peut-il, Monsieur,↔qu’avec l’air d’homme sage,→

Et cette large barbe↔au milieu du visage,→

Vous so[i](y)[j]ez assez fou↔pour vouloir…

ORGON

Écoutez.

Vous avez pris céans↔certaines privautés→

Qui ne me plaisent point;↔je vous le dis, mamie.→

DORINE

Parlons sans nous fâcher,↔Monsieur, je vous supplie.→

Vous moquez-vous des gens,↔d’avoir fait ce complot?→

Votre fille n’est point↔l’affaire d’un bigot.→

Il a d’autres emplois↔auxquels il faut qu’il pense ;→

Et puis, que vous apporte↔une telle alliance ?→

À quel sujet aller,↔avec tout votre bien,→

Choisir un gendre gueux…↔

ORGON

Taisez-vous. S’il n’a rien,→

Sachez que c’est par là,↔qu’il faut qu’on le révère.→

Sa misère est sans doute[80]↔une honnête misère.→

Au-dessus des grandeurs↔elle doit l’élever,→

Puisque enfin de son bien↔il s’est laissé priver→

Par son trop peu de soin↔des choses temporelles,→

Et sa puissante attache↔aux choses éternelles.→

Mais mon secours pourra↔lui donner les mo[i](y)[j]ens→

De sortir d’embarras,↔et rentrer dans ses biens.→

Ce sont fiefs qu’à bon titre↔au pa[i](y)[ i]s on renomme ;→

Et tel que l’on le voit,↔il est bien gentilhomme[81].→

DORINE

Oui, c’est lui qui le dit;↔et cette vanité,→

Monsieur, ne sied pas bien↔ avec ↑ la piété.→

Qui d’une sainte vie↔embrasse l’innocence,→

Ne doit point tant prôner↔son nom, et sa naissance ;→

Et l’humble procédé↔ ↑ de la dévotion,→

Souffre mal les éclats↔de cette ambition.→

À quoi bon cet orgueil…↔Mais ce discours vous blesse,→

Parlons de sa personne,↔et laissons sa noblesse.→

Ferez-vous possesseur,↔sans quelque peu d’ennui,→

D’une fille comme elle,↔un homme comme lui ?→

Et ne devez-vous pas↔songer aux bienances,→

Et de cette union↔prévoir les conséquences ?→

Sachez que d’une fille↔on risque la vertu,→

Lorsque dans son hymen↔son gt est combattu ;→

Que le dessein d’y vivre↔en honnête personne,→

Dépend des qualités↔du mari qu’on lui donne ;→

Et que ceux dont partout↔on montre au doigt le front,→

Font leurs femmes souvent,↔ce qu’on voit qu’elles sont.→

Il est bien difficile↔enfin d’être fidèle→

À de certains maris↔faits d’un certain modèle ;→

Et qui donne à sa fille ↔ un homme qu’elle hait,→

Est responsable au Ciel↔des fautes qu’elle fait.→

Songez à quels périls↔votre dessein vous livre.

 

ORGON

Je vous dis qu’il me faut↔apprendre d’elle à vivre.→

DORINE

Vous n’en feriez que mieux,↔de suivre mes leçons.→

ORGON

Ne nous amusons point,↔ma fille, à ces chansons ;→

Je sais ce qu’il vous faut,↔et je suis votre père.→

J’avais donné pour vous↔ma parole à Valère ;→

Mais outre ↓qu’à jouer↔on dit qu’il est enclin,→

Je le soupçonne encor↔d’être un peu libertin[82];→

Je ne remarque point↔qu’il hante les églises.→

DORINE

Voulez-vous qu’il y coure↔à vos heures précises,→

Comme ceux qui n’y vont↔que pour être aperçus ?→

ORGON

Je ne demande pas↔votre avis là-dessus[83].→

Enfin, avec le Ciel,↔l’autre est le mieux du monde,→

Et c’est une richesse↔à nulle autre seconde[84].→

Cet hymen, de tous biens,↔comblera vos désirs.→

Il sera tout confit↔en douceurs, et plaisirs[85].→

Ensemble vous vivrez,↔dans vos ardeurs fidèles,→

Comme deux vrais enfants,↔comme deux tourterelles.→

À nul fâcheux débat↔jamais vous n’en viendrez,→

Et vous ferez de lui↔tout ce que vous voudrez.→

DORINE

Elle? elle n’en fera↔qu’un sot[86], je vous assure.→

ORGON

Ouais, quels discours !

DORINE

Je dis↔[87]qu’il en a l’encolure,→

Et que son ascendant[88],↔Monsieur, l’emportera

Sur toute la vertu↔que votre fille aura.→

 

ORGON

Cessez de m’interrompre,↔et songez à vous taire,→

Sans mettre votre nez↔où vous n’avez que faire.→

DORINE

Je n’en parle, Monsieur,↔que pour votre intérêt.→

(Elle l’interrompt toujours au moment qu’il se retourne pour parler à sa fille.)

ORGON

C’est prendre trop de soin;↔taisez-vous, s’il vous plt.→

DORINE

Si l’on ne vous aimait…↔

ORGON

Je ne veux pas qu’on m’aime.→

DORINE

Et je veux vous aimer,↔Monsieur, malgré vous-même.

ORGON

Ah!

DORINE

Votre honneur m’est cher,↔et je ne puis souffrir→

Qu’aux brocards d’un chacun↔vous alliez vous offrir.→

ORGON

Vous ne vous tairez point ?↔

DORINE

↑C’est une conscience[89],→

Que de vous laisser faire ↔une telle alliance.→

ORGON

Te tairas-tu, serpent,↔dont les traits effrontés…→

DORINE

Ah! vous êtes dévot,↔et vous vous emportez ?→

ORGON

Oui, ma bile s’échauffe↔à toutes ces fadaises,→

Et, tout résolûment,↔je veux que tu te taises.→

 

DORINE

Soit. Mais ne disant mot,↔je n’en pense pas moins.→

ORGON

Pense, si tu le veux;↔mais applique tes soins→

А ne m’en point parler,↔ou… suffit.

(Se retournant vers sa fille.)→

Comme sage,→[90]

J’ai pesé mûrement↔toutes choses.→

DORINE

J’enrage[91]

De ne pouvoir parler.↔

(Elle se tait lorsqu’il tourne la tête.)

ORGON

Sans être damoiseau,→

Tartuffe est fait de sorte…↔

DORINE

Oui, c’est un beau museau.→

ORGON

Que quand tu n’aurais même↔aucune sympathie→

Pour tous les autres dons…↔

(Il se tourne devant elle, et la regarde les bras croisés.)

DORINE

La voilа bien lotie.→[92]

Si j’étais en sa place,↔un homme assurément→

Ne m’épouserait pas↔de force, impunément ;→

Et je lui ferais voir↔bientôt, après la fête,→

Qu’une femme a toujours↔une vengeance prête.→

 

 

ORGON

Donc, de ce que je dis,↔on ne fera nul cas ?→

DORINE

De quoi vous plaignez-vous ?↔je ne vous parle pas.→

ORGON

Qu’est-ce que tu fais donc?↔

DORINE

Je me parle а moi-même.→

ORGON

Fort bien. ↑ Pour châtier↔son insolence extrême,→

Il faut que je lui donne↔un revers de ma main.→

 

(Il se met en posture de lui donner un soufflet; et Dorine а chaque coup d’oeil qu’il jette, se tient droite sans parler.)

Ma fille, vous devez↔approuver mon dessein…→

Croire que le mari…↔que j’ai su vous élire[93]…→

Que ne te parles-tu?↔

DORINE

Je n’ai rien а me dire.→

ORGON

Encore un petit mot.↔

DORINE

Il ne me plt pas, moi.→

ORGON

Certes, je t’y guettais.↔

DORINE

Quelque sotte, ma foi[94].→

ORGON

Enfin, ma fille, il faut↔pa[i](y)[j]er d’obéissance[95],→

Et montrer, pour mon choix,↔entre déférence.→

DORINE (en s’enfuyant.)

Je me moquerais fort[96],↔de prendre un tel époux.→

ORGON (Il lui veut donner un soufflet, et la manque.)

Vous avez lа, ma fille,↔une peste avec vous[97],→

Avec qui, sans péché,↔je ne saurais plus vivre.→

Je me sens hors d’état↔maintenant de poursuivre,→

Ses discours insolents↔m’ont mis l’esprit en feu,→

Et je vais prendre l’air,↔pour me rasseoir[98] un peu.

SCÈNE III

DORINE, MARIANE.

DORINE

Avez-vous donc perdu,↔dites-moi, la parole ?→

Et faut-il qu’en ceci↔je fasse votre rôle ?→

Souffrir qu’on vous propose↔un projet insensé,→

Sans que du moindre mot↔vous l’ai(y)iez repoussé !→

MARIANE

Contre un père absolu,↔que veux-tu que je fasse ?→

DORINE

Ce qu’il faut pour parer↔une telle menace.→

MARIANE

Quoi ?

DORINE→

Lui dire qu’un cœur↔[99]n’aime point par autrui ;→

↑ Que vous vous mariez↔pour vous, non pas pour lui ;→

Qu’étant celle pour qui↔se fait toute l’affaire,→

C’est а vous, non а lui,↔que le mari doit plaire ;→

Et que si son Tartuffe↔est pour lui si charmant,→

Il le peut épouser,↔sans nul empêchement.→

MARIANE

Un père, je l’avoue,↔a sur nous tant d’empire,→

Que je n’ai jamais eu↔la force de rien dire.→

DORINE

Mais raisonnons. Valère↔a fait pour vous des pas[100];→

L’aimez-vous, je vous prie,↔ou ne l’aimez-vous pas ?→

MARIANE

Ah ! Qu’envers mon amour,↔ton injustice est grande,→

Dorine ! me dois-tu ↔ faire cette demande ?→

T’ai-je pas lа-dessus↔ouvert cent fois mon cœur ?→

Et sais-tu pas, pour lui,↔jusqu’ va mon ardeur ?→

DORINE

Que sais-je si le cœur↔a parlé par la bouche,→

Et si c’est tout de bon↔que cet amant vous touche ?→

MARIANE

Tu me fais un grand tort,↔Dorine, d’en douter,→

Et mes vrais sentiments↔ont su trop éclater.→

DORINE

Enfin, vous l’aimez donc ?↔

MARIANE

Oui, d’une ardeur extrême.→

DORINE

Et selon l’apparence,↔il vous aime de même ?→

MARIANE

Je le crois.

DORINE

Et tous deux↔[101]brûlez également→

De vous ↑ voir mariés↔ensemble ?→

MARIANE

Assurément.→[102]

DORINE

Sur cette autre union,↔quelle est donc votre attente ?→

MARIANE

De me donner la mort,↔ si l’on ↑ me violente.→

DORINE

Fort bien. C’est un recours↔où je ne songeais pas ;→

Vous n’avez qu’а mourir,↔pour sortir d’embarras,→

Le remède sans doute↔est merveilleux. J’enrage,→

Lorsque j’entends tenir↔ces sortes de langage.→

MARIANE

Mon Dieu, de quelle humeur,↔Dorine, tu te rends!→

Tu ne compatis point↔aux déplaisirs des gens.→

DORINE

Je ne compatis point↔а qui dit des sornettes,→

Et dans ↑ l’occasion[103]↔mollit comme vous faites.→

MARIANE

Mais que veux-tu? si j’ai↔de la timidité.→

DORINE

Mais l’amour dans un cœur↔veut de la fermeté.

MARIANE

Mais n’en gardé-je pas↔pour les feux de Valère ?→

Et n’est-ce pas а lui↔de m’obtenir d’un père?→

 

DORINE

Mais quoi! si votre père↔est un bourru[104] fieffé,→

Qui s’est de son Tartuffe↔entrement coiffé[105],→

Et manque а l’union↔qu’il avait arrêtée,→

La faute а votre amant↔doit-elle être imputée ?→

MARIANE

Mais par un haut refus,↔et d’éclatants mépris,→

Ferai-je, dans mon choix,↔voir un cœur trop épris ?→

Sortirai-je pour lui, ↔ quelque éclat dont il brille,→

De la pudeur du sexe,↔et du devoir de fille ?→

Et veux-tu que mes feux↔par le monde étalés…→

DORINE

Non, non, je ne veux rien.↔Je vois que vous voulez→

Être а Monsieur Tartuffe;↔et j’aurais, quand j’y pense,→

Tort de vous détourner↔d’une telle alliance.→

Quelle raison aurais-je↔а combattre vos vœux?→

Le parti, de soi-même,↔est fort avantageux.→

Monsieur Tartuffe ! oh, oh,↔n’est-ce rien qu’on propose ?→

Certes, Monsieur Tartuffe,↔а bien prendre la chose,→

N’est pas un homme, non,↔qui se mouche du p[106],→

Et ce n’est pas peu d’heur[107],↔que d’être sa moit.→

Tout le monde déjа↔de gloire le couronne,→

Il est noble chez lui[108],↔bien fait de sa personne,→

Il a l’oreille rouge,↔et le teint bien fleuri ;→

Vous vivrez trop contente↔avec un tel mari[109].

MARIANE

Mon Dieu…

DORINE

Quelle allégresse↔[110]aurez-vous dans votre âme,→

Quand d’un époux si beau↔vous vous verrez la femme !→

MARIANE

Ha, cesse, je te prie,↔un semblable discours,→

Et contre cet hymen↔ouvre-moi du secours.→

C’en est fait, je me rends,↔et suis prête а tout faire.→

DORINE

Non, il faut qu’une fille↔obéisse а son père,→

Voulût-il lui donner↔un singe pour époux.→

Votre sort est fort beau,↔de quoi vous plaignez-vous ?→

Vous irez par le coche↔en sa petite ville,→

Qu’en oncles, et cousins,↔vous trouverez fertile ;→

Et vous vous plairez fort↔а les entretenir.→

D’abord chez le beau monde↔on vous fera venir.→

Vous irez visiter,↔pour votre bienvenue,→

Madame la baillive, ↔ et Madame l’élue[111],→

Qui d’un siége pli[j]ant[112]↔vous feront honorer.→

Lа, dans le carnaval,↔vous pourrez espérer→

Le bal, et la grand’bande[113],↔а savoir, deux musettes,→

Et, parfois, Fagotin[114],↔↑et les marionnettes.→

Si pourtant votre époux…↔

 

MARIANE

Ah! tu me fais mourir.→

De tes conseils, plutôt,↔songe а me secourir.→

DORINE

Je suis votre servante.↔

MARIANE

Eh, Dorine, de grâce…→

DORINE

Il faut, pour vous punir,↔que cette affaire passe[115].→

MARIANE

Ma pauvre fille!

DORINE

Non.↔[116]

MARIANE

Si mes vœux déclarés…[117]

DORINE

Point, Tartuffe est votre homme,↔et vous en tâterez.→

MARIANE

Tu sais qu’а toi toujours↔je me suis confi[j]ée.→

Fais-moi

DORINE

Non; vous serez,↔[118]ma foi, ↑ tartuffe.→

 

MARIANE

Hé bien, puisque mon sort ↔ ne saurait t’émouvoir,→

Laisse-moi désormais↔toute а mon désespoir.→

C’est de lui que mon cœur↔empruntera de l’aide,→

Et je sais, de mes maux, ↔l’infaillible remède. (Elle veut s’en aller.)

DORINE

Hé, lа, lа, revenez; ↔je quitte mon courroux.→

Il faut, nonobstant tout,↔avoir pit de vous.→

MARIANE

Vois-tu, si l’on m’expose↔а ce cruel martyre,→

Je te le dis, Dorine,↔il faudra que j’expire.→

DORINE

Ne vous tourmentez point,↔on peut adroitement→

Empêcher… Mais voici↔Valère votre amant.

SCÈNE IV

VALÈRE, MARIANE, DORINE.

VALÈRE

On vient de débiter,↔Madame, une nouvelle[119],→

Que je ne savais pas,et qui sans doute[120] est belle.→

MARIANE

Quoi ?

VALÈRE

Que vous épousez↔Tartuffe.

MARIANE

Il est certain[121]

Que mon père s’est mis↔en tête ce dessein.→

VALÈRE

Votre père, Madame…↔

MARIANE

A changé de visée.→

La chose vient par lui↔de m’être proposée.→

VALÈRE

Quoi, sérieusement ?→

MARIANE

Oui, sérieusement ;→

Il s’est, pour cet hymen[122],↔déclaré hautement.→

VALÈRE

Et quel est le dessein↔où votre âme s’arrête[123],→

Madame ?

MARIANE

Je ne sais.↔[124]

VALÈRE

La réponse est honnête.→

Vous ne savez ?

MARIANE

Non.

VALÈRE

Non ?↔[125]

MARIANE

Que me conseillez-vous ?→

VALÈRE

Je vous conseille, moi,↔de prendre cet époux.→

MARIANE

Vous me le conseill[j]ez ?↔

VALÈRE

Oui.

MARIANE

Tout de bon ?

VALÈRE

Sans doute.→[126]

Le choix ↑ est glorieux,↔et vaut bien qu’on l’écoute.→

MARIANE

Hé bien, c’est un conseil,↔Monsieur, que je reçois.→

VALÈRE

Vous n’aurez pas grand’peine↔а le suivre, je crois.→

MARIANE

Pas plus qu’а le donner↔en a souffert votre âme.→

VALÈRE

Moi, je vous l’ai donné↔pour vous plaire, Madame.→

MARIANE

Et moi, je le suivrai,↔pour vous faire plaisir.→

DORINE

Voi[j]ons ce qui pourra↔de ceci réussir[127].→

VALÈRE

C’est donc ainsi qu’on aime?↔Et c’était tromperie,→

Quand vous…

MARIANE

Ne parlons point↔[128]de cela, je vous prie.→

Vous m’avez dit tout franc,↔que je dois accepter→

Celui que, pour époux,↔on me veut présenter :→

Et je déclare, moi,↔que je prétends le faire,→

Puisque vous m’en donnez↔le conseil salutaire.

VALÈRE

Ne vous excusez point↔ ↑ sur mes intentions.→

Vous aviez pris déjаvos résolution[129];→

Et vous vous saisissez↔d’un prétexte frivole,→

Pour vous autoriser↔а manquer de parole.→

MARIANE

Il est vrai, c’est bien dit.↔

VALÈRE

Sans doute, et votre cœur→

N’a jamais eu pour moi↔de véritable ardeur.→

MARIANE

Hélas ! permis а vous↔d’avoir cette pensée.→

VALÈRE

Oui, oui, permis а moi ;↔mais mon âme offensée→

Vous préviendra, peut-être,↔en un pareil dessein ;→

Et je sais porter,↔et mes vœux, et ma main.→

 

MARIANE

Ah! je n’en doute point;↔et les ardeurs qu’excite→

Le mérite

VALÈRE

Mon Dieu[130],↔laissons lа le mérite [131];→

J’en ai fort peu, sans doute[132][133],↔et vous en faites foi :→

Mais j’espère aux bontés↔qu’une autre aura pour moi ;→

Et j’en sais de qui l’âme,↔а ma retraite ouverte,→

Consentira sans [134]honte↔а réparer ma perte.→

MARIANE

La perte n’est pas grande,↔et de ce changement→

Vous vous consolerez↔assez facilement.→

VALÈRE

J’y ferai mon possible,↔et vous le pouvez croire.→

Un cœur qui nous oublie,↔engage notre gloire[135].→

Il faut а l’oubli[j]er,↔mettre aussi tous nos soins.→

Si l’on n’en vient а bout,↔on le doit feindre au moins;→

Et cette lâcheté↔jamais ne se pardonne,→

De montrer de l’amour↔pour qui nous abandonne.→

MARIANE

Ce sentiment, sans doute[136],↔est noble, et relevé.→

VALÈRE

Fort bien, et d’un chacun↔il doit être approuvé.→

Hé quoi ! vous voudri[j]ez↔qu’а jamais, dans mon âme,→

Je gardasse pour vous↔les ardeurs de ma flamme ?→

Et vous visse, а mes yeux,↔passer en d’autres bras,→

Sans mettre ailleurs un cœur↔dont vous ne voulez pas?→

MARIANE

Au contraire, pour moi,↔c’est ce que je souhaite ;→

Et je voudrais déjа↔que la chose fût faite.→

VALÈRE

Vous le voudri[j]ez ?

MARIANE

Oui.↔[137]

VALÈRE

C’est assez m’insulter,→

Madame, et de ce pas↔je vais vous contenter.→(Il fait un pas pour s’en aller, et revient toujours.)

MARIANE

Fort bien.

VALÈRE

Souvenez-vous↔[138]au moins, que c’est vous-même→

Qui contraignez mon cœur↔а cet effort extrême.→

MARIANE

Oui.

VALÈRE

Et que le dessein↔que mon âme conçoit,→

N’est rien qu’а votre exemple.↔

MARIANE

А mon exemple, soit.→

VALÈRE

Suffit; vous allez être↔а point nommé servie.→

MARIANE

Tant mieux.

VALÈRE

Vous me voyez,↔[139]c’est pour toute ma vie.→

MARIANE

А la bonne heure.

VALÈRE

Euh ? (Il s’en va; et lorsqu’il est vers la porte, il se retourne.)

 

MARIANE

Quoi ?↔

VALÈRE

Ne m’appelez-vous pas ?→[140][!!!!]

MARIANE

Moi! vous rêvez.

VALÈRE

Hé bien[141],↔je poursuis donc mes pas.→

Adieu, Madame.

 

MARIANE

Adieu,↔Monsieur.

DORINE

Pour moi, je pense[142][143]

Que vous perdez l’esprit,↔par cette extravagance ;→

Et je vous ai laissé↔tout du long quereller,→

Pour voir où tout cela↔pourrait enfin aller.→

Holа, Seigneur Valère.↔(Elle va l’arrêter par le bras et lui fait mine de grande résistance.)

VALÈRE

Hé, que veux-tu, Dorine ?→

DORINE

Venez ici.

VALÈRE

Non, non,↔[144]le dépit me domine.→

Ne me détourne point↔de ce qu’elle a voulu.→

DORINE

Arrêtez.

VALÈRE

Non, vois-tu,↔[145]c’est un point résolu.→

DORINE

Ah.

MARIANE

Il souffre а me voir,↔[146]ma présence le chasse ;→

Et je ferai bien mieux,↔de lui quitter la place.→

DORINE Elle quitte Valère, et court а Mariane.

А l’autre. Où courez-vous ?↔

 

 

MARIANE

Laisse.

DORINE

Il faut revenir.→[147]

MARIANE

Non, non, Dorine, en vain↔tu veux me retenir.→

VALÈRE

Je vois bien que ma vue↔est pour elle un supplice ;→

Et sans doute, il vaut mieux↔que je l’en affranchisse.→

DORINE (Elle quitte Mariane, et court а Valère).

Encor? Diantre soit fait↔de vous, si je le veux[148].→

Cessez ce badinage, et venez çа tous deux. (Elle les tire l’un et l’autre.)→

 

 

VALÈRE

Mais quel est ton dessein ?↔

MARIANE

Qu’est-ce que tu veux faire?→

DORINE

Vous bien remettre ensemble,↔et vous tirer d’affaire.→

 

 

Êtes-vous fou, d’avoir↔un pareil démêlé ?→

 

VALÈRE

N’as-tu pas entendu↔comme elle m’a parlé ?→

DORINE

Êtes-vous folle, vous, ↔de vous être emportée ?→

 

MARIANE

N’as-tu pas vu la chose,↔et comme il m’a traitée ?→

DORINE

Sottise des deux parts.↔Elle n’a d’autre soin,→

Que de se conserver↔а vous, j’en suis témoin.→

Il n’aime que vous seule,↔et n’a point d’autre envie→

Que d’être votre époux;↔j’en réponds sur ma vie.→

 

MARIANE

Pourquoi donc me donner↔un semblable conseil ?→

VALÈRE

Pourquoi m’en demander↔sur un sujet pareil ?→

DORINE

Vous êtes fous tous deux.↔Çа, la main l’un,[149] et l’autre.→

Allons, vous.

 

 

VALÈRE (en donnant sa main а Dorine.)

А quoi bon↔ma main ?

DORINE

Ah ! çа, la vôtre.→[150]

MARIANE (en donnant aussi sa main.)

De quoi sert tout cela ?↔

DORINE

Mon Dieu, vite, avancez.→

Vous vous aimez tous deux↔plus que vous ne pensez.→

 

 

 

 

VALÈRE

Mais ne faites donc point↔les choses avec peine,→

Et regardez un peu↔les gens sans nulle haine.→(Mariane tourne l’oeil sur Valère, et fait un petit souris.)

DORINE

А vous dire le vrai,↔les amants sont bien fous !→

VALÈRE

Ho çа, n’ai-je pas lieu↔de me plaindre de vous ?→

Et pour n’en point mentir,↔n’êtes-vous pas méchante,→

De vous plaire а me dire↔une chose affligeante?→

MARIANE

Mais vous, n’êtes-vous pas↔l’homme le plus ingrat…→

DORINE

Pour une autre saison,↔laissons tout ce débat,→

Et songeons а parer↔ce fâcheux mariage.→

 

MARIANE

Dis-nous donc quels ressorts↔il faut mettre en usage.

DORINE

Nous en ferons agir↔de toutes les façons.→

Votre père se moque,↔et ce sont des chansons.→

Mais, pour vous, il vaut mieux↔qu’а son extravagance,→

D’un doux consentement↔vous prêtiez l’apparence,→

Afin qu’en cas d’alarme,↔il vous soit plus aisé

De tirer en longueur↔cet hymen proposé.→

En attrapant du temps,↔а tout on remédie.→

Tantôt vous pai[j]erez↔de quelque maladie[151],→

Qui viendra tout а coup,↔et voudra des délais.→

Tantôt vous pai[j]erez↔de présages mauvais ;→

Vous aurez fait d’un↔a rencontre fâcheuse,→

Cassé quelque miroir,↔ou songé d’eau bourbeuse.→

Enfin le bon de tout,↔c’est qu’а d’autres qu’а lui,→

On ne vous peut lier,↔que vous ne disiez oui[152].→

Mais pour mieux réussir,↔il est bon, ce me semble,→

Qu’on ne vous trouve point ↔tous deux parlant ensemble.→

(А Valère.) Sortez, et sans tarder,↔emploi[j]ez vos amis→

Pour vous faire tenir↔ce qu’on vous a promis.→

Nous allons réveiller↔les efforts de son frère,→

Et dans notre parti↔jeter la belle-mère[153].→

Adieu.

VALÈRE (а Mariane.)

Quelques efforts↔[154]que nous préparions tous,→

Ma plus grande espérance,↔а vrai dire, est en vous.→

MARIANE (а Valère.)

Je ne vous réponds pas↔des volontés d’un père ;→

Mais je ne serai point↔а d’autre qu’а Valère.→

VALÈRE

Que vous me comblez d’aise !↔Et quoi que puisse oser…→

DORINE

Ah! jamais les amants↔ne sont las de jaser.→

Sortez, vous dis-je.

VALÈRE (Il fait un pas, et revient.)

Enfin…↔[155]

DORINE

Quel caquet est le vôtre !→

Tirez[156] de cette part ; ↔et vous, tirez de l’autre.→

(Les poussant chacun par l’épaule.)

ACTE III

SCÈNE PREMIÈRE

DAMIS, DORINE.

DAMIS

Que la foudre, sur l’heure, ↔achève mes destins ;→

Qu’on me traite partout, ↔du plus grand des faquins,→

S’il est aucun respect, ↔ni pouvoir, qui m’arrête,→

Et si je ne fais pas ↔ quelque coup de ma tête.→

DORINE

De grâce, modérez ↔ un tel emportement,→

Votre père n’a fait ↔ qu’en parler simplement :→

On n’exécute pas ↔ tout ce qui se propose ;→

Et le chemin est long, ↔ du projet а la chose[157].→

DAMIS

Il faut que de ce fat ↔ j’arrête les complots,→

Et qu’а l’oreille, un peu, ↔ je lui dise deux mots.→

DORINE

Ha, tout doux ; envers lui, ↔ comme envers votre père,→

Laissez agir les soins ↔ de votre belle-mère.→

Sur l’esprit de Tartuffe, ↔ elle a quelque crédit ;→

Il se rend complaisant ↔ а tout ce qu’elle dit,→

Et pourrait bien avoir ↔ douceur de cœur pour elle.→

Plût а Dieu qu’il fût vrai! ↔ la chose serait belle.→

Enfin votre intérêt ↔ l’oblige а le mander ;→

Sur l’hymen[158] qui vous trouble, ↔ elle veut le sonder,→

Savoir ses sentiments, ↔ et lui faire conntre→

Quels fâcheux démêlés ↔ il pourra faire ntre ;→

S’il faut qu’а ce dessein ↔ il prête quelque espoir.→

Son valet dit qu’il prie, ↔ et je n’ai pu le voir :→

Mais ce valet m’a dit ↔ qu’il s’en allait descendre.→

Sortez donc, je vous prie, ↔ et me laissez l’attendre.→

 

DAMIS

Je puis être présent ↔ а tout cet entretien.→

DORINE

Point, il faut qu’ils soient seuls.↔

DAMIS

Je ne lui dirai rien.→

DORINE

Vous vous moquez ; on sait ↔ vos transports ordinaires,→

Et c’est le vrai mo[i](y)[j]en ↔ de gâter les affaires.→

Sortez.

DAMIS

Non, je veux voir, ↔ sans me mettre en courroux.→

DORINE

Que vous êtes fâcheux! ↔ Il vient, retirez-vous.

SCÈNE II

TARTUFFE, LAURENT, DORINE.

TARTUFFE (apercevant Dorine)

 

Laurent, serrez ma haire, ↔avec ma discipline,→

Et pri[j]ez que toujours ↔le Ciel vous illumine.→

Si l’on vient pour me voir, ↔ je vais aux prisonniers,→

Des aumônes que j’ai, ↔ partager les deniers.→

DORINE

↑ Que d’affectation, ↔ et de forfanterie !→

TARTUFFE

Que voulez-vous?

DORINE

Vous dire… ↔

TARTUFFE (Il tire un mouchoir de sa poche.)

Ah! mon Dieu, je vous prie,→

Avant que de parler, ↔ prenez-moi ce mouchoir.→

DORINE

Comment?

TARTUFFE

Couvrez ce sein, ↔ que je ne saurais voir.→

Par de pareils objets ↔ les âmes sont blessées,→

Et cela fait venir ↔ de coupables pensées.→

DORINE

Vous êtes donc bien tendre ↔ а la ↑ tentation;→

Et la chair, sur vos sens, ↔ fait grande impression?→

Certes, je ne sais pas ↔ quelle chaleur vous monte :→

Mais а convoiter, moi, ↔ je ne suis pas si prompte[159];→

Et je vous verrais nu ↔ du haut jusques en bas,→

Que toute votre peau ↔ ne me tenterait pas.→

 

TARTUFFE

Mettez dans vos discours ↔ un peu de modestie,→

Ou je vais, sur-le-champ[160], ↔ vous quitter la partie.→

DORINE

Non, non, c’est moi qui vais ↔ vous laisser en repos,→

Et je n’ai seulement ↔ qu’а vous dire deux mots.→

Madame va venir ↔ dans cette salle basse,→

Et d’un mot d’entretien ↔ vous demande la grâce.→

TARTUFFE

Hélas ![161] très volontiers. ↔

DORINE (en soi-même.)

Comme il se radoucit !→

Ma foi, je suis toujours ↔ pour ce que j’en ai dit.→

TARTUFFE

Viendra-t-elle bientôt ? ↔

DORINE

Je l’entends, ce me semble.→

Oui, c’est elle en personne, ↔ et je vous laisse ensemble.

SCÈNE III

ELMIRE, TARTUFFE.

TARTUFFE

Que le Ciel а jamais,↔ par sa toute bonté,→

Et de l’âme, et du corps, ↔vous donne la santé ;→

Et bénisse vos jours↔autant que le désire→

Le plus humble de ceux↔que son amour inspire.→

ELMIRE

Je suis fort obligée↔а ce souhait ↑ pieux :→

Mais prenons une chaise, ↔afin d’être un peu mieux.→

TARTUFFE

Comment, de votre mal, ↔vous sentez-vous remise ?→

ELMIRE

Fort bien ; et cette fvre↔a bientôt quitté prise.→

TARTUFFE

Mes prières n’ont pas↔le mérite qu’il faut→

Pour avoir attiré↔cette grâce d’en haut :→

Mais je n’ai fait au Ciel↔nulle dévote instance→

Qui n’ait eu pour objet ↔ votre convalescence.→

ELMIRE

Votre zèle pour moi ↔ s’est trop ↑ inquiété.→

TARTUFFE

On ne peut trop chérir ↔ votre chère santé ;→

Et pour la rétablir, ↔ j’aurais donné la mienne.→

ELMIRE

C’est pousser bien avant ↔ la charité chrétienne ;→

Et je vous dois beaucoup, ↔ pour toutes ces bontés.→

 

TARTUFFE

Je fais bien moins pour vous, ↔ que vous ne méritez.→

ELMIRE

J’ai voulu vous parler ↔ en secret, d’une affaire,→

Et suis bien aise, ici ↔ qu’aucun ne nous éclaire[162].→

TARTUFFE

J’en suis ravi de même ; ↔ et sans doute[163] il m’est doux,→

Madame, de me voir, ↔ seul а seul, avec vous.→

C’est une occasion ↔ qu’au Ciel j’ai demandée,→

Sans que, jusqu’а cette heure, ↔ il me l’ait accordée.→

 

ELMIRE

Pour moi, ce que je veux, ↔ c’est un mot d’entretien,→

Où tout votre cœur s’ouvre, ↔ et ne me cache rien.→

 

TARTUFFE

Et je ne veux aussi, ↔ pour grâce singulre,→

Que montrer а vos yeux ↔ mon âme tout entre ;→

Et vous faire serment, ↔ que les bruits que j’ai faits[164],→

Des visites qu’ici ↔ reçoivent vos attraits,→

Ne sont pas, envers vous, ↔ l’effet d’aucune haine,→

Mais plutôt d’un transport ↔ de zèle qui m’entrne,→

Et d’un pur mouvement… ↔

 

ELMIRE

Je le prends bien aussi,→

Et crois que mon salut ↔ vous donne ce souci.→

TARTUFFE (Il lui serre les bouts des doigts.)

Oui, Madame, sans doute ; ↔ et ma ferveur est telle…→

 

ELMIRE

Ouf, vous me serrez trop.↔

TARTUFFE

C’est par excès de zèle.→

De vous faire autre mal, ↔ je n’eus jamais dessein[165],→

Et j’aurais bien plutôt… ↔ (Il lui met la main sur le genou.)

ELMIRE

Que fait lа votre main ?→

TARTUFFE

Je tâte votre habit, ↔ l’étoffe en est moelleuse[166].→

 

ELMIRE

Ah! de grâce, laissez, ↔ je suis fort chatouill[j]euse.→(Elle recule sa chaise, et Tartuffe rapproche la sienne.)

TARTUFFE

Mon Dieu, que de ce point ↔ l’ouvrage est merveilleux!→

On travaille aujourd’hui, ↔ d’un air miraculeux ;→

Jamais, en toute chose, ↔ on n’a vu si bien faire.→

ELMIRE

Il est vrai. Mais parlons ↔ un peu de notre affaire.→

On tient que mon mari ↔ veut dégager sa foi,→

Et vous donner sa fille ; ↔ est-il vrai, dites-moi ?→

 

TARTUFFE

Il m’en a dit deux mots : ↔ mais, Madame, а vrai dire,→

Ce n’est pas le bonheur ↔ après quoi je soupire ;→

Et je vois autre part ↔ les merveill[j]eux attraits→

De la félicité ↔ qui fait tous mes souhaits.→

ELMIRE

C’est que vous n’aimez rien ↔ des choses de la terre.→

TARTUFFE

Mon sein n’enferme pas ↔ un cœur qui soit de pierre.→

ELMIRE

Pour moi, je crois qu’au Ciel ↔ tendent tous vos soupirs,→

Et que rien, ici-bas, ↔ n’arrête vos désirs.→

TARTUFFE

L’amour qui nous attache ↔ aux beautés éternelles,→

N’étouffe pas en nous ↔ l’amour des temporelles.→

Nos sens facilement ↔ peuvent être charmés→

Des ouvrages parfaits ↔ que le Ciel a formés.→

Ses attraits réfléchis[167] ↔ brillent dans vos pareilles :→

Mais il étale en vous ↔ ses plus rares merveilles.→

Il a sur votre face ↔ épanché des beautés,→

Dont les yeux sont surpris, ↔ et les cœurs transportés ;→

Et je n’ai pu vous voir, ↔ parfaite créature,→

Sans admirer en vous ↔ l’auteur de la nature,→

Et d’une ardente amour[168] ↔ sentir mon cœur atteint,→

Au plus beau des portraits[169] ↔ où lui-même il s’est peint.→

D’abord j’appréhendai ↔ que cette ardeur secrète→

Ne fût du noir esprit[170] une surprise adroite[171];→

Et même а fuir vos yeux, ↔ mon cœur se résolut,→

Vous cro[i](y)[j]ant un obstacle ↔ а faire mon salut.→

Mais enfin je connus, ↔ ô beauté toute aimable,→

Que cette passion peut ↔ ↑ n’être point coupable ;→

Que je puis l’ajuster ↔ avecque la pudeur,→

Et c’est ce qui m’y fait↔abandonner mon cœur.→

Ce m’est, je le confesse, ↔une audace bien grande[172],→

Que d’oser, de ce cœur, ↔ vous adresser l’offrande ;→

Mais j’attends, en mes vœux, ↔ tout de votre bonté,→

Et rien des vains efforts ↔ de mon infirmité.→

En vous est mon espoir, ↔ mon bien,↑ ma quiétude :→

De vous dépend ma peine, ↔ ou maatitude ;→

Et je vais être enfin, ↔par votre seul arrêt,→

Heureux, si vous voulez; ↔malheureux, s’il vous plt.→

ELMIRE

↑La déclaration↔est tout а fait galante :→

Mais elle est, а vrai dire, ↔un peu bien surprenante.→

Vous deviez[173], ce me semble, ↔armer mieux votre sein,→

Et raisonner un peu↔sur un pareil dessein.→

Un dévot comme vous, ↔et que partout on nomme…→

TARTUFFE

Ah! pour être dévot, ↔je n’en suis pas moins homme[174];→

Et lorsqu’on vient а voir↔vos célestes appas,→

Un cœur se laisse prendre, ↔et ne raisonne pas.→

Je sais qu’un tel discours↔de moi part étrange ;→

Mais, Madame, après tout, ↔je ne suis pas un ange ;→

Et si vous condamnez↔l’aveu que je vous fais,→

Vous devez vous en prendre↔а vos charmants attraits.→

Dès que j’en vis briller↔la splendeur plus qu’humaine,→

↑De mon intérieur[175]↔vous fûtes souveraine.→

De vos regards divins, ↔l’ineffable douceur,→

Força la résistance↔où s’obstinait mon cœur ;→

Elle surmonta tout, ↔jeûnes, prières, larmes,→

Et tourna tous mes vœux↔du côté de vos charmes.→

Mes yeux, et mes soupirs, ↔vous l’ont dit mille fois ;→

Et pour mieux m’expliquer, ↔j’emploie ici la voix.→

Que si vous contemplez, ↔d’une âme un peu bénigne,→

↑Les tribulations↔de votre esclave indigne ;→

S’il faut que vos bontés↔veuill[j]ent me consoler,→

Et jusqu’а monant↔daignent se ravaler,→

J’aurai toujours pour vous, ↔ô suave merveille,→

Une dévotion↔а nulle autre pareille.→

Votre honneur, avec moi, ↔ne court point de hasard ;→

Et n’a nulle disgrâce↔а craindre de ma part.→

Tous ces galants de cour, ↔dont les femmes sont folles,→

Sont bru[j](y)[j]ants dans leurs faits, ↔et vains dans leurs paroles.→

De leurs progrès sans cesse↔on les voit se targuer ;→

Ils n’ont point de faveurs, ↔qu’ils n’aillent divulguer ;→

Et leur langue indiscrète, ↔en qui l’on se confie,→

Déshonore l’autel↔où leur cœur sacrifie :→

Mais les gens comme nous, ↔brûlent d’un feu discret,→

Avec qui pour toujours↔on est sûr du secret.→

Le soin que nous prenons↔de notre renommée,→

Répond de toute chose↔а la personne aimée ;→

Et c’est en nous qu’on trouve, ↔acceptant notre cœur,→

De l’amour sans scandale, ↔et du plaisir sans peur[176].→

ELMIRE

Je vous écoute dire, ↔et votre rtorique,→

En termes assez forts, ↔а mon âme s’explique.→

N’appréhendez-vous point, ↔que je ne sois d’humeur→

А dire а mon mari↔cette galante ardeur ?→

Et que le prompt avis↔d’un amour de la sorte,→

Ne pût bien altérer↔l’amitié qu’il vous porte ?→

TARTUFFE

Je sais que vous avez↔trop de bénignité,→

Et que vous ferez grâce↔а ma témérité ;→

Que vous m’excuserez↔sur l’humaine faiblesse→

↑Des violents transports↔d’un amour qui vous blesse ;→

Et considérerez, ↔en regardant votre air,→

Que l’on n’est pas aveugle, ↔et qu’un homme est de chair.→

 

ELMIRE

D’autres prendraient cela↔d’autre façon, peut-être ;→

↑Mais ma discrétion↔se veut faire partre.→

Je ne redirai point↔l’affaire а mon époux ;→

Mais je veux en revanche↔une chose de vous.→

C’est de presser tout franc, ↔et sans nulle chicane,→

L’union ↑de Valère↔↑avecque Mariane ;→

De renoncer vous-même↔а l’injuste pouvoir→

Qui veut du bien d’un autre↔enrichir votre espoir ;→

Et…

SCÈNE IV

DAMIS, ELMIRE, TARTUFFE.

DAMIS (sortant du petit cabinet, où il s'était retiré.)

Non, Madame, non, ↔ceci doit se répandre.→

J’étais en cet endroit, ↔d’où j’ai pu tout entendre ;→

Et la bonté du Ciel↔m’y semble avoir conduit,→

Pour confondre l’orgueil↔d’un trtre qui me nuit ;→

Pour m’ouvrir une voie↔а prendre la vengeance→

De son hypocrisie, ↔et de son insolence ;→

А détromper mon père, ↔et lui mettre en plein jour,→

L’âme d’un scélérat ↔qui vous parle d’amour.→

ELMIRE

Non, Damis, il suffit ↔qu’il se rende plus sage,→

Et tâche а mériter ↔la grâce où je m’engage.→

Puisque je l’ai promis, ↔ne m’en dédites pas.→

Ce n’est point mon humeur ↔de faire des éclats ;→

Une femme se rit ↔de sottises pareilles,→

Et jamais d’un mari ↔n’en trouble les oreilles.→

DAMIS

Vous avez vos raisons ↔pour en user ains;→

Et pour faire autrement, ↔j’ai les miennes aussi.→

Le vouloir épargner, ↔est une raill[j]erie[177],→

Et l’insolent orgueil ↔de sa cagoterie,→

N’a triomphé que trop ↔ de mon juste courroux,→

Et que trop excité ↔ de désordre chez nous.→

Le fourbe, trop longtemps, ↔ a gouverné mon père,→

Et desservi mes feux ↔ avec ceux de Valère.→

Il faut que du perfide ↔ il soit désabusé,→

Et le Ciel, pour cela, ↔ m’offre un mo[i](y)[j]en aisé.→

De cette occasion, ↔ je lui suis redevable ;→

Et pour la négliger, ↔ elle est trop favorable.→

Ce serait mériter ↔ qu’il me la vînt ravir,→

Que de l’avoir en main, ↔ et ne m’en pas servir.→

ELMIRE

Damis…

DAMIS

Non, s’il vous plt[178], ↔ il faut que je me croie[179].→

Mon âme est maintenant ↔ au comble de sa joie ;→

Et vos discours en vain ↔ prétendent m’obliger→

А quitter le plaisir ↔ de me pouvoir venger.→

Sans aller plus avant, ↔ je vais vider d’affaire[180];→

Et voici justement ↔ de quoi me satisfaire.

SCÈNE V

ORGON, DAMIS, TARTUFFE, ELMIRE.

DAMIS

Nous allons régaler, ↔mon père, votre abord,→

D’un incident tout frais, ↔qui vous surprendra fort.→

Vous êtes bien pa[i](y)[j]é ↔de toutes vos caresses ;→

Et Monsieur, d’un beau prix, ↔reconnaît vos tendresses.→

Son grand zèle, pour vous, ↔vient de se déclarer.→

Il ne va pas а moins ↔qu’а vous déshonorer ;→

Et je l’ai surpris, lа, ↔qui faisait а Madame→

L’injurieux aveu ↔d’une coupable flamme.→

Elle est d’une humeur douce, ↔et son cœur trop discret→

Voulait, а toute force, ↔en garder le secret :→

Mais je ne puis flatter↔une telle impudence[181],→

Et crois que vous la taire, ↔ est vous faire une offense.→

ELMIRE

Oui, je tiens que jamais, ↔ de tous ces vains propos,→

On ne doit d’un mari ↔ traverser le repos;→

Que ce n’est point de lаque l’honneur peut dépendre,→

Et qu’il suffit, pour nous, ↔ de savoir nous défendre.→

Ce sont mes sentiments; ↔ et vous n’auriez rien dit,→

Damis, si j’avais eu ↔ sur vous quelque crédit.

SCÈNE VI

ORGON, DAMIS, TARTUFFE.

ORGON

Ce que je viens d’entendre, ↔ô Ciel! est-il cro[i](y)[j]able ?→

TARTUFFE

Oui, mon frère, je suis ↔un méchant, un coupable,→

Un malheureux pécheur, ↔tout plein d’iniquité,→

Le plus grand scélérat ↔qui jamais ait été.→

Chaque instant de ma vie ↔est chargé de souillures,→

Elle n’est qu’un amas ↔de crimes, et d’ordures ;→

Et je vois que le Ciel, ↔ ↑pour ma punition,→

Me veut ↑ mortifier ↔en cette occasion.→

De quelque grand forfait ↔qu’on me puisse reprendre,→

Je n’ai garde d’avoir ↔l’orgueil de m’en défendre.→

Cro[i](y)[j]ez ce qu’on vous dit, ↔armez votre courroux,→

Et comme un criminel, ↔chassez-moi de chez vous.→

Je ne saurais avoir ↔tant de honte en partage,→

Que je n’en aie encor ↔mérité davantage.→

ORGON (а son fils.)

Ah ! traître, oses-tu bien, ↔par cette fausseté,→

Vouloir de sa vertu ↔ternir la pureté ?→

DAMIS

Quoi! la feinte douceur ↔de cette âme hypocrite→

Vous fera démentir… ↔

ORGON

Tais-toi, peste maudite.→

TARTUFFE

Ah ! laissez-le parler, ↔vous l’accusez а tort,→

Et vous ferez bien mieux ↔de croire а son rapport.→

Pourquoi, sur un tel fait, ↔m’être si favorable ?→

Savez-vous, après tout, ↔de quoi je suis capable ?→

↑Vous fiez-vous, mon frère, ↔а monextérieur ?→

Et pour tout ce qu’on voit, ↔me cro[i](y)[j]ez-vous meilleur ?→

Non, non, vous vous laissez ↔tromper а l’apparence,→

Et je ne suis rien moins, ↔hélas! que ce qu’on pense.→

Tout le monde me prend ↔pour un homme de bien ;→

Mais la vérité pure, ↔est, que je ne vaux rien.→

(S’adressant а Damis.) Oui, mon cher fils, parlez, ↔traitez-moi de perfide,→

D’infâme, de perdu, ↔de voleur, d’homicide.→

Accablez-moi de noms ↔encor plus détestés.→

Je n’y contredis point, ↔je les ai mérités,→

Et j’en veux а genoux ↔souffrir l’ignominie,→

Comme une honte due ↔aux crimes de ma vie.→

ORGON (а Tartuffe.)

Mon frère, c’en est trop. ↔

(А son fils.) Ton cœur ne se rend point,→

Trtre.→

DAMIS

Quoi ! ses discours ↔vous séduiront au point…→

ORGON

Tais-toi, pendard.

(А Tartuffe.) Mon frère[182], ↔eh! levez-vous, de grâce.→

(А son fils.) Infâme.

DAMIS

Il peut…

ORGON

Tais-toi. ↔[183]

DAMIS→

J’enrage ! Quoi, je passe…→

ORGON

Si tu dis un seul mot, ↔je te romprai les bras.→

 

TARTUFFE

Mon frère, au nom de Dieu, ne vous emportez pas.→

J’aimerais mieux souffrir ↔la peine la plus dure,→

Qu’il eût reçu pour moi ↔la moindre égratignure.→

ORGON (а son fils.)

Ingrat.

TARTUFFE

Laissez-le en paix[184][185]. ↔S’il faut а deux genoux→

Vous demander sa grâce… ↔

ORGON (а Tartuffe.)

Hélas! vous moquez-vous ?→

(А son fils.) Coquin, vois sa bonté. ↔

DAMIS

Donc…

ORGON

Paix.

DAMIS

Quoi, je

ORGON

Paix, dis-je.→[186]

Je sais bien quel motif, ↔а l’attaquer, t’oblige.→

Vous le haïssez tous, ↔et je vois aujourd’hui,→

Femme, enfants, et valets, ↔déchnés contre lui.→

On met impudemment ↔toute chose en usage,→

Pour ôter de chez moi ↔ce dévot personnage :→

Mais plus on fait d’effort ↔afin de l’en bannir,→

Plus j’en veux emplo[i](y)[j]er ↔а l’y mieux retenir ;→

Et je vais me hâter ↔de lui donner ma fille,→

Pour confondre l’orgueil ↔de toute ma famille.→

DAMIS

А recevoir sa main, ↔on pense l’obliger ?→

ORGON

Oui, trtre ; et dès ce soir, ↔pour vous faire enrager.→

Ah! je vous brave tous, ↔et vous ferai conntre,→

Qu’il faut qu’on m’oisse, ↔et que je suis le mtre.→

Allons, qu’on se rétracte, ↔et qu’а l’instant, fripon,→

On se jette а ses pieds, ↔pour demander pardon.→

DAMIS

Qui, moi? de ce coquin, ↔qui par ses impostures…→

ORGON

Ah! tu résistes, gueux, ↔et lui dis des injures ?→

Un bâton, un bâton. ↔

(A Tartuffe.) Ne me retenez pas.→

(А son fils.) Sus, que de ma maison ↔on sorte de ce pas,→

Et que d’y revenir, ↔on n’ait jamais l’audace.→

 

DAMIS

Oui, je sortirai, mais… ↔

ORGON

Vite, quittons la place. ↔

Je te prive, pendard, ↔ ↑de ma succession,→

Et te donne, de plus, ↔ma malédiction.

SCÈNE VII

ORGON, TARTUFFE.

ORGON

Offenser de la sorte ↔une sainte personne !→

TARTUFFE

Ô Ciel! pardonne-lui ↔la douleur qu’il me donne[187].→

(А Orgon.) Si vous pouviez savoir ↔avec quel déplaisir→

Je vois qu’envers mon frère, ↔on tâche а me noircir…→

ORGON

Hélas !

TARTUFFE

Le seul penser↔[188] de cette ingratitude→

Fait souffrir а mon âme ↔un supplice si rude…→

L’horreur que j’en conçois… ↔J’ai le cœur si serré,→

Que je ne puis parler, ↔et crois que j’en mourrai.→

ORGON (Il court tout en larmes а la porte par où il a chassé son fils.)

Coquin. Je me repens ↔que ma main t’ait fait grâce,→

Et ne t’ait pas d’abord ↔assommé sur la place.→

Remettez-vous, mon frère, ↔et ne vous fâchez pas.→

 

TARTUFFE

Rompons, rompons le cours ↔de ces fâcheux débats.→

Je regardeans ↔quels grands troubles j’apporte,→

Et crois qu’il est besoin, ↔mon frère, que j’en sorte.→

 

 

ORGON

Comment? Vous moquez-vous ? ↔

TARTUFFE

On m’y hait, et je voi

Qu’on cherche а vous donner ↔des soupçons de ma foi[189].→

ORGON

Qu’importe ; vo[i](y)[j]ez-vous ↔que mon cœur les écoute ?→

TARTUFFE

On ne manquera pas ↔de poursuivre, sans doute[190];→

Et ces mêmes rapports, ↔qu’ici vous rejetez,→

Peut-être, une autre fois, ↔seront-ils écoutés.→

ORGON

Non, mon frère, jamais. ↔

TARTUFFE

Ah ! mon frère, une femme[191]

Aisément, d’un mari, ↔ peut bien surprendre l’âme.→

ORGON

Non, non.

TARTUFFE

Laissez-moi vite,↔[192] en m’éloignant d’ici,→

Leur ôter tout sujet ↔ de m’attaquer ainsi.→

ORGON

Non, vous demeurerez, ↔ il y va de ma vie.→

 

TARTUFFE

Hé bien, il faudra donc ↔ que je me mortifie.→

Pourtant, si vous vouliez… ↔

 

ORGON

Ah !

TARTUFFE

Soit, n’en parlons plus.→

Mais je sais comme il faut ↔ en user lа-dessus.→

L’honneur est délicat, ↔ et l’amit m’engage→

А prévenir les bruits, ↔ et les sujets d’ombrage.→

Je fuirai votre épouse, ↔ et vous ne me verrez…→

ORGON

Non, en dépit de tous, ↔ vous la fréquenterez.→

Faire enrager le monde, ↔ est ma plus grande joie,→

Et je veux qu’а toute heure ↔ avec elle on vous voie.→

Ce n’est pas tout encor ; ↔ pour les mieux braver tous,→

Je ne veux point avoir ↔ d’autre héritier que vous ;→

Et je vais de ce pas, ↔ en fort bonne manre,→

Vous faire de mon bien, ↔ ↑ donation entre.→

Un bon et franc ami, ↔ que pour gendre je prends,→

M’est bien plus cher que fils, ↔ que femme, et que parents.→

N’accepterez-vous pas ↔ce que je vous propose ?→

 

TARTUFFE

La volonté du Ciel ↔ soit faite en toute chose[193].→

ORGON

Le pauvre homme! Allons vite ↔ en dresser un écrit,→

Et que puisse l’envie ↔ en crever de dépit.

ACTE IV

SCÈNE PREMIÈRE

CLÉANTE, TARTUFFE.

CLÉANTE

Oui, tout le monde en parle, ↔et vous m’en pouvez croire.→

L’éclat que fait ce bruit, ↔n’est point а votre gloire ;→

Et je vous ai trouvé, ↔Monsieur, fort а propos,→

Pour vous en dire net ↔ma pensée en deux mots.→

Je n’examine point ↔а fond ce qu’on expose,→

Je passe lа-dessus, ↔et prends au pis la chose.→

Supposons que Damis ↔n’en ait pas bien usé,→

Et que ce soit а tort ↔qu’on vous ait accusé :→

N’est-il pas d’un chrétien, ↔de pardonner l’offense,→

Et d’éteindre en son cœur ↔tout désir de vengeance ?→

Et devez-vous souffrir, ↔pour votre démêlé,→

Que du logis d’un père, ↔un fils soit exilé ?→

Je vous le dis encore, ↔et parle avec franchise ;→

Il n’est petit, ni grand, ↔qui ne s’en scandalise ;→

Et si vous m’en cro[i](y)[j]ez, ↔vous pacifierez tout,→

Et ne pousserez point ↔les affaires а bout.→

↑Sacrifiez а Dieu ↔toute votre colère,→

Et remettez le fils ↔en grâce avec le père.→

TARTUFFE

Hélas! je le voudrais, ↔quant а moi, de bon cœur ;→

Je ne garde pour lui, ↔Monsieur, aucune aigreur,→

Je lui pardonne tout, ↔de rien je ne le blâme,→

Et voudrais le servir ↔du mei[j]lleur de mon âme :→

Mais l’intérêt du Ciel ↔n’y saurait consentir ;→

Et s’il rentreans, ↔c’est а moi d’en sortir.→

Après ↑son action ↔qui n’eut jamais d’égale,→

Le commerce, entre nous, ↔porterait du scandale :→

Dieu sait ce que d’abord ↔tout le monde en croirait ;→

А pure politique, ↔on me l’imputerait ;→

Et l’on dirait partout, ↔que me sentant coupable,→

Je feins, pour qui m’accuse, ↔un zèle charitable ;→

Que mon cœur l’appréhende, ↔et veut le ménager,→

Pour le pouvoir, sous main, ↔au silence engager.→

CLÉANTE

Vous nous pa[i](y)[j]ez ici ↔d’excuses colorées[194],→

Et toutes vos raisons, ↔Monsieur, sont trop tirées[195]

Des intérêts du Ciel. ↔Pourquoi vous chargez-vous ?→

Pour punir le coupable, ↔a-t-il besoin de nous ?→

Laissez-lui, laissez-lui ↔le soin de ses vengeances,→

Ne songez qu’au pardon ↔qu’il prescrit des offenses ;→

Et ne regardez point ↔aux jugements humains,→

Quand vous suivez du Ciel ↔les ordres souverains.→

Quoi ! le faible intérêt ↔de ce qu’on pourra croire,→

D’une bonne action, ↔empêchera la gloire ?→

Non, non, faisons toujours ↔ce que le Ciel prescrit,→

Et d’aucun autre soin ↔ne nous brouillons l’esprit.→

TARTUFFE

Je vous ai déjа dit ↔que mon cœur lui pardonne,→

Et c’est faire, Monsieur, ↔ce que le Ciel ordonne :→

Mais après le scandale, ↔et l’affront d’aujourd’hui,→

Le Ciel n’ordonne pas ↔que je vive avec lui.→

CLÉANTE

Et vous ordonne-t-il, ↔Monsieur, d’ouvrir l’oreille→

А ce qu’un pur caprice ↔а son père conseille ?→

Et d’accepter le don ↔qui vous est fait d’un bien

Où le droit vous oblige ↔а ne prétendre rien.→

TARTUFFE

Ceux qui me connaîtront, ↔n’auront pas la pensée→

Que ce soit un effet ↔d’une âme intéressée.→

Tous les biens de ce monde ↔ont pour moi peu d’appas,→

De leur éclat trompeur ↔je ne m’éblouis pas ;→

Et si je me résous ↔а recevoir du père→

↑Cette donation ↔qu’il a voulu me faire,→

Ce n’est а dire vrai, ↔que parce que je crains→

Que tout ce bien ne tombe ↔en de méchantes mains ;→

Qu’il ne trouve des gens, ↔qui l’a[i](y)[j]ant en partage,→

En fassent, dans le monde, ↔un criminel usage ;→

Et ne s’en servent pas, ↔ainsi que j’ai dessein,→

Pour la gloire du Ciel, ↔et le bien du prochain.→

CLÉANTE

Hé, Monsieur, n’a[i](y)[j]ez point ↔ces délicates craintes,→

Qui d’un juste héritier ↔peuvent causer les plaintes.→

Souffrez, sans vous vouloir ↔embarrasser de rien,→

Qu’il soit, а ses périls, ↔possesseur de son bien ;→

Et songez qu’il vaut mieux ↔encor qu’il en mésuse,→

Que si de l’en frustrer, ↔il faut qu’on vous accuse.→

J’admire seulement ↔ ↑que, sans confusion,→

Vous en a[i](y)[j]ez souffert ↔ ↑la proposition :→

Car enfin, le vrai zèle ↔a-t-il quelque maxime→

Qui montre а[196] dépouiller ↔l’héritier légitime ?→

Et s’il faut que le Ciel ↔dans votre cœur ait mis→

Un invincible obstacle ↔а vivre avec Damis,→

Ne vaudrait-il pas mieux, ↔qu’en personne discrète,→

Vous fissiez deans ↔une honnête retraite,→

Que de souffrir ainsi, ↔contre toute raison,→

Qu’on en chasse, pour vous, ↔le fils de la maison ?→

Cro[i](y)[j]ez-moi, c’est donner ↔de votre prud’homie,→

Monsieur…

TARTUFFE

Il est, Monsieur, ↔[197]trois heures et demie ;→

Certain devoir ↑ pieux ↔me demande lа-haut,→

Et vous m’excuserez, ↔de vous quitter sitôt.→

CLÉANTE

Ah ![198]

SCÈNE II

ELMIRE, MARIANE, DORINE, CLÉANTE.

DORINE

De grâce, avec nous, ↔emplo[i](y)[j]ez-vous pour elle,→

Monsieur, son âme souffre ↔une douleur mortelle ;→

Et l’accord que son père ↔a conclu pour ce soir[199],→

La fait, а tous moments, ↔entrer en désespoir.→

Il va venir ; joignons ↔nos efforts, je vous prie,→

Et tâchons d’ébranler ↔de force, ou d’industrie,→

Ce malheureux dessein ↔qui nous a tous troublés.

SCÈNE III

ORGON, ELMIRE, MARIANE, CLÉANTE, DORINE.

ORGON

↑Ha, je me réjouis ↔de vous voir assemblés.→

(А Mariane.) Je porte, en ce contrat, ↔de quoi vous faire rire,→

Et vous savez déjа ↔ce que cela veut dire.→

MARIANE (а genoux.)

Mon père, au nom du Ciel, ↔qui connaît ma douleur,→

Et par tout ce qui peut ↔émouvoir votre cœur,→

Relâchez-vous un peu ↔des droits de la naissance[200],→

Et dispensez mes vœux↔de cette obéissance[201].→

Ne me réduisez point, ↔par cette dure loi,→

Jusqu’а me plaindre au Ciel↔de ce que je vous doi :→

Et cette vie, hélas! ↔que vous m’avez donnée,→

Ne me la rendez pas, ↔ mon père, infortunée.→

Si contre un doux espoir ↔ que j’avais pu former,→

Vous me défendez d’être ↔ а ce que j’ose aimer ;→

Au moins, par vos bontés, ↔ qu’а vos genoux j’implore,→

Sauvez-moi du tourment ↔ d’être а ce que j’abhorre ;→

Et ne me portez point ↔ а quelque désespoir,→

En vous servant, sur moi, ↔ de tout votre pouvoir.→

ORGON (se sentant attendrir.)

Allons, ferme, mon cœur,point de faiblesse humaine.→

MARIANE

Vos tendresses pour lui, ↔ ne me font point de peine ;→

Faites-les éclater, ↔ donnez-lui votre bien ;→

Et si ce n’est assez, ↔ joignez-y tout le mien[202],→

J’y consens de bon cœur, ↔ et je vous l’abandonne.→

Mais au moins n’allez pas ↔ jusques а ma personne,→

Et souffrez qu’un couvent, ↔ dans les austérités,→

Use les tristes jours ↔ que le Ciel m’a comptés.→

ORGON

Ah! voilа justement ↔ ↑de mes religieuses,→

Lorsqu’un père combat↔leurs flammes amoureuses.→

Debout. Plus votre cœur↔répugne à l’accepter,→

Plus ce sera pour vous, ↔matre à mériter.→

↑Mortifiez vos sens↔avec ↑ce mariage,→

Et ne me rompez pas↔la tête davantage.→

 

DORINE

Mais quoi

ORGON

Taisez-vous, vous. ↔[203]Parlez à votre écot[204],→

Je vous défends, tout net, ↔d’oser dire un seul mot.→

CLÉANTE→

Si par quelque conseil, ↔vous souffrez qu’on réponde…→

ORGON

Mon frère, vos conseils↔sont les mei[j]lleurs du monde,→

Ils sont bien raisonnés, ↔et j’en fais un grand cas ;→

Mais vous trouverez bon↔que je n’en use pas.→

ELMIRE (à son mari.)

À voir ce que je vois, ↔je ne sais plus que dire,→

Et votre aveuglement↔fait que je vous admire[205].→

C’est être bien coiffé[206],↔bien prévenu de lui,→

Que de nous démentir↔sur le fait d’aujourd’hui.→

ORGON

Je suis votre valet, ↔et crois les apparences.→

Pour mon fripon de fils, ↔je sais vos complaisances,→

Et vous avez eu peur↔ ↑ de le désavouer→

Du trait qu’à ce pauvre homme ↔ il a voulu ↑ jouer.→

Vous étiez trop tranquille ↔ enfin, pour être crue,→

Et vous auriez paru ↔ d’autre manre émue.→

 

ELMIRE

Est-ce qu’au simple aveu ↔ d’un amoureux transport,→

Il faut que notre honneur ↔ se gendarme si fort ?→

Et ne peut-on répondre ↔ à tout ce qui le touche,→

Que le feu dans les yeux, ↔ et l’injure à la bouche?→

Pour moi, de tels propos, ↔ je me ris simplement,→

Et l’éclat, là-dessus, ↔ ne me plaît nullement.→

J’aime qu’avec douceur ↔ nous nous montri[j]ons sages,→

Et ne suis point, du tout, ↔ pour ces prudes sauvages,→

Dont l’honneur est armé ↔ de griffes, et de dents,→

Et veut, au moindre mot, ↔ dévisager[207] les gens.→

Me préserve le Ciel ↔ d’une telle sagesse!→

Je veux une vertu ↔ qui ne soit point diablesse,→

Et crois que d’un refus, ↔ la discrète froideur,→

N’en est pas moins puissante ↔ à rebuter un cœur.→

ORGON

Enfin je sais l’affaire, ↔ et ne prends point le change.→

ELMIRE

J’admire, encore un coup, ↔ cette faiblesse étrange.→

Mais que me répondrait ↔votre incrédulité,→

Si je vous faisais voir ↔ qu’on vous dit vérité ?→

ORGON

Voir ?

ELMIRE

Oui.

ORGON

Chansons.

ELMIRE

Mais quoi !↔[208]si je trouvais manre→

De vous le faire voir↔avec pleine lumre? →

ORGON

Contes en l’air.

ELMIRE

Quel homme! ↔[209]Au moins répondez-moi.→

Je ne vous parle pas↔de nous ajouter foi :→

Mais supposons ici, ↔que d’un lieu qu’on peut prendre,→

On vous fît clairement↔tout voir, et tout entendre,→

Que diriez-vous alors↔de votre homme de bien ?→

 

ORGON

En ce cas, je dirais que…↔↑Je ne dirais rien,→

Car cela ne se peut. ↔

ELMIRE

L’erreur trop longtemps dure,→

Et c’est trop condamner↔ma bouche d’imposture.→

Il faut que par plaisir, ↔et sans aller plus loin[210],→

De tout ce qu’on vous dit, ↔je vous fasse témoin.→

ORGON

Soit je vous prends au mot. ↔Nous verrons votre adresse→

Et comment vous pourrez↔remplir cette promesse.→

ELMIRE

Faites-le-moi venir. ↔

DORINE

Son esprit est rusé,→

Et peut-être, à surprendre, ↔il sera malaisé.→

ELMIRE

Non, on est aisément↔dupé par ce qu’on aime,→

Et l’amour-propre, engage↔à se tromper soi-même.→

Faites-le-moi descendre ; ↔et vous, retirez-vous.→

(Parlant à Cléante, et à Mariane.)

SCÈNE IV

ELMIRE, ORGON.

ELMIRE

Approchons cette table,↔ et vous mettez dessous.→

ORGON

Comment?

ELMIRE

Vous bien cacher, ↔[211]est un point nécessaire.→

ORGON

Pourquoi sous cette table ? ↔

ELMIRE

Ah! mon Dieu, laissez faire,→

J’ai mon dessein en tête, ↔et vous en jugerez.→

Mettez-vous là, vous dis-je; ↔et quand vous y serez,→

Gardez qu’on ne vous voie, ↔et qu’on ne vous entende.→

ORGON→

Je confesse qu’ici↔ma complaisance est grande ;→

Mais de votre entreprise, il vous faut voir sortir.→

ELMIRE→

Vous n’aurez, que je crois, ↔rien à me repartir.→

(À son mari qui est sous la table.) Au moins, je vais toucher↔une étrange matre,→

Ne vous scandalisez↔en aucune manière.→

Quoi que je puisse dire, ↔il[212] doit m’être permis,→

Et c’est pour vous convaincre, ↔ainsi que j’ai promis.→

Je vais par des douceurs, ↔puisque j’y suis réduite,→

Faire poser le masque↔à cette âme hypocrite,→

Flatter, de son amour, ↔les désirs effrontés,→

Et donner un champ libre↔à ses témérités.→

Comme c’est pour vous seul, ↔et pour mieux le confondre,→

Que mon âme à ses vœux↔va feindre de répondre,→

J’aurai lieu de cesser↔dès que vous vous rendrez,→

Et les choses n’iront↔que jusqu’où vous voudrez.→

C’est à vous d’arrêter↔son ardeur insensée,→

Quand vous croirez l’affaire↔assez avant poussée,→

D’épargner votre femme, ↔et de ne m’exposer→

Qu’à ce qu’il vous faudra↔pour vous désabuser.→

Ce sont vos intérêts, ↔vous en serez le mtre,→

Et… L’on vient, tenez-vous, ↔et gardez de partre.

SCÈNE V

TARTUFFE, ELMIRE, ORGON.

TARTUFFE

On m’a dit qu’en ce lieu ↔vous me vouliez parler.→

 

ELMIRE

Oui, l’on a des secrets ↔à vous y révéler :→

Mais tirez cette porte ↔avant qu’on vous les dise,→

Et regardez partout, ↔de crainte de surprise :→

Une affaire pareille ↔à celle de tantôt,→

N’est pas assurément ↔ici ce qu’il nous faut.→

Jamais il ne s’est vu ↔de surprise de même,→

Damis m’a fait, pour vous, ↔une fra[i](y)[j]eur extrême,→

Et vous avez bien vu ↔que j’ai fait mes efforts→

Pour rompre son dessein, ↔et calmer ses transports.→

Mon trouble, il est bien vrai, ↔m’a si fort possédée[213],→

Que de le démentir ↔je n’ai point eu l’idée :→

Mais par là, grâce au Ciel, ↔tout a bien mieux été,→

Et les choses en sont ↔dans plus de sûreté[214].→

L’estime où l’on vous tient, ↔a dissipé l’orage,→

Et mon mari, de vous, ↔ne peut prendre d’ombrage.→

Pour mieux braver l’éclat↔des mauvais jugements,→

Il veut que nous so[i](y)[j]ons↔ensemble à tous moments ;→

Et c’est par je puis, ↔sans peur d’être blâmée,→

Me trouver ici seule↔avec vous enfermée,→

Et ce qui m’autorise↔à vous ouvrir un cœur→

Un peu trop prompt, peut-être, ↔à souffrir votre ardeur.→

TARTUFFE

Ce langage, à comprendre, ↔[215]est assez difficile,→[216]

Madame, et vous parliez↔tantôt d’un autre style.→

ELMIRE

Ah! si d’un tel refus↔vous êtes en courroux,→

Que le cœur d’une femme↔est mal connu de vous !→

Et que vous savez peu↔ce qu’il veut faire entendre,→

Lorsque si faiblement↔on le voit se défendre !→

Toujours notre pudeur↔combat, dans ces moments,→

Ce qu’on peut nous donner↔de tendres sentiments.→

Quelque raison qu’on trouve↔à l’amour qui nous dompte,→

On trouve à l’avouer, ↔toujours un peu de honte ;→

On s’en défend d’abord; ↔mais de l’air qu’on s’y prend,→

On fait conntre assez↔que notre cœur se rend ;→

Qu’à nos vœux, par honneur,↔notre bouche s’oppose,→

Et que de tels refus↔promettent toute chose.→

C’est vous faire, sans doute, ↔un assez libre aveu,→

Et sur notre pudeur↔me ménager bien peu :→

Mais puisque la parole↔enfin en est lâchée,→

À retenir Damis, ↔me serais-je attachée ?→

Aurais-je, je vous prie, ↔avec tant de douceur,→

Écouté tout au long↔l’offre de votre cœur ?→

Aurais-je pris la chose↔ainsi qu’on m’a vu faire,→

Si l’offre de ce cœur↔n’eût eu de quoi me plaire?→

Et lorsque j’ai voulu↔moi-même vous forcer→

À refuser l’hymen↔qu’on venait d’annoncer,→

Qu’est-ce que cette instance↔a dû vous faire entendre,→

Que l’intérêt[217] qu’en vous↔on s’avise de prendre,→

Et l’ennui qu’on aurait↔que ce nœud qu’on résout,→

Vînt partager du moins↔un cœur que l’on veut tout ?→

TARTUFFE→

C’est sans doute[218], Madame, ↔une douceur extrême,→

Que d’entendre ces mots↔d’une bouche qu’on aime ;→

Leur miel, dans tous mes sens, ↔fait couler à longs traits→

Une suavité↔qu’on ne goûta jamais.→

Le bonheur de vous plaire, ↔est ma suprême étude,→

Et mon cœur, de vos vœux, ↔fait saatitude ;→

Mais ce cœur vous demande↔ici la liberté,→

D’oser douter un peu↔de sa félicité.→

Je puis croire ces mots↔un artifice honnête,→

Pour m’obliger à rompre↔un hymen qui s’apprête ;→

Et s’il faut librement↔m’expliquer avec vous,→

Je ne me fierai point↔à des propos si doux,→

Qu’un peu de vos faveurs, ↔après quoi je soupire,→

Ne vienne m’assurer ↔tout ce qu’ils m’ont pu dire,→

Et planter dans mon âme↔une constante foi

Des charmantes bontés↔que vous avez pour moi.→

ELMIRE (Elle tousse pour avertir son mari.)

Quoi! vous voulez aller↔avec cette vitesse,→

Et d’un cœur, tout d’abord, ↔épuiser la tendresse ?→

On se tue à vous faire↔un aveu des plus doux,→

Cependant ce n’est pas↔encore assez pour vous ;→

Et l’on ne peut aller↔jusqu’à vous satisfaire,→

Qu’aux dernières faveurs↔on ne pousse l’affaire ?[219]

TARTUFFE

Moins on mérite un bien, ↔moins on l’ose espérer ;→

Nos vœux, sur des discours, ↔ont peine à s’assurer ;→

On soupçonne aisément↔un sort[220] tout plein de gloire,→

Et l’on veut en jouir,avant que de le croire.→

Pour moi, qui crois si peu↔mériter vos bontés,→

Je doute du bonheur↔de mes témérités[221];→

Et je ne croirai rien, ↔que vous n’a[i](y)[j]ez, Madame,→

Par des réalités, ↔su convaincre ma flamme.→

ELMIRE

Mon Dieu, que votre amour, ↔en vrai tyran agit !→

Et qu’en un trouble étrange↔il me jette l’esprit !→

Que sur les cœurs il prend↔↑un furieux empire !→

Et qu’avec violence↔il veut ce qu’il désire !→

Quoi ! de votre poursuite, ↔on ne peut se parer[222],→

Et vous ne donnez pas↔le temps de respirer ?→

Sied-il bien de tenir↔une rigueur si grande ?→

De vouloir sans quartier, ↔les choses qu’on demande ?→

Et d’abuser ainsi, ↔par vos efforts pressants,→

Du faible que pour vous, ↔vous vo[i](y)[j]ez qu’ont les gens ?→

TARTUFFE

Mais si d’un œil bénin↔vous vo[i](y)[j]ez mes hommages,→

Pourquoi m’en refuser↔d’assurés témoignages ?→

ELMIRE

Mais comment consentir↔à ce que vous voulez,→

Sans offenser le Ciel, ↔dont toujours vous parlez ?→

 

TARTUFFE

Si ce n’est que le Ciel↔qu’à mes vœux on oppose,→

Lever un tel obstacle, ↔est à moi peu de chose,→

Et cela ne doit pas↔retenir votre cœur.→

ELMIRE

Mais des arrêts du Ciel↔on nous fait tant de peur.→

TARTUFFE

Je puis vous dissiper↔ces craintes ridicules,→

Madame, et je sais l’art↔de lever les scrupules.→

Le Ciel défend, de vrai, ↔certains contentements ;→

(C’est un scélérat qui parle.)

Mais on trouve avec lui↔des accommodements.→

Selon divers besoins, ↔↑il est une science,→

D’étendre les liens↔de notre conscience,→

Et de rectifier↔le mal ↑de l’action

Avec la pureté↔de notre intention[223].→

De ces secrets, Madame, ↔on saura vous instruire ;→

Vous n’avez seulement↔qu’à vous laisser conduire.→

Contentez mon désir, ↔et n’a[i](y)[j]ez point d’effroi,→

Je vous réponds de tout, ↔et prends le mal sur moi.→

Vous toussez fort, Madame. ↔

ELMIRE

Oui, je suis au supplice.→

TARTUFFE

Vous plt-il un morceau↔de ce jus de réglisse ?→

 

ELMIRE

C’est un rhume obstiné, ↔sans doute, et je vois bien

Que tous les jus du monde, ↔ici, ne feront rien.→

TARTUFFE

Cela, certe, est fâcheux. ↔

ELMIRE

Oui, plus qu’on ne peut dire.→

TARTUFFE

Enfin votre scrupule↔est facile à détruire,→

Vous êtes assurée↔ici d’un plein secret,→

Et le mal n’est jamais↔que dans l’éclat qu’on fait.→

Le scandale du monde, ↔est ce qui fait l’offense ;→

Et ce n’est pas pécher, ↔que pécher en silence.→

ELMIRE (après avoir encore toussé.)

Enfin je vois qu’il faut↔se résoudre à céder,→

Qu’il faut que je consente↔à vous tout accorder ;→

Et qu’à moins de cela, ↔je ne dois point prétendre→

Qu’on puisse être content, ↔et qu’on veuille se rendre.→

Sans doute[224], il est fâcheux↔d’en venir jusque-là,→

Et c’est bien malgré moi, ↔que je franchis cela :→

Mais puisque l’on s’obstine↔à m’y vouloir réduire,→

Puisqu’on ne veut point croire↔à tout ce qu’on peut dire,→

Et qu’on veut des témoins↔qui soient plus convaincants,→

Il faut bien s’y résoudre, ↔et contenter les gens.→

Si ce consentement↔porte en soi quelque offense,→

Tant pis pour qui me force↔à cette violence ;→

La faute assurément ↔ n’en doit pas être à moi.→

TARTUFFE

Oui, Madame, on s’en charge, ↔ et la chose de soi…→

ELMIRE

Ouvrez un peu la porte,↔et vo[i](y)[j]ez, je vous prie,→

Si mon mari n’est point↔dans cette galerie.→

TARTUFFE

Qu’est-il besoin pour lui,↔du soin que vous prenez ?→

C’est un homme, entre nous,↔à mener par le nez.→

De tous nos entretiens,↔il est pour faire gloire,→

Et je l’ai mis au point↔de voir tout, sans rien croire.→

 

ELMIRE

Il n’importe, sortez,↔je vous prie, un moment,→

Et partout, là dehors,↔vo[i](y)[j]ez exactement.

SCÈNE VI

ORGON, ELMIRE.

ORGON (sortant de dessous la table.)

Voilà, je vous l’avoue,↔un abominable homme !→

Je n’en puis revenir, ↔et tout ceci m’assomme.→

ELMIRE

Quoi! vous sortez sitôt? ↔Vous vous moquez des gens.→

Rentrez sous le tapis, ↔il n’est pas encor temps ;→

Attendez jusqu’au bout, ↔pour voir les choses sûres,→

Et ne vous fiez ↑ point ↔aux simples conjectures.→

 

ORGON

Non, rien de plus méchant ↔n’est sorti de l’Enfer.→

ELMIRE

Mon Dieu, l’on ne doit point ↔croire trop de léger ;→[225]

Laissez-vous bien convaincre, ↔avant que de vous rendre,→

Et ne vous hâtez point, ↔de peur de vous méprendre[226]. (Elle fait mettre son mari derrière elle.)

SCÈNE VII

TARTUFFE, ELMIRE, ORGON.

TARTUFFE

Tout conspire, Madam↔à mon contentement :→

J’ai visité, de l’oeil,↔tout cet appartement,→

Personne ne s’y trouve,↔et mon âme ravie…→

 

 

ORGON (en l’arrêtant.)

Tout doux, vous suivez trop↔votre amoureuse envie,→

Et vous ne devez pas↔vous tant passionner.→

Ah, ah, l’homme de bien,↔vous m’en voulez donner[227]!→

Comme aux tentations↔s’abandonne votre âme !→

Vous épousiez ma fille,↔et convoitiez ma femme !→

J’ai douté fort longtemps,↔que ce fût tout de bon,→

Et je cro[i](y)[j]ais toujours↔qu’on changerait de ton :→

Mais c’est assez avant↔pousser le témoignage,→

Je m’y tiens, et n’en veux↔pour moi pas davantage.→

ELMIRE (à Tartuffe)

C’est contre mon humeur,↔que j’ai fait tout ceci ;→

Mais on m’a mise au point↔de vous traiter ainsi.→

TARTUFFE

Quoi ! vous cro[i](y)[j]ez…

ORGON[228]

Allons, ↔[229]point de bruit, je vous prie ;→

Dénichons deans, ↔et sans cérémonie.→

TARTUFFE

Mon dessein…

ORGON

Ces discours↔[230]ne sont plus de saison,→

Il faut, tout sur-le-champ[231], ↔sortir de la maison.→

TARTUFFE[232]

C’est à vous d’en sortir, ↔vous qui parlez en mtre.→

La maison m’appartient, ↔je le ferai conntre,→

Et vous montrerai bien↔qu’en vain on a recours,→

Pour me chercher querelle,↔à ces lâches détours ;→

Qu’on n’est pas l’on pense,↔en me faisant injure ;→

Que j’ai de quoi confondre,↔et punir l’imposture,→

Venger le Ciel qu’on blesse,↔et faire repentir→

Ceux qui parlent ici↔de me faire sortir.

SCÈNE VIII

ELMIRE, ORGON.

ELMIRE

Quel est donc ce langage, ↔et qu’est-ce qu’il veut dire ?→

ORGON

Ma foi, je suis confus, ↔et n’ai pas lieu de rire.→

ELMIRE

Comment ?

ORGON

Je vois ma faute,↔[233]aux choses qu’il me dit,→

Et la donation↔m’embarrasse l’esprit.→

ELMIRE

La donation

ORGON

Oui, c’est ↔[234] une affaire faite ;→

Mais j’ai quelque autre chose ↔encor qui m’inquiète.→

ELMIRE

Et quoi ?

ORGON

Vous saurez tout : ↔[235]mais vo[i](y)[j]ons au plus tôt,→

Si certaine cassette ↔est encore là-haut.

ACTE V, SCÈNE PREMIÈRE

ORGON, CLÉANTE.

CLÉANTE

Où voulez-vous courir ?↔

ORGON

Las! que sais-je ?

CLÉANTE

Il me semble→

Que l’on doit commencer↔par consulter ensemble,→

Les choses qu’on peut faire↔en cet événement.→

ORGON

Cette cassette-là↔me trouble entrement[236].→

Plus que le reste encore, ↔ elle me désespère.→

CLÉANTE

Cette cassette est donc ↔ un important mystère ?→

ORGON

C’est un dépôt qu’Argas, ↔ cet ami que je plains,→

Lui-même, en grand secret, ↔ m’a mis entre les mains[237].→

Pour cela, dans sa fuite, ↔ il me voulut élire[238];→

Et ce sont des papiers, ↔ à ce qu’il m’a pu dire,→

Où sa vie, et ses biens, ↔ se trouvent attachés.→

 

CLÉANTE

Pourquoi donc les avoir ↔ en d’autres mains lâchés ?→

 

ORGON

Ce fut par un motif ↔ de cas de conscience.→

J’allai droit à mon trtre↔en faire confidence,→

Et son raisonnement↔↑me vint persuader→

De lui donner plutôt↔la cassette à garder ;→

Afin ↑ que pour nier, ↔en cas de quelque enquête,→

J’eusse d’un faux-fu[i](y)[j]ant, ↔ la faveur toute prête,→

Par ↑ ma conscience ↔ eût pleine sûreté

À faire des serments ↔ contre la vérité.→

CLÉANTE

Vous voilà mal, au moins ↔ si j’en crois l’apparence,→

Et la donation, ↔ et cette confidence[239],→

Sont, à vous en parler ↔ selon mon sentiment,→

Des démarches, par vous, ↔ faites légèrement.→

On peut vous mener loin ↔ avec de pareils gages,→

Et cet homme, sur vous, ↔ a[i](y)[j]ant ces avantages,→

Le pousser est encor ↔ grande imprudence à vous,→

Et vous deviez chercher ↔ ↑ quelque biais plus doux.→

ORGON

Quoi! sous un beau semblant[240] ↔ de ferveur si touchante,→

Cacher un cœur si double, ↔ une âme si méchante ?→

Et moi qui l’ai reçu ↔ gueusant, et n’a[i](y)[j]ant rien…→

C’en est fait, je renonce ↔ à tous les gens de bien.→

J’en aurai désormais ↔ une horreur effro[i](y)[j]able,→

Et m’en vais devenir, ↔ pour eux, pire qu’un diable.→

CLÉANTE

Hé bien, ne voilà pas ↔ de vos emportements !→

Vous ne gardez en rien ↔ les doux tempéraments.→

Dans la droite raison, ↔ jamais n’entre la vôtre ;→

Et toujours, d’un excès, ↔ vous vous jetez dans l’autre.→

Vous vo[i](y)[j]ez votre erreur, ↔ et vous avez connu,→

Que par un zèle feint ↔ vous étiez prévenu :→

Mais pour vous corriger, ↔ quelle raison demande→

Que vous alliez passer ↔ dans une erreur plus grande,→

Et qu’avec que le cœur ↔ d’un perfide vaurien,→

Vous confondiez les cœurs ↔ de tous les gens de bien ?→

Quoi! parce qu’un fripon ↔ vous dupe avec audace,→

Sous le pompeux éclat ↔ d’une austère grimace,→

Vous voulez que partout ↔ on soit fait comme lui,→

Et qu’aucun vrai dévot ↔ ne se trouve aujourd’hui ?→

Laissez aux libertins ↔ ces sottes conséquences,→

Démêlez la vertu ↔ d’avec ses apparences,→

Ne hasardez jamais ↔ votre estime trop tôt,→

Et so[i](y)[j]ez, pour cela, ↔ dans le milieu qu’il faut.→

Gardez-vous, s’il se peut, ↔ d’honorer l’imposture :→

Mais au vrai zèle aussi ↔ n’allez pas faire injure ;→

Et s’il vous faut tomber ↔ dans une extrémité,→

Péchez plutôt encor ↔ de cet autre côté.

SCÈNE II

DAMIS, ORGON, CLÉANTE.

DAMIS

Quoi! mon père, est-il vrai ↔ qu’un coquin vous menace ?→

Qu’il n’est point de bienfait ↔ qu’en son âme il n’efface ;→

Et que son lâche orgueil, ↔ trop digne de courroux,→

Se fait, de vos bontés, ↔ des armes contre vous ?→

ORGON

Oui, mon fils, et j’en sens ↔ des douleurs nom pareilles.→

DAMIS

Laissez-moi, je lui veux ↔ couper les deux oreilles.→

Contre son insolence, ↔ on ne doit point gauchir[241].→

C’est à moi, tout d’un coup, ↔ de vous en affranchir ;→

Et pour sortir d’affaire, ↔ il faut que je l’assomme.→

CLÉANTE

Voilà, tout justement, ↔ parler en vrai jeune homme.→

Modérez, s’il vous plt, ↔ ces transports éclatants ;→

Nous vivons sous un règne, ↔ et sommes dans un temps,→

↑ Où, par la violence, ↔ on fait mal ses affaires.

SCÈNE III

MADAME PERNELLE, MARIANE, ELMIRE, DORINE, DAMIS, ORGON, CLÉANTE.

MADAME PERNELLE

Qu’est-ce? J’apprends ici ↔de terribles mystères[242].→

ORGON

Ce sont des nouveautés ↔dont mes yeux sont témoins,→

Et vous vo[i](y)[j]ez le prix ↔dont sont pa[i](y)[j]és mes soins.→

Je recueille, avec zèle, ↔un homme en sa misère,→

Je le loge, et le tiens ↔comme mon propre frère ;→

De bienfaits, chaque jour, ↔il est par moi chargé,→

Je lui donne ma fille, ↔et tout le bien que j’ai ;→

Et dans le même temps, ↔le perfide, l’infâme,→

Tente le noir dessein ↔de suborner ma femme ;→

Et non content encor ↔de ces lâches essais,→

Il m’ose menacer ↔de mes propres bienfaits,→

Et veut, ↑ à ma ruine, ↔user des avantages→

Dont le viennent d’armer ↔ mes bontés trop peu sages ;→

Me chasser de mes biens ↔ où je l’ai transféré,→

Et me réduire au point ↔ d’où je l’ai retiré.→

DORINE

Le pauvre homme ![243]

MADAME PERNELLE

Mon fils, ↔[244] je ne puis du tout croire→

Qu’il ait voulu commettre ↔ une action si noire.→

ORGON

Comment?

MADAME PERNELLE

Les gens de bien[245] ↑ sont envs toujours.→

ORGON

Que voulez-vous donc dire ↔ avec votre discours,→

Ma mère ?

MADAME PERNELLE

Que chez vous ↔[246] on vit d’étrange sorte,→

Et qu’on ne sait que trop ↔ la haine qu’on lui porte.→

ORGON

Qu’a cette haine à faire ↔avec ce qu’on vous dit ?→

MADAME PERNELLE

Je vous l’ai dit cent fois, ↔ quand vous étiez petit.→

La vertu, dans le monde, ↔ est toujours poursuivie ;→

↑ Les envieux mourront, ↔ mais non jamais l’envie.→

 

 

ORGON

Mais que fait ce discours ↔ aux choses d’aujourd’hui ?→

MADAME PERNELLE

On vous aura forgé ↔ cent sots contes de lui.→

ORGON

Je vous ai dit déjà, ↔ que j’ai vu tout moi-même.→

MADAME PERNELLE

Des esprits médisants, ↔ la malice est extrême.→

ORGON

Vous me feriez damner, ↔ ma mère. Je vous dis,→

Que j’ai vu de mes yeux, ↔ un crime si hardi.→

MADAME PERNELLE

Les langues ont toujours ↔ du venin à répandre;→

Et rien n’est, ici-bas, ↔ qui s’en puisse défendre.→

ORGON

C’est tenir un propos ↔ de sens bien dépourvu !→

Je l’ai vu, dis-je, vu, ↔ de mes propres yeux vu,→

Ce qu’on appelle vu : ↔ faut-il vous le rebattre→

Aux oreilles cent fois, ↔ ↑ et cri[j]er comme quatre ?→

MADAME PERNELLE

Mon Dieu, le plus souvent, ↔ l’apparence déçoit.→

Il ne faut pas toujours ↔ juger sur ce qu’on voit.→

ORGON

J’enrage.

MADAME PERNELLE

Aux faux soupçons ↔ la nature est sujette ;→

Et c’est souvent à mal, ↔ que le bien s’interprète.→

ORGON

Je dois interpréter ↔ à charitable soin,→

Le désir d’embrasser ↔ ma femme ?

MADAME PERNELLE

Il est besoin,

Pour accuser les gens, ↔ d’avoir de justes causes,→

Et vous deviez attendre ↔ à vous voir sûr des choses.→

ORGON

Hé, diantre, le mo[i](y)[j]en ↔ de m’en assurer mieux ?→

Je devais donc, ma mère, ↔ attendre qu’à mes yeux→

Il t… Vous me feriez ↔ dire quelque sottise.→

MADAME PERNELLE

Enfin d’un trop pur zèle ↔ on voit son âme éprise,→

Et je ne puis du tout ↔ me mettre dans l’esprit,→

Qu’il ait voulu tenter ↔ les choses que l’on dit.→

ORGON

Allez. Je ne sais pas, ↔ si vous n’étiez ma mère,→

Ce que je vous dirais, ↔ tant je suis en colère.→

DORINE

Juste retour, Monsieur, ↔ des choses d’ici-bas.→

Vous ne vouliez point croire, ↔ et l’on ne vous croit pas.→

CLÉANTE

Nous perdons des moments, ↔en bagatelles pures,→

Qu’il faudrait emplo[i](y)[j]er↔à prendre des mesures.→

Aux menaces du fourbe, ↔ on doit ne dormir point[247].→

DAMIS

Quoi ! son effronterie↔irait jusqu’à ce point ?→

ELMIRE

Pour moi, je ne crois pas↔cette instance[248] possible,→

Et son ingratitude↔est ici trop visible.→

CLÉANTE

Ne vous y fiez pas, ↔il aura des ressorts,→

Pour donner, contre vous, ↔raison à ses efforts ;→

Et sur moins que cela, ↔le poids d’une cabale→

Embarrasse les gens↔dans un fâcheux dédale.→

Je vous le dis encore, ↔armé de ce qu’il a,→

Vous ne deviez jamais↔le pousser jusque-là.→

ORGON

Il est vrai, mais qu’y faire ? ↔À l’orgueil de ce trtre[249],→

De mes ressentiments↔je n’ai pas été mtre.→

CLÉANTE

Je voudrais de bon cœur, ↔qu’on pût entre vous deux,→

De quelque ombre de paix, ↔raccommoder les nœuds.→

ELMIRE

Si j’avais su qu’en main↔il a de telles armes,→

Je n’aurais pas donné↔matre à tant d’alarmes,→

Et mes…

ORGON

Que veut cet homme ? ↔[250] Allez tôt le savoir ;→

Je suis bien en état↔que l’on me vienne voir.

SCÈNE IV

MONSIEUR LOYAL, MADAME PERNELLE, ORGON, DAMIS, MARIANE, DORINE, ELMIRE, CLÉANTE.

MONSIEUR LOYAL

Bonjour, ma chère sœur.↔Faites, je vous supplie,→

Que je parle à Monsieur. ↔

DORINE

Il est en compagnie,→

Et je doute qu’il puisse, ↔à présent, voir quelqu’un.→

MONSIEUR LOYAL

Je ne suis pas pour être, ↔en ces lieux, importun.→

Mon abord n’aura rien, ↔je crois, qui lui déplaise,→

Et je viens pour un fait↔dont il sera bien aise.→

DORINE

Votre nom?

MONSIEUR LOYAL

Dites-lui↔seulement que je vien

De la part de Monsieur↔Tartuffe, pour son bien.→

 

DORINE

C’est un homme qui vient, ↔avec douce manre,→

De la part de Monsieur↔Tartuffe, pour affaire,→

Dont vous serez, dit-il, ↔bien aise.

CLÉANTE

Il vous faut voir→[251]

Ce que c’est que cet homme, ↔et ce qu’il peut vouloir.→

ORGON

Pour nous raccommoder, ↔il vient ici, peut-être.→

Quels sentiments aurai-je↔à lui faire partre ?→

CLÉANTE

Votre ressentiment↔ne doit point éclater,→

Et s’il parle d’accord, ↔il le faut écouter.→

MONSIEUR LOYAL

Salut, Monsieur. Le Ciel↔perde qui vous veut nuire,→

Et vous soit favorable↔autant que je désire.→

 

ORGON

Ce doux début s’accorde↔avec mon jugement,→

Et présage déjà↔quelque accommodement.→

MONSIEUR LOYAL

Toute votre maison↔m’a toujours été chère,→

Et j’étais serviteur↔de Monsieur votre père.→

ORGON

Monsieur, j’ai grande honte, ↔et demande pardon,→

D’être sans vous conntre, ↔ou savoir votre nom.→

MONSIEUR LOYAL

Je m’appelle Lo[i](y)[j]al, ↔natif de Normandie,→

Et suis huissier à verge[252],↔en dépit de l’envie.→

J’ai depuis quarante ans, ↔grâce au Ciel, le bonheur→

D’en exercer la charge↔avec beaucoup d’honneur ;→

Et je vous viens, Monsieur, ↔avec votre licence,→

↑Signifier l’exploit↔de certaine ordonnance.→

 

ORGON

Quoi ! vous êtes ici

MONSIEUR LOYAL

Monsieur, ↑sans passion,→

Ce n’est rien seulement↔↑qu’une sommation,→

Un ordre de vider↔d’ici, vous, et les vôtres,→

Mettre vos meubles hors, ↔et faire place à d’autres,→

Sans délai, ni remise, ↔ainsi que besoin est…→

ORGON

Moi, sortir deans? ↔

MONSIEUR LOYAL

Oui, Monsieur, s’il vous plt.→

La maison à présent, ↔comme savez de reste,→

Au bon Monsieur Tartuffe↔appartient sans conteste.→

De vos biens désormais↔il est maître, et seigneur,→

En vertu d’un contrat↔du quel je suis porteur.→

Il est en bonne forme, ↔et l’on n’y peut rien dire.→

 

DAMIS

Certes, cette impudence↔est grande, et je l’admire[253].→

MONSIEUR LOYAL

Monsieur, je ne dois point↔avoir affaire à vous ;→

C’est à Monsieur, il est, ↔et raisonnable, et doux,→

Et d’un homme de bien↔il sait trop bien l’office[254],→

Pour se vouloir du tout↔opposer à justice.→

ORGON

Mais…

MONSIEUR LOYAL

Oui, Monsieur, je sais↔↑que pour un million

↑Vous ne voudriez pas↔↑faire rébellion ;→

Et que vous souffrirez↔en honnête personne,→

Que j’exécute ici↔les ordres qu’on me donne.→

DAMIS

Vous pourriez bien ici, ↔sur votre noir jupon[255],→

Monsieur l’huissier à verge, ↔attirer le bâton.→

 

MONSIEUR LOYAL

Faites que votre fils↔se taise, ou se retire,→

Monsieur ; j’aurais regret↔d’être obligé d’écrire,→

Et de vous voir couché↔dans mon procès-verbal.→

 

DORINE

Ce Monsieur Lo[i](y)[j]al porte↔un air bien délo[i](y)[j]al !→

MONSIEUR LOYAL

Pour tous les gens de bien, ↔j’ai de grandes tendresses,→

Et ne me suis voulu, ↔Monsieur, charger des pces,→

Que pour vous obliger, ↔et vous faire plaisir ;→

Que pour ôter, par là, ↔le mo[i](y)[j]en d’en choisir,→

Qui n’a[i](y)[j]ant pas pour vous ↔le zèle qui me pousse,→

Auraient pu procéder ↔d’une façon moins douce.→

ORGON

Et que peut-on de pis, ↔que d’ordonner aux gens→

De sortir de chez eux ? ↔

MONSIEUR LOYAL

On vous donne du temps,→

Et jusques а demain, ↔je ferai surséance→

А ↓l’exécution, ↔Monsieur, de l’ordonnance.→

Je viendrai seulement ↔passer ici la nuit,→

Avec dix de mes gens, ↔sans scandale, et sans bruit.→

Pour la forme, il faudra, ↔s’il vous plaît, qu’on m’apporte,→

Avant que se coucher, ↔les clefs de votre porte.→

J’aurai soin de ne pas ↔troubler votre repos,→

Et de ne rien souffrir ↔qui ne soit а propos.→

Mais demain du matin, ↔il vous faut être habile→

А vider deans ↔jusqu’au moindre ustensile.→

Mes gens vous aideront ; ↔et je les ai pris forts,→

Pour vous faire service ↔а tout mettre dehors.→

On n’en peut pas user ↔mieux que je fais, je pense ;→

Et comme je vous traite ↔avec grande indulgence,→

Je vous conjure aussi, ↔Monsieur, d’en user bien,→

Et qu’au dû de ma charge ↔on ne me trouble en rien.→

ORGON

Du mei[j]lleur de mon cœur, ↔je donnerais sur l’heure→

Les cent ↑plus beaux louis ↔de ce qui me demeure,→

Et pouvoir а plaisir, ↔sur ce mufle asséner→

Le plus grand coup de poing ↔qui se puisse donner[256].→

 

CLÉANTE

Laissez, ne gàtons rien. ↔

DAMIS

A cette audace étrange,→

J’ai peine а me tenir, ↔et la main me démange[257].→

DORINE

Avec un si bon dos, ↔ma foi, Monsieur Lo[i](y)[j]al,→

Quelques coups de bàton ↔ne vous siéraient pas mal.→

MONSIEUR LOYAL

On pourrait bien punir ↔ces paroles infàmes,→

Mamie, et l’on décrète ↔aussi contre les femmes.→

CLÉANTE

Finissons tout cela, ↔Monsieur, c’en est assez ;→

Donnez tôt ce papier, ↔de gràce, et nous laissez.→

MONSIEUR LOYAL

Jusqu’au revoir. Le Ciel ↔vous tienne tous en joie.→

ORGON

Puisse-t-il te confondre, ↔et celui qui t’envoie!

SCÈNE V

ORGON, CLÉANTE, MARIANE, ELMIRE, MADAME PERNELLE, DORINE, DAMIS.

ORGON

Hé bien, vous le vo[i](y)[j]ez, ↔ma mère, si j’ai droit[258] ;→

Et vous pouvez juger ↔du reste, par l’exploit.→

Ses trahisons enfin, ↔vous sont-elles connues?→

MADAME PERNELLE

Je suis toute ébaubie, ↔et je tombe des nues.→

DORINE

Vous vous plaignez а tort, ↔а tort vous le blàmez,→

Et ses pieux desseins, ↔par lа, sont confirmés.→

Dans l’amour du prochain, ↔sa vertu se consomme,→

Il sait que très souvent ↔les biens corrompent l’homme,→

Et par charité pure, ↔il veut vous enlever→

Tout ce qui vous peut faire ↔obstacle а vous sauver.→

ORGON

Taisez-vous ; c’est le mot ↔qu’il vous faut toujours dire.→

CLÉANTE

Allons voir quel conseil ↔on doit vous faire élire[259].→

 

ELMIRE

Allez faire éclater ↔l’audace de l’ingrat.→

Ce procédé détruit ↔la vertu du contrat ;→

Et sa délo[i](y)[j]auté ↔va paraître trop noire,→

Pour souffrir qu’il en ait ↔le succès qu’on veut croire.

SCÈNE VI

VALÈRE, ORGON, CLÉANTE, ELMIRE, MARIANE.

VALÈRE

Avec regret, Monsieur,↔je viens vous affliger ;→

Mais je m’y vois contraint↔par le pressant danger.→

Un ami qui m’est joint↔d’une amit fort tendre,→

Et qui sait l’intérêt↔qu’en vous j’ai lieu de prendre,→

A viopour moi, ↔par un pas délicat,→

Le secret que l’on doit↔aux affaires d’État,→

Et me vient d’envo[i](y)[j]er un avis dont la suite→

Vous réduit[260] au parti↔d’une soudaine fuite.→

Le fourbe, qui longtemps↔a pu vous imposer,→

Depuis une heure, au Prince↔a su vous accuser,→

Et remettre en ses mains, ↔dans les traits qu’il vous jette,→

D’un criminel d’État, ↔ l’importante cassette,→

Dont au mépris, dit-il, ↔du devoir d’un sujet,→

Vous avez conservé↔le coupable secret.→

J’ignore le détail↔du crime qu’on vous donne,→

Mais un ordre est donné↔contre votre personne ;→

Et lui-même est chargé, ↔pour mieux l’exécuter,→

D’accompagner celui↔qui vous doit arrêter.→

CLÉANTE

Voilа ses droits armés[261],↔et c’est par le trtre,→

De vos biens qu’il prétend↔herche а se rendre mtre.→

 

ORGON

L’homme est, je vous l’avoue, ↔un méchant animal !→

VALÈRE

Le moindre amusement[262]↔vous peut être fatal.→

J’ai, pour vous emmener, ↔mon carrosse а la porte,→

Avec ↑mille louis↔qu’ici je vous apporte.→

Ne perdons point de temps, ↔le trait est foudro[i](y)[j]ant,→

Et ce sont de ces coups↔que l’on pare en fu[i](y)[j]ant.→

А vous mettre en lieu sûr, ↔je m’offre pour conduite,→

Et veux accompagner, ↔jusqu’au bout, votre fuite[263].→

ORGON

Las ! que ne dois-je point↔а vos soins obligeants ?→

Pour vous en rendre gràce, ↔il faut un autre temps ;→

Et je demande au Ciel, ↔de m’être assez propice,→

Pour reconntre un jour↔ce généreux service.→

Adieu, prenez le soin↔vous autres…

CLÉANTE

Allez tôt ;

Nous songerons, mon frère, ↔а faire ce qu’il faut.

SCÈNE DERNIÈRE

L’EXEMPT, TARTUFFE, VALÈRE, ORGON, ELMIRE, MARIANE, etc.

TARTUFFE

Tout beau, Monsieur, tout beau,↔ne courez point si vite,→

Vous n’irez pas fort loin,↔pour trouver votre gîte,→

Et de la part du Prince,↔on vous fait prisonnier.→

ORGON

Traître, tu me gardais↔ce trait pour le dernier.→

C’est le coup, scélérat, ↔par tu m’expédies,→

Et voilа couronner↔ toutes tes perfidies.→

TARTUFFE

Vos injures n’ont rien↔а me pouvoir aigrir,→

Et je suis, pour le Ciel, ↔appris а tout souffrir.→

CLÉANTE

↑La modération↔est grande, je l’avoue.→

DAMIS

Comme du Ciel, l’infàme, ↔impudemment se joue !→

TARTUFFE

Tous vos emportements↔ne sauraient m’émouvoir,→

Et je ne songe а rien, ↔qu’а faire mon devoir.→

MARIANE

Vous avez de ceci, ↔grande gloire а prétendre[264],→

Et cet emploi pour vous, ↔ est fort honnête а prendre.→

TARTUFFE

Un emploi ne saurait ↔ ↑ être que glorieux,→

Quand il part du pouvoir ↔ qui m’envoie en ces lieux.→

ORGON

Mais t’es-tu souvenu ↔ que ma main charitable,→

Ingrat, t’a retiré ↔ d’un état misérable ?→

TARTUFFE

Oui, je sais quels secours ↔ j’en ai pu recevoir ;→

Mais l’intérêt du Prince ↔ est mon premier devoir !→

De ce devoir sacré, ↔ la juste violence→

Étouffe dans mon cœur ↔ toute reconnaissance ;→

Et je sacrifierais ↔ а de si puissants nœuds,→

Ami, femme, parents, ↔ et moi-même avec eux.→

ELMIRE

L’imposteur !

DORINE

Comme il sait, ↔[265] de trtresse manre,→

Se faire un beau manteau ↔ de tout ce qu’on révère !→

CLÉANTE

Mais s’il est si parfait ↔ que vous le déclarez,→

Ce zèle qui vous pousse, ↔ et dont vous vous parez ;→

D’où vient que pour partre, ↔ il s’avise d’attendre,→

Qu’а poursuivre sa femme, ↔ il ait su vous surprendre?→

Et que vous ne songez ↔ а l’aller dénoncer,→

Que lorsque son honneur ↔ l’oblige а vous chasser ?→

Je ne vous parle point, ↔ pour devoir en distraire,→

Du don de tout son bien[266] ↔ qu’il venait de vous faire :→

Mais le voulant traiter ↔ en coupable aujourd’hui,→

Pourquoi consentiez-vous ↔ а rien prendre de lui ?[267]

TARTUFFE (а l’Exempt.)

Délivrez-moi, Monsieur, ↔ de la cri[j]aillerie,→

Et daignez accomplir ↔ votre ordre, je vous prie.→

 

L’EXEMPT

Oui, c’est trop demeurer, ↔ sans doute[268], а l’accomplir.→

Votre bouche а propos ↔ m’invite а le remplir ;→

Et pour l’exécuter, ↔ suivez-moi tout а l’heure[269]

Dans la prison qu’on doit ↔ vous donner pour demeure.→

TARTUFFE

Qui, moi, Monsieur ?

L’EXEMPT[270]

Oui, vous. ↔

TARTUFFE

Pourquoi donc la prison ?[271]

 

L’EXEMPT

Ce n’est pas vous а qui↔j’en veux rendre raison.→

Remettez-vous, Monsieur, ↔d’une alarme si chaude[272].→

Nous vivons sous un Prince[273]↔ ennemi de la fraude,→

Un Prince dont les yeux↔se font jour dans les cœurs,→

Et que ne peut tromper ↔ tout l’art des imposteurs.→

D’un fin discernement, ↔ sa grande àme pourvue,→

Sur les choses toujours ↔ jette une droite vue,→

Chez elle jamais rien ↔ ne surprend trop d’accès,→

Et sa ferme raison ↔ ne tombe en nul excès.→

Il donne aux gens de bien ↔ une gloire immortelle[274],→

Mais sans aveuglement ↔ il fait briller ce zèle,→

Et l’amour pour les vrais[275], ↔ ne ferme point son cœur→

А tout ce que les faux ↔ doivent donner d’horreur.→

Celui-ci n’était pas ↔ pour le pouvoir surprendre,→

Et de pièges plus fins ↔ on le voit se défendre.→

D’abord il a percé, ↔ par ses vives clartés,→

Des replis de son cœur, ↔ toutes les làchetés.→

Venant vous accuser, ↔ il s’est trahi lui-même,→

Et par un juste trait ↔ de l’équité suprême[276],→

S’est découvert au Prince ↔ un fourbe renommé,→

Dont sous un autre nom ↔ il était informé;→

Et c’est un long détail ↔ d’actions ↑ toutes noires,→

Dont on pourrait former ↔ des volumes d’histoires.→

Ce monarque, en un mot, ↔ a vers vous détesté

Sa làche ingratitude, ↔ et sa délo[i](y)[j]auté[277];→

А ses autres horreurs, ↔ il a joint cette suite[278],→

Et ne m’a, jusqu’ici, ↔ soumis а sa conduite,→

Que pour voir l’impudence ↔ aller jusques au bout,→

Et vous faire, par lui, ↔ faire raison de tout[279].→

Oui, de tous vos papiers, ↔ dont il se dit le mtre,→

Il veut qu’entre vos mains, ↔ je dépouille le trtre.→

D’un souverain pouvoir ↔ ↑ il brise les liens→

Du contrat qui lui fait ↔ un don de tous vos biens,→

Et vous pardonne enfin ↔ cette offense secrète→

Où vous a, d’un ami, ↔ fait tomber la retraite ;→

Et c’est le prix qu’il donne ↔ au zèle qu’autrefois→

On vous vit témoigner, ↔ en appu[i](y)[j]ant ses droits[280];→

Pour montrer que son cœur ↔ sait, quand moins on y pense,→

D’une bonne action ↔ verser la récompense ;→

Que jamais le mérite, ↔ avec lui, ne perd rien,→

Et que mieux que du mal, ↔ il se souvient du bien.→

DORINE

Que le Ciel soit loué! ↔

MADAME PERNELLE

Maintenant je respire. ↔

ELMIRE

Favorable succès ! ↔

MARIANE

Qui l’aurait osé dire ?→

ORGON (a Tartuffe)

Hé bien, te voilа, trtre… ↔

 

 

 

 

CLÉANTE

Ah ! mon frère, arrêtez,→

Et ne descendez point ↔ а des indignités.→

А son mauvais destin ↔ laissez un misérable,→

Et ne vous joignez point ↔ au remords qui l’accable.→

Souhaitez ↑ bien plutôt, ↔ que son cœur, en ce jour,→

Au sein de la vertu ↔ fasse un heureux retour ;→

Qu’il corrige sa vie, ↔ en détestant son vice,→

Et puisse du grand Prince ↔ adoucir la justice ;→

Tandis qu’а sa bonté ↔ vous irez а genoux,→

Rendre ce que demande ↔ un traitement si doux.→

ORGON

Oui, c’est bien dit; allons ↔ а ses pieds, avec joie,→

Nous louer ↑ des bontés ↔ que son cœur nous déploie :→

Puis acquittés un peu ↔ de ce premier devoir,→

Aux justes soins d’un autre, ↔ il nous faudra pourvoir ;→

Et par un doux hymen, ↔ couronner en Valère,→

La flamme d’un amant ↔ généreux, et sincère.

 



[1] Mais, ma mère, d’où vient

[2] Le roi Pétaut, auquel personne n’obéissait, est le nom du chef que se donnait, par dérision, la corporation des mendiants parisiens.

[3] Mais… Vous êtes un sot

[4] [d’un mé]chant garnement

[5] Спокойная вода — опасная вода.

[6] [Mais, ma mère]… Ma bru

[7] Bienheureuxблаженный, преподобный, счастливый

[8] C’est un homme de bien

[9] Un cagot est un faux dévot, un hypocrite ; un cagot de critique est un hypocrite qui se mêle de tout critiquer.

[10] [ce cri]tique zélé.

[11] [Et mon] fils, à l’aimer

[12] [vous de]vrait tous induire

[13] Non, [voi[y]iez]-vous, ma mère

[14] il n’est père, ni rien

[15] Merci de ma vie est un « serment du petit peuple » (Dictionnaire de Furetière, 1690) : Que Dieu ait pitié de ma vie.

[16] Mais pour homme de bien

[17] Rebuter quelqu’un : rejeter ses conseils.

[18] du moindre attachement

[19] une vie exemplaire

[20] Les brillants : l’éclat, la beauté.

[21] VAR. Qui ne saurait souffrir qu’un autre ait les plaisirs. (1682). Un autre, au sens général d’une autre, est fréquent au XVIIe siècle.

[22] Les contes bleus : des adaptations populaires des romans de chevalerie formaient une « Bibliothèque bleue », ainsi appelée à cause de la couleur du papier utilisée pour la couverture des volumes.

[23] Madame : c’est Dorine qui est ici ironiquement désignée.

[24] Au besoin : parce qu'il en était besoin.

[25] « On dit qu’un homme en aura tout le long de l’aune pour dire qu’on lui fera tout le mal qu’on pourra » (Dictionnaire de Furetière, 1690).

[26] Pour céans j’en rabats de moitié : l’estime que j’avais pour cette maison diminue fortement.

[27] Jour de Dieu : « Sorte de serment burlesque, et qui ne se fait que par les femmes » (Dictionnaire de Richelet, 1679).

[28] Gaupe : « Terme d’injure et de mépris. Femme malpropre et désagréable » (Littré).

[29] Последние слова уже за кулисами, чтобы Клеанту не затягивать цезуру.

[30] Cette bonne femme : cette vieille femme (féminin de bonhomme, qui signifie alors vieil homme).

[31] Etre coiffé de quelqu’un, c’est être entiché de quelqu'un, ne jurer que par lui.

[32] У них весьма доверительные, личные отношения. Артистам придумать несколько эпизодов, случаев, бэкграунд их сегодняшнего теплого общения. Проще всего — что-то из личного прошлого самих исполнителей. Например, если они не были знакомы, сходить вместе куда-нибудь, пообщаться. 05.07.2020 А может быть, вобще что-то личное и Дорина клеется к Клеанту, а тот уклоняется, борется сам с собой, как Тартюф с платком, только не лицемерно, а естественно. Дорина — секс-бомба. И одета, как прислуга на вечеринке «Плейбоя», как Гела: передник и лабутены. Тогда и эпизод с грудью перестанет звучать формально. А под передником на актрисе просто трико телесного цвета, никакой обнаженной кожи. 12.07.2020

[33] Nos troubles : les troubles de la Fronde (1648—1652), durant lesquels Orgon n’a suivi ni le parti du Parlement, ni celui des Princes, mais est resté fidèle à la Cour. Il a ainsi acquis la réputation d’homme sage auprès du Roi, qui le récompensera au dénouement.

[34] mère, fils, fille, et femme

[35] Le directeur : Tartuffe est bien le directeur de conscience d’Orgon. Certains laïcs, au XVIIe siècle, prenaient ainsi la responsabilité de diriger les âmes: ainsi, Jean de Bernières-Louvigny ou le baron Gaston de Renty.

[36] Au plus haut bout : à l’endroit le plus honorable.

[37] VAR. Les bons morceaux de tout, il faut qu’on les lui cède. (1682).

[38] Les vers 191 à 194 étaient sautés à la représentation.

[39] Третье по счету «Il l’». Видимо, нужно делать люфт-паузу между двумями «l».

[40] Par cent dehors fardés a l’art de l’éblouir : a l’art de le tromper par cent apparences fallacieuses.

[41] Cagotisme : mot forgé sur cagot, faux dévot, hypocrite.

[42] Gloser : critiquer.

[43] Fat: sot, niais; garçon : valet à tout faire.

[44] Fleur des Saints : probablement un des deux gros volumes de l’ouvrage du jésuite espagnol Ribadeneira, Les Fleurs des Saints et les fêtes de toute l’année, qui avait été traduit en français.

[45] Pour moins d’amusement : pour perdre moins de temps.

[46] [le bon]jour seulement.

[47] L’hymen : le mariage.

[48] À son effet : à sa célébration.

[49] Чтобы не прерывался стих, подхватывают, обращаясь к Аргану, еще только выходящему из-за кулис.

[50] Le pauvre homme ! Le soir

[51] Le pauvre homme

[52] On renvoie souvent, à propos de cette exclamation répétée, à Tallement des Réaux (Historiettes, éd. A. Adam, Pléiade, t. I, p. 295) : le gardien d’un couvent de capucins, à qui on donnait d’excellentes nouvelles du Père Joseph, l’éminence grise de Richelieu, ne cessait de dire, avec une admiration attendrie : « Le pauvre homme ! » Molière a-t-il eu connaissance de l’anecdote?

[53] Vos ravissements : Orgon emploie là abusivement un mot du vocabulaire mystique.

[54] On lit dans l’Imitation de Jésus-Christ, I, 3 : Vere prudens est qui omnia terrena arbitratur ut stercora, ce que Corneille traduit : « Vraiment sage est celui qui prend pour du fumier les choses de la terre. » Mais Orgon a renchéri sur l’Imitation dans les vers suivants, car ce ne sont pas seulement les biens terrestres qu’il méprise, mais aussi les affections familiales les plus légitimes.

[55] se mettre à deux genoux

[56] en rendre une partie

[57] Cette expression équivaut à : « Et que prétendez-vous que toutes ces niaiseries prouvent ? »

[58] Le libertinage : non pas la libre-pensée caractérisée, mais le manque de respect pour tout ce qui touche aux choses religieuses.

[59] Entiché : « gâté par quelque chose de faux ou de moralement mauvais » (Littré).

[60] Sans doute : sans aucun doute, assurément.

[61] Caton l’Ancien passait pour l’auteur de distiques moraux souvent réimprimés aux XVIe et XVIIe siècles, et qui sont en réalité l’œuvre de Dionysius Cato, qui vécut au Ier siècle de notre ère.

[62] qui soit plus odieux — первый вариант позволяет синкопирование вместе со следующей строкой

[63] Ces dévots de place : ces dévots qui font profession d’être dévots sur la place publique, comme les domestiques qui attendaient sur la place publique qu’on les engage, et qu’on appelait « valets de place ».

[64] Demandent chaque jour : ont chaque jour une requête à présenter en faveur de tel ou tel de leurs protégés.

[65] Fier : brutal, féroce.

[66] Appui, au figuré, signifie « faveur, crédit » (Dictionnaire de Furetière, 1690). L'apparence du mal a chez eux peu de crédit, et elle ne suffit pas à les persuader.

[67] Ébloui : abusé, trompé.

[68] Quels sont-ils donc ? De fair

[69] Замечательный пример, как нужно всегда фильтровать базар. Ведь Арган здесь ловит точку на словах, сказанный совершенно формально, тех словах, которых попросту требуют правила вежливости. Хуже будет Эльмире, которую Тартюф поймал на ее признании в любви: Любишь — докажи: снимай штаны. Кстати, зря я удивлялся тому, что Тартюф не разглядел обмана Эльмиры. Мужики вообще в баб не всматриваются, а, будучи знакомы с их переменчивостью, перестают на нее обращать внимания, поскольку, если послушно следовать всему, что предлагают женщины, ничего вообще не произойдет ни в плане сексуальном, ни в житейском, ни в каком-либо другом. Поскольку женщины постоянно ставят мужчин перед необходимостью выбора, необходимостью проявить свою волю, это главная социальная функция женщины, которая проявляется в том, что им невозможно угодить. И чем безупречней исполняются мужчинами их требования, тем меньше женщин устраивает результат, поскольку это лишает их, женщин основной их социальной функции.

[70] de Tartuffe notre hôte

[71] de Tartuffe notre hôte

[72] Hélas : il arrive que cette interjection ne marque pas le regret ni la douleur. (Cf. Les Femmes savantes, IV, 5, v. 1447: « Hélas! dans cette humeur conservez-le toujours ! »).

[73] Eh ? Eh ? Qu’est-ce ? Plaît-il ?↔

[74] Quoi ? Me suis-je méprise ?→Comment? Qui voulez-vous,↔

[75] Votre’hymen : votre mariage.

[76] je… Que faites-vous là ?.→

[77] Selon l’édition de 1734, c’est juste après le vers 440 prononcé par Mariane, que Dorine est entrée doucement et s’est mise derrière Orgon sans être vue de lui.

[78] incro[i](y)[j]able? À tel point

[79] Chansons. Ce que je dis

[80] Sans doute : sans aucun doute.

[81] Il est bien gentilhomme: être gentilhomme, c’est jouir de cette condition par la naissance, et non pas par l’exercice d’une charge ou par la grâce du roi.

[82] Un peu libertin : il ne s’agit pas ici de libre-pensée caractérisée, mais de manque de respect pour tout ce qui touche à la religion.

[83] votre avis là-dessus

[84] à nulle autre seconde

[85] VAR. Et sera tout confit en douceurs, et plaisirs. (1682).

[86] Un sot : un mari trompé.

[87] Ouais, quels discours ! Je dis

[88] Son ascendant : l'influence que les astres exercent sur lui (cf. L’Ecole des maris, v. 1099).

[89] C’est une conscience : c’est une affaire de conscience. C’est-à-dire : « C’est un devoir de ne pas vous laisser conclure une telle alliance. »

[90] А ne m’en point parler,↔ou… suffit. Comme sage,→

[91] ↔toutes choses.→J’enrage

[92] Pour tous les autres dons…↔La voilа bien lotie.→

[93] Élire : choisir.

[94] Quelque sotte : seule une sotte ferait cela.

[95] Payer d’obéissance : faire preuve d’obéissance.

[96] Je me moquerais fort : je me garderais bien, comme d’une chose ridicule, de prendre un tel époux.

[97] une peste avec vous

[98] Me rasseoir : me remettre, me calmer.

[99] Quoi ? Lui dire qu’un cœur↔

[100] A fait pour vous des pas : vous a demandée en mariage.

[101] Je le crois. Et tous deux↔

[102] ensemble ?→Assurément.→

[103] Dans l’occasion : au combat, dans la bataille. Le sens militaire de l’expression est ici confirmé par l’emploi de mollir (manquer de courage, faillir, fléchir).

[104] Bourru: « fantasque, bizarre, extragant » (Dictionnaire de l’Académie, 1694).

[105] Etre coiffé de quelqu’un, c’est être entiché de quelqu’un, ne jurer que par lui.

[106] « On dit d’un homme habile et difficile а surprendre qu’il ne se mouche pas du pied » (Dictionnaire de Furetière, 1690).

[107] Heur, pour bonheur, commence а être un archaïsme après 1660.

[108] Chez lui: c’est lа une restriction significative (cf. ce que dit Orgon aux vers 493—494).

[109] Avec un tel mari : Tartuffe est un sanguin, selon la théorie des humeurs*, et les sanguins passaient pour particulièrement doués pour l’amour.

[110] Mon Dieu… Quelle allégress

[111] Le bailli a des attributions judiciaires dans une petite ville ; quant а l’élu, il est chargé de trancher en première instance les contestations relatives а la répartition de certains impots.

[112] D’un siège pliant: et non d’une chaise ou d’un fauteuil ; Mariane sera a peine reçue dans cette société provinciale.

[113] La grand’bande : on appelait ainsi les vingt-quatre violons de la chambre du Roi.

[114] Fagotin : c’était le nom du singe de Brioché, célèbre montreur de marionnettes au milieu du XVIIe siècle.

[115] que cette affaire passe

[116] м Ma pauvre fille! Non.↔

[117] Si mes vœux déclarés…: latinisme qui signifie : si le fait de déclarer l’amour que je porte а Valère pouvait conjurer le sort…

[118] Fais-moi Non; vous serez, ↔

[119] Madame, une nouvelle

[120] Sans doute : sans aucun doute.

[121] Tartuffe. Il est certain

[122] [imɛn]

[123] où votre âme s’arrête

[124] Madame ? Je ne sais.↔

[125] Vous ne savez ? Non. Non ?↔

[126] Oui. Tout de bon ? Sans doute.→

[127] Réussir : arriver.

[128] Quand vous… Ne parlons point↔

[129] В этом и предыдущем стихе немую стопу можно варьировать, синкопируя ритм.

[130] Le mérite Mon Dieu,↔

[131] Красиво. Начинается стих с сильной первой стопы в слове mérite, а кончается сильной конечной стопой в том же слове.

[132] Sans doute : sans aucun doute.

[133] Прикольно, это, оказывается, синонимы ( :-😊

[134] h aspiré

[135] Engage notre gloire : met en cause notre fierté.

[136] Sans doute : sans aucun doute. Assurément.

[137] Vous le voudri[j]ez ? Oui.↔

[138] Fort bien. Souvenez-vous↔

[139] Tant mieux. Vous me voyez,↔

[140] А la bonne heure. Euh ? Quoi ?↔Ne m’appelez-vous pas ?→

Вариант

MARIANE

А la bonne heure.

VALÈRE

Euh ? (Il s’en va; et lorsqu’il est vers la porte, il se retourne.)

MARIANE

Quoi ?↔

VALÈRE

Ne m’appelez-vous pas ?→

А la bonne heure. Euh ?Quoi ? Ne m’appelez-vous pas ?

[141] Moi! vous rêvez. Hé bien Тем, что обе реплики до цезуры, Мольер подсказывает нам, что Валер перебивает Марьяну.

[142] А здесь Марьяна перебивает, верней, отвечает быстро, без паузы. А ее, в свою очередь, осекает Дорина.

[143] Adieu, Madame. Adieu,↔Monsieur. Pour moi, je pense

[144] Venez ici. Non, non,↔

[145] Arrêtez. Non, vois-tu,↔

[146] Ah. Il souffre а me voir,↔

[147] Laisse. Il faut revenir.→

[148] Diantre soit fait de vous si je le veux ! : le diable vous emporte si je consens а vous laisser partir.

[149] Запятая, поэтому льезон невозможен.

[150] Allons, vous. А quoi bon↔ma main ? Ah ! çа, la vôtre.→

[151] Vous payerez de quelque maladie : vous prétexterez quelque maladie.

[152] Que vous disiez « oui » : si vous ne dites pas « oui ».

[153] V. 813—814 : Nous allons réveiller les efforts de son frère (nous dirions aujourd’hui beau-frère) Cléante, et jeter Elmire, la belle-mère de Mariane, dans notre parti. Ces deux vers s’adressent а Mariane, comme le souligne l’édition de 1734.

[154] Adieu. Quelques efforts↔

[155] Sortez, vous dis-je. Enfin…↔

[156] Tirez : allez, partez.

[157] Стало афоризмом..

[158] [imɛn]

[159] VAR. Mais а convoiter, moi, je ne suis pas si prompte. (1682).

[160] sur-le-champ — немедленно, тотчас же

[161] Hélas : cette interjection ne marque pas ici le regret ou la douleur, mais l’attendrissement. (Cf. Les Femmes savantes, IV, 5, v. 1447: « Hélas ! dans cette humeur conservez-le toujours ! »).

[162] Ne nous éclaire : ne nous épie, ne nous observe.

[163] Sans doute : sans aucun doute, assurément.

[164] VAR. Et vous faire serment, que les bruits que je fais. (1682).

[165] VAR. De vous faire aucun mal je n’eus jamais dessein. (1682).

[166] [mwaløz] или [mwɛløz] (Wiktionnaire)

[167] Ses attraits réfléchis : un reflet de ses attraits, de ses splendeurs.

[168] Amour est souvent encore féminin au XVIIe siècle.

[169] Au plus beau des portraits : devant le plus beau des portraits.

[170] Le noir esprit : le diable.

[171] Adroite se prononçait adrète (Vaugelas nous indique, dans ses Remarques, que droit se prononçait dret).

[172] une audace bien grande

[173] Vous deviez : vous auriez dû.

[174] Parodie du fameux vers de Corneille : « Ah ! pour être Romain, je n’en suis pas moins homme ! » (Sertorius, IV, 1, v. 1194).

[175] De mon intérieur : l’intérieur est, dans la langue de la spiritualité, « la partie intime de l’âme » (Littré).

[176] Cf. Mathurin Régnier, Satire XIII, v. 121—124, où il est dit des moines : « Outre le saint vœu qui sert de couverture,/ Ils sont trop obligés au secret de nature/ Et savent, plus discrets, apporter en aimant/ Avecque moins d’éclat, plus de contentement. »

[177] Raillerie : chose déraisonnable.

[178] Damis… Non, s’il vous plt

[179] Il faut que je me croie : il faut que je suive mon sentiment, que je fasse ce que j’ai envie de faire (Cf. Le Dépit amoureux, v. 927).

[180] Vider d’affaire (ou d’affaires) : « On dit vider d’affaires pour dire travailler а en sortir promptement, а les terminer » (Dictionnaire de l’Académie, 1694).

[181] une telle impudence

[182] Tais-toi, pendard. Mon frère

[183] Infâme. Il peut… Tais-toi. ↔

[184] le e muet du pronom le s’élide devant la voyelle du mot suivant.

[185] Ingrat. Laissez-le en paix См. предыдущую сноску: «звук e в местоимении le элидируется [выпадает] перед гласным, с которого начинается следующее слово».

[186] Donc… Paix. Quoi, je Paix, dis-je.→

[187] D’après un petit livre publié en 1730 (Lettre а Mylord *** sur Baron et la Demoiselle Le Couvreur… par George Wink) et les éditeurs de 1734, Tartuffe disait primitivement : « O Ciel, pardonne-lui comme je lui pardonne ! », ou, comme l’indique Voltaire dans son Sommaire de Tartuffe: « O Ciel, pardonne-moi comme je lui pardonne ! »

[188] Hélas ! Le seul penser↔

[189] De ma foi : de ma fidélité а votre égard.

[190] Sans doute : sans aucun doute, assurément.

[191] Ah ! mon frère, une femme

[192] Non, non. Laissez-moi vite,↔

[193] soit faite en toute chose

[194] Colorées : propres а tromper.

[195] Tirées : forcées, artificieuses.

[196] Qui montre à : qui enseigne а…

[197] Monsieur… Il est, Monsieur

[198] Рекламная пауза. Дописать реплику.

[199] Et l’accord que son père a conclu pour ce soir : accord est ici synonyme, non de contrat de mariage, car le contrat est déjа tout rédigé et Orgon le rapporte de chez son notaire, mais de mariage même.

[200] Des droits de la naissance : des droits que ma naissance vous a donnés sur moi.

[201] Dispensez mes vœux de cette obéissance : dispensez-moi de cet acte d’obéissance malgré les vœux que j’ai faits de vous obéir.

[202] Tout le mien : tout le bien dont Mariane a hérité de sa mère, la première femme d’Orgon.

[203] Mais quoi Taisez-vous, vous. ↔

[204] Parlez à votre écot : « Se dit à une personne se mêlant de parler à des gens qui ne lui adressent pas la parole » (Littré).

[205] Je vous admire : je vous regarde avec étonnement.

[206] Etre coiffé de quelqu’un, c’est être entiché de quelqu’un, ne jurer que par lui.

[207] Dévisager : déchirer le visage.

[208] Voir ? Oui. Chansons. Mais quoi !↔

[209] Contes en l’air. Quel homme! ↔

[210] Sans aller plus loin : sans plus tarder.

[211] Comment? Vous bien cacher, ↔

[212] Il (au neutre) : cela.

[213] VAR. De mon trouble, il est vrai, j’étais si possédée. (1682).

[214] VAR. Et les choses en sont en plus de sûreté. (1682).

[215] [Ce lan]gage, à comprendre, ↔

[216] [est a]ssez difficile

[217] Que l’intérêt : sinon l’intérêt.

[218] Sans doute : sans aucun doute, assurément.

[219] Et l’on ne peut aller… : et l’on ne peut arriver à vous satisfaire si l’on ne pousse les choses jusqu’aux dernières faveurs.

[220] On soupçonne aisément un sort : on se défie aisément d’un sort…

[221] Ces vers 1459—1464 sont repris, à quelques modifications près, dans Dom Garcie de Navarre, v. 654—659.

[222] Se parer : se garder, se protéger.

[223] C’est la fameuse direction d’intention, que Pascal a reprochée aux casuistes jésuites dans sa VIIe Provinciale.

[224] Sans doute : sans aucun doute, assurément.

[225] croire trop de léger ;→

[226] VAR. Et ne vous hâtez pas, de peur de vous méprendre. (1682).

[227] VAR. Ah ! ah ! l’homme de bien, vous m’en vouliez donner! (1682). En donner à quelqu’un : le tromper.

[228] Оргон не дает Тартюфу говорить, поскольку понимает силу экстрасенсорного воздействия на него со стороны Тартюфа и боится потерять временно обретенную свободу от этого влияния.

[229] Quoi ! vous cro[i](y)[j]ez… Allons, ↔

[230] Mon dessein… Ces discours↔

[231] sur-le-champ немедленно, тотчас же

[232] Думается, до этого момента Тартюф отвечает Органу машинально, а сам пристально глядит на Эльмиру: мол, что ж ты, сука, мы же одной крови с тобой: ты и я, счастье было так возможно, так близко. И на что ты его променяла? И Эльмира отводит взгляд. Тогда Тартюф спокойно поворачивается к Оргону и информирует его о реальной ситуации. Более того, Тартюф преодолевает сопротивление Оргона его, Тартюфа, колдовскому влиянию, Оргон цепенеет, а Тартюф нависает над ним и гипнотизирует, говоря свой последний монолог. Сказав все, щелкает у Оргона перед носом и тает в воздухе.

[233] Comment ? Je vois ma faute,↔

[234] La donation Oui, c’est ↔

[235] Et quoi ? Vous saurez tout : ↔

[236] me trouble entièrement

[237] mettre entre les bras — отдать в руки, во власть

[238] Elire : choisir.

[239] Cette confidence : le fait d’avoir conservé cette cassette qui vous avait été confiée.

[240] Var. Quoi ? sur un beau semblant… (1682).

[241] On ne doit point gauchir : on ne doit pas y aller par quatre chemins.

[242] Mystères : secrets, révélations.

[243] Le pauvre homme !

[244] Le pauvre homme ![244] Mon fils, ↔

[245] Comment? Les gens de bien

[246] Ma mère ? Que chez vous ↔

[247] VAR. Aux menaces du fourbe, on ne doit dormir point. (1682).

[248] Cette instance : ce procès, cette poursuite.

[249] À l’orgueil de ce traître : devant l’orgueil de ce traître.

[250] Et mes… Que veut cet homme ? ↔

[251] bien aise. Il vous faut voir→

[252] La verge servait aux huissiers — mais M. Loyal est-il huissier ou simplement sergent, comme l’indique la liste des personnages? — à toucher celui auquel il venait signifier un exploit.

[253] Je l’admire : j’en suis stupéfait.

[254] L’office : le rôle, la conduite.

[255] Votre noir jupon : le jupon est, selon le dictionnaire de Furetière (1690), un «grand pourpoint» ou «un petit juste-au-corps […] qui ne serre point le corps et qui est une espèce de veste propre pour l’été.»

[256] Le long passage qui va du v.1773 au v.1800 était sauté а la représentation.

[257] VAR. Cette audace est trop forte,/ J’ai peine а me tenir, il vaut mieux que je sorte (1682).

Selon l’édition de 1734 (t. Ier, p. V et VI), « les comédiens avaient fait ce changement parce que souvent ils étaient dans la nécessité de faire jouer deux personnages а un même acteur, et qu’en faisant ainsi sortir Damis du théàtre, il pouvait, en changeant d’habits, faire le rôle de l’Exempt, qui vient avec Tartuffe а la fin de l’acte. »

[258] Si j’ai droit : si j’ai sujet de me plaindre.

[259] Quel conseil on doit vous faire élire: quel parti on doit vous faire choisir. Les vers 1815 а 1822 étaient sautés а la représentation.

[260] Dont la suite vous réduit : dont la conséquence vous contraint…

[261] Voilа ses droits armés : le voilа maintenant muni d’armes qui lui permettront d’abuser de ses droits.

[262] Amusement : délai, atermoiement.

[263] Интересно, план Валера — это часть спецоперации «тартюф», или он, действительно используя свои возможности чекиста, пытается вывезти Органа, как Штирлиц вывозил Катрин.

[264] grande gloire а prétendre

[265] L’imposteur ! Comme il sait, ↔

[266] Je ne vous parle point… : je ne vous parle point du don de tout son bien…, ce qui aurait dû vous détourner de cette dénonciation.

[267] В этот момент стоявший спиной к Тартюфу Клеант поворачивается и Тартюф его узнает.

[268] Sans doute : sans aucun doute, assurément.

[269] Tout а l’heure: immédiatement;

[270] У Клеанта-экзамта сложная игра. С одной стороны, он испытывает садистическую радость и удовольствие от унижения Тартюфа и приглашает остальных присоединиться к пиршеству, с другой — наслаждается превосходством над остальными и ощущает себя благодетелем, а с третьей — понимает, что его еще ожидает непростое объяснение с Марьяной.

[271] Решил, что это шутка.

[272] Bien entendu, L’Exempt s’adresse а Orgon а partir du vers 1905.

[273] Так что, речь идет о каком-то принце, видимо, министре внутренних дел или председателе КГБ. А вовсе не о Каторзе. Ну конечно, странно, если бы король-солнце лично разбирал всякую мелочь, как это делает наш гарант. 20.06.2020 13:47

[274] une gloire immortelle

[275] Pour les vrais : pour les véritables gens de bien.

[276] Et par un juste trait de l’équité suprême : par un effet de la justice divine.

[277] A vers vous détesté sa làche ingratitude et sa déloyauté : a eu en horreur l’ingratitude et la déloyauté qu’il a manifestées envers vous.

[278] Cette suite : cette dernière horreur.

[279] Les vers 1909—1916, 1919—1926, et 1929—1932 étaient sautés а la représentation.

[280] On se souvient qu’Orgon, durant la Fronde, a soutenu, contre le Parlement et les Princes, les droits de la Couronne.