Обозначения:
полужирный шрифт ударная гласная
↑ немая безударная стопа
↓ немая ударная стопа
↔ цезура
e — внесистемно немая «e» (на концах строк «e» у Мольера вообще не произносятся, поэтому их я не
помечал; то же перед цезурой).
Что касается непроизносимых « e » на концах слов, особенно, если на них приходится
сильная доля, их необязательно произносить, но все равно нужна паузочка, чтобы
сохранить ритм стиха.
[i](y)[i] =
y и i[j] = i — для
того, чтобы разделить ударную и безударную стопы. {В квадратных скобках с нижним
регистром показано, как следует произносить текст, заключенный в круглые
скобки. В случае отсутствие круглых скобок, в квадратных
нижних скобках показаны появляющиеся дополнительные звуки, как в случае с
дополнительным йотированием.}
Александрийский стих формально состоит из двух полустрок, между которыми стоит цезура. Каждая полустрофа состоит из трех ямбических стоп. Итого — шесть слогов. В конце строки добавляется строковая пауза, представляющая собой «немую» стопу. То же — на месте цезуры. В обоих случаях завершающее полустроку немое «e» (при его наличии) включается и в цезуру, и в строковую паузу. Например[1]:
Quoi, le beau nom de fille↔est
un titre, ma sœur,
- ‘ –‘ –‘ (–‘)[2]- ‘ –‘ –‘ (–‘)[3]
Dont vous voulez quitter↔la
charmante douceur ?
- ‘ –‘ –‘ (–‘)- ‘ –‘ –‘
(–‘)
Таким образом,
ритмически одна строка состоит не из шести, а из восьми стоп, три ямбические,
немая (цезура), три ямбические, завершающая немая (строковая пауза).
Molière
LES
FEMMES SAVANTES
Comédie
ACTEURS
CHRYSALE, bon Bourgeois.
PHILAMINTE, femme de Chrysale.
ARMANDE, HENRIETTE, filles de
Chrysale et de Philaminte.
ARISTE, frère de Chrysale.
BÉLISE, sœur de Chrysale.
CLITANDRE, amant d’Henriette.
TRISSOTIN, bel esprit.
VADIUS, savant.
MARTINE, servante de cuisine.
L’ÉPINE, laquais de Trissotin.
JULIEN, valet de Vadius.
LE
NOTAIRE.
La
scène est à Paris.
ACTE
I
SCÈNE
PREMIÈRE
ARMANDE,
HENRIETTE.
ARMANDE
Quoi,
le beau nom de fille↔est un titre, ma
sœur[4],→
Dont
vous voulez quitter↔la charmante douceur ?[5]→
Et
de ↑vous marier↔vous osez faire
fête ?→
Ce
vulgaire dessein↔vous peut monter en tête ?→
HENRIETTE
Oui,
ma sœur[6].
ARMANDE
Ah ce «oui»↔se peut-il
supporter ?→
Et
sans un mal de cœur↔saurait-on l’écouter ?→
HENRIETTE
Qu’a
donc ↑le mariage↔en soi qui vous
oblige,→
Ma
sœur…
ARMANDE
Ah
mon Dieu, fi.↔
HENRIETTE→
Comment ?
ARMANDE
Ah fi, vous dis-je.→
Ne
concevez-vous point↔ce que, dès qu’on
l’entend,→
Un
tel mot à l’esprit↔offre de dégoûtant ?→
De
quelle étrange image↔on
est par lui blessée ?→
Sur
quelle sale vue↔il traîne la
pensée ?→
N’en
frissonnez-vous point ?↔et pouvez-vous,
ma sœur,→
Aux
suites de ce mot ↔résoudre votre
cœur ?→
HENRIETTE
Les suites de ce mot,↔quand
je les envisage,→
Me
font voir un mari,↔des enfants, un
ménage ;[7]→
Et
je ne vois rien là,↔si j’en puis raisonner,→
Qui
blesse la pensée,↔et fasse frissonner.→
ARMANDE
De
tels attachements,↔ô Ciel ! sont pour
vous plaire ?→
HENRIETTE
Et qu’est-ce qu’à mon âge↔on
a de mieux à faire,→
Que
d’attacher à soi,↔par le titre
d’époux,→
Un
homme qui vous aime,↔et soit aimé
de vous ;→
Et
de cette union↔de tendresse suivie,→
Se
faire les douceurs↔d’une innocente
vie ?→
Ce nœud bien assorti↔n’a-t-il
pas des appas ? →?
ARMANDE
Mon
Dieu, que votre esprit ↔est d’un
étage bas !→
Que
vous↑ jouez au monde↔un petit personnage,→
De
vous claquemurer[8]↔aux choses du
ménage,→
Et
de n’entrevoir point↔de plaisirs plus
touchants,→
Qu’un idole d’époux[9],↔et des marmots
d’enfants !→
Laissez
aux gens grossiers,↔aux personnes vulgaires,→
Les
bas amusements↔de ces sortes d’affaires.→
À
de plus hauts objets↔élevez vos
désirs,→
Songez
à prendre un goût↔des plus
nobles plaisirs[10],→
Et
traitant de mépris↔les sens et la
matière,→
À
l’esprit comme nous↔donnez-vous toute entière :→
Vous
avez notre mère↔en exemple
à vos yeux,→
Que
du nom de savante↔on honore
en tous lieux,→
Tâchez
ainsi que moi↔de vous montrer sa fille,→
Aspirez
aux clartés[11]↔qui sont
dans la famille,→
Et
vous rendez sensible↔aux charmantes
douceurs→
Que
l’amour de l’étude↔épanche dans
les cœurs :→
Loin
d’être aux lois d’un homme↔en
esclave asservie ;→
Mariez-vous,
↓ ma sœur, ↔à la philosophie,→
Qui
nous monte au-dessus↔de tout
le genre humain,→
Et
donne à la raison↔l’empire
souverain, →
Soumettant
à ses lois↔la partie animale[12]→
Dont
l’appétit grossier↔aux bêtes nous
ravale.→
Ce
sont là les beaux feux,↔les doux
attachements,→
Qui
doivent de la vie↔occuper les moments ;→
Et
les soins où je vois↔tant de femmes
sensibles,→
Me
paraissent aux yeux↔des pauvretés
horribles. →
HENRIETTE
Le
Ciel, dont nous voi[y]ions ↔que
l’ordre est tout-puissant,→
Pour
différents emplois↔nous fabrique
en naissant ;→
Et
tout esprit n’est pas↔composé d’une
étoffe→
Qui
se trouve taillée↔à faire
un philosophe.→
Si
le vôtre est né propre↔
↑aux élévations→
Où
montent des savants↔ ↑les spéculations[13],→
Le
mien est fait, ma sœur,↔pour aller terre
à terre[14],→
Et
dans les petits soins ↔ son faible se resserre.→
Ne
troublons point du Ciel↔les justes règlements,→
Et
de nos deux instincts↔suivons les mouvements ;→
Habitez
par l’essor↔d’un grand et beau génie,→
Les
hautes ↓régions↔de la philosophie,→
Tandis
que mon esprit↔se tenant ici-bas,→
Goûtera
de l’hymen↔les terrestres appas.→
Ainsi
dans nos desseins↔l’une à
l’autre contraire,→
Nous
saurons toutes deux↔imiter notre mère ;→
Vous,
du côté de l’âme↔et des
nobles désirs,→
Moi,
du côté des sens↔et des grossiers
plaisirs ;→
↑
Vous, aux productions↔d’esprit et de
lumière,→
Moi,
dans celles, ma sœur,↔qui sont de la
matière.
ARMANDE
Quand
sur une personne↔on prétend se
régler,→
C’est
par les beaux côtés↔qu’il lui
faut ressembler ;→
Et
ce n’est point du tout↔la prendre pour
modèle,→
Ma
sœur, que de tousser↔et de cracher comme elle.→
HENRIETTE
Mais
vous ne seriez pas↔ce dont vous vous vantez,→
Si
ma mère n’eût eu↔que
de ces beaux côtés ;→
Et bien vous prend, ma sœur,↔que
son noble génie→
N’ait
pas vaqué toujours↔à
la philosophie.→
De
grâce souffrez-moi↔par un peu de bonté→
Des
bassesses à qui↔vous
devez la clarté ;→
Et
ne supprimez point,↔voulant qu’on vous seconde[15],→
Quelque petit savant↔qui veut venir au monde.→
ARMANDE
Je
vois que votre esprit↔ne
peut être guéri→
Du
fol entêtement↔de vous faire un mari :→
Mais
sachons, s’il vous plaît,↔qui
vous songez à prendre ?→
Votre visée au moins ↔n’est pas
mise à Clitandre[16].→
HENRIETTE
Et
par quelle raison↔n’y serait-elle pas ?→
Manque-t-il de mérite ?↔est-ce
un choix qui soit bas ?→
ARMANDE
Non,
mais c’est un dessein↔qui serait
malhonnête,→
Que
de vouloir d’un autre[17]↔enlever la conquête ;→
Et
ce n’est pas un fait↔dans le monde ignoré,→
Que
Clitandre ait pour moi↔hautement soupiré.→
HENRIETTE
Oui,
mais tous ces soupirs↔chez vous sont choses vaines,→
Et
vous ne tombez point↔aux bassesses humaines ;→
Votre
esprit à l’hymen↔renonce pour toujours,→
Et
la philosophie↔a toutes vos amours :→
Ainsi n’a[i](y)[j]ant au cœur↔nul dessein pour Clitandre,→
Que
vous importe-t-il↔qu’on y puisse prétendre ?
ARMANDE
Cet
empire que tient ↔la raison sur les sens,→
Ne
fait pas renoncer ↔aux douceurs des encens ;→
Et
l’on peut pour époux↔refuser un mérite[18]→
Que
pour adorateur↔on veut bien à sa suite.→
HENRIETTE
Je
n’ai pas empêché↔
qu’à vos ↑perfections→
Il
n’ait ↑continué↔ ↑ses adorations ;→
Et
je n’ai fait que prendre,↔au
refus de votre âme,→
Ce
qu’est venu m’offrir↔l’hommage de sa flamme.→
ARMANDE
Mais
à l’offre des vœux↔d’un
amant dépité,→
Trouvez-vous, je vous prie,↔entière sûreté ?→
Cro[i](y)[j]ez-vous pour vos yeux↔ ↑ sa passion bien forte,→
Et
qu’en son cœur pour moi↔toute flamme soit morte ?→
HENRIETTE
Il
me le dit, ma sœur,↔et
pour moi je le crois.→
ARMANDE
Ne
so[i](y)[j]ez pas, ma sœur,↔d’une si bonne foi,→
Et
cro[i](y)[j]ez, quand il dit↔qu’il me quitte et vous aime,→
Qu’il
n’y songe pas bien,↔et se
trompe lui-même.→
HENRIETTE
Je
ne sais ; mais enfin,↔si c’est votre plaisir[19],→
Il
nous est bien aisé↔de
nous en éclaircir.→
Je
l’aperçois qui vient,↔et
sur cette matière→
Il
pourra nous donner↔une pleine lumière.
SCÈNE II
CLITANDRE, ARMANDE, HENRIETTE.→
HENRIETTE
Pour
me tirer d’un doute↔où
me jette ma sœur,→
Entre
elle et moi, Clitandre,↔expliquez votre cœur,→
Découvrez-en le fond,↔et nous daignez apprendre→
Qui
de nous à vos vœux↔est
en droit de prétendre.→
ARMANDE
Non,
non, je ne veux point↔ ↑à votre passion→
Imposer la rigueur↔d’une explication ;[20]→
Je
ménage les gens,↔et sais
comme embarrasse→
Le
contraignant effort↔de ces aveux en face.→
CLITANDRE
Non,
↓Madame, mon
cœur↔qui dissimule peu,→
Ne
sent nulle contrainte↔à
faire un libre aveu ;→
Dans
aucun embarras↔un tel pas ne me jette,→
Et
j’avouerai tout haut↔d’une
âme franche et nette,→
↑Que les tendres liens↔où
je suis arrêté,→
Mon
amour et mes vœux,↔sont
tout de ce côté[21].→
Qu’à
nulle émotion↔cet
aveu ne vous porte ;→
Vous
avez bien voulu↔les choses de la sorte[22],→
Vos
attraits m’avaient pris,↔et
mes tendres soupirs→
Vous
ont assez prouvé↔l’ardeur
de mes désirs :→
Mon
cœur vous consacrait ↔ une flamme immortelle,→
Mais
vos yeux n’ont pas cru↔leur conquête assez belle ;→
J’ai
souffert sous leur joug↔cent
mépris différents,→
Ils
régnaient sur mon âme↔en superbes tyrans,→
Et
je me suis cherché,↔lassé de tant de peines,→
Des
vainqueurs plus humains,↔et de moins rudes chaînes :→
Je
les ai rencontrés,↔Madame, dans ces yeux,→
Et
leurs traits à jamais↔ ↑
me seront précieux ;→
D’un
regard pito[i](y)[j]able↔ils
ont séché mes larmes,→
Et
n’ont pas dédaigné↔le
rebut de vos charmes ;→
De
si rares bontés↔m’ont
si bien su toucher,→
Qu’il
n’est rien qui me puisse↔à
mes fers arracher ;→
Et
j’ose maintenant↔vous conjurer, Madame,→
De
ne vouloir tenter↔nul effort sur ma flamme,→
De
ne point essa[i](y)[j]er↔à
rappeler un cœur→
Résolu de mourir↔dans cette douce ardeur.
ARMANDE
Eh
qui vous dit, Monsieur,↔que
l’on ait cette
envie,→
Et
que de vous enfin↔si fort on se soucie ?→
Je
vous trouve plaisant,↔de vous le figurer ;→
Et bien
impertinent,↔de me le déclarer.→
HENRIETTE
Eh
doucement, ma sœur.↔Où donc est la
morale→
Qui
sait si bien régir↔la partie
animale,→
Et
retenir la bride↔aux efforts du courroux ?→
ARMANDE
Mais
vous qui m’en parlez,↔où la pratiquez-vous,→
De
répondre à l’amour↔que
l’on vous fait paraître,→
Sans
le congé[23] de ceux↔qui
vous ont donné l’être ?→
Sachez
que le devoir↔vous soumet à leurs lois,→
Qu’il
ne vous est permis↔d’aimer que par
leur choix,→
Qu’ils
ont sur votre cœur↔l’autorité
suprême,→
Et
qu’il est criminel↔d’en disposer vous-même.→
HENRIETTE
Je
rends grâce aux bontés↔que
vous me faites voir,→
De
m’enseigner si bien↔les choses du devoir ;→
Mon
cœur sur vos leçons↔veut régler
sa conduite,→
Et
pour vous faire voir,↔ma sœur, que j’en
profite,→
Clitandre,
prenez soin↔d’appu[i](y)[j]er votre amour→
De
l’agrément de ceux↔dont j’ai
reçu le jour,→
Faites-vous
sur mes vœux↔un pouvoir légitime,→
Et
me donnez mo[i](y)[j]en↔de vous aimer
sans crime.→
CLITANDRE
J’y
vais de tous mes soins↔travailler hautement,→
Et
j’attendais de vous↔ce doux consentement.→
ARMANDE
Vous
tri[j]omphez, ma sœur,↔et faites
une mine→
À
vous imaginer↔que cela me chagrine.
→
HENRIETTE
Moi,
ma sœur, point du tout ;↔je sais
que sur vos sens→
Les
droits de la raison↔sont toujours tout-puissants,→
Et
que par les leçons↔qu’on prend dans la
sagesse,→
Vous
êtes au-dessus↔d’une telle faiblesse.→
Loin
de vous soupçonner↔d’aucun chagrin,
je crois→
Qu’ici
vous daignerez↔vous emplo[i](y)[j]er pour moi,→
Appu[i](y)[j]er sa demande,↔et
de votre suffrage→
Presser
l’heureux moment↔ de notre ↓mariage[24].→
Je
vous en sollicite,↔et pour y travailler…→
ARMANDE
Votre
petit esprit↔se mêle de railler,→
Et
d’un cœur qu’on vous jette↔on vous voit
toute fière.→
HENRIETTE
Tout
jeté qu’est ce cœur,↔il ne vous déplaît
guère ;→
Et
si vos yeux sur moi↔le pouvaient
ramasser,→
Ils
prendraient aisément↔le soin
de se baisser.→
ARMANDE
À
répondre à cela[25]↔je ne daigne
descendre,→
Et
ce sont sots discours↔qu’il ne faut pas
entendre.→
HENRIETTE
C’est
fort bien fait à vous,↔et vous nous faites
voir→
↑Des
modérations↔qu’on ne peut concevoir.
SCÈNE
III
CLITANDRE,
HENRIETTE.
HENRIETTE
Votre
sincère aveu↔ne l’a pas peu
surprise.→
CLITANDRE
Elle
mérite assez↔une telle
franchise,→
Et
toutes les hauteurs↔de sa folle fierté→
Sont
dignes tout au moins↔de ma sincérité :→
Mais
puisqu’il m’est permis, ↔je vais à votre
père,→
Madame…
HENRIETTE
Le
plus sûr↔est de gagner ma mère :→
Mon
père est d’une humeur↔à
consentir à tout,→
Mais
il met peu de poids↔aux choses qu’il
résout[26] ;→
Il
a reçu du Ciel↔certaine bonté
d’âme[27],→
Qui
le soumet d’abord↔à ce que veut
sa femme ;→
C’est
elle qui gouverne,↔et d’un ton absolu→
Elle
dicte pour loi↔ce qu’elle a résolu.→
Je
voudrais bien vous voir[28]↔pour elle,
et pour ma tante,→
Une
âme, je l’avoue,↔un peu plus complaisante,→
Un
esprit qui flattant↔↑les visions
du leur,→
Vous
pût de leur estime↔attirer
la chaleur.→
CLITANDRE
Mon
cœur n’a jamais pu,↔tant il est né
sincère,→
Même
dans votre sœur↔flatter leur caractère,→
Et
les femmes docteurs↔ne sont point de
mon goût.→
Je
consens qu’une femme↔ait des clartés
de tout,→
Mais
je ne lui veux point↔↑la passion
choquante→
De
se rendre savante↔afin d’être
savante ;→
Et
j’aime que souvent↔↑aux questions
qu’on fait,→
Elle
sache ignorer↔les choses qu’elle
sait ;→
De
son étude enfin↔je veux
qu’elle se cache,→
Et
qu’elle ait du savoir↔sans vouloir[29] qu’on le sache,→
Sans
citer[30] les
auteurs,↔sans dire de grands mots,→
Et
clouer ↑ de l’esprit↔à ses
moindres[31] propos.→
Je
respecte[32]
beaucoup↔Madame votre mère,→
Mais
je ne puis du tout↔approuver sa chimère,→
Et
me rendre[33]
l’écho↔des choses qu’elle dit→
Aux
encens[34] qu’elle
donne[35]↔à
son héros d’esprit.→
Son
Monsieur Trissotin↔me chagrine[36], m’assomme,→
Et
j’enrage[37] de voir↔qu’elle
estime un tel homme,→
Qu’elle
nous mette au rang↔des grands et beaux
esprits→
Un
benêt dont partout↔on siffle les
écrits,→
Un
pédant dont on voit↔la plume libérale→
↑D’officieux
papiers↔fournir toute[38]
la halle[39].→
HENRIETTE
Ses
écrits, ses discours,↔tout m’en semble
ennuyeux,→
Et
je me trouve assez↔votre
goût et vos yeux→
Mais
comme sur ma mère↔il a grande
puissance,→
Vous
devez vous forcer↔à quelque complaisance.→
Un
amant fait sa cour ↔où s’attache
son cœur[40],→
Il
veut de tout le monde ↔y gagner la faveur ;→
Et
pour n’avoir personne↔à sa flamme
contraire,→
Jusqu’au
chien du logis↔il s’efforce[41]
de plaire.→
CLITANDRE
Oui,
vous avez raison ;↔mais Monsieur Trissotin→
M’inspire
au fond de l’âme↔un dominant chagrin.→
Je
ne puis consentir, ↔pour gagner ses
suffrages,→
À
me déshonorer, ↔en prisant ses
ouvrages ;→
C’est
par eux qu’à mes yeux ↔il a d’abord
paru,→
Et
je le connaissais ↔avant que l’avoir vu.→
Je
vis dans le fatras ↔des écrits qu’il
nous donne,→
Ce
qu’étale en tous ↔lieux sa pédante
personne,→
La
constante hauteur ↔ ↑de sa présomption ;→
Cette
intrépidité ↔de bonne opinion ;→
Cet
indolent[42] état ↔de
confiance extrême,→
Qui
le rend en tout temps ↔si content de
soi-même,→
Qui
fait qu’à son mérite ↔incessamment
il rit ;→
Qu’il
se sait si bon gré ↔de tout ce qu’il
écrit ;→
Et
qu’il ne voudrait pas ↔changer sa renommée→
Contre
tous les honneurs ↔d’un général
d’armée.→
HENRIETTE
C’est
avoir de bons yeux ↔que de voir tout
cela.→
CLITANDRE
Jusques
à sa figure ↔encor la chose
alla[43],→
Et
je vis par les vers ↔qu’à la tête
il nous jette,→
De
quel air il fallait ↔ que fût fait le
poète ;→
Et
j’en avais si bien ↔deviné tous
les traits,→
Que
rencontrant un homme ↔ un jour dans le
Palais,→
Je
gageai que c’était ↔Trissotin en
personne,→
Et
je vis qu’en effet ↔la gageure
était bonne.→
HENRIETTE
Quel
conte !
CLITANDRE
Non, je dis ↔ la chose
comme elle est :→
Mais
je vois votre tante. ↔Agréez, s’il
vous plaît,→
Que
mon cœur lui déclare ↔ ici notre
mystère,→
Et
gagne sa faveur auprès de votre mère.
→
SCÈNE
IV
CLITANDRE,
BÉLISE.
CLITANDRE
Souffrez,
pour vous parler, ↔Madame, qu’un amant→
↑Prenne
l’occasion ↔de cet heureux moment,→
Et
se découvre à vous ↑de
la sincère flamme…→
BÉLISE
Ah
tout beau, gardez-vous ↔de m’ouvrir trop
votre âme :→
Si
je vous ai su mettre ↔au rang de mes
amants,→
Contentez-vous
des yeux ↔pour vos seuls truchements,→
Et
ne m’expliquez point ↔par un autre[44] langage→
Des
désirs qui chez moi ↔ passent pour un
outrage ;→
Aimez-moi,
soupirez, ↔brûlez pour mes appas,→
Mais
qu’il me soit permis ↔de ne le savoir
pas :→
Je
puis fermer les yeux ↔sur vos flammes
secrètes,→
Tant
que vous vous tiendrez ↔aux muets ↑ interprètes[45] ;→
Mais
si la bouche vient ↔à s’en vouloir
mêler,→
Pour
jamais de ma vue ↔il vous faut exiler.→
CLITANDRE
Des
projets de mon cœur ↔ne prenez point
d’alarme ;→
Henri[j]ette, Madame, ↔est
l’objet qui me charme,→
Et
je viens ardemment ↔conjurer vos bontés→
De
seconder l’amour ↔que j’ai pour ses
beautés.→
BÉLISE
Ah
certes le détour ↔est d’esprit, je
l’avoue,→
Ce
subtil faux-fui[j]ant ↔mérite qu’on le
loue ;→
Et
dans tous les romans ↔où j’ai jeté
les yeux,→
Je
n’ai rien rencontré ↔ de plus↑ ingénieux.→
CLITANDRE
Ceci
n’est point du tout ↔un trait d’esprit, Madame,→
Et
c’est un pur aveu ↔de ce que j’ai dans l’âme.→
Les
cieux, ↑ par les liens ↔d’une
immuable ardeur[46],→
Aux
beautés d’Henri[j]ette[47] ↔
ont attaché mon cœur ;→
Henri[j]ette me tient ↔
sous son aimable empire,→
Et
l’hymen d’Henri[j]ette ↔ est le bien où j’aspire ;→
Vous
y pouvez beaucoup, ↔ et tout ce que je
veux,→
C’est
que vous y daigniez ↔ favoriser mes vœux.→
BÉLISE
Je
vois où doucement ↔ veut aller la
demande,→
Et
je sais sous ce nom ↔ ce qu’il faut que
j’entende ;→
La
figure[48] est adroite,
↔ et pour n’en point sortir[49],→
Aux
choses que mon cœur ↔ m’offre
à vous repartir,→
Je
dirai qu’Henri[j]ette ↔ à l’hymen est rebelle,→
Et
que sans rien prétendre, ↔ il faut
brûler pour elle.→
CLITANDRE
Eh,
Madame, à quoi bon↔ un pareil embarras,→
Et
pourquoi voulez-vous ↔ penser ce qui
n’est pas ?→
BÉLISE
Mon
Dieu, point de façons ; ↔cessez
de vous défendre→
De
ce que vos regards ↔m’ont souvent fait
entendre ;→
Il
suffit que l’on est ↔contente du
détour→
Dont
s’est adroitement ↔avisé votre
amour,→
Et
que sous la figure ↔où le respect
l’engage,→
On
veut bien se résoudre ↔à souffrir
son hommage,→
Pourvu
que ses transports ↔par l’honneur éclairés→
N’offrent
à mes autels ↔que des vœux épurés.→
CLITANDRE
Mais…
BÉLISE
Adieu, pour ce coup ↔ceci
doit vous suffire,→
Et
je vous ai plus dit ↔que je ne voulais
dire.→
CLITANDRE
Mais
votre erreur…
BÉLISE
Laissez, ↔je rougis maintenant,→
Et
ma pudeur s’est fait ↔un effort surprenant.→
CLITANDRE
Je
veux être pendu, ↔si je vous aime,
et sage…→
BÉLISE
Non,
non, je ne veux rien ↔entendre davantage.→
CLITANDRE
Diantre
soit de la folle ↔ avec ↑ ses visions.→
A-t-on rien vu d’égal ↔ à ces ↑ préventions ?→
Allons
commettre un autre ↔ au soin que
l’on me donne[50],→
Et
prenons le secours ↔ d’une
sage personne[51].→
ACTE
II
SCÈNE
PREMIÈRE
ARISTE[52].
Oui,
je vous porterai ↔la réponse au
plus tôt ;→
J’appuierai, presserai, ↔ferai
tout ce qu’il faut.→
Qu’un
amant, pour un mot, ↔a de choses
à dire !→
↑Et
qu’impatiemment ↔il veut ce qu’il désire !→
SCÈNE
II
CHRYSALE,
ARISTE.
ARISTE
[54]Ah,
Dieu vous gard’, ↔mon frère.
CHRYSALE
Et
vous aussi,→
Mon frère.
ARISTE
Savez-vous
↔ ce qui m’amène ici ?[55]→
CHRYSALE
Non ;
mais, si vous voulez, ↔je suis prêt à
l’apprendre.→
ARISTE
Depuis
assez longtemps ↔vous connaissez Clitandre ?→
CHRYSALE
Sans
doute, et je le vois ↔qui fréquente
chez nous.→
ARISTE
En
quelle estime est-il,↔mon
frère, auprès de vous ?→
CHRYSALE
D’homme
d’honneur, d’esprit, ↔de cœur, et de
conduite,→
Et
je vois peu de gens ↔qui soient
de son mérite.→
ARISTE
Certain
désir qu’il a, ↔conduit
ici mes pas,→
Et
je me ↓ réjouis ↔que vous en fassiez
cas.→
CHRYSALE
Je
connus feu son père ↔en mon vo[i](y)[j]age à Rome.→
ARISTE
Fort
bien.
CHRYSALE
C’était, mon frère,
↔un fort bon gentilhomme.→
ARISTE
On
le dit.
CHRYSALE
Nous n’avions ↔alors
que vingt-huit ans,→
Et
nous étions, ma foi, ↔tous deux de verts
galants.→
ARISTE
Je
le crois.
CHRYSALE→
Nous donnions[56] ↔chez les
dames romaines,→
Et
tout le monde là ↔parlait de nos
fredaines ;→
Nous
faisions des jaloux[57]. ↔
ARISTE
Voilà qui va des mieux :→
Mais
venons au sujet ↔qui m’amène
en ces lieux. →
SCÈNE
III
BÉLISE,
CHRYSALE, ARISTE.
ARISTE
Clitandre
auprès de vous ↔me fait son interprète,→
Et
son cœur est épris ↔des grâces
d’Henri[j]ette.→
CHRYSALE
Quoi,
de ma fille ?
ARISTE
Oui, ↔Clitandre
en est charmé,→
Et
je ne vis jamais ↔amant plus enflammé.→
BÉLISE
Non,
non, je vous entends, ↔vous ignorez
l’histoire,→
Et
l’affaire n’est pas ↔ce que vous pouvez
croire.→
ARISTE
Comment,
ma sœur ?→
BÉLISE
Clitandre ↔abuse vos
esprits,→
Et
c’est d’un autre objet ↔que son
cœur est épris.→
ARISTE
Vous
raillez. Ce n’est pas ↔Henri[j]ette qu’il aime ?→
BÉLISE
Non,
j’en suis assurée. ↔
ARISTE
Il me l’a dit lui-même.→
BÉLISE
Eh
oui.
ARISTE
Vous me vo[i](y)[j]ez, ↔ma sœur, chargé
par lui→
D’en
faire la demande ↔à son père
aujourd’hui.→
BÉLISE
Fort
bien.
ARISTE
Et son amour ↔même
m’a fait instance→
De
presser les moments ↔d’une telle alliance.→
BÉLISE
Encor
mieux. On ne peut ↔tromper plus galamment.→
Henri[j]ette, entre
nous, ↔est un amusement[58],→
Un
voile ingénieux, ↔un prétexte,
mon frère,→
À
couvrir d’autres feux ↔dont je sais le
mystère,→
Et
je veux bien tous deux ↔vous mettre hors
d’erreur.→
ARISTE
Mais
puisque vous savez ↔tant de choses, ma
sœur,→
Dites-nous,
s’il vous plaît, ↔cet autre
objet qu’il aime.→
BÉLISE
Vous
le voulez savoir ? ↔
ARISTE
Oui.
Quoi ?
BÉLISE
Moi.
ARISTE
Vous ?
BÉLISE
Moi-même.→
ARISTE
Hay,
ma sœur !
BÉLISE
Qu’est-ce
donc ↔que veut dire ce «hay»,→
Et
qu’a de surprenant ↔le discours que je
fais ?→
On
est faite d’un air ↔je pense
à pouvoir dire→
Qu’on
n’a pas pour un cœur[59] ↔soumis
à son empire ;→
Et
Dorante, Damis, ↔Cléonte,
et Lycidas,→
Peuvent
bien faire voir ↔qu’on a quelques appas.→
ARISTE
Ces
gens vous aiment ?
BÉLISE
Oui, ↔de toute leur
puissance.→
ARISTE
Ils
vous l’ont dit ?
BÉLISE
Aucun
↔n’a pris cette licence ;→
Ils
m’ont su révérer ↔si fort jusqu’à
ce jour,→
Qu’ils
ne m’ont jamais dit ↔un mot
de leur amour :→
Mais
pour m’offrir leur cœur, ↔et vouer ↑leur
service,→
↑Les
muets truchements↔ ont tous fait leur office.→
ARISTE
On
ne voit presque point ↔céans venir
Damis.→
BÉLISE
C’est
pour me faire voir ↔un respect plus
soumis.→
ARISTE
De
mots piquants partout ↔Dorante vous
outrage.→
BÉLISE
Ce
sont emportements ↔d’une jalouse rage.→
ARISTE
Cléonte
et Lycidas ↔ont pris femme tous deux.→
BÉLISE
C’est
par un désespoir ↔où j’ai
réduit leurs feux.→
ARISTE
Ma
foi ! ma chère sœur, ↔ vision↑
toute claire.→
CHRYSALE
De
ces chimères-là ↔vous devez vous
défaire.→
BÉLISE
Ah
chimères ! Ce sont ↔des chimères,
dit-on !→
Chimères,
moi ! Vraiment ↔chimères est fort
bon !→
Je
me réjouis↑ fort ↔de chimères,
mes frères,→
Et
je ne savais pas ↔que j’eusse des chimères.
SCÈNE
IV
CHRYSALE,
ARISTE.
CHRYSALE
Notre
sœur est folle, oui.↔
ARISTE
Cela
croît tous les jours.→
Mais,
encore une fois, ↔reprenons
le discours.→
Clitandre
vous demande ↔Henri[j]ette pour femme,→
Vo[i](y)[j]ez quelle réponse ↔on
doit faire à sa flamme ?→
CHRYSALE
Faut-il
le demander ? ↔J’y consens de bon cœur,→
Et
tiens ↑son alliance ↔à singulier
honneur.→
ARISTE
Vous
savez que de bien ↔il n’a pas l’abondance,→
Que…
CHRYSALE
C’est
un intérêt ↔qui n’est pas d’importance ;→
Il
est riche en vertu, ↔cela
vaut des trésors,→
Et
puis son père et moi ↔n’étions
qu’un en deux corps[60].→
ARISTE
Parlons
à votre femme,↔et vo[i](y)[j]ons à la rendre→
Favorable…
CHRYSALE
Il suffit, ↔je l’accepte pour gendre.→
ARISTE
Oui ;
mais pour appu[i](y)[j]er↔votre consentement,→
Mon
frère, il n’est pas mal↔d’avoir son agrément,→
Allons…
CHRYSALE
Vous
moquez-vous ? ↔Il n’est pas nécessaire,→
Je
réponds de ma femme, ↔et prends sur moi l’affaire.→
ARISTE
Mais…
CHRYSALE
Laissez
faire, dis-je, ↔et n’appréhendez pas.→
Je
la vais disposer↔aux choses de ce pas.→
ARISTE
Soit.
Je vais là-dessus↔sonder votre
Henri[j]ette,→
Et
reviendrai savoir…↔
CHRYSALE
C’est
une affaire faite.→
Et
je vais à ma femme↔en parler sans
délai.
SCÈNE
V
MARTINE,
CHRYSALE.
MARTINE
Me
voilà bien chanceuse ! ↔Hélas l’an dit
bien vrai[61] :→
Qui
veut no[i](y)[j]er son chien, ↔l’accuse de la rage,→
Et
service d’autrui ↔n’est pas un héritage[62].→
CHRYSALE
Qu’est-ce
donc ? Qu’avez-vous, ↔Martine ?
MARTINE
Ce
que j’ai ?→
CHRYSALE
Oui ?
MARTINE
J’ai
que l’an me donne[63] ↔aujourd’hui mon congé,→
Monsieur.
CHRYSALE
Votre
congé ! ↔
MARTINE
Oui,
Madame me chasse.→
CHRYSALE
Je
n’entends pas cela. ↔Comment ?
MARTINE
On
me menace,→
Si
je ne sors d’ici, ↔de me bailler cent coups.→
CHRYSALE
Non,
vous demeurerez, ↔je suis content de vous ;→
Ma
femme bien souvent ↔a la tête un
peu chaude,→
Et
je ne veux pas moi… ↔
SCÈNE VI
PHILAMINTE,
BÉLISE, CHRYSALE, MARTINE.
PHILAMINTE
Quoi,
je vous vois, maraude ?→
Vite,
sortez, friponne ; ↔allons, quittez ces lieux,→
Et
ne vous présentez↔jamais devant mes yeux.→
CHRYSALE
Tout
doux.
PHILAMINTE
Non,
c’en est fait. ↔
CHRYSALE
Eh.
PHILAMINTE
Je
veux qu’elle sorte.→
CHRYSALE
Mais
qu’a-t-elle commis, ↔pour vouloir de la sorte…→
PHILAMINTE
Quoi,
vous la soutenez ? ↔
CHRYSALE
En
aucune façon.→
PHILAMINTE
Prenez-vous
son parti↔contre moi ?
CHRYSALE
Mon
Dieu non ;→
Je
ne fais seulement↔que demander son crime.→
PHILAMINTE
Suis-je
pour la chasser↔sans cause légitime ?→
CHRYSALE
Je
ne dis pas cela, ↔mais il faut de nos gens…→
PHILAMINTE
Non,
elle sortira, ↔vous dis-je, de céans.→
CHRYSALE
Hé
bien oui. Vous dit-on↔quelque chose là
contre ?→
PHILAMINTE→
Je
ne veux point d’obstacle↔aux désirs que
je montre.→
CHRYSALE
D’accord.→
PHILAMINTE
Et
vous devez↔en raisonnable
époux,→
Être
pour moi contre elle↔et prendre mon courroux[64].→
CHRYSALE
Aussi
fais-je. Oui, ma femme↔avec raison vous chasse,→
Coquine,
et votre crime↔est indigne de grâce.
MARTINE
Qu’est-ce
donc que j’ai fait ? ↔
CHRYSALE
Ma
foi ! Je ne sais pas.→
PHILAMINTE
Elle
est d’humeur encore ↔à n’en faire aucun
cas.→
CHRYSALE
A-t-elle,
pour donner ↔matière
à votre haine,→
Cassé
quelque miroir, ↔ou quelque porcelaine ?→
PHILAMINTE
Voudrais-je
la chasser, ↔et vous figurez-vous→
Que
pour si peu de chose ↔on se mette en
courroux ?→
CHRYSALE
Qu’est-ce
à dire ? L’affaire ↔est donc considérable ?→
PHILAMINTE
Sans
doute. Me voit-on ↔femme déraisonnable ?→
CHRYSALE
Est-ce
qu’elle a laissé[65], ↔ d’un esprit négligent,→
Dérober
quelque aiguière, ↔ ou quelque plat d’argent ?→
PHILAMINTE
Cela
ne serait rien. ↔
CHRYSALE
Oh,
oh ! peste, la belle !→
Quoi ?
l’avez-vous surprise ↔ à n’être pas fidèle[66] ?→
PHILAMINTE
C’est
pis que tout cela. ↔
CHRYSALE
Pis
que tout cela ?
PHILAMINTE
Pis.→
CHRYSALE
Comment
diantre, friponne ! ↔ Euh ? a-t-elle commis…→
PHILAMINTE
Elle
a, d’une insolence ↔ à nulle
autre pareille,→
Après
trente leçons, ↔ insulté mon oreille,→
Par
l’impropri[j]été ↔ d’un mot sauvage
et bas,→
Qu’en
termes décisifs ↔ condamne Vaugelas[67].
CHRYSALE
Est-ce
là…
PHILAMINTE
Quoi,
toujours↔malgré nos remontrances,→
Heurter
le fondement↔ de toutes ↓
les sciences ;→
La
grammaire qui sait ↔ régenter jusqu’aux rois,→
Et
les fait la main haute[68] ↔ obéir à
ses lois ?→
CHRYSALE
Du
plus grand des forfaits↔je la cro[i](y)[j]ais coupable.→
PHILAMINTE
Quoi,
vous ne trouvez pas↔ce crime impardonnable ?→
CHRYSALE
Si
fait.
PHILAMINTE
Je
voudrais bien↔que vous l’excusassiez.→
CHRYSALE
Je
n’ai garde[69].
BÉLISE
Il est vrai↔que ce sont des pitiés,→
Toute
construction est ↔ par elle ↓ détruite,→
Et
des lois du langage ↔ on l’a cent fois instruite.→
MARTINE
Tout
ce que vous prêchez ↔ est je crois bel et bon ;→
Mais
je ne saurais, moi, ↔ parler votre jargon.→
PHILAMINTE
L’impudente !
appeler[70] ↔ un jargon le langage→
Fondé
sur la raison ↔ et sur le bel usage !→
MARTINE
Quand
on se fait entendre, ↔ on parle toujours bien,→
Et
tous vos beaux dictons[71] ↔ ne servent pas de rien.→
PHILAMINTE
Hé
bien, ne voilà pas ↔ encore de son style,→
Ne
servent-pas de rien ! ↔
BÉLISE
Ô
cervelle indocile !→
Faut-il
qu’avec les soins ↔qu’on prend incessamment,→
On
ne te puisse apprendre
↔à parler
congrûment ?→
De pas, mis avec rien,
↔tu fais la
récidive[72],→
Et
c’est, comme on t’a dit,
↔trop d’une
négative.
MARTINE
Mon
Dieu, je n’avons[73] pas↔ éduqué comme vous,→
Et
je parlons tout droit
↔comme
on parle chez nous.→
PHILAMINTE
Ah
peut-on y tenir ! ↔
BÉLISE
Quel
solécisme horrible !→
PHILAMINTE
↑
En voilà pour tuer↔une oreille
sensible[74].→
BÉLISE
Ton
esprit, je l’avoue, ↔ est bien ↑matériel.→
Je, n’est qu’un singulier ;
↔avons, ↑est pluriel[75].→
Veux-tu
toute ta vie↔offenser la grammaire[76] ?→
MARTINE
Qui
parle d’offenser↔grand’mère ni grand-père ?→
PHILAMINTE
Ô
Ciel !
BÉLISE
Grammaire est prise↔à contre-sens
par toi[77],→
Et
je t’ai dit déjà↔d’où vient ce mot.
MARTINE
Ma
foi,
Qu’il
vienne de Chaillot, ↔d’Auteuil, ou de Pontoise,→
Cela
ne me fait rien. ↔
BÉLISE
Quelle
âme villageoise !→
La
grammaire, du verbe ↔ et du nominatif[78],→
Comme
de l’adjectif ↔ avec le substantif,→
Nous
enseigne les lois.
↔
MARTINE
J’ai,
Madame, à vous dire→
Que
je ne connais point ↔ ces gens-là.
PHILAMINTE
Quel
martyre !→
BÉLISE
Ce
sont les noms des mots, ↔ et l’on doit regarder→
En
quoi c’est qu’il les faut ↔ faire ensemble
accorder.
MARTINE
Qu’ils
s’accordent entr’eux, ↔ou se gourment[79], qu’importe ?→
PHILAMINTE, à sa sœur.
Eh,
mon Dieu, finissez ↔un discours de la sorte[80].→
(À
son mari.) Vous ne voulez pas, vous,
↔ me la
faire sortir ?→
CHRYSALE
Si
fait. À son caprice ↔ il me faut consentir.[81]→
Va,
ne l’irrite point ; ↔ retire-toi, Martine.→
PHILAMINTE
Comment ?
vous avez peur ↔ d’offenser la coquine ?→
Vous
lui parlez d’un ton ↔ tout à fait obligeant ?→
CHRYSALE, bas.
Moi ?
Point. Allons, sortez[82]. ↔ Va-t’en, ma pauvre
enfant.
SCÈNE VII
PHILAMINTE,
CHRYSALE, BÉLISE.
CHRYSALE
Vous
êtes satisfaite, ↔et la voilà partie.→
Mais
je n’approuve point ↔une telle sortie ;→
C’est
une fille propre ↔aux choses qu’elle fait,→
Et
vous me la chassez ↔pour un maigre sujet[83].→
PHILAMINTE
Vous
voulez que toujours ↔ je l’aie à mon service,→
Pour
mettre incessamment ↔ mon oreille
au supplice ?→
Pour
rompre toute loi ↔ d’usage et de
raison,→
Par
un barbare amas ↔ de vices d’oraison,→
De
mots ↑
estropiés, ↔ cousus par intervalles,→
De
proverbes traînés ↔ dans les ruisseaux des
Halles[84] ?→
BÉLISE
Il
est vrai que l’on sue ↔ à souffrir ses
discours.→
Elle
y met Vaugelas ↔ en pièces tous les jours ;→
Et
les moindres défauts ↔ de ce grossier
génie,→
Sont
ou le pléonasme, ↔ ou la cacophonie.→
CHRYSALE
Qu’importe
qu’elle manque ↔ aux lois de Vaugelas,→
Pourvu
qu’à la cuisine ↔ elle ne manque pas ?→
J’aime
bien mieux, pour moi, ↔ qu’en épluchant ses herbes,→
Elle
accommode mal ↔ les noms avec les verbes,→
Et
redise cent fois↔un bas ou méchant mot,→
Que
de brûler ma viande, ↔ou saler trop mon pot.→
Je
vis de bonne soupe, ↔et non de beau langage.→
Vaugelas
n’apprend point↔à bien faire un
potage,→
Et
Malherbe et Balzac, ↔ si savants en beaux mots,→
En
cuisine peut-être ↔ auraient
été des sots.→
PHILAMINTE
Que
ce discours grossier ↔ terriblement assomme !→
Et
quelle indignité
↔ pour ce
qui s’appelle homme,→
D’être
baissé sans cesse ↔ aux soins ↑matériels,→
Au
lieu de se hausser ↔ ↑vers les spirituels !→
Le
corps, cette guenille, ↔ est-il d’une
importance,→
D’un
prix à mériter ↔ seulement qu’on y pense,→
Et
ne devons-nous pas ↔ laisser cela bien loin ?→
CHRYSALE
Oui,
mon corps est moi-même, ↔ et j’en veux prendre soin,→
Guenille
si l’on veut, ↔ ma guenille m’est chère.→
BÉLISE
Le
corps avec l’esprit, ↔ fait figure[85], mon frère ;→
Mais
si vous en cro[i](y)[j]ez ↔ tout le monde savant,→
L’esprit
doit sur le corps ↔ prendre le pas devant ;→
Et
notre plus grand soin, ↔ notre première
instance,→
Doit
être à le nourrir
↔ du suc ↑de la science.
CHRYSALE
Ma
foi si vous songez↔à nourrir votre
esprit,→
C’est
de viande bien creuse, ↔à ce que chacun
dit,→
Et
vous n’avez nul soin, ↔nulle sollicitude→
Pour…
PHILAMINTE
Ah
sollicitude↔à mon oreille
est rude,→
Il
put[86]
étrangement↔↑son ancienneté.→
BÉLISE
Il
est vrai que le mot ↔est bien collet monté[87].→
CHRYSALE
Voulez-vous
que je dise ? ↔Il faut qu’enfin j’éclate,→
Que
je lève le masque, ↔et décharge ma rate.→
De
folles on vous traite, ↔et j’ai fort sur le cœur…→
PHILAMINTE
Comment
donc ?
CHRYSALE[88].
C’est
à vous ↔que je parle, ma sœur.→
Le
moindre solécisme ↔en parlant vous irrite :→
Mais
vous en faites, vous, ↔d’étranges en
conduite[89].→
Vos
livres éternels ↔ne me contentent pas,→
Et
hors un gros Plutarque ↔à mettre mes rabats,→
Vous
devriez brûler tout ↔ce meuble[90] inutile,→
↑Et laisser la science ↔aux docteurs de la ville ;→
M’ôter,
pour faire bien, ↔du grenier de céans,→
Cette
longue lunette ↔à faire peur aux gens,→
Et
cent brimborions dont ↔l’aspect ↑ importune :→
Ne
point aller chercher ↔ce qu’on fait dans la lune,→
Et
vous mêler un peu ↔de ce qu’on fait chez vous,→
Où
nous vo[i](y)[j]ons aller ↔tout sens dessus dessous[91].→
Il
n’est pas bien honnête, ↔ et pour beaucoup de causes,→
Qu’une
femme étudie[92], ↔ et sache tant de choses.→
Former
aux bonnes mœurs ↔ l’esprit de ses enfants,→
Faire
aller son ménage, ↔ avoir l’œil sur
ses gens,→
Et
régler la dépense ↔ avec économie,→
Doit
être son étude ↔ et sa philosophie.→
Nos
pères sur ce point ↔ étaient
gens bien sensés,→
Qui
disaient qu’une femme
↔ en sait
toujours assez,→
Quand
la capacité ↔ de son esprit se hausse→
À
connaître un pourpoint
↔ d’avec un
haut de chausse.→
Les
leurs ne lisaient point,
↔ mais elles
vivaient bien ;→
Leurs
ménages étaient
↔ tout leur
docte entretien,→
Et
leurs livres un dé, ↔ du fil, et des aiguilles,→
Dont
elles travaillaient ↔ au trousseau de leurs
filles.→
Les
femmes d’à présent ↔ sont bien loin de ces
mœurs,→
Elles
veulent écrire, ↔ et devenir auteurs.→
Nulle
science n’est pour ↔ ↑ elles trop profonde,→
Et
céans beaucoup plus ↔ qu’en aucun lieu du monde.→
Les
secrets les plus hauts ↔ s’y laissent concevoir,→
Et
l’on sait tout chez moi, ↔ hors ce
qu’il faut savoir.→
On
y sait comme vont lune,
↔ ↑ étoile polaire,→
Vénus,
Saturne, et Mars, ↔ dont je n’ai point affaire ;→
Et
dans ce vain savoir, ↔ qu’on va chercher si loin,→
On
ne sait comme va ↔ mon pot dont j’ai besoin.→
Mes
gens ↑ à la science
↔ aspirent
pour vous plaire,→
Et
tous ne font rien moins ↔ que ce qu’ils ont
à faire ;→
Raisonner
est l’emploi ↔ de toute ma maison,→
Et
le raisonnement ↔ en bannit la raison ;→
L’un
me brûle mon rôt ↔ en lisant quelque
histoire,→
L’autre
rêve à des vers
↔ quand je
demande à boire ;→
Enfin
je vois par eux ↔ votre exemple
suivi,→
Et
j’ai des serviteurs, ↔ et ne suis point servi.→
Une
pauvre servante ↔ au moins m’était restée,→
Qui
de ce mauvais air ↔ n’était point infectée,→
Et
voilà qu’on la chasse ↔ avec un grand fracas,→
À cause qu’elle manque ↔ à parler Vaugelas.→
Je
vous le dis, ma sœur, ↔ tout ce train-là
me blesse,→
(Car
c’est, comme j’ai dit, ↔ à vous que je
m’adresse) ;→
Je
n’aime point céans ↔ tous vos gens à
latin,→
Et
principalement ↔ ce Monsieur Trissotin.→
C’est
lui qui dans des vers ↔ vous a tympanisées[93],→
Tous
les propos qu’il tient ↔ sont des billevesées,→
On
cherche ce qu’il dit ↔ après qu’il a parlé,→
Et
je lui crois, pour moi, ↔ le timbre
un peu fêlé.→
PHILAMINTE
Quelle
bassesse, ô Ciel[94], ↔ et d’âme,
et de langage !→
BÉLISE
Est-il
de petits corps[95] ↔ un plus lourd assemblage !→
Un
esprit composé ↔ d’atomes plus bourgeois !→
Et
de ce même sang ↔ se peut-il que je sois !→
Je
me veux mal de mort ↔ d’être de votre race,→
↑ Et de confusion
↔ j’abandonne
la place.
SCÈNE VIII
PHILAMINTE,
CHRYSALE.
PHILAMINTE
Avez-vous
à lâcher↔encore quelque trait ?→
CHRYSALE
Moi ?
Non. Ne parlons plus↔de querelle, c’est fait ;→
Discourons
d’autre affaire. ↔À votre fille
aînée→
On
voit quelque dégoût↔pour les nœuds d’hyménée ;→
C’est
une philosophe↔enfin, je n’en dis rien,→
Elle
est bien gouvernée, ↔et vous faites fort bien.→
Mais
de toute autre humeur↔se trouve sa cadette,→
Et
je crois qu’il est bon↔de pourvoir Henri[j]ette,→
De
choisir un mari…↔
PHILAMINTE
C’est
à quoi j’ai songé,→
Et
je veux vous ouvrir↔↑l’intention que j’ai.→
Ce
Monsieur Trissotin↔dont on nous fait un crime,→
Et
qui n’a pas l’honneur↔d’être dans votre
estime,→
Est
celui que je prends↔pour l’époux qu’il lui faut,→
Et
je sais mieux que vous↔juger de ce qu’il vaut ;→
↑La contestation↔est ici superflue,→
Et
de tout point chez moi↔l’affaire
est résolue.→
Au
moins ne dites mot↔du choix de cet époux,→
Je
veux à votre fille↔en parler avant vous.→
J’ai
des raisons à faire↔approuver ma conduite,→
SCÈNE IX
ARISTE, CHRYSALE.
ARISTE
Hé
bien ? la femme sort,
↔mon frère, et je vois bien→
Que
vous venez d’avoir
↔ensemble un entretien.→
CHRYSALE
Oui.
ARISTE
Quel est le succès[96] ?
↔Aurons-nous Henri[j]ette ?→
A-t-elle consenti ?
↔l’affaire est-elle faite[97] ?→
CHRYSALE
Pas
tout à fait encor.
↔
ARISTE
Refuse-t-elle ?
CHRYSALE
Non.→
ARISTE
Est-ce
qu’elle balance[98] ?
CHRYSALE
En ↔aucune
façon.
ARISTE
Quoi
donc ?→
CHRYSALE
C’est
que pour gendre elle
↔ m’offre un autre homme.→
ARISTE
Un
autre homme pour gendre[99] !
↔
CHRYSALE
Un
autre.
ARISTE
Qui se nomme ?→
CHRYSALE
Monsieur Trissotin.
ARISTE
Quoi ? ↔ ce Monsieur Trissotin…→
CHRYSALE
Oui,
qui parle toujours
↔ de vers et de latin.→
ARISTE
Vous
l’avez accepté ?
↔
CHRYSALE
Moi,
point, à Dieu ne plaise.→
ARISTE
Qu’avez-vous répondu ?
↔
CHRYSALE
Rien ;
et je suis bien aise→
De
n’avoir point parlé,
↔ pour ne m’engager pas !→
ARISTE
La
raison est fort belle,
↔ et c’est faire un grand pas.→
Avez-vous su du moins
↔ lui proposer Clitandre ?→
CHRYSALE
Non :
car comme j’ai vu
↔ qu’on parlait d’autre gendre,→
J’ai
cru qu’il était mieux
↔ de ne m’avancer point.→
ARISTE
Certes votre prudence↔est rare au dernier
point !→
N’avez-vous point de honte↔avec votre mollesse ?→
Et
se peut-il qu’un homme↔ait assez de faiblesse→
Pour
laisser à sa femme↔un pouvoir absolu,→
Et
n’oser attaquer↔ce qu’elle a résolu ?→
CHRYSALE
Mon
Dieu, vous en parlez,
↔mon frère, bien à l’aise,→
Et
vous ne savez pas↔comme le bruit me pèse.→
J’aime fort le repos,
↔la paix, et la douceur,→
Et
ma femme est terrible↔avec
que son humeur.→
Du
nom de philosophe↔elle fait grand mystère[100],→
Mais
elle n’en est pas↔pour cela moins colère ;→
Et
sa morale faite↔à mépriser le bien,→
Sur
l’aigreur de sa bile↔opère comme rien[101].→
Pour
peu que l’on s’oppose↔à ce que veut sa
tête,→
On
en a pour huit jours↔d’effro[i](y)[j]able tempête.→
Elle
me fait trembler↔dès qu’elle prend son ton.→
Je
ne sais où me mettre, ↔et c’est un vrai dragon ;→
Et
cependant avec↔toute sa diablerie,→
Il
faut que je l’appelle, ↔et «mon cœur», et
«ma mie».→
ARISTE
Allez,
c’est se moquer. ↔Votre femme, entre
nous,→
Est
par vos lâchetés↔souveraine sur vous.→
Son
pouvoir n’est fondé↔que sur votre faiblesse.→
C’est
de vous qu’elle prend↔le titre de maîtresse.→
Vous-même
à ses hauteurs↔vous vous abandonnez,→
Et
vous faites mener↔en bête par le nez.→
Quoi,
vous ne pouvez pas, ↔vo[i](y)[j]ant comme on
vous nomme,→
Vous
résoudre une fois↔à vouloir être
un homme ?→
À
faire condescendre↔une femme à
vos vœux[102],→
Et
prendre assez de cœur ↔ pour
dire un : «Je le veux» ?→
Vous
laisserez sans honte ↔ immoler votre fille→
Aux
folles ↓visions ↔ qui tiennent la famille,→
Et
de tout votre bien↔revêtir un
nigaud,→
Pour
six mots de latin↔qu’il leur fait sonner haut ?→
Un
pédant qu’à tous coups↔votre femme apostrophe→
Du
nom de bel esprit, ↔et de grand philosophe,→
D’homme
qu’en vers galants↔jamais on n’égala,→
Et
qui n’est, comme on sait,
↔rien moins
que tout cela ?→
Allez,
encore un coup, ↔c’est une moquerie,→
Et
votre lâcheté↔mérite qu’on en
rie.→
CHRYSALE
Oui,
vous avez raison, ↔et je vois que j’ai tort.→
Allons,
il faut enfin↔montrer un cœur plus fort,→
Mon
frère.
ARISTE
C’est
bien dit. ↔
CHRYSALE
C’est
une chose infâme,→
Que
d’être si soumis↔au pouvoir d’une femme.→
ARISTE
Fort
bien.
CHRYSALE
De
ma douceur↔elle a trop profité.→
ARISTE
Il
est vrai.
CHRYSALE
↓Trop joui↔de ma facilité.→
ARISTE
Sans
doute.
CHRYSALE
Et
je lui veux ↔ faire aujourd’hui connaître→
Que
ma fille est ma fille, ↔et que
j’en suis le maître,→
Pour
lui prendre un mari↔qui soit selon mes vœux.→
ARISTE
Vous
voilà raisonnable, ↔et comme je vous veux.→
CHRYSALE
Vous
êtes pour Clitandre, ↔et savez sa demeure ;→
Faites-le-moi
venir, ↔mon
frère, tout à l’heure.→
ARISTE
J’y
cours tout de ce pas. ↔
CHRYSALE
C’est
souffrir trop longtemps,→
Et
je m’en vais être homme↔à la barbe des gens.
ACTE
III
SCÈNE
PREMIÈRE
PHILAMINTE,
ARMANDE, BÉLISE, TRISSOTIN, L’ÉPINE.
PHILAMINTE
Ah
mettons-nous ici ↔ pour écouter
à l’aise→
Ces
vers que mot à mot ↔ il est besoin qu’on pèse.→
ARMANDE
Je
brûle de les voir[103]. ↔
BÉLISE
Et
l’on s’en meurt chez nous.→
PHILAMINTE
Ce
sont charmes pour moi, ↔ que ce qui part de vous.→
ARMANDE
Ce
m’est une douceur ↔ à nulle autre
pareille.→
BÉLISE
Ce
sont repas fri[j]ands[104] ↔ qu’on donne
à mon oreille.→
PHILAMINTE
Ne
faites point languir↔de si pressants désirs.→
ARMANDE
Dépêchez.
BÉLISE
Faites
tôt, ↔et hâtez nos plaisirs.→
PHILAMINTE
À
notre impatience↔offrez votre épigramme.→
TRISSOTIN
Hélas,
c’est un enfant↔tout nouveau-né, Madame.→
Son
sort assurément↔a lieu de vous toucher,→
Et
c’est dans votre cour↔que j’en viens d’accoucher.→
PHILAMINTE
Pour
me le rendre cher, ↔il suffit de son père.→
TRISSOTIN
Votre
approbation↔lui peut servir de mère.→
BÉLISE
Qu’il
a d’esprit !
SCÈNE
II
HENRIETTE,
PHILAMINTE, ARMANDE, BÉLISE, TRISSOTIN, L’ÉPINE.
PHILAMINTE
Holà,
↔pourquoi donc fu[i](y)[j]ez-vous ?→
HENRIETTE
C’est
de peur de troubler ↔un entretien si doux.→
PHILAMINTE
Approchez,
et venez ↔de toutes vos oreilles→
Prendre
part au plaisir ↔d’entendre des merveilles.→
HENRIETTE
Je
sais peu les beautés ↔de tout ce qu’on
écrit,→
Et
ce n’est pas mon fait ↔que les choses d’esprit.→
PHILAMINTE
Il
n’importe ; aussi bien
↔ai-je
à vous dire ensuite→
Un
secret dont il faut ↔que vous so[i](y)[j]ez instruite.→
TRISSOTIN
Les
sciences n’ont rien qui ↔vous puisse enflammer,→
Et
vous ne vous piquez ↔que de savoir charmer.→
HENRIETTE
Aussi
peu l’un que l’autre, ↔et je n’ai nulle
envie…→
BÉLISE
Ah
songeons à l’enfant ↔nouveau-né, je
vous prie.→
PHILAMINTE
Allons,
petit garçon, ↔vite, de quoi s’asseoir.→
Le
laquais tombe[105] avec la chaise.
Vo[i](y)[j]ez l’impertinent ! ↔
Est-ce que l’on doit choir,→
Après
avoir appris↔ l’équilibre des choses ?→
BÉLISE
De
ta chute, ignorant,↔ne vois-tu pas les causes,→
Et
qu’elle vient d’avoir↔ du point fixe
écarté,→
Ce
que nous appelons↔ centre de gravité ?→
L’ÉPINE
Je
m’en suis aperçu, ↔ Madame, étant
par terre.→
PHILAMINTE
Le
lourdaud !
TRISSOTIN
Bien
lui prend↔de n’être pas de verre.→
ARMANDE
Ah
de l’esprit partout ! ↔
BÉLISE
Cela
ne tarit pas.→
PHILAMINTE
Servez-nous
promptement↔votre aimable
repas.→
TRISSOTIN
Pour
cette grande faim↔qu’à mes yeux on expose,→
Un
plat seul de huit vers↔me semble peu de chose,→
Et
je pense qu’ici↔je ne ferai pas mal,→
De
joindre à l’épigramme,
↔ou bien au
madrigal,→
Le
ragoût d’un sonnet, ↔qui chez une princesse→
A
passé pour avoir↔quelque délicatesse.→
Il
est de sel attique↔assaisonné partout,→
Et
vous le trouverez, ↔je crois, d’assez bon goût.→
ARMANDE
Ah !
Je n’en doute point. ↔
PHILAMINTE
Donnons
vite audience.→
BÉLISE
À
chaque fois qu’il veut↔lire, elle
l’interrompt[106].→
Je
sens d’aise mon cœur ↔ tressaillir par avance.→
J’aime
la poésie ↔ avec entêtement[107].→
Et
surtout quand les vers ↔ sont tournés galamment.→
PHILAMINTE
Si
nous parlons toujours, ↔ il ne pourra rien dire.→
TRISSOTIN
So…
BÉLISE[108]
Silence,
ma nièce. ↔
TRISSOTIN
SONNET,
À LA PRINCESSE URANIE
sur sa fièvre.
Votre prudence est endormie,
De traiter magnifiquement,
Et de loger superbement
Votre plus cruelle ennemie.
BÉLISE
Ah
le joli début ! ↔
ARMANDE
Qu’il
a le tour galant !→
PHILAMINTE
Lui
seul des vers aisés ↔possède le talent !→
ARMANDE
À
prudence
endormie ↔il faut rendre les armes.→
BÉLISE
Loger
son ennemie ↔est pour moi plein de charmes.→
PHILAMINTE
J’aime
superbement ↔et magnifiquement ;→
Ces
deux adverbes joints ↔font admirablement.→
BÉLISE
Prêtons
l’oreille au reste. ↔
TRISSOTIN
Votre
prudence est endormie,
De
traiter magnifiquement,
Et
de loger superbement
Votre
plus cruelle ennemie.
ARMANDE
Prudence
endormie !
BÉLISE
Loger son ennemie !
PHILAMINTE
Superbement,
et
magnifiquement !
TRISSOTIN
Faites-la
sortir, quoi qu’on die[109],
De
votre riche appartement,
Où
cette ingrate insolemment
Attaque
votre belle vie.
BÉLISE
Ah
tout doux, laissez-moi, ↔de grâce, respirer.→
ARMANDE
Donnez-nous,
s’il vous plaît, ↔le loisir d’admirer.→
PHILAMINTE
On
se sent à ces vers, ↔jusques au fond de l’âme,→
Couler
je ne sais quoi ↔qui fait que l’on se pâme.→
ARMANDE
Faites-la
sortir, quoi qu’on die,
De
votre riche appartement.
Que riche appartement
↔est là
joliment dit !→
Et
que la métaphore ↔est mise avec
esprit !→
PHILAMINTE
Faites-la
sortir, quoi qu’on die.
Ah !
que ce quoi qu’on die
↔est d’un
goût admirable !→
C’est,
à mon sentiment, ↔un endroit impa[i](y)[j]able.→
ARMANDE
De quoi qu’on die aussi ↔mon cœur est amoureux.→
BÉLISE
Je
suis de votre avis, ↔quoi qu’on die est heureux.→
ARMANDE
Je
voudrais l’avoir fait. ↔
BÉLISE
Il
vaut toute une pièce.→
PHILAMINTE
Mais
en comprend-on bien ↔comme moi la finesse ?→
ARMANDE
et BÉLISE
Oh,
oh.
PHILAMINTE
Faites-la
sortir, quoi
qu’on die.
Que
de la fièvre on prenne
↔ici les intérêts,→
N’a[i](y)[j]ez aucun égard,
↔moquez-vous
des caquets.→
Faites-la
sortir, quoi qu’on die, quoi qu’on die, quoi qu’on die.
Ce quoi qu’on die en dit ↔beaucoup plus qu’il ne
semble.→
Je
ne sais pas, pour moi, ↔si chacun me ressemble ;→
Mais
j’entends là-dessous ↔
↑un million de mots.→
BÉLISE
Il
est vrai qu’il dit plus ↔de choses qu’il n’est
gros.→
PHILAMINTE
Mais
quand vous avez fait ↔ce charmant
quoi
qu’on die,→
Avez-vous
compris, vous, ↔toute son énergie ?→
Songiez-vous
bien vous-même ↔à tout ce qu’il nous dit,→
Et
pensiez-vous a lors ↔y mettre tant d’esprit ?→
TRISSOTIN
Hay,
hay.
ARMANDE
J’ai
fort aussi ↔l’ingrate dans la tête,→
Cette
ingrate de fièvre,
↔injuste, malhonnête,→
Qui
traite mal les gens, ↔qui la logent chez eux.→
PHILAMINTE
Enfin
les quatrains sont ↔admirables tous deux.→
Venons-en
promptement ↔aux tiercets, je vous prie.→
ARMANDE
Ah,
s’il vous plaît, encore ↔une fois quoi qu’on die.→
TRISSOTIN
Faites-la
sortir, quoi qu’on die,
PHILAMINTE,
ARMANDE et BÉLISE
Quoi
qu’on die !
TRISSOTIN
De
votre riche appartement,
PHILAMINTE,
ARMANDE et BÉLISE
Riche
appartement !
TRISSOTIN
Où
cette ingrate insolemment
PHILAMINTE,
ARMANDE et BÉLISE
Cette ingrate de fièvre ?
TRISSOTIN
Attaque
votre belle vie.
PHILAMINTE
Votre
belle vie !
ARMANDE
et BÉLISE
Ah !
TRISSOTIN
Quoi,
sans respecter votre rang,
Elle
se prend à votre sang,
PHILAMINTE,
ARMANDE et BÉLISE
Ah !
TRISSOTIN
Et
nuit et jour vous fait outrage ?
Si
vous la conduisez aux bains,
Sans
la marchander davantage[110],
Noyez-la
de vos propres mains.
PHILAMINTE
On
n’en peut plus ?
BÉLISE
On
pâme. ↔
ARMANDE
On
se meurt de plaisir.→
PHILAMINTE
De
mille doux frissons ↔vous vous sentez saisir.→
ARMANDE
Si
vous la conduisez aux bains,
BÉLISE
Sans
la marchander davantage,
PHILAMINTE
Noyez-la
de vos propres mains.
De
vos propres mains, là, ↔ no[i](y)[j]ez-la dans les bains.→
ARMANDE
Chaque
pas dans vos vers ↔ rencontre un trait
charmant.→
BÉLISE
Partout
on s’y promène ↔ avec ravissement.→
PHILAMINTE
On
n’y saurait marcher ↔ que sur de belles choses.→
ARMANDE
Ce
sont petits chemins ↔ tout parsemés de roses.→
TRISSOTIN
Le
sonnet donc vous semble… ↔
PHILAMINTE
Admirable,
nouveau,→
Et
personne jamais ↔ n’a rien fait de si beau.→
BÉLISE
↑ Quoi, sans émotion
↔ pendant
cette lecture ?→
Vous
faites là, ma nièce, ↔ une étrange
figure !→
HENRIETTE
Chacun
fait ici-bas ↔ la figure qu’il peut,→
Ma
tante ; et bel esprit,
↔ il ne
l’est pas qui veut.→
TRISSOTIN
Peut-être
que mes vers ↔ importunent Madame.→
HENRIETTE
Point,
je n’écoute pas. ↔
PHILAMINTE
Ah ?
vo[i](y)[j]ons l’épigramme.→
TRISSOTIN
SUR
UN CARROSSE DE COULEUR AMARANTE, DONNÉ À UNE DAME DE SES AMIES.
PHILAMINTE
Ces
titres ont toujours ↔ quelque chose de rare.→
ARMANDE
À
cent beaux traits d’esprit ↔ leur nouveauté
prépare.→
TRISSOTIN
L’amour
si chèrement ↔ ↑m’a vendu son lien,→
BÉLISE,
ARMANDE et PHILAMINTE→
Ah !→
TRISSOTIN
Qu’il
m’en coûte déjà ↔ la moitié de
mon bien.→
Et
quand tu vois ce beau carrosse
Où
tant d’or se relève en bosse[111],
Qu’il
étonne tout le pays,
Et
fait pompeusement triompher ma Laïs[112],
PHILAMINTE
Ah ma Laïs ! voilà ↔ ↓ de l’érudition.→
BÉLISE
L’enveloppe[113] est jolie,
↔ et vaut↑ un million.→
TRISSOTIN
Et
quand tu vois ce beau carrosse,
Où
tant d’or se relève en bosse,
Qu’il
étonne tout le pays,
Et
fait pompeusement triompher ma Laïs,
Ne
dis plus qu’il est amarante[114] :
Dis
plutôt qu’il est de ma rente.
ARMANDE
Oh,
oh, oh ! celui-là[115] ↔ ne s’attend point du tout.→
PHILAMINTE
On
n’a que lui qui puisse ↔ écrire de ce goût.→
BÉLISE
Ne
dis plus qu’il est amarante :
Dis
plutôt qu’il est de ma rente.
Voilà
qui se décline :↔ma rente, [de ma] rente, [à ma] rente.→
PHILAMINTE
Je
ne sais du moment ↔ que je vous ai connu,→
Si
sur votre sujet ↔ j’ai l’esprit prévenu[116],→
Mais
j’admire partout ↔ vos vers et votre prose.→
TRISSOTIN
Si
vous vouliez de vous ↔ nous montrer quelque chose,→
À
notre tour aussi↔nous pourrions admirer.→
PHILAMINTE
Je
n’ai rien fait en vers, ↔mais j’ai lieu d’espérer→
Que
je pourrai bientôt↔vous montrer en amie,→
Huit
chapitres du plan↔de notre Académie.→
Platon
s’est au projet↔simplement arrêté,→
Quand
de sa République↔il a fait le traité ;→
Mais
à l’effet entier↔je veux pousser l’idée→
Que
j’ai sur le papier↔en prose accommodée,→
Car
enfin je me sens↔un étrange dépit→
Du
tort que l’on nous fait↔du côté de
l’esprit,→
Et
je veux nous venger↔toutes tant que nous sommes→
De
cette indigne classe↔où nous rangent
les hommes ;→
De
borner nos talents↔à des futilités,→
Et
nous fermer la porte↔aux sublimes clartés.→
ARMANDE
C’est
faire à notre sexe↔une trop grande
offense,→
De
n’étendre l’effort↔de notre intelligence,→
Qu’à
juger d’une jupe, ↔et de l’air d’un manteau,→
Ou
des beautés d’un point, ↔ou d’un brocart nouveau.→
BÉLISE
Il
faut se relever↔de ce honteux partage,→
Et
mettre hautement↔notre↔esprit hors de page[117].→
TRISSOTIN
Pour
les dames on sait↔mon respect en tous lieux,→
Et
si je rends hommage↔aux brillants de leurs yeux,→
De
leur esprit aussi↔j’honore les lumières.→
PHILAMINTE
Le
sexe aussi vous rend↔justice en ces
matières ;→
Mais
nous voulons montrer↔à de certains esprits,→
Dont
l’orgueilleux savoir↔nous traite avec
mépris,→
Que
de science aussi↔les femmes sont meublées,→
Qu’on
peut faire comme eux[118]↔de doctes assemblées,→
Conduites
en cela ↔ par des ordres meilleurs,→
Qu’on
y veut réunir ↔ ce qu’on sépare
ailleurs[119] ;→
Mêler
le beau langage, ↔ ↑et les hautes sciences ;→
Découvrir
la nature↔en mille expériences ;→
Et
sur ↑les
questions↔qu’on pourra proposer→
Faire
entrer chaque secte[120], ↔et n’en point épouser.→
TRISSOTIN
Je
m’attache pour l’ordre ↔ au péripatétisme[121].→
PHILAMINTE
↑Pour les abstractions
↔ j’aime le
platonisme.→
ARMANDE
Épicure
me plaît, ↔ et ses dogmes sont forts.→
BÉLISE
Je
m’accommode assez ↔ pour moi des petits corps ;→
Mais
le vide à souffrir
↔ me semble
difficile,→
Et
je goûte bien mieux ↔ la matière subtile[122].→
TRISSOTIN
Descartes
pour l’aimant ↔ donne fort dans mon sens[123].→
ARMANDE
J’aime
ses tourbillons[124]. ↔
PHILAMINTE
Moi
ses mondes tombants[125].→
ARMANDE
Il
me tarde de voir ↔ notre assemblée
ouverte,→
Et
de nous signaler ↔ par quelque découverte.→
TRISSOTIN
On
en attend beaucoup ↔ de vos vives clartés,→
Et
pour vous la nature ↔ a peu d’obscurités.→
PHILAMINTE
Pour
moi, sans me flatter, ↔ j’en ai déjà
fait une,→
Et
j’ai vu clairement ↔ des hommes dans la lune.→
BÉLISE
Je
n’ai point encor vu ↔ d’hommes, comme je crois,→
Mais
j’ai vu des clochers ↔ tout comme je vous vois.→
ARMANDE
Nous
approfondirons, ↔ ainsi que la physique,→
Grammaire,
histoire, vers[126], ↔ morale, et
politique.→
PHILAMINTE
La
morale a des traits ↔ dont mon cœur est
épris,→
Et
c’était autrefois ↔ l’amour des grands
esprits ;→
Mais
aux ↑
stoïciens ↔ je donne l’avantage,→
Et
je ne trouve rien ↔ de si beau que leur sage.→
ARMANDE
Pour
la langue, on verra ↔ dans peu nos règlements,→
Et
nous y prétendons ↔ faire des remuements[127].→
Par
une antipathie ↔ ou juste,
ou naturelle[128],→
Nous
avons pris chacune ↔ une haine mortelle→
Pour
un nombre de mots, ↔ soit ou verbes, ou noms,→
↑ Que mutuellement
↔ nous nous
abandonnons ;→
Contre
eux nous préparons ↔ de mortelles sentences,→
Et
nous devons ouvrir ↔ nos doctes conférences→
↑ Par les proscriptions
↔ de tous
ces mots divers,→
Dont
nous voulons purger ↔ et la prose et
les vers.→
PHILAMINTE
Mais
le plus beau projet ↔ de notre académie,→
Une
entreprise noble ↔ et dont je suis ravie ;→
Un
dessein plein de gloire, ↔ et qui sera vanté→
Chez
tous les beaux esprits ↔ de la postérité,→
C’est
le retranchement ↔ de ces syllabes sales,→
Qui
dans les plus beaux mots ↔ produisent des scandales ;→
Ces
jouets ↑
éternels ↔ des sots de tous les temps ;→
Ces
fades lieux communs ↔ de nos méchants plaisants ;→
Ces
sources d’un amas ↔ d’équivoques infâmes,→
Dont
on vient faire insulte
↔ à la
pudeur des femmes.→
TRISSOTIN
Voilà
certainement↔d’admirables projets !→
BÉLISE
Vous
verrez nos statuts↔quand ils seront tous faits.→
TRISSOTIN
Ils
ne sauraient manquer↔d’être tous beaux
et sages.→
ARMANDE
Nous
serons par nos lois↔les juges des ouvrages.→
Par
nos lois, prose et vers,
↔tout nous
sera soumis.→
Nul
n’aura de l’esprit, ↔hors nous et nos amis.→
Nous
chercherons partout↔à trouver à redire,→
Et
ne verrons que nous↔qui sache bien écrire.
SCÈNE
III→
L’ÉPINE,
TRISSOTIN, PHILAMINTE, BÉLISE, ARMANDE, HENRIETTE, VADIUS.→
L’ÉPINE
Monsieur,
un homme est là ↔qui veut parler
à vous,→
Il
est vêtu de noir, ↔et parle d’un ton doux.→
TRISSOTIN
C’est
cet ami savant ↔qui m’a fait tant d’instance→
De
lui donner l’honneur ↔de votre connaissance.→
PHILAMINTE
Pour
le faire venir, ↔vous avez tout crédit.→
Faisons
bien les honneurs↔au moins de notre
esprit.→
Holà.
Je vous ai dit↔en paroles bien claires,→
Que
j’ai besoin de vous. ↔
HENRIETTE
Mais
pour quelles affaires ?→
PHILAMINTE
Venez,
on va dans peu↔vous les faire savoir.→
TRISSOTIN
Voici
l’homme qui meurt↔du désir de vous voir.→
En
vous le produisant, ↔je ne crains point le blâme→
D’avoir
admis chez vous↔un profane, Madame,→
Il
peut tenir son coin[129]↔parmi de beaux esprits.→
PHILAMINTE
La
main qui le présente, ↔en dit assez le prix.→
TRISSOTIN
Il
a des vieux auteurs↔la pleine intelligence,→
Et
sait du grec, Madame, ↔autant qu’homme de France.→
PHILAMINTE
Du
grec, ô Ciel ! du grec ! ↔Il sait du grec, ma sœur !→
BÉLISE
Ah,
ma nièce, du grec ! ↔
ARMANDE
Du
grec ! quelle douceur !→
PHILAMINTE
Quoi,
Monsieur sait du grec ? ↔Ah permettez, de grâce→
Que
pour l’amour du grec, ↔Monsieur, on vous embrasse.→
Il
les baise toutes, jusques
à↔Henriette qui le
refuse[130].→
HENRIETTE
Excusez-moi,
Monsieur, ↔ je n’entends pas le grec.→
PHILAMINTE
J’ai
pour les livres grecs ↔ un merveilleux respect.→
VADIUS
Je
crains d’être fâcheux,↔par l’ardeur qui m’engage→
À
vous rendre aujourd’hui,
↔Madame, mon
hommage,→
Et
j’aurais pu troubler↔quelque docte entretien.→
PHILAMINTE
Monsieur,
avec du grec↔on ne peut gâter rien.→
TRISSOTIN
Au
reste il fait merveille↔en vers ainsi qu’en prose,→
Et
pourrait, s’il voulait, ↔vous montrer quelque chose.→
VADIUS
Le
défaut des auteurs, ↔dans leurs ↑productions,→
C’est
d’en tyranniser↔↑les conversations ;→
D’être
au Palais, au Cours[131],↔aux ruelles, ↓aux tables,→
De
leurs vers fatigants↔lecteurs infatigables.→
Pour
moi je ne vois rien↔de plus sot à mon sens,→
Qu’un
auteur qui partout↔va gueuser des encens[132],→
Qui
des premiers venus ↔ saisissant les oreilles,→
En
fait le plus souvent ↔ les martyrs de ses veilles.→
On
ne m’a jamais vu ↔ ce fol entêtement,→
Et
d’un Grec là-dessus ↔ je suis le sentiment,→
Qui
par un dogme exprès
↔ défend
à tous ses sages→
L’indigne
empressement[133] de lire leurs
ouvrages.→
Voici
de petits vers ↔ pour de jeunes amants,→
Sur
quoi je voudrais bien ↔ avoir vos sentiments.→
TRISSOTIN
Vos
vers ont des beautés ↔ que n’ont point tous les autres.→
VADIUS
Les
grâces et Vénus ↔ règnent dans tous
les vôtres.→
TRISSOTIN
Vous
avez le tour libre, ↔ et le beau choix des mots.→
VADIUS
On
voit partout chez vous ↔ l’ithos et le pathos[134].→
TRISSOTIN
Nous
avons vu de vous ↔ des églogues d’un style,→
Qui
passe en doux attraits
↔ Théocrite
et Virgile.→
VADIUS
Vos
odes ont un air ↔ noble, galant et doux,→
Qui
laisse de bien loin ↔ votre Horace
après vous.→
TRISSOTIN
Est-il rien d’amoureux↔comme vos chansonnettes ?→
VADIUS
Peut-on
voir rien d’égal↔aux sonnets que vous faites ?→
TRISSOTIN
Rien
qui soit plus charmant↔que vos petits rondeaux ?→
VADIUS
Rien
de si plein d’esprit↔que tous vos madrigaux ?→
TRISSOTIN
Aux
ballades surtout↔vous êtes admirable.→
VADIUS
Et
dans les bouts-rimés↔je vous trouve
adorable.→
TRISSOTIN
Si
la France pouvait↔connaître votre prix,→
VADIUS
Si
le siècle rendait↔justice aux
beaux esprits,→
TRISSOTIN
En
carrosse doré↔vous iriez par les rues.→
VADIUS
On
verrait le public↔vous dresser des statues.→
Hom.
C’est une ballade, ↔et je veux que tout net→
Vous
m’en…→
TRISSOTIN
Avez-vous
vu↔certain
petit sonnet→
Sur
la fièvre qui tient↔la princesse
Uranie ?→
VADIUS
Oui,
hier il me fut lu↔dans une compagnie.→
TRISSOTIN
Vous
en savez l’auteur ? ↔
VADIUS
Non ;
mais je sais fort bien,→
Qu’à
ne le point flatter, ↔son sonnet ne vaut rien[135].→
TRISSOTIN
Beaucoup
de gens pourtant↔le trouvent admirable.→
VADIUS
Cela
n’empêche pas↔qu’il ne soit misérable ;→
Et
si vous l’avez vu, ↔vous serez de mon goût.→
TRISSOTIN
Je
sais que là-dessus↔je n’en suis point du tout,→
Et
que d’un tel sonnet↔ peu de gens sont capables.→
VADIUS
Me
préserve le Ciel↔ d’en faire de semblables !→
TRISSOTIN
Je
soutiens qu’on ne peut↔ en faire de meilleur ;→
Et
ma grande raison, ↔ c’est que j’en suis l’auteur.→
VADIUS
Vous ?
TRISSOTIN
Moi.
VADIUS
Je
ne sais donc↔ comment se fit l’affaire.→
TRISSOTIN
C’est
qu’on fut malheureux, ↔ de ne pouvoir vous plaire.→
VADIUS
Il
faut qu’en écoutant↔ j’aie eu l’esprit
distrait,→
Ou
bien que le lecteur↔ m’ait gâté le
sonnet.→
Mais
laissons ce discours, ↔ et vo[i](y)[j]ons ma ballade.→
TRISSOTIN
La
ballade, à mon goût,
↔est une chose
fade.→
Ce
n’en est plus la mode ; ↔elle sent son vieux temps.→
VADIUS
La
ballade pourtant↔charme beaucoup de gens.→
TRISSOTIN
Cela
n’empêche pas ↔ qu’elle ne me déplaise.→
VADIUS
Elle
n’en reste pas ↔ pour cela plus mauvaise.→
TRISSOTIN
Elle
a pour les pédants ↔ de merveilleux appas.→
VADIUS
Cependant
nous vo[i](y)[j]ons[136] ↔ qu’elle ne vous
plaît pas.→
TRISSOTIN
Vous
donnez sottement ↔ vos qualités aux autres.→
VADIUS
Fort
impertinemment ↔ vous me jetez les vôtres.→
TRISSOTIN
Allez,
petit grimaud[137], ↔ barbouilleur de papier.→
VADIUS
Allez,
rimeur de balle[138], ↔ opprobre du métier.→
TRISSOTIN
Allez,
fripier d’écrits, ↔ ↑impudent plagiaire.→
VADIUS
Allez,
cuistre…
PHILAMINTE
Eh, Messieurs[139], ↔que prétendez-vous
faire ?→
TRISSOTIN
Va,
va ↑
restituer↔ tous les honteux larcins→
Que
réclament sur toi↔les Grecs et les Latins.→
VADIUS
Va,
va-t’en faire amende↔honorable au
Parnasse,→
D’avoir
fait à tes vers↔↑estropier Horace.→
TRISSOTIN
Souviens-toi
de ton livre, ↔et de son peu de bruit.→
VADIUS
Et
toi, de ton libraire↔à l’hôpital
réduit.→
TRISSOTIN
Ma
gloire est établie,
↔en vain tu
la déchires.→
VADIUS
Oui,
oui, je te renvoie↔à l’auteur des Satires.→
TRISSOTIN
Je
t’y renvoie aussi. ↔
VADIUS
J’ai
le contentement,→
Qu’on
voit qu’il m’a traité ↔ plus honorablement.→
Il
me donne en passant↔une atteinte
légère[140]→
Parmi
plusieurs auteurs ↔ qu’au Palais[141] on révère ;→
Mais
jamais dans ses vers ↔ il ne te laisse
en paix[142],→
Et
l’on t’y voit partout ↔ être en
butte à ses traits.→
TRISSOTIN
C’est
par là que j’y tiens ↔ un rang plus honorable.→
Il
te met dans la foule ↔ ainsi qu’un misérable,→
Il
croit que c’est assez ↔ d’un coup pour t’accabler,→
Et
ne t’a jamais fait ↔ l’honneur de redoubler :→
Mais
il m’attaque à part
↔ comme
un noble adversaire→
Sur
qui tout son effort ↔ lui semble nécessaire ;→
Et
ses coups contre moi ↔ redoublés en tous lieux,→
Montrent
qu’il ne se croit ↔ jamais ↑ victorieux.→
VADIUS
Ma
plume t’apprendra ↔ quel homme je puis être.→
TRISSOTIN
Et
la mienne saura ↔ te faire voir ton maître.→
VADIUS
Je
te défie en vers,
↔ prose,
grec, et latin.→
TRISSOTIN
Hé
bien, nous nous verrons ↔ seul à seul chez
Barbin[143].
SCÈNE
IV
TRISSOTIN,
PHILAMINTE, ARMANDE, BÉLISE, HENRIETTE.
TRISSOTIN
À
mon emportement ↔ne donnez aucun blâme ;→
C’est
votre jugement ↔que je défends, Madame,→
Dans
le sonnet qu’il a ↔l’audace d’attaquer.→
PHILAMINTE
À
vous remettre bien, ↔je me veux appliquer.→
Mais
parlons d’autre affaire.
↔Approchez,
Henri[j]ette.→
Depuis
assez longtemps ↔mon âme ↓s’inquiète,→
De
ce qu’aucun esprit↔en vous ne se fait voir,→
Mais
je trouve un mo[i](y)[j]en↔de vous en faire
avoir.→
HENRIETTE
C’est
prendre un soin pour moi↔qui n’est pas nécessaire,→
Les
doctes entretiens↔ne sont point mon affaire.→
J’aime
à vivre aisément,
↔et dans tout
ce qu’on dit→
Il
faut se trop peiner, ↔pour avoir de l’esprit.→
C’est
une ambition↔que je n’ai point en tête,→
Je
me trouve fort bien, ↔ma mère, d’être bête,→
Et
j’aime mieux n’avoir↔que de communs propos,→
Que
de me tourmenter↔pour dire de beaux mots.→
PHILAMINTE
Oui,
mais j’y suis blessée, ↔et ce n’est pas mon compte→
De
souffrir dans mon sang↔une pareille honte.→
La
beauté du visage↔est un frêle
ornement,→
Une
fleur passagère, ↔un éclat d’un moment,→
Et
qui n’est attaché↔qu’à la
simple épiderme ;→
Mais
celle de l’esprit ↔ est inhérente
et ferme.→
J’ai
donc cherché longtemps ↔ un biais de vous donner→
La
beauté que les ans ↔ ne peuvent moissonner,→
De
faire entrer chez vous ↔ ↑ le désir des sciences[144],→
De
vous ↑insinuer ↔ les belles connaissances ;→
Et
la pensée enfin
↔ où mes
vœux ont souscrit,→
C’est
d’attacher à vous ↔ un homme plein d’esprit,→
Et
cet homme est Monsieur
↔ que je
vous détermine[145]→
À
voir comme l’époux ↔ que mon choix vous
destine.→
HENRIETTE
Moi,
ma mère ?
PHILAMINTE
Oui,
vous. ↔
Faites la sotte un peu.→
BÉLISE[146]
Je
vous entends. Vos yeux ↔ demandent mon aveu,→
Pour
engager ailleurs ↔ un cœur que je possède.→
Allez,
je le veux bien. ↔ À ce nœud[147] je vous cède,→
C’est
un hymen qui fait[148] ↔ votre établissement.→
TRISSOTIN
Je
ne sais que vous dire, ↔ en mon ravissement,→
Madame,
et cet hymen ↔ dont je vois qu’on m’honore→
Me
met…
HENRIETTE
Tout
beau, Monsieur, ↔ il n’est pas fait encore→
Ne
vous pressez pas tant. ↔
PHILAMINTE
Comme
vous répondez !→
Savez-vous
bien que si… ↔ Suffit, vous m’entendez.→
Elle
se rendra sage ; ↔ allons, laissons-la faire.
SCÈNE
V
HENRIETTE,
ARMANDE.
ARMANDE
On
voit briller pour vous↔les soins de notre mère ;→
Et
son choix ne pouvait↔d’un plus illustre
époux…→
HENRIETTE
Si
le choix est si beau, ↔que ne le prenez-vous ?→
ARMANDE
C’est
à vous, non à moi, ↔que sa main est donnée.→
HENRIETTE
Je
vous le cède tout, ↔comme à
ma sœur aînée.→
ARMANDE
Si
l’hymen comme à vous↔me paraissait charmant,→
J’accepterais
votre offre[149]↔avec ravissement.→
HENRIETTE
Si
j’avais comme vous ↔ les pédants dans la tête,→
Je
pourrais le trouver ↔ un parti fort honnête.→
ARMANDE
Cependant
bien qu’ici ↔ nos goûts soient
différents,→
Nous
devons obéir, ↔ma sœur, à nos parents ;→
Une
mère a sur nous[150]↔une entière
puissance[151],→
Et
vous cro[i](y)[j]ez en vain ↔ par votre résistance…
SCÈNE VI
CHRYSALE,
ARISTE, CLITANDRE, HENRIETTE, ARMANDE.
CHRYSALE
Allons,
ma fille, il faut ↔approuver mon dessein,→
Ôtez
ce gant. Touchez ↔à Monsieur dans la main,→
Et
le considérez ↔désormais dans votre
âme→
En
homme dont je veux ↔que vous so[i](y)[j]ez la femme.→
ARMANDE
De
ce côté, ma sœur, ↔vos penchants sont fort
grands.→
HENRIETTE
Il
nous faut obéir, ↔ma sœur, à nos
parents ;→
Un
père a sur nos vœux
↔une entière
puissance[152].→
ARMANDE
Une
mère a sa part[153] ↔ à notre
obéissance.→
CHRYSALE
Qu’est-ce
à dire ?[154]
ARMANDE
Je
dis ↔
que j’appréhende fort→
Qu’ici
ma mère et vous ↔ ne so[i](y)[j]ez pas d’accord,→
Et
c’est un autre époux…
↔
CHRYSALE
Taisez-vous,
péronnelle[155] !→
Allez
philosopher ↔tout le soûl avec elle,→
↑Et de mes actions ↔ne vous mêlez en rien.→
Dites-lui
ma pensée, ↔et l’avertissez bien→
Qu’elle
ne vienne pas ↔m’échauffer les oreilles ;→
Allons
vite.
ARISTE
Fort
bien ; ↔vous faites des merveilles.→
CLITANDRE
Quel
transport ! quelle joie ! ↔ah ! que mon sort
est doux !→
CHRYSALE
Allons,
prenez sa main, ↔et passez devant nous,→
Menez-la
dans sa chambre. ↔Ah les douces caresses !→
Tenez,
mon cœur s’émeut ↔à toutes ces
tendresses,→
Cela
ragaillardit ↔ tout à fait mes vieux jours,→
Et
je me ressouviens ↔ de mes jeunes amours.
ACTE
IV
SCÈNE
PREMIÈRE
ARMANDE,
PHILAMINTE.
ARMANDE
Oui,
rien n’a retenu ↔son esprit en balance[156].→
Elle
a fait vanité ↔de son obéissance.→
Son
cœur, pour se livrer, ↔à peine devant moi→
S’est-il
donné le temps ↔d’en recevoir la loi,→
Et
semblait suivre moins ↔les volontés
d’un père,→
Qu’affecter
de braver ↔les ordres d’une mère.→
PHILAMINTE
Je
lui montrerai bien ↔aux lois de qui des deux→
Les
droits de la raison soumettent tous ses vœux ;→
Et
qui doit gouverner ↔ ou sa mère,
ou son père,→
Ou
l’esprit, ou le corps ; ↔ la forme,
ou la matière.→
ARMANDE
On
vous en devait bien ↔ au moins un compliment[157],→
Et
ce petit Monsieur ↔ en use
étrangement,→
De
vouloir malgré vous ↔ devenir votre
gendre.→
PHILAMINTE
Il
n’en est pas encore ↔ où son cœur
peut prétendre.→
Je
le trouvais bien fait, et j’aimais vos amours ;→
Mais
dans ses procédés ↔ il m’a
déplu toujours.→
Il
sait que Dieu merci ↔ je me mêle
d’écrire,→
Et
jamais il ne m’a ↔ pri[j]é de lui rien lire.
SCÈNE
II
CLITANDRE,
ARMANDE, PHILAMINTE.
ARMANDE
Je
ne souffrirais point, ↔si j’étais que
de vous,→
Que
jamais d’Henriette ↔il pût être
l’époux.→
On
me ferait grand tort ↔d’avoir quelque pensée,→
Que
là-dessus je parle ↔en fille intéressée,→
Et
que le lâche tour ↔que l’on voit qu’il me
fait,→
Jette
au fond de mon cœur[158] ↔quelque dépit
secret.→
Contre
de pareils coups, ↔ l’âme se fortifie→
Du
solide secours ↔ de la philosophie,→
Et
par elle on se peut ↔ mettre au-dessus
de tout :→
Mais
vous traiter ainsi, ↔ c’est vous pousser à bout.→
Il
est de votre honneur
↔ d’être
à ses vœux contraire,→
Et
c’est un homme enfin
↔ qui ne
doit point vous plaire.→
Jamais
je n’ai connu, ↔ discourant entre nous,→
Qu’il
eût au fond du cœur ↔ de l’estime pour vous.→
PHILAMINTE
Petit
sot !
ARMANDE
Quelque
bruit ↔
que votre gloire fasse,→
Toujours
à vous ↑ louer ↔ il a paru de glace.→
PHILAMINTE
Le
brutal !
ARMANDE
Et vingt fois,
↔ comme
ouvrages nouveaux[159],→
J’ai
lu des vers de vous ↔ qu’il n’a point trouvés
beaux.→
PHILAMINTE
L’impertinent !
ARMANDE
Souvent
↔ nous en
étions aux prises ;→
Et
vous ne croiriez point ↔ de combien de sottises…→
CLITANDRE
Eh
doucement de grâce. ↔ Un peu de charité,→
Madame,
ou tout au moins ↔ un peu d’honnêteté.→
Quel
mal vous ai-je fait ? ↔ et quelle
est mon offense,→
Pour
armer contre moi ↔ toute votre éloquence ?[160]→
Pour
vouloir me détruire, ↔ et prendre tant de soin→
De
me rendre odieux ↔ aux gens dont j’ai besoin ?→
Parlez.
Dites, d’où vient ↔ ce courroux effro[i](y)[j]able ?→
Je
veux bien que Madame ↔ en soit juge équitable.→
ARMANDE
Si
j’avais le courroux ↔ dont on veut m’accuser,→
Je
trouverais assez ↔ de quoi l’autoriser ;→
Vous
en seriez trop digne, ↔ et les premières
flammes→
S’établissent
des droits ↔ si sacrés sur les âmes.→
Qu’il
faut perdre fortune, ↔ et renoncer au jour,→
Plutôt
que de brûler ↔ des feux d’un autre
amour ;→
Au
changement de vœux ↔ nulle horreur
ne s’égale,→
Et
tout cœur infidèle ↔ est un monstre
en morale.→
CLITANDRE
Appelez-vous,
Madame, ↔
une infidélité,→
Ce
que m’a de votre âme
↔ ordonné
la fierté ?→
Je
ne fais qu’obéir ↔ aux lois qu’elle m’impose ;→
Et
si je vous offense, ↔ elle seule en
est cause[161].→
Vos
charmes ont d’abord ↔ possédé tout mon
cœur.→
Il
a brûlé deux ans ↔ d’une constante
ardeur[162] ;→
Il
n’est soins empressés, ↔ devoirs, respects,
services,→
Dont
il ne vous ait fait ↔ d’amoureux sacrifices.→
Tous
mes feux, tous mes soins ↔ ne peuvent rien sur vous,→
Je
vous trouve contraire ↔ à mes vœux les
plus doux ;→
Ce
que vous refusez, ↔ je l’offre au choix
d’une autre.→
Vo[i](y)[j]ez. Est-ce, Madame,↔ou ma faute,
ou la vôtre ?→
Mon
cœur court-il au change, ↔ ou si vous l’y poussez ?→
Est-ce
moi qui vous quitte, ↔ ou vous qui me chassez ?→
ARMANDE
Appelez-vous,
Monsieur, ↔ être à
vos vœux contraire,→
Que
de leur arracher ↔ ce qu’ils ont de vulgaire,→
Et
vouloir les réduire ↔ à cette pureté→
Où
du parfait amour ↔ consiste la beauté ?→
Vous
ne sauriez pour moi ↔ tenir votre pensée→
Du
commerce des sens ↔ nette et débarrassée ?→
Et
vous ne goûtez point ↔ dans ses plus doux appas,→
Cette
union des cœurs, ↔ où les corps n’entrent
pas.→
Vous
ne pouvez aimer ↔ que d’une amour
grossière ?→
Qu’avec
tout l’attirail↔des nœuds de la matière ?→
Et
pour nourrir les feux↔que chez vous on produit,→
Il
faut↑
un mariage, ↔et tout ce qui s’ensuit.→
Ah
quel étrange amour !
↔et que les
belles âmes→
Sont
bien loin de brûler↔de ces terrestres flammes !→
Les
sens n’ont point de part↔à toutes leurs ardeurs,→
Et
ce beau feu ne veut↔marier ↑que les cœurs.→
Comme
une chose indigne[163], ↔il laisse là le
reste.→
C’est
un feu pur et net ↔ comme le feu céleste,→
On
ne pousse avec lui ↔ que d’honnêtes
soupirs,→
Et
l’on ne penche point ↔ vers les sales désirs.→
Rien
d’impur ne se mêle ↔ au but qu’on se propose.→
On
aime pour aimer, ↔ et non pour autre chose.→
Ce
n’est qu’à l’esprit seul ↔ que vont tous les
transports→
Et
l’on ne s’aperçoit ↔ jamais qu’on ait un corps.→
CLITANDRE
Pour
moi par un malheur, ↔ je m’aperçois, Madame,→
Que
j’ai, ne vous déplaise, ↔ un corps tout comme
une âme :→
Je
sens qu’il y tient trop, ↔ pour le laisser
à part ;→
De
ces détachements ↔ je ne connais point l’art ;→
Le
Ciel ↑
m’a dénié ↔ cette philosophie,→
Et
mon âme et mon corps
↔ marchent
de compagnie.→
Il
n’est rien de plus beau, ↔ comme vous avez dit,→
Que
ces vœux épurés ↔ qui ne vont qu’à
l’esprit,→
↑Ces unions de cœurs,
↔et ces tendres
pensées,→
Du
commerce des sens↔si bien débarrassées :→
Mais
ces amours pour moi↔sont trop subtilisés,→
Je
suis un peu grossier, ↔comme vous m’accusez ;→
J’aime
avec tout moi-même, ↔et l’amour qu’on me donne,→
En
veut, je le confesse, ↔à toute la personne.→
Ce
n’est pas là matière↔à de grands châtiments ;→
Et
sans faire de tort↔à vos beaux sentiments,→
Je
vois que dans le monde↔on suit fort ma
méthode,→
↑Et que le mariage↔est assez à la mode,→
Passe↑ pour un lien↔assez honnête
et doux,→
↑Pour
avoir désir[164]↔de me voir votre
époux,→
Sans
que la liberté ↔ d’une telle
pensée→
Ait
dû vous donner lieu ↔ d’en paraître
offensée.→
ARMANDE
Hé
bien, Monsieur, hé bien, ↔ puisque
sans m’écouter→
Vos
sentiments brutaux ↔ veulent se contenter ;→
Puisque
pour vous réduire ↔ à des ardeurs
fidèles,→
Il
faut des nœuds de chair, ↔ des chaînes
corporelles ;→
Si
ma mère le veut, ↔ je résous mon
esprit→
À
consentir pour vous ↔ à ce dont il
s’agit.→
CLITANDRE
Il
n’est plus temps, Madame, ↔ une autre
a pris la place ;→
Et
par un tel retour↔j’aurais mauvaise grâce→
De
maltraiter l’asile, ↔et blesser les
bontés,→
Où
je me suis sauvé↔de toutes vos
fiertés.→
PHILAMINTE
Mais
enfin comptez-vous, ↔Monsieur, sur mon
suffrage,→
Quand
vous vous promettez↔cet autre ↓mariage ?→
Et
dans ↑vos visions↔savez-vous, s’il
vous plaît,→
Que
j’ai pour Henri[j]ette↔un autre époux tout prêt ?→
CLITANDRE
Eh,
Madame, voi[i](y)[j]ez↔votre choix, je vous prie ;→
Exposez-moi,
de grâce, ↔à moins d’ignominie,→
Et
ne me rangez pas[165]↔à l’indigne
destin→
De
me voir le rival↔de Monsieur Trissotin.→
L’amour
des beaux esprits↔qui chez vous m’est contraire→
Ne
pouvait m’opposer↔un moins noble
adversaire.→
Il
en est, et plusieurs, ↔que pour le bel
esprit→
Le
mauvais goût du siècle↔a su
mettre en crédit :→
Mais
Monsieur Trissotin↔n’a pu duper personne,→
Et
chacun rend justice↔aux écrits qu’il
nous donne.→
Hors céans,
on le prise↔en tous lieux ce qu’il vaut ;→
Et
ce qui m’a vingt fois↔fait tomber de
mon haut,→
C’est
de vous voir au ciel↔élever des
sornettes,→
Que
vous désavoueriez, ↔si vous les aviez
faites.→
PHILAMINTE
Si
vous jugez de lui↔tout autrement que nous,→
C’est
que nous le vo[i](y)[j]ons↔par d’autres yeux que vous.
SCÈNE III
TRISSOTIN, ARMANDE, PHILAMINTE,
CLITANDRE.
TRISSOTIN
Je
viens vous annoncer ↔une grande nouvelle.→
Nous
l’avons en dormant, ↔Madame,
échappé belle :→
Un
monde[166] près
de nous↔a passé tout du long,→
Est
chu tout au travers↔de notre tourbi[j]llon ;→
Et
s’il eût en chemin↔rencontré notre
terre,→
Elle
eût été brisée↔en morceaux
comme verre.→
PHILAMINTE
Remettons
ce discours↔pour une autre
saison,→
Monsieur
n’y trouverait↔ni rime, ni raison ;→
Et
de haïr surtout↔l’esprit ↑et
la science.→
CLITANDRE
Cette
vérité veut↔quelque adoucissement.→
Je
m’explique, Madame, ↔et je hais seulement→
La
science et l’esprit↔qui gâtent les
personnes.→
Ce
sont choses de soi↔qui sont belles et
bonnes ;→
Mais
j’aimerais mieux être↔au rang des ignorants,→
Que
de me voir savant ↔ comme certaines gens.→
TRISSOTIN
Pour
moi je ne tiens pas, ↔ quelque effet
qu’on suppose,→
↑
Que la science soit ↔ pour gâter quelque
chose.→
CLITANDRE
Et
c’est mon sentiment, ↔ qu’en faits, comme
en propos,→
La
science est sujette ↔ à faire de
grands sots.→
TRISSOTIN
Le
paradoxe est fort. ↔
CLITANDRE
Sans
être fort habile,→
La
preuve m’en serait ↔ je pense
assez facile.→
Si
les raisons manquaient,↔je suis sûr qu’en
tout cas→
Les
exemples fameux ↔ ne me manqueraient
pas.→
TRISSOTIN
Vous
en pourriez citer ↔ qui ne concluraient
guère.→
CLITANDRE
Je
n’irais pas bien loin ↔ pour trouver mon
affaire.→
TRISSOTIN
Pour
moi je ne vois pas ↔ ces exemples fameux.→
CLITANDRE
Moi,
je les vois si bien, ↔ qu’ils me crèvent
les yeux.→
TRISSOTIN
J’ai
cru jusques ici ↔ que c’était l’ignorance→
Qui
faisait les grands sots, ↔ et non pas ↓la
science.→
CLITANDRE
Vous
avez cru fort mal, ↔et je vous suis
garant,→
Qu’un
sot savant est sot↔plus qu’un sot ignorant.→
TRISSOTIN
Le
sentiment commun↔est contre vos maximes,→
Puisque
ignorant et sot↔sont termes synonymes.→
CLITANDRE
Si
vous le voulez prendre↔aux usages du mot,→
L’alliance
est plus grande↔entre pédant et sot.→
TRISSOTIN
La
sottise dans l’un↔se fait voir toute pure.→
CLITANDRE
Et
l’étude dans l’autre↔ajoute
à la nature.→
TRISSOTIN
Le
savoir garde en soi↔son mérite
éminent.→
CLITANDRE
Le
savoir dans un fat[167]↔devient impertinent.→
TRISSOTIN
Il
faut que l’ignorance↔ait pour vous de
grands charmes,→
Puisque
pour elle ainsi↔vous prenez tant
les armes.→
CLITANDRE
Si
pour moi l’ignorance↔a des charmes
bien grands,→
C’est
depuis qu’à mes yeux↔s’offrent certains
savants.→
TRISSOTIN
Ces
certains savants-là, ↔peuvent à
les connaître→
Valoir
certaines gens↔que nous vo[i](y)[j]ons paraître.→
CLITANDRE
Oui,
si l’on s’en rapporte↔à ces certains
savants ;→
Mais
on n’en convient pas↔chez ces certaines
gens.→
PHILAMINTE
Il
me semble, Monsieur…↔
CLITANDRE
Eh,
Madame, de grâce,→
Monsieur
est assez fort, ↔sans qu’à son aide
on passe :→
Je
n’ai déjà que trop↔d’un si rude
assai[j]llant →
Et
si je me défends, ↔ce n’est qu’en reculant.→
ARMANDE
Mais
l’offensante aigreur↔de chaque
repartie→
Dont
vous…
CLITANDRE
Autre
second, ↔je quitte la partie.→
PHILAMINTE
On
souffre aux entretiens↔ces sortes
de combats,→
Pourvu
qu’à la personne↔on ne s’attaque pas.→
CLITANDRE
Eh,
mon Dieu, tout cela↔n’a rien dont il
s’offense ;→
Il
entend raillerie↔autant qu’homme de France ;→
Et
de bien d’autres traits↔il s’est senti
piquer,→
Sans
que jamais sa gloire↔ait fait que s’en
moquer.→
TRISSOTIN
Je
ne m’étonne pas↔au combat que j’essuie,→
De
voir prendre à Monsieur↔la
thèse qu’il appuie.→
Il
est fort enfoncé↔dans la cour, c’est
tout dit[168] :→
La
cour, comme l’on sait, ↔ne tient pas pour
l’esprit ;→
Elle
a quelque intérêt↔d’appui[j]er l’ignorance,→
Et
c’est en courtisan↔qu’il en prend la
défense.→
CLITANDRE
Vous
en voulez beaucoup↔à cette pauvre
cour,→
Et
son malheur est grand, ↔de voir que chaque
jour→
Vous
autres beaux esprits, ↔vous déclamiez
contre elle ;→
Que
de tous vos chagrins↔vous lui fassiez
querelle ;→
Et
sur son méchant goût↔lui faisant
son procès,→
N’accusiez
que lui seul↔de vos méchants succès.→
Permettez-moi,
Monsieur↔Trissotin, de vous dire,→
Avec
tout le respect↔que votre nom m’inspire,→
Que
vous feriez fort bien, ↔vos confrères,
et vous,→
De
parler de la cour↔d’un ton un peu plus
doux ;→
Qu’à
le bien prendre au fond, ↔elle
n’est pas si bête→
Que
vous autres Messieurs↔vous vous mettez
en tête ;→
Qu’elle
a du sens commun↔pour se connaître
à tout ;→
Que
chez elle on se peut↔former
quelque bon goût ;→
Et
que l’esprit du monde↔y vaut, sans flatterie,→
Tout
le savoir obscur↔de la pédanterie.→
TRISSOTIN
De
son bon goût, Monsieur, ↔nous voi[j]ons des effets.→
CLITANDRE
Où
voi[j]ez-vous, Monsieur, ↔qu’elle
l’ait si mauvais ?→
TRISSOTIN
Ce
que je vois, Monsieur, ↔c’est que ↑pour
la science→
Rasius
et Baldus font↔honneur↑ à la France,→
Et
que tout leur mérite↔exposé fort
au jour,→
N’attire
point les yeux↔et les dons de la Cour.→
CLITANDRE
Je
vois votre chagrin, ↔et que par modestie→
Vous
ne vous mettez point, ↔Monsieur, de la
partie :→
Et
pour ne vous point mettre↔aussi dans le
propos,→
Que
font-ils pour l’État↔vos habiles
héros ?→
Qu’est-ce
que leurs écrits↔lui rendent de service,→
Pour
accuser la cour↔d’une horrible
injustice,→
Et
se plaindre en tous lieux↔que sur
leurs doctes noms→
Elle
manque à verser[169] ↔ la faveur
de ses dons ?→
Leur
savoir à la France ↔ est beaucoup nécessaire,→
Et
des livres qu’ils font ↔ la cour a bien
affaire.→
Il
semble à trois gredins, ↔
dans leur petit cerveau,→
Que
pour être imprimés, ↔
↑et reliés en veau,→
Les
voilà dans l’État↔d’importantes
personnes ;→
Qu’avec
leur plume ils font↔les destins des
couronnes ;→
Qu’au
moindre petit bruit↔↑de leurs productions,→
Ils
doivent voir chez eux↔voler↑ les
pensions ;→
Que
sur eux l’univers↔a la vue attachée ;→
Que
partout de leur nom↔la gloire
est épanchée,→
Et
qu’en science ils sont↔des prodiges
fameux,→
Pour
savoir ce qu’ont dit↔les autres
avant eux,→
Pour
avoir eu trente ans↔des yeux
et des oreilles,→
Pour
avoir emploi[j]é↔neuf ou dix mille veilles→
À
se bien barbouiller↔de grec et de latin,→
Et
se charger l’esprit↔d’un ténébreux
butin→
De
tous les vieux fatras↔qui traînent dans
les livres ;→
Gens
qui de leur savoir↔paraissent toujours
ivres ;→
Riches
pour tout mérite, ↔en babil importun,→
Inhabiles
à tout, ↔vides de sens commun,→
Et
pleins d’un ridicule, ↔et d’une
impertinence→
À
décri[j]er partout ↔ l’esprit ↑ et la science.→
PHILAMINTE
Votre
chaleur est grande, ↔ et cet emportement→
De
la nature en vous ↔ marque
le mouvement.→
C’est
le nom de rival ↔ qui dans votre
âme excite…
SCÈNE
IV
JULIEN,
TRISSOTIN, PHILAMINTE, CLITANDRE, ARMANDE.
JULIEN
Le
savant qui tantôt ↔vous a rendu
visite,→
Et
de qui j’ai l’honneur ↔de me voir le valet[170],→
Madame,
vous exhorte ↔à lire ce billet.→
PHILAMINTE
Quelque
important que soit ↔ce qu’on veut que
je lise,→
Apprenez,
mon ami, ↔que c’est une sottise→
De
se venir jeter ↔au travers d’un discours,→
Et
qu’aux gens d’un logis ↔il faut avoir
recours,→
Afin
de s’introduire ↔en valet qui sait vivre.→
JULIEN
Je
noterai cela, ↔Madame, dans mon livre.→
PHILAMINTE lit :
Trissotin
s’est vanté, Madame, qu’il épouserait votre fille. Je vous donne avis que sa philosophie
n’en veut qu’à vos richesses, et que vous ferez bien de ne point
conclure ce mariage, que vous n’ayez vu le poème que je compose contre
lui. En attendant cette peinture où je prétends vous le
dépeindre de toutes ses couleurs, je vous envoie Horace, Virgile,
Térence et Catulle, où vous verrez notés en marge tous les
endroits qu’il a pillés.
poursuit.
Voilà
sur cet hymen ↔que je me suis promis→
Un
mérite attaqué ↔ de
beaucoup d’ennemis ;→
Et
ce déchaînement ↔ aujourd’hui me
convie,→
À
faire une action[171] ↔ qui confonde
l’envie ;→
Qui
lui fasse sentir ↔ que l’effort qu’elle
fait,→
De
ce qu’elle veut rompre, ↔ aura pressé
l’effet.→
Reportez
tout cela ↔ sur l’heure à votre
maître ;→
Et
lui dites, qu’afin ↔ de lui faire connaître→
Quel
grand état je fais ↔ de ses nobles
avis,→
Et
comme je les crois ↔ dignes d’être
suivis,→
Dès
ce soir à Monsieur ↔ je marierai
ma fille ;→
Vous,
Monsieur, comme ami ↔ de toute la famille,→
À
signer leur contrat ↔ vous pourrez assister,→
Et
je vous y veux bien ↔ de ma part inviter.→
Armande,
prenez soin ↔ d’envoi[j]er au notaire,→
Et
d’aller avertir ↔ votre sœur de
l’affaire.→
ARMANDE
Pour
avertir ma sœur, ↔ il n’en est pas
besoin,→
Et
Monsieur que voilà, ↔ saura prendre
le soin→
De
courir lui porter ↔ bientôt cette
nouvelle,→
Et
disposer son cœur ↔ à vous
être rebelle.→
PHILAMINTE→
Nous
verrons qui sur elle ↔ aura plus de
pouvoir,→
Et
si je la saurai ↔ réduire
à son devoir.→Elle s’en va.
ARMANDE
J’ai
grand regret, Monsieur, ↔ de voir qu’à
vos visées,→
Les
choses ne soient pas ↔ tout à
fait disposées.→
CLITANDRE
Je
m’en vais travailler, ↔ Madame, avec
ardeur,→
À
ne vous point laisser ↔ ce grand regret
au cœur.→
ARMANDE
J’ai
peur que votre effort ↔ n’ait pas
trop bonne issue.→
CLITANDRE
Peut-être
verrez-vous ↔ votre crainte déçue.→
ARMANDE
Je
le souhaite ainsi. ↔
CLITANDRE
J’en suis ↑ persuadé,→
Et
que de votre appui ↔ je serai
secondé.→
ARMANDE
Oui,
je vais vous servir ↔ de toute ma
puissance.→
CLITANDRE
Et
ce service est sûr ↔ de ma
reconnaissance.
SCÈNE
V
CHRYSALE,
ARISTE, HENRIETTE, CLITANDRE.
CLITANDRE
Sans
votre appui, Monsieur, ↔je serai malheureux.→
Madame
votre femme ↔a rejeté mes vœux,→
Et
son cœur prévenu, ↔veut Trissotin
pour gendre.→
CHRYSALE
Mais
quelle fantaisie ↔a-t-elle donc pu prendre ?→
Pourquoi
diantre vouloir ↔ce Monsieur Trissotin ?→
ARISTE
C’est
par l’honneur qu’il a ↔de rimer à
latin,→
Qu’il
a sur son rival ↔emporté l’avantage.→
CLITANDRE
Elle
veut dès ce soir ↔ ↑faire ce mariage.→
CHRYSALE
Dès
ce soir ?
CLITANDRE
Dès
ce soir. ↔
CHRYSALE
Et dès ce soir je veux,→
Pour
la contrecarrer, ↔ ↑vous marier
vous deux.→
CLITANDRE
Pour
dresser le contrat, ↔elle envoie
au notaire.→
CHRYSALE
Et
je vais le quérir ↔pour celui qu’il
doit faire.→
CLITANDRE
Et
Madame doit être ↔instruite par
sa sœur,→
De
l’hymen où l’on veut ↔qu’elle
apprête son cœur.→
CHRYSALE
Et
moi, je lui commande ↔avec pleine
puissance,→
De
préparer sa main ↔à cette autre
alliance[172].→
Ah
je leur ferai voir, ↔ si pour donner
la loi,→
Il
est dans ma maison ↔ d’autre maître
que moi.→
Nous
allons revenir, ↔ songez à nous
attendre ;→
Allons,
suivez mes pas, ↔ mon frère,
et vous mon gendre.
HENRIETTE
Hélas !
dans cette humeur ↔ conservez-le toujours.→
ARISTE
J’emploi[j]erai toute
chose ↔ à servir vos amours.→
CLITANDRE
Quelque
secours puissant ↔ qu’on promette à
ma flamme,→
Mon
plus solide espoir, ↔ c’est votre
cœur, Madame.→
HENRIETTE
Pour
mon cœur vous pouvez ↔ vous assurer
de lui.→
CLITANDRE
Je
ne puis qu’être heureux, ↔
quand j’aurai son appui.→
HENRIETTE
Vous
voi[j]ez à quels nœuds ↔
on prétend le contraindre.→
CLITANDRE
Tant
qu’il sera pour moi, ↔ je ne vois rien
à craindre.→
HENRIETTE
Je
vais tout essai[j]er ↔ pour nos vœux les plus doux ;→
Et
si tous mes efforts ↔ ne me donnent
à vous,→
Il
est une retraite ↔ où notre
âme se donne[173],→
Qui
m’empêchera d’être ↔ à toute
autre personne[174].→
CLITANDRE
Veuille
le juste Ciel ↔ me garder en ce jour,→
De
recevoir de vous ↔ cette preuve d’amour.
ACTE
V,
SCÈNE
PREMIÈRE
HENRIETTE,
TRISSOTIN.
HENRIETTE
↑C’est
sur le mariage ↔où ma mère
s’apprête,→
Que
j’ai voulu, Monsieur, ↔vous parler tête
à tête ;→
Et
j’ai cru dans le trouble ↔où je vois la
maison,→
Que
je pourrais vous faire ↔écouter la
raison.→
Je
sais qu’avec mes vœux ↔vous me jugez
capable→
De
vous porter en dot ↔un bien considérable :→
Mais
l’argent dont on voit ↔tant de gens faire
cas,→
Pour
un vrai philosophe ↔a d’indignes appas ;→
Et
le mépris du bien ↔et des grandeurs
frivoles,→
Ne
doit point éclater ↔dans vos seules
paroles.→
TRISSOTIN
Aussi
n’est-ce point-là ↔ce qui me charme
en vous ;→
Et
vos brillants attraits, ↔vos yeux perçants
et doux,→
Votre
grâce et votre air ↔sont
les biens, les richesses,→
Qui
vous ont attiré ↔mes
vœux et mes tendresses ;→
C’est
de ces seuls trésors ↔que je suis amoureux.→
HENRIETTE
Je
suis fort redevable ↔à vos feux généreux ;→
Cet
obligeant amour ↔a de quoi me confondre,→
Et
j’ai regret, Monsieur, ↔de n’y pouvoir
répondre.→
Je
vous estime autant↔qu’on saurait estimer,→
Mais
je trouve un obstacle ↔à vous
pouvoir aimer.→
Un
cœur, vous le savez, ↔à deux ne saurait
être,→
Et
je sens que du mien ↔Clitandre s’est
fait maître.→
Je
sais qu’il a bien moins ↔de mérite
que vous,→
Que
j’ai de méchants yeux ↔pour le choix
d’un époux,→
Que
par cent beaux talents ↔vous devri[j]ez me plaire.→
Je
vois bien que j’ai tort, ↔ mais je n’y puis
que faire ;→
Et
tout ce que sur moi ↔ peut le raisonnement,→
C’est
de me vouloir mal ↔ d’un tel aveuglement.→
TRISSOTIN
Le
don de votre main ↔ où l’on me fait
prétendre,→
Me
livrera ce cœur ↔ que possède
Clitandre ;→
Et
par mille doux soins, ↔ j’ai lieu de présumer,→
Que
je pourrai trouver ↔ l’art de me faire
aimer.→
HENRIETTE
Non,
à ses premiers vœux ↔ mon âme
est attachée,→
Et
ne peut de vos soins, ↔ Monsieur, être
touchée.→
Avec
vous librement ↔ j’ose ici m’expliquer,→
Et
mon aveu n’a rien ↔ qui vous doive
choquer[175].→
Cette
amoureuse ardeur ↔ qui dans
les cœurs s’excite,→
N’est
point, comme l’on sait, ↔ un effet du
mérite ;→
Le
caprice y prend part, ↔ et quand
quelqu’un nous plaît,→
Souvent
nous avons peine ↔ à dire pourquoi c’est.→
Si
l’on aimait, Monsieur, ↔ par choix et par
sagesse,→
Vous
auriez tout mon cœur ↔ et toute ma
tendresse ;→
Mais
on voit que l’amour ↔ se gouverne
autrement.→
Laissez-moi,
je vous prie, ↔ à mon aveuglement,→
Et
ne vous servez point ↔ de cette ↓ violence→
Que
pour vous on veut faire ↔ à mon obéissance.→
Quand
on est honnête homme, ↔ on ne
veut rien devoir→
À
ce que des parents ↔ ont sur nous de
pouvoir.→
On
répugne à se faire ↔
immoler ce qu’on aime,→
Et
l’on veut n’obtenir ↔ un cœur que de
lui-même.→
Ne
poussez point ma mère ↔ à vouloir
par son choix,→
Exercer
sur mes vœux ↔ la rigueur de ses droits.→
Ôtez-moi
votre amour, ↔ et portez à
quelque autre→
Les
hommages d’un cœur ↔ aussi cher que
le vôtre.→
TRISSOTIN
Le
moi[j]en que ce cœur ↔
puisse vous contenter ?→
Imposez-lui
des lois ↔ qu’il puisse exécuter.→
De
ne vous point aimer ↔ peut-il être
capable,→
À
moins que vous cessiez, ↔ Madame, d’être
aimable,→
Et
d’étaler aux yeux ↔ les célestes
appas…→
HENRIETTE
Eh
Monsieur, laissons là ↔ ↑ ce galimatias.→
Vous
avez tant d’Iris, ↔ de Philis, d’Amarantes,→
Que
partout dans vos vers ↔ vous peignez si
charmantes,→
Et
pour qui vous jurez ↔ tant d’amoureuse
ardeur…→
TRISSOTIN
C’est
mon esprit qui parle, ↔ et ce n’est pas
mon cœur.→
D’elles
on ne me voit ↔ amoureux qu’en poète ;→
Mais
j’aime tout de bon ↔ l’adorable
Henriette.→
HENRIETTE→
Eh
de grâce, Monsieur… ↔
TRISSOTIN
Si c’est vous offenser,→
Mon
offense envers vous ↔ n’est pas
prête à cesser.→
Cette
ardeur jusqu’ici ↔ de vos
yeux ignorée,→
Vous
consacre des vœux ↔ d’éternelle
durée.→
Rien
n’en peut arrêter ↔ les aimables
transports ;→
Et bien
que vos beautés ↔ condamnent mes efforts,→
Je
ne puis refuser ↔ le secours d’une mère→
Qui
prétend couronner ↔ une flamme
si chère ;→
Et
pourvu que j’obtienne ↔ un bonheur si
charmant,→
Pourvu
que je vous aie, ↔ il n’importe comment.→
HENRIETTE
Mais
savez-vous qu’on risque ↔ un peu plus qu’on
ne pense,→
À
vouloir sur un cœur ↔ user ↑ de
violence[176] ?→
Qu’il
ne fait pas bien sûr, ↔ à vous
le trancher net,→
D’épouser
une fille ↔ en dépit qu’elle
en ait ;→
Et
qu’elle peut aller ↔ en se voi[j]ant contraindre,→
À
des ressentiments ↔ que le mari doit
craindre[177] ?→
TRISSOTIN
Un
tel discours n’a rien ↔ dont je sois altéré.→
À
tous événements ↔ le sage
est préparé.→
Guéri
par la raison ↔ des faiblesses vulgaires,→
Il
se met au-dessus ↔ de ces sortes d’affaires,→
Et
n’a garde de prendre ↔ aucune
ombre d’ennui[178],→
De
tout ce qui n’est pas ↔ pour dépendre
de lui.→
HENRIETTE
En
vérité, Monsieur, ↔ je suis de
vous ravie ;→
Et
je ne pensais pas ↔ que la philosophie→
Fût
si belle qu’elle est, ↔ d’instruire
ainsi les gens→
À
porter constamment ↔ de pareils accidents.→
Cette
fermeté d’âme ↔ à vous si singulière,→
Mérite
qu’on lui donne ↔ une illustre
matière ;→
Est
digne de trouver ↔ qui prenne
avec amour,→
Les
soins ↑ continuels ↔ de la mettre
en son jour ;→
Et
comme à dire vrai, ↔ je n’oserais
me croire→
Bien
propre à lui donner ↔ tout
l’éclat de sa gloire,→
Je
le laisse à quelque autre,
↔ et vous jure entre nous,→
Que
je renonce au bien ↔ de vous
voir mon époux.→
TRISSOTIN
Nous
allons voir bientôt ↔ comment ira
l’affaire ;→
Et
l’on a là-dedans ↔ fait venir le
notaire.
SCÈNE
II
CHRYSALE,
CLITANDRE, MARTINE, HENRIETTE.
CHRYSALE
Ah,
ma fille, je suis ↔bien aise de vous voir.→
Allons,
venez-vous-en ↔faire votre devoir,→
Et
soumettre vos vœux ↔aux volontés
d’un père.→
Je
veux, je veux apprendre ↔à vivre
à votre mère ;→
Et
pour la mieux braver, ↔voilà,
malgré ses dents,→
Martine
que j’amène, ↔et rétablis
céans.→
HENRIETTE
Vos
↓résolutions ↔ ↑sont dignes
de louange.→
Gardez
que cette humeur, ↔mon père,
ne vous change.→
Soi[j]ez ferme à
vouloir ↔ce que vous ↓ souhaitez,→
Et
ne vous laissez point ↔séduire
à vos bontés.→
Ne
vous relâchez pas, ↔et faites bien
en sorte→
D’empêcher
que sur vous ↔ma mère ne l’emporte.→
CHRYSALE
Comment ?
Me prenez-vous ↔ici pour un benêt ?→
HENRIETTE
M’en
préserve le Ciel. ↔
CHRYSALE
Suis-je un fat[179], s’il vous plaît ?→
HENRIETTE
Je
ne dis pas cela. ↔
CHRYSALE
Me croit-on incapable→
Des
fermes sentiments ↔d’un homme raisonnable ?→
HENRIETTE
Non,
mon père.→
CHRYSALE
Est-ce donc ↔qu’à
l’âge où je me vois,→
Je
n’aurais pas l’esprit ↔d’être
maître chez moi ?→
HENRIETTE
Si
fait.→
CHRYSALE
Et que j’aurais ↔cette
faiblesse d’âme,→
De
me laisser mener ↔par le nez à
ma femme ?→
HENRIETTE
Eh
non, mon père.
CHRYSALE
↑Ouais. ↔Qu’est-ce donc que
ceci ?→
Je
vous trouve plaisante ↔à me parler
ainsi.→
HENRIETTE
Si
je vous ai choqué, ↔ce n’est pas mon
envie.→
CHRYSALE
Ma
volonté céans↔doit être
en tout suivie.→
HENRIETTE
Fort
bien, mon père.→
CHRYSALE
Aucun,↔hors moi, dans la
maison,→
N’a
droit de commander.↔
HENRIETTE
Oui, vous avez raison.→
CHRYSALE
C’est
moi qui tiens le rang↔de chef de la
famille.→
HENRIETTE
D’accord.
CHRYSALE
C’est moi qui dois↔disposer
de ma fille.→
HENRIETTE
Eh
oui.
CHRYSALE
Le Ciel me donne ↔un plein
pouvoir sur vous.→
HENRIETTE
Qui
vous dit le contraire ? ↔
CHRYSALE
Et pour prendre un
époux,→
Je
vous ferai bien voir ↔que c’est à votre
père→
Qu’il
vous faut obéir, ↔non pas à votre
mère.→
HENRIETTE
Hélas !
vous flattez là ↔les plus doux de mes
vœux ;→
Veuillez
être obéi, ↔c’est tout
ce que je veux.→
CHRYSALE
Nous
verrons si ma femme ↔à mes désirs
rebelle…→
CLITANDRE
La
voici qui conduit ↔le notaire
avec elle.→
CHRYSALE
Secondez-moi
bien tous. ↔
MARTINE
Laissez-moi, j’aurai soin→
De
vous encourager, ↔s’il en est de besoin.
SCÈNE
III
PHILAMINTE,
BÉLISE, ARMANDE, TRISSOTIN, LE NOTAIRE, CHRYSALE, CLITANDRE, HENRIETTE,
MARTINE.
PHILAMINTE
Vous
ne sauriez changer ↔votre style sauvage,→
Et
nous faire un contrat ↔qui soit
en beau langage ?→
LE
NOTAIRE
Notre
style est très bon, ↔et je
serais un sot,→
Madame,
de vouloir ↔y changer un seul mot.→
BÉLISE
Ah !
quelle barbarie ↔au milieu de la France !→
Mais
au moins en faveur, ↔Monsieur, ↑de
la science,→
Veuillez
au lieu d’écus, ↔de livres et de francs,→
Nous
exprimer la dot ↔en mines et talents,→
Et
dater par les mots ↔d’ides et de calendes.→
LE
NOTAIRE
Moi ?
Si j’allais, Madame, ↔accorder vos demandes,→
Je
me ferais siffler ↔de tous mes compagnons.→
PHILAMINTE
De
cette barbarie ↔en vain nous nous
plaignons.→
Allons,
Monsieur, prenez ↔la table pour écrire.→
Ah,
ah ! cette impudente ↔ose
encor se produire ?→
Pourquoi
donc, s’il vous plaît, ↔la ramener chez
moi ?→
CHRYSALE
Tantôt
avec loisir ↔on vous dira pourquoi.→
Nous
avons maintenant ↔autre chose
à conclure.→
LE
NOTAIRE
Procédons
au contrat. ↔Où donc est la future ?[180]→
PHILAMINTE
Celle
que je marie ↔est la cadette.
LE
NOTAIRE
Bon.
→
CHRYSALE
Oui.
La voilà, Monsieur, ↔Henriette[181] est son nom.→
LE
NOTAIRE→
Fort
bien. Et le futur ? ↔
PHILAMINTE[182]→
L’époux
que je lui donne→
Est
Monsieur.
CHRYSALE, montrant Clitandre.
Et celui, ↔moi, qu’en
propre personne,→
Je
prétends qu’elle épouse, ↔est
Monsieur.
LE
NOTAIRE
Deux
époux !→
C’est
trop pour la coutume. ↔
PHILAMINTE
Où
vous arrêtez-vous ? ↔
Mettez,
mettez, Monsieur, ↔Trissotin pour mon gendre.→
CHRYSALE
Pour
mon gendre mettez, ↔mettez, Monsieur,
Clitandre.→
LE
NOTAIRE
Mettez-vous
donc d’accord ↔et d’un jugement mûr→
Voi[j]ez à convenir ↔entre
vous du futur[183].→
PHILAMINTE
Suivez,
suivez, Monsieur, ↔le choix où je
m’arrête.→
CHRYSALE
Faites,
faites, Monsieur, ↔les choses à ma tête.→
LE
NOTAIRE
Dites-moi
donc à qui ↔j’obéirai des deux ?→
PHILAMINTE
Quoi
donc, vous combattez ↔les choses que
je veux ?→
CHRYSALE
Je
ne saurais souffrir ↔qu’on ne cherche
ma fille,→
Que
pour l’amour du bien ↔qu’on voit dans ma
famille.→
PHILAMINTE
Vraiment
à votre bien ↔on songe bien ici,→
Et
c’est là pour un sage, ↔un fort digne
souci !→
CHRYSALE
Enfin
pour son époux, ↔j’ai fait choix de
Clitandre.→
PHILAMINTE
Et
moi, pour son époux, ↔voici qui je
veux prendre :→
Mon
choix sera suivi, ↔c’est un point résolu.→
CHRYSALE
Ouais.
Vous le prenez là ↔d’un ton bien absolu ?→
MARTINE
Ce n’est point à la femme ↔à prescrire,
et je sommes→
Pour
céder le dessus ↔en toute chose
aux hommes.→
CHRYSALE
C’est
bien dit.
MARTINE
Mon
congé ↔cent fois me fût-il hoc[184][185],→
La
poule ne doit point ↔chanter devant le
coq.→
CHRYSALE
Sans
doute
MARTINE
Et
nous voi[j]ons ↔que d’un homme on se gausse,→
Quand
sa femme chez lui ↔porte le
haut-de-chausse.→
CHRYSALE
Il
est vrai.
MARTINE
Si
j’avais ↔un mari, je le dis,→
Je
voudrais qu’il se fît ↔le maître
du logis.→
Je
ne l’aimerais point, ↔s’il faisait le
jocrisse[186].→
Et
si je contestais ↔contre lui par caprice ;→
Si
je parlais trop haut, ↔je trouverais
fort bon,→
Qu’avec
quelques soufflets ↔il rabaissât mon ton.→
CHRYSALE
C’est
parler comme il faut. ↔
MARTINE
Monsieur
est raisonnable,→
De
vouloir pour sa fille ↔un mari convenable.→
CHRYSALE
Oui.
MARTINE
Par
quelle raison, ↔jeune, et bien fait
qu’il est,→
Lui
refuser Clitandre ? ↔Et pourquoi, s’il
vous plaît,→
Lui
bailler un savant, ↔qui sans cesse
épilogue[187] ?→
Il
lui faut un mari, ↔non pas un pédagogue :→
Et
ne voulant savoir ↔le grais[188], ni le latin,→
Elle
n’a pas besoin ↔de Monsieur Trissotin[189].→
CHRYSALE
Fort
bien.
PHILAMINTE
Il
faut souffrir ↔qu’elle jase à
son aise.→
MARTINE
Les
savants ne sont bons ↔que pour prêcher
en chaise[190] ;
Et
pour mon mari, moi, ↔mille fois je
l’ai dit, →
Je
ne voudrais jamais ↔prendre un
homme d’esprit.→
L’esprit
n’est point du tout ↔ce qu’il faut en
ménage ;→
Les
livres cadrent mal ↔avec ↑ le mariage ;→
Et
je veux, si jamais ↔on engage ma foi,→
Un
mari qui n’ait point ↔d’autre livre
que moi ;→
Qui
ne sache A, ne B, ↔n’en déplaise
à Madame,→
Et
ne soit en un mot ↔docteur que pour sa
femme.→
PHILAMINTE
Est-ce
fait ? et sans trouble ↔ai-je assez
écouté→
Votre
digne interprète ? ↔
CHRYSALE
Elle
a dit vérité.→
PHILAMINTE
Et
moi, pour trancher
court ↔toute cette dispute,→
Il
faut qu’absolument ↔mon désir s’exécute.→
Henri[j]ette, et
Monsieur ↔seront joints de ce pas ;→
Je
l’ai dit, je le veux, ↔ne me répliquez
pas :→
Et
si votre parole ↔à Clitandre
est donnée,→
Offrez-lui
le parti ↔d’épouser son
aînée.→
CHRYSALE
Voilà
dans cette affaire ↔un accommodement.→
Voi[j]ez ? y donnez-vous ↔votre
consentement ?→
HENRIETTE
Eh
mon père !
CLITANDRE
Eh Monsieur ! ↔
BÉLISE
On
pourrait bien lui faire→
Des
propositions qui ↔pourraient mieux lui
plaire :→
Mais
nous établissons ↔une espèce
d’amour→
Qui
doit être épuré ↔comme
l’astre du jour ;→
La
substance qui pense, ↔y peut être
reçue,→
Mais
nous en bannissons ↔la substance
étendue[191].
SCÈNE
DERNIÈRE
ARISTE,
CHRYSALE, PHILAMINTE, BÉLISE, HENRIETTE, ARMANDE, TRISSOTIN, LE NOTAIRE,
CLITANDRE, MARTINE.
ARISTE
J’ai
regret de troubler ↔un mystère
joi[j]eux[192],→
Par
le chagrin qu’il faut ↔que j’apporte
en ces lieux.→
Ces
deux lettres me font ↔porteur de deux
nouvelles,→
Dont
j’ai senti pour vous ↔les atteintes
cruelles :→
L’une
pour vous, me vient ↔de votre procureur ;→
L’autre
pour vous, me vient ↔de Lyon.
PHILAMINTE
↑
Quel malheur,→
Digne
de nous troubler, ↔ pourrait-on nous
écrire ?→
ARISTE
Cette
lettre en contient[193] ↔ un que
vous pouvez lire.→
PHILAMINTE
Madame,
j’ai prié Monsieur votre frère de vous rendre cette lettre, qui
vous dira ce que je n’ai osé vous aller dire. La grande
négligence que vous avez pour vos affaires, a été cause
que le clerc de votre rapporteur ne m’a point averti, et vous avez perdu
absolument votre procès que vous deviez gagner.
CHRYSALE
Votre
procès perdu ! ↔
PHILAMINTE
Vous
vous troublez beaucoup !→
Mon
cœur n’est point du tout ↔ ébranlé
de ce coup.→
Faites,
faites paraître ↔ une âme
moins commune→
À
braver comme moi ↔ les traits de la
fortune.→
Le
peu de soin que vous avez vous coûte quarante mille écus, et c’est
à payer cette somme, avec les dépens, que vous êtes
condamnée par arrêt de la cour.
Condamnée ! Ah ce mot ↔ est
choquant, et n’est fait→
Que
pour les criminels. ↔
ARISTE
Il
a tort en effet,→
Et
vous vous êtes là ↔ justement récriée.→
Il
devait avoir mis ↔ que vous êtes
pri[j]ée,→
Par
arrêt de la cour, ↔ de pa[i](y)[j]er au plus tôt→
Quarante
mille écus, ↔ et les
dépens qu’il faut.→
PHILAMINTE
Vo[i](y)[j]ons l’autre.
CHRYSALE lit.→
Monsieur,→[194]
l’amitié qui me lie à Monsieur votre
frère, me fait prendre intérêt à tout ce qui vous
touche. Je sais que vous avez mis votre bien entre les mains d’Argante et de
Damon, et je vous donne avis qu’en même jour ils ont fait tous deux banqueroute.→
Ô
Ciel ! tout à la fois ↔ perdre
ainsi tout mon bien !→
PHILAMINTE
Ah
quel honteux transport ! ↔ Fi ! tout
cela n’est rien.→
Il
n’est pour le vrai sage ↔ aucun revers
funeste,→
Et
perdant toute chose, ↔ à soi-même
il se reste.→
Achevons
notre affaire, ↔ et quittez votre
ennui ;→
Son
bien[195] nous
peut suffire ↔ et pour nous, et pour lui.→
TRISSOTIN
Non,
Madame, cessez ↔ de presser cette
affaire.→
Je
vois qu’à cet hymen ↔ tout le monde
est contraire,→
Et
mon dessein n’est point ↔ de contraindre
les gens.→
PHILAMINTE
Cette
↑ réflexion ↔ vous vient en peu
de temps !→
Elle
suit de bien près, ↔ Monsieur, notre
disgrâce.→
TRISSOTIN
De
tant de résistance ↔ à la fin je
me lasse.→
J’aime
mieux renoncer ↔ à tout cet embarras,→
Et
ne veux point d’un cœur ↔ qui ne se donne
pas.→
PHILAMINTE
Je
vois, je vois de vous, ↔ non pas pour votre
gloire,→
Ce
que jusques ici ↔ j’ai refusé
de croire.→
TRISSOTIN
Vous
pouvez voir de moi ↔ tout ce que vous
voudrez,→
Et
je regarde peu ↔ comment vous le
prendrez :→
Mais
je ne suis point homme ↔ à souffrir l’infamie→
Des
refus offensants ↔ qu’il faut qu’ici
j’essuie ;→
Je
vaux bien que de moi ↔ l’on fasse plus
de cas,→
Et
je baise les mains ↔ à qui ne me
veut pas.→
PHILAMINTE
Qu’il
a bien découvert ↔ son âme mercenaire !→
Et
que peu philosophe ↔ est ce qu’il vient
de faire !→
CLITANDRE
Je
ne me vante point ↔ de l’être, mais
enfin→
Je
m’attache, Madame, ↔ à tout votre
destin ;→
Et
j’ose vous offrir, ↔ avec que ma personne,→
Ce
qu’on sait que de bien ↔ la fortune me
donne.→
PHILAMINTE
Vous
me charmez, Monsieur, ↔ par ce trait généreux,→
Et
je veux couronner ↔ vos désirs amoureux.→
Oui,
j’accorde Henri[j]ette ↔ à l’ardeur empressée…→
HENRIETTE
Non,
ma mère, je change ↔ à présent
de pensée.→
Souffrez
que je résiste ↔ à votre volonté.→
CLITANDRE
Quoi,
vous vous opposez ↔ à ma félicité ?→
Et
lorsqu’à mon amour ↔ je vois chacun
se rendre…→
HENRIETTE
Je
sais le peu de bien ↔ que vous avez,
Clitandre,→
Et
je vous ai toujours ↔ souhaité pour
époux,→
Lorsqu’en
satisfaisant ↔ à mes vœux les
plus doux,→
J’ai
vu que mon hymen ↔ ajustait vos affaires :→
Mais
lorsque nous avons ↔ les destins si
contraires,→
Je
vous chéris assez ↔ dans cette
extrémité,→
Pour
ne vous charger point ↔ de notre
adversité[196].→
CLITANDRE
Tout
destin avec vous ↔ me peut être
agréable ;→
Tout
destin me serait ↔ sans vous insupportable.→
HENRIETTE
L’amour
dans son transport ↔ parle toujours ainsi.→
Des
retours[197] importuns
↔ évitons le souci,→
Rien
n’use tant l’ardeur ↔ de ce nœud qui
nous lie,→
Que
les fâcheux besoins ↔ des choses de
la vie ;→
Et
l’on en vient souvent ↔ à s’accuser
tous deux,→
De
tous les noirs chagrins ↔ qui suivent de
tels feux.→
ARISTE
N’est-ce
que le motif ↔ que nous venons d’entendre,→
Qui
vous fait résister ↔ à l’hymen
de Clitandre ?→
HENRIETTE
Sans
cela, vous verriez ↔ tout mon cœur y
courir ;→
Et
je ne fuis sa main, ↔ que pour le trop
chérir.→
ARISTE
Laissez-vous
donc ↑ lier ↔ par des chaînes si
belles.→
Je
ne vous ai porté ↔ que de fausses
nouvelles ;→
Et
c’est un stratagème, ↔ un surprenant
secours,→
Que
j’ai voulu tenter ↔ pour servir vos amours ;→
Pour
détromper ma sœur, ↔ et lui faire
connaître→
Ce
que son philosophe ↔ à l’essai[198] pouvait être.→
CHRYSALE
Le
Ciel en soit loué. ↔
PHILAMINTE
J’en
ai la joie au cœur,→
Par
le chagrin qu’aura ↔ ce lâche déserteur.→
Voilà
le châtiment ↔ de sa basse avarice,→
De
voir qu’avec éclat ↔ cet hymen s’accomplisse.→
CHRYSALE[199]
Je
le savais bien, moi, ↔ que vous l’épouseriez.→
ARMANDE
Ainsi
donc à leurs vœux ↔ ↑ vous me sacrifiez ?→
PHILAMINTE
Ce
ne sera point vous ↔ que je leur sacrifie,→
Et
vous avez l’appui ↔ de la philosophie,→
Pour
voir d’un œil content ↔ couronner leur
ardeur.→
BÉLISE
Qu’il
prenne garde au moins ↔ que je
suis dans son cœur[200].→
Par
un prompt désespoir ↔ souvent on se
marie,→
Qu’on
s’en repent après ↔ tout le temps de
sa vie.→
CHRYSALE
Allons,
Monsieur, suivez ↔ l’ordre que j’ai prescrit,→
Et
faites le contrat ↔ ainsi que je l’ai
dit.
[1] - безударный слог; ‘ ударный слог.
[2] Цезура.
[3] Строковая пауза.
[4] est un titre, ma sœur
[5] [la
char]mante
↓ douceur
[6] [Oui,
ma] sœur ↑
[7] [des en]fants, ↑ un ménage
[8] Claquemurer : «enfermer dans une prison étroite, enfermer dans un cloître» (Dictionnaire de Furetière, 1690). C’est un mot populaire.
[9] Une idole d’époux : idole est souvent masculin au XVIIe siècle.
[10] des plus nobles plaisirs
[11] Clartés : sciences, lumières.
[12] La partie animale : «En morale, on oppose la partie animale, qui est la partie sensuelle et charnelle, à la partie raisonnable, qui est l’intelligence» (Dictionnaire de Furetière, 1690).
[13] Или для синкопирования: les ↑ spéculations — или сделать это в
предыдущей строке.
[14] terre a terre — заурядный, будничный; приземлённый; утилитарный, низменный, пошлый
[15] Seconder : servir de second.
[16] Votre visée au moins… : vos vues au moins ne se portent pas sur Clitandre ?
[17] Un autre est employé fréquemment au XVIIe siècle dans un sens très général, là où nous dirions une autre.
[18] Un mérite : un homme de mérite.
[19] si c’est votre plaisir
[20] Вот это место доказывает, что мое предположение о
немых стопах вероятней раздельного произнесения двойных гласных.
[21] Tout, adverbe, au sens de «tout à fait», est invariable.
[22] de la sorte — так,
таким образом; такой.
[23] Sans le congé : sans la permission.
[24] Конкретно насчет слова mariage у меня сомнения. То ли Адамо, то ли Азнавур, помню, пел именно «марийяже».
[25] À répondre à cela
[26] Mais il met peu de poids… : mais il a peu d'autorité pour faire exécuter les décisions qu’il prend.
[27] certaine bonté ↑ d’âme
[28] Je voudrais ↑ bien vous voir
[29] [sans
vou]loir ↑
[30] [Sans
ci]ter ↑
[31] à ses moindres
[32] respecte
[33] rendre
[34] Aux encens qu'elle donne : quand elle donne des louanges…
[35] [Aux en]cens ↑ qu’elle donne
[36] chagrine
[37] enrage
[38] toute
[39] Trissotin ne cesse de faire imprimer des ouvrages qui ne se vendent pas, et dont les feuilles servent à emballer les victuailles et les produits d'épicerie.
[40] Où s'attache son cœur : dans la famille de sa bien-aimée.
[41] efforce
[42] Indolent est ici synonyme d’insensible ; Trissotin ne sent pas les critiques qu’on formule contre lui.
[43] Jusques à sa figure encor la chose alla : la chose (cette connaissance que j'avais acquise de lui par ses ouvrages) alla jusqu’à me faire connaître son visage.
[44] autre
[45] Les muets interprètes sont les yeux, comme Bélise vient de l’expliquer aux vers 278–280.
[46] d’une immuable ardeur
[47] Судя по всему, имя Henriette произносится: Ан-ри-йет.
[48] La figure : le déguisement, le voile sous lequel se dissimule, selon Bélise, l’amour que Clitandre lui porte.
[49] Et pour n'en point sortir… : et, pour rester dans ce déguisement, parmi les choses que mon cœur vous propose pour vous répondre…
[50] Allons commettre un autre soin… : allons charger un autre de la mission qu’Henriette m’a confiée.
[51] Громкая музыка. Из кулисы появляется Арист, Клитандр бросается к нему и
рассказывает. Но за музыкой их разговора не слышно. Затем музыка уходит или
обрывается и мы слышим окончание разговора. Это может быть сквозным приемом,
например, спектакль мы смотрим по телевизору, и время от времени начинается
реклама. Идея! То есть, реклама заглушает звук, а картинка у нас остается:
персонажи двигаются, общаются, но — это немое кино. 28.06.2020 19:30
[52] VAR. ARISTE, à Clitandre. (1682).
[53] Дописать строку. В этом месте начинается
«реклама».
[54] Приписать начало, например: « Bonjour. Ah, Dieu… и т. д. ».
[55] Jamais… Ah, Dieu vous gard’, ↔
Mon frère. Et vous aussi,→
Mon frère. Savez-vous
↔ ce qui m’amène ici ?
[56] Nous donnions : nous partions à la conquête.
[57] Мольер показывает будущее
озорного гуляки — трусливый подкаблучник. Шамраев.
[58] Un amusement : une feinte, une diversion.
[59] Qu'on n'a pas pour un cœur : qu’on n’a pas seulement un cœur…
[60] n’être qu’un en deux corps — питать друг к другу тесную привязанность, составлять
одно целое с кем-либо
[61] VAR. L'on dit bien vrai. (1682).
[62] Un héritage : un bien immobilier.
[63] VAR. J’ai que l'on me donne. (1682).
[64] Prendre mon courroux : partager ma colère.
[65] Est-ce qu’elle a laissé
[66] N’être pas fidèle : n'être pas de confiance, comme on dit encore aujourd’hui, c'est-à-dire être une voleuse.
[67] Claude Favre de Vaugelas (1585-1650), l’auteur des Remarques sur la langue française (1647), qui firent autorité durant toute la seconde moitié du XVIIe siècle.
[68] La main haute : tenir la main haute à quelqu’un, c’est «le tenir de court, lui laisser peu de liberté» (Dictionnaire de Furetière, 1690).
[69] Je n’ai garde
[70] L’impudente ! appeler
[71] VAR. Et tous vos beaux dictons. (1682).
[72] De pas mis avec rien tu fais la récidive : tu fais de nouveau la faute qui consiste à mettre pas avec rien.
[73] А вот переводчик отлично поняла: «росли мы
без наук», «мы говорим».
[74] une oreille sensible
[75] Ну вот, все правильно.
[76] Grammaire se prononçait comme grand-mère au XVIIe siècle.
[77] Переходит на «ты»!
[78] Du verbe et du nominatif : du verbe et du sujet.
[79] Se gourment : se battent à coup de poing.
[80] de la sorte — так, таким образом; такой
[81] Да не в сторону он говорит,
с самого начала он говорит Мартине, здесь совершенно цельная неразрывная мысль.
[82] VAR. Bas (1682).
[83] sujet maigre (тж. maigre sujet) — ничтожный повод; недостаточное
основание; бедный, неразвернутый сюжет произведения
[84] Vices d’oraison : fautes de langue), proverbes traînés dans les ruisseaux des Halles : mots populaires.
[85] Fait figure : a son importance.
[86] Il put : 3e personne du sing. du présent de l’indicatif du verbe puir, doublet de puer.
[87] Collet monté : un collet monté était soutenu par du carton et du fil de fer. De là, au figuré, le mot est une locution à valeur adjective qui possède deux sens distincts : d’une part, guindé, d’autre part, suranné.
[88] VAR. CHRYSALE, à Bélise. (1682).
[89] VAR. (À Philaminte.) (1682).
[90] Tout ce meuble : ce singulier à valeur collective désigne non seulement les livres, mais tout le matériel scientifique dont Philaminte encombre la maison (les cent brimborions du vers 567).
[91] sens dessus dessous — вверх дном, вверх ногами, вверх тормашками
вверх дном; в беспорядке; кувырком (о человеке) в
смятении, в возбужденном состоянии, вне себя
[92] Qu’une femme étudie
[93] Tympaniser quelqu'un, c’est blâmer quelqu’un publiquement et comme au son du tambour. Trissotin n’a pas décrié les femmes savantes, mais il les a rendues ridicules par les éloges compromettants qu’il a fait d’elles.
[94] Quelle bassesse, ô Ciel
[95] Les petits corps : les atomes d’Épicure.
[96] Le succès : le résultat, bon ou mauvais, de cette conversation.
[97] l’affaire est-elle faite
[98] Est-ce qu’elle balance; Est-ce
qu’elle balance
[99] Un autre homme pour gendre
[100] Elle fait grand mystère : elle fait étalage, elle fait grand cas.
[101] Et sa morale, faite à mépriser le bien, Sur l’aigreur de sa bile opère comme rien : et sa morale qui lui enseigne à mépriser les biens de fortune, n’agit en rien sur l’aigreur de sa bile.
[102] une femme à vos vœux
[103] Характерный случай: наши
актрисы говорят: Je brûle de les
voir
[104] fʁijɑ̃
[105] ↑Le laquais↑ tombe
[106] lire, elle l’interrompt
[107] Avec entêtement : avec passion.
[108] VAR. BÉLISE, à Henriette. (1682).
[109] Quoi qu’on die : le subjonctif archaïque die pour dise était encore très souvent employé à l’époque.
[110] Sans le marchander davantage : sans l'épargner davantage.
[111] En bosse : en relief.
[112] Laïs : courtisane grecque du Ve siècle avant notre ère, célèbre pour sa beauté et son esprit.
[113] L’enveloppe : «au figuré, les termes que l’on emploie adroitement pour dire ce qu’on n’ose pas ou ce qu’on ne veut pas dire en termes propres et grossiers» (Dictionnaire de Richelet). Le mot concerne toujours Ma Laïs, expression qui désigne une femme de petite vertu.
[114] VAR. : Ne dis plus qu’il est d’'amarante (1682).
[115] Celui-là : ce dernier trait.
[116] VAR. Si sur votre sujet j’eus l’esprit prévenu. (1682).
[117] Hors de page : hors de toute tutelle. les enfants nobles étaient pages du roi ou de quelque grand seigneur de sept à quatorze ans. Après quoi, ils devenaient écuyers et étaient «hors de page».
[118] Qu’on peut faire comme eux
[119] ce qu’on sépare ailleurs
[120] Faire entrer chaque secte
[121] Le péripatétisme : la philosophie d’Aristote.
[122] Les petits corps ou atomes tombant dans le vide illimité, c’est l’image fondamentale de l’Épicurisme. Mais, si elle accepte les atomes, Bélise, en bonne aristotélicienne, pense que la nature a horreur du vide, et elle leur préfère la matière subtile ou «la poussière» dont parle Descartes (Principes de la Philosophie, § 48-51).
[123] Dans les Principes de la Philosophie (§ 145), Descartes écrit que «toute la terre est un aimant».
[124] Pour la théorie des tourbillons, voir les mêmes Principes, § 65 : «Que les cieux sont divisés en plusieurs tourbillons».
[125] Les mondes tombants sont les comètes, dont Descartes explique le mouvement de tourbillon en tourbillon. (Principes de la Philosophie, § 126, 132).
[126] Grammaire, histoire, vers
[127] faire des remuements
[128] Par une antipathie ou juste, ou naturelle : par une antipathie justifiée par des raisons linguistiques ou par antipathie instinctive.
[129] Tenir son coin : terme de jeu de paume, bien tenir sa place au jeu, et au figuré, dans une conversation ou une discussion.
[130] Henriette qui le
refuse
[131] Au Palais : à la Galerie du Palais (cf. v. 266) ; au Cours : au Cours La Reine 69 Va gueuser des encens : va mendier des louanges.
[132] Va gueuser des encens: va mendier des louanges.
[133] L’indigne empressement
[134] L'ithos : la peinture des mœurs ; le pathos : la peinture des passions.
[135] Событие. Проработать оценки
всех присутствующих.
[136] Cependant ↑ nous voi[y]ions
[137] Grimaud : «jeune homme qui ne sait pas grand-chose et qui est à peine initié dans les lettres» (Dictionnaire de Richelet), ou pédant de collège.
[138] Rimeur de balle : rimeur au petit pied. On appelait marchandise de balle une marchandise de mauvaise qualité, qui se trouvait dans la balle des colporteurs.
[139] Явно перебиваает!
[140] une atteinte légère
[141] Au Palais : dans les boutiques de librairies de la Galerie du Palais.
[142] il ne te laisse en paix
[143] Célèbre libraire qui tenait boutique sur le second perron de la Sainte-Chapelle. Le défi burlesque évoque l'atmosphère du Lutrin.
[144] De faire entrer chez↔vous le désir des sciences
[145] Déterminer quelqu’un à faire quelque chose, c’est faire prendre à quelqu’un une détermination, un parti. Ici, le mot équivaut à «inviter impérativement».
[146] Белиза переходит и
«подставляется» под взор Трисотена.
[147] перен основной вопрос; основной пункт; суть (дела); прост. вульг головка (члена) — согласна уступить в этом
вопросе; согласна уступить сестре эту пипиську.
[148] Я уступаю вам его махину, а
ваш удел — задействовать вагину.
[149] J’accepterais votre offre
[150] Une mère a sur nous
[151] une entière puissance
[152] une entière puissance —
Генриета дословно передразнивает сестру.
[153] Une mère a sa part
[154] Qu’est-ce à dire
[155] Le texte porte ici un point d’interrogation que nous corrigeons.
[156] Rien n’a retenu son esprit en balance : rien n’a fait hésiter son esprit.
[157] Un compliment : une demande pour la forme.
[158] Jette au fond de mon cœur
[159] comme ouvrages nouveaux
[160] toute votre éloquence
[161] elle seule en est cause
[162] d’une constante ardeur
[163] Comme une chose indigne
[164] Pour avoir désiré : pour que j'aie pu désirer…
[165] Ne me rangez pas : ne me réduisez pas.
[166] Un monde : une comète.
[167] Un fat : un sot, le savoir chez un sot devient impertinent, c’est-à-dire déplacé et absurde.
[168] Il est fort enfoncé… : il est tout à fait comme à la Cour, c'est tout dire.
[169] Elle manque à verser
[170] VAR. Et de qui j’ai l’honneur d’être l’humble valet (1682).
[171] À faire une action
[172] à cette autre alliance
[173] Une retraite où notre âme se donne : un couvent.
[174] То есть, монастырь. Думаю,
не врет. Она и там станет настоятельницей, и с Клитандром будет встречаться,
причем не даст ему жениться еще на ком-то. Не знаю, любовь у нее к нему или он
для нее — добыча, но не в ее правилах признавать поражение.
[175] Если Генриетта — мымра, что такого в ней нашел
Триссотен? Может, действительно влюбился? Не в прелести, а в натуру? Увидел
вдруг в ней нечто себе противоположное? Сперва настроился снизойти до нее. А
выяснил, что до него не снисходят? А ему же вообще никто не дает, а если и
дают, то только такие же как он лягушки. Трагическая роль. И желание, завоевав
ее, восстановить пошатнувшееся самоуважение. И вообще его в пьесе поддерживают
те, чья поддержка ему не нужна, а унижают, чьего внимания он бы хотел.
[176] Le texte porte ici un point à la place d’un point d’interrogation ; nous corrigeons.
[177] Le texte porte ici un point à la place d’un point d’interrogation ; nous corrigeons.
[178] Ennui : affliction, tourment (sens beaucoup plus fort qu’aujourd’hui).
[179] Un fat : un sot.
[180] разг невеста
[181] Единственный случай в пьесе,
где в Генриетте двойная согласная произносится слитно.
[182] VAR. PHILAMINTE, montrant Trissotin. (1682).
[183] Le texte porte ici un point d’interrogation ; nous corrigeons.
[184] [ɔk]
[185] Me fût-il hoc : me fût-il assuré (expression proverbiale).
[186] Jocrisse : «homme qui s’amuse aux menus soins du ménage : qui est faible et avare» (Dictionnaire de Furetière, 1690).
[187] Épiloguer : «censurer : rechercher curieusement ce qu'il y a de mal dans les actions d’autrui» (Dictionnaire de Furetière, 1690).
[188] Grais : prononciation populaire de grec.
[189] Ух ты, какая тройная рифма!
[190] En chaise : en chaire. La distinction entre chaise et chaire n'est pas définitivement faite au XVIIe siècle.
[191] ces deux périphrases désignant l'âme et le corps ont une couleur cartésienne.
[192] Un mystère joyeux : une cérémonie joyeuse.
[193] Cette lettre en contient
[194] Vo[i](y)[j]ons l’autre. Monsieur,→
[195] Philaminte parle ici du bien de Trissotin, comme l'indique le contexte.
[196] Вот она и прокололась. Ее
устраивало иметь мужа-бесприданника, чтобы это на всю оставшуюся жизнь
закрепляла за ней доминирования. А самой быть в будущей семейной жизни
постоянно ощущать на себе безмолвные упреки в благодеянии — это ей не подходит.
И еще одна феня. В начале, когда он мог сдриснуть, она всячески его опутывала.
А сейчас он сперва смирился, что придется жениться, а затем уже нафантазировал
все те плюсы, которые окупят нежелательный факт женитьбы. И теперь со всем этим
придется расстаться. И это после того как он пожертвовал ради этого самым
дорогим: свободой.
[197]Des retours : des regrets, des repentirs.
[198]À l'essai : à l’épreuve.
[199]VAR. CHRYSALE, à Clitandre. (1682).
[200]Le texte ne porte pas de ponctuation ; nous ajoutons un point.