Îáîçíà÷åíèÿ:

ïîëóæèðíûé øðèôò óäàðíàÿ ãëàñíàÿ

↑ íåìàÿ áåçóäàðíàÿ ñòîïà

↓ íåìàÿ óäàðíàÿ ñòîïà

↔ öåçóðà

e — âíåñèñòåìíî íåìàÿ «e» (íà êîíöàõ ñòðîê «e» ó Ìîëüåðà âîîáùå íå ïðîèçíîñÿòñÿ, ïîýòîìó èõ ÿ íå ïîìå÷àë; òî æå ïåðåä öåçóðîé).

×òî êàñàåòñÿ íåïðîèçíîñèìûõ « e » íà êîíöàõ ñëîâ, îñîáåííî, åñëè íà íèõ ïðèõîäèòñÿ ñèëüíàÿ äîëÿ, èõ íåîáÿçàòåëüíî ïðîèçíîñèòü, íî âñå ðàâíî íóæíà ïàóçî÷êà, ÷òîáû ñîõðàíèòü ðèòì ñòèõà.

[i](y)[i] = y è i[i] = i — äëÿ òîãî, ÷òîáû ðàçäåëèòü óäàðíóþ è áåçóäàðíóþ ñòîïû. { êâàäðàòíûõ ñêîáêàõ ñ íèæíèì ðåãèñòðîì ïîêàçàíî, êàê ñëåäóåò ïðîèçíîñèòü òåêñò, çàêëþ÷åííûé â êðóãëûå ñêîáêè.  ñëó÷àå îòñóòñòâèå êðóãëûõ ñêîáîê, â êâàäðàòíûõ íèæíèõ ñêîáêàõ ïîêàçàíû ïîÿâëÿþùèåñÿ äîïîëíèòåëüíûå çâóêè, êàê â ñëó÷àå ñ äîïîëíèòåëüíûì éîòèðîâàíèåì.}

Àëåêñàíäðèéñêèé ñòèõ ôîðìàëüíî ñîñòîèò èç äâóõ ïîëóñòðîê, ìåæäó êîòîðûìè ñòîèò öåçóðà. Êàæäàÿ ïîëóñòðîôà ñîñòîèò èç òðåõ ÿìáè÷åñêèõ ñòîï. Èòîãî — øåñòü ñëîãîâ.  êîíöå ñòðîêè äîáàâëÿåòñÿ ñòðîêîâàÿ ïàóçà, ïðåäñòàâëÿþùàÿ ñîáîé «íåìóþ» ñòîïó. Òî æå — íà ìåñòå öåçóðû.  îáîèõ ñëó÷àÿõ çàâåðøàþùåå ïîëóñòðîêó íåìîå «e» (ïðè åãî íàëè÷èè) âêëþ÷àåòñÿ è â öåçóðó, è â ñòðîêîâóþ ïàóçó. Íàïðèìåð[1]:

Quoi, le beau nom de fille↔est un titre, ma sœur,

- ‘ –‘ –‘ (–‘)[2]- ‘ –‘ –‘ (–‘)[3]

Dont vous voulez quitter↔la charmante douceur ?

- ‘ –‘ –‘ (–‘)- ‘ –‘ –‘ (–‘)

Òàêèì îáðàçîì, ðèòìè÷åñêè îäíà ñòðîêà ñîñòîèò íå èç øåñòè, à èç âîñüìè ñòîï, òðè ÿìáè÷åñêèå, íåìàÿ (öåçóðà), òðè ÿìáè÷åñêèå, çàâåðøàþùàÿ íåìàÿ (ñòðîêîâàÿ ïàóçà).

J.-B. MOLIÈRE

L’École des femmes

comédie

Dédicace

À MADAME

Madame,

Je suis le plus embarrassé homme du monde, lorsqu’il me faut dédier un livre ; et je me trouve si peu fait au style d’épître dédicatoire, que je ne sais par où sortir de celle-ci.

Un autre auteur qui serait en ma place trouverait d’abord cent belles choses à dire de Votre Altesse Royale, sur le titre de L’École des femmes, et l’offre qu’il vous en ferait. Mais, pour moi, Madame, je vous avoue mon faible. Je ne sais point cet art de trouver des rapports entre des choses si peu proportionnées ; et, quelques belles lumières que mes confrères les auteurs me donnent tous les jours sur de pareils sujets, je ne vois point ce que Votre Altesse Royale pourrait avoir à démêler avec la comédie que je lui présente. On n’est pas en peine, sans doute, comment il faut faire pour vous louer. La matière, Madame, ne saute que trop aux yeux ; et, de quelque côté qu’on vous regarde, on rencontre gloire sur gloire, et qualités sur qualités. Vous en avez, Madame, du côté du rang et de la naissance, qui vous font respecter de toute la terre. Vous en avez du côté des grâces, et de l’esprit et du corps, qui vous font admirer de toutes les personnes qui vous voient. Vous en avez du côté de l’âme, qui, si l’on ose parler ainsi, vous font aimer de tous ceux qui ont l’honneur d’approcher de vous : je veux dire cette douceur pleine de charmes, dont vous daignez tempérer la fierté des grands titres que vous portez, cette bonté toute obligeante, cette affabilité généreuse que vous faites paraître pour tout le monde. Et ce sont particulièrement ces dernières pour qui je suis, et dont je sens fort bien que je ne me pourrai taire quelque jour. Mais encore une fois, Madame, je ne sais point le biais de faire entrer ici des vérités si éclatantes et ce sont choses, à mon avis, et d’une trop vaste étendue et d’un mérite trop relevé, pour les vouloir renfermer dans une épître, et les mêler avec des bagatelles. Tout bien considéré, Madame, je ne vois rien à faire ici pour moi, que de vous dédier simplement ma comédie et de vous assurer, avec tout le respect qu’il m’est possible, que je suis, De Votre Altesse Royale, Madame, le très humble, très obéissant et très obligé serviteur,

J.-B. MOLIÈRE.

PRÉFACE

Bien des gens ont frondé d’abord cette comédie; mais les rieurs ont été pour elle, et tout le mal qu’on en a pu dire n’a pu faire qu’elle n’ait eu un succès dont je me contente.

Je sais qu’on attend de moi dans cette impression quelque préface qui réponde aux censeurs et rende raison de mon ouvrage ; et sans doute que je suis assez redevable à toutes les personnes qui lui ont donné leur approbation, pour me croire obligé de défendre leur jugement contre celui des autres ; mais il se trouve qu’une grande partie des choses que j’aurais à dire sur ce sujet est déjà dans une dissertation que j’ai faite en dialogue[4] , et dont je ne sais encore ce que je ferai. L’idée de ce dialogue, ou, si l’on veut, de cette petite comédie, me vint après les deux ou trois premières représentations de ma pièce. Je la dis, cette idée, dans une maison où je me trouvai un soir, et d’abord une personne de qualité, dont l’esprit est assez connu dans le monde, et qui me fait l’honneur de m’aimer, trouva le projet assez à son gré, non seulement pour me solliciter d’y mettre la main, mais encore pour l’y mettre lui-même ; et je fus étonné que deux jours après il me montra toute l’affaire exécutée d’une manière à la vérité beaucoup plus galante et plus spirituelle que je ne puis faire, mais où je trouvai des choses trop avantageuses pour moi ; et j’eus peur que, si je produisais cet ouvrage sur notre théâtre, on ne m’accusât d’abord d’avoir mendié les louanges qu’on m’y donnait. Cependant cela m’empêcha, par quelque considération, d’achever ce que j’avais commencé. Mais tant de gens me pressent tous les jours de le faire, que je ne sais ce qui en sera ; et cette incertitude est cause que je ne mets point dans cette préface ce qu’on verra dans la Critique, en cas que je me résolve à la faire paraître. S’il faut que cela soit, je le dis encore, ce sera seulement pour venger le public du chagrin[5] délicat de certaines gens ; car, pour moi, je m’en tiens assez vengé par la réussite de ma comédie; et je souhaite que toutes celles que je pourrai faire soient traitées par eux comme celle-ci pourvu que le reste soit de même.

LES PERSONNAGES

ARNOLPHE, autrement M. DE LA SOUCHE.

AGNÈS, jeune fille innocente, élevée par Arnolphe.

HORACE, amant d’Agnès.

ALAIN, paysan, valet d’Arnolphe.

GEORGETTE, paysanne, servante d’Arnolphe.

CHRYSALDE, ami d’Arnolphe.

ENRIQUE, beau-frère de Chrysalde.

ORONTE, père d’Horace et grand ami d’Arnolphe.

La scène est dans une place de ville.

ACTE I

SCÈNE PREMIÈRE

CHRYSALDE, ARNOLPHE.

CHRYSALDE

Vous venez, dites-vous,↔pour lui donner la main ?→

ARNOLPHE

Oui, je veux terminer↔la chose dans demain.→

CHRYSALDE

Nous sommes ici seuls, ↔et l’on peut, ce me semble,→

Sans craindre d’être ouïs, ↔ y discourir ensemble.→

Voulez-vous qu’en ami je vous ouvre mon cœur ?→

Votre dessein, pour vous,↔me fait trembler de peur ;→

Et de quelque façon↔que vous tourniez l’affaire,→

Prendre femme, est à vous↔un coup bien téméraire.→

ARNOLPHE

Il est vrai, notre ami.↔Peut-être que chez vous→

Vous trouvez des sujets↔de craindre pour chez nous ;→

Et votre front, je crois,↔↑veut que du mariage,→

Les cornes soient partout↔l’infaillible apanage.→

CHRYSALDE

Ce sont coups du hasard,↔dont on n’est point garant ;→

Et bien sot, ce me semble,↔est le soin qu’on en prend.→

Mais quand je crains pour vous,↔c’est cette raillerie→

Dont cent pauvres maris ont souffert la furie :→

Car enfin vous savez, qu’il n’est grands, ni petits,→

Que de votre critique on ait vus garantis ;→

Que vos plus grands plaisirs sont, partout vous êtes,→

De faire cent éclats des intrigues secrètes...→

ARNOLPHE

Fort bien : est-il au monde une autre ville aussi,→

Où l’on ait des maris ↑ si patients qu’ici ?→

Est-ce qu’on n’en voit pas de toutes les espèces,→

Qui sont accommodés chez eux de toutes pces ?→

L’un amasse du bien, dont sa femme fait part→

À ceux qui prennent soin de le faire cornard.→

L’autre un peu plus heureux, mais non pas moins infâme,→

Voit faire tous les jours des présents à sa femme,→

Et d’aucun soin jaloux n’a l’esprit combattu,→

Parce qu’elle lui dit que c’est pour sa vertu.→

L’un fait beaucoup de bruit, qui ne lui sert de guères ;→

L’autre, en toute douceur, laisse aller les affaires,→

Et vo[i](y)[i]ant arriver chez lui le damoiseau,→

Prend fort honnêtement ses gants, et son manteau.→

L’une de son galant, en adroite femelle,→

Fait fausse confidenceà son époux fidèle,→

Qui dort en sûretésur un pareil appas,→

Et le plaint, ce galant,des soins qu’il ne perd pas.→

L’autre, pour se purgerde sa magnificence [6] ,→

Dit qu’elle gagne au jeul’argent qu’elle dépense ;→

Et le mari benêt,sans songer à quel jeu,→

Sur les gains qu’elle fait,rend des grâces à Dieu.→

Enfin ce sont partoutdes sujets de satire,→

Et comme spectateur,ne puis-je pas en rire ?[7]

Puis-je pas de nos sots [8]... ?↔

CHRYSALDE

Oui, mais qui rit d’autrui,→

Doit craindre, qu’en revanche,on rie aussi de lui.→

J’entends parler le monde,et des gens se délassent→

À venir débiterles choses qui se passent :→

Mais quoi que l’on divulgueaux endroits je suis,→

Jamais on ne m’a vutri[i]ompher [9] de ces bruits ;→

J’y suis assez modeste ; et bien qu’aux occurrences→

Je puisse condamner certaines tolérances ;→

Que mon dessein ne soit de souffrir nullement,→

Ce que quelques maris souffrent paisiblement,→

Pourtant je n’ai jamais affecté de le dire ;→

Car enfin il faut craindre un revers de satire,→

Et l’on ne doit jamais jurer, sur de tels cas,→

De ce qu’on pourra faire, ou bien ne faire pas.→

Ainsi quand à mon front, par un sort qui tout mène,→

Il serait arrivé quelque disgrâce humaine,→

Après mon procédé, je suis presque certain,→

Qu’on se contentera de s’en rire[10] sous main ;→

Et peut-être qu’encor j’aurai cet avantage,→

Que quelques bonnes gensdiront, que c’est dommage !→

Mais de vous, cher compère, il en est autrement ;→

Je vous le dis encor, vous risquez diablement.→

Comme sur les maris accusés de souffrance [11] ,→

De tout temps votre langue a daubé d’importance,→

Qu’on vous a vu contre eux un diable déchaîné ;→

Vous devez marcher droit, pour n’être point berné,→

Et s’il faut que sur vous on ait la moindre prise,→

Gare qu’aux carrefours on ne vous tympanise,→

Et...

ARNOLPHE

Mon Dieu, notre ami,↔[12]ne vous tourmentez point ;→

Bien huppé qui pourra m’attraper sur ce poin[13] ;→

Je sais les tours rusés, et les subtiles trames,→

Dont pour nous en planter savent user les femmes,→

Et comme on est dupé par leurs dextérités ;→

Contre cet accident j’ai pris mes sûretés,→

Et celle que j’épouse, a toute l’innocence→

Qui peut sauver mon front de maligne influence.→

CHRYSALDE

Et que prétendez-vous qu’une sotte en un mot...→

ARNOLPHE

Épouser une sotte, est pour n’être point sot :→

Je crois, en bon chrétien, votre moit fort sage ;→

Mais une femme habile est un mauvais présage,→

Et je sais ce qu’il cte à de certaines gens,→

Pour avoir pris les leurs avec trop de talents.→

Moi j’irais me charger ↑d’une spirituelle,→

Qui ne parlerait rien que cercle, et que ruelle ?→

Qui de prose, et de vers, ferait de doux écrits,→

Et que visiteraient marquis, et beaux esprits,→

Tandis que, sous le nom du mari de Madame,→

Je serais comme un saint, que pas un ne réclame [14] ?→

Non, non, je ne veux point d’un esprit qui soit haut,→

Et femme qui compose, en sait plus qu’il ne faut.→

Je prétends que la mienne, en clartés peu sublime,→

Même ne sache pas ce que c’est qu’une rime ;→

Et s’il faut qu’avec elle on joue au corbillon [15] ,→

Et qu’on vienne à lui dire, à son tour : « Qu’y met-on [16] »

Je veux qu’elle réponde, « Une tarte à la crème » ;→

En un mot, qu’elle soit d’une ignorance extrême ;→

Et c’est assez pour elle, à vous en bien parler,→

De savoir prier Dieu, m’aimer, coudre, et filer.→

CHRYSALDE

Une femme stupide est donc votre marotte [17] ?→

ARNOLPHE

Tant, que j’aimerais mieux une laide, bien sotte,→

Qu’une femme fort belle, avec beaucoup d’esprit.→

CHRYSALDE

L’esprit, et la beauté...→

ARNOLPHE

L’honnêteté[18] suffit.→

CHRYSALDE

Mais comment voulez-vous, après tout, qu’une bête→

Puisse jamais savoir ce que c’est qu’être honnête ?→

Outre qu’il est assez ennu[i](y)[i]eux, que je crois,→

D’avoir toute sa vie une bête avec soi[19],→

Pensez-vous le bien prendre, et que sur votre idée→

La sûreté d’un front puisse être bien fondée ?→

Une femme d’esprit peut trahir son devoir ;→

Mais il faut, pour le moins, qu’elle ose le vouloir ;→

Et la stupide au sien peut manquer d’ordinaire,→

Sans en avoir l’envie, et sans penser le faire.→

ARNOLPHE

À ce bel argument, à ce discours profond [20] ,→

Ce que ↑Pantagruel à Panurge répond.→

Pressez-moi de me joindre à femme autre que sotte ;→

Prêchez, patrocinez jusqu’à la Pentecôte,→

Vous serez ébahi, quand vous serez au bout,→

Que vous ne m’aurez rien ↑ persuadé du tou[21] .→

CHRYSALDE

Je ne vous dis plus mot.↔

ARNOLPHE

Chacun a sa méthode.→

En femme, comme en tout, je veux suivre ma mode ;→

Je me vois riche assez, pour pouvoir, que je crois,→

Choisir une moit, qui tienne tout de moi,→

Et de qui la soumise, et pleine dépendance,→

N’ait à me reprocher aucun bien, ni naissance.→

Un air doux, et posé, parmi d’autres enfans,→

M’inspira de l’amour pour elle, dès quatre ans :→

Sa mère se trouvant de pauvreté pressée,→

De la lui demander il me vint la pensé[22] ,→

Et la bonne paysanne, apprenant mon désir,→

À s’ôter cette charge eut beaucoup de plaisir.→

Dans un petit couvent, loin de toute pratique [23] ,→

Je la fis élever, selon ma politique,→

C’est-à-dire ordonnant quels soins on emploierait,→

Pour la rendre idiote [24]  autant qu’il se pourrait.→

Dieu merci, le succès a suivi mon attente,→

Et grande, je l’ai vue à tel point innocente,→

Que j’ai béni le Ciel d’avoir trouvé mon fait,→

Pour me faire une femme au gré de mon souhait.→

Je l’ai donc retirée ; et comme ma demeure→

À cent sortes de monde est ouverte à toute heure,→

Je l’ai mise à l’écart, comme il faut tout prévoir,→

Dans cette autre maison, où nul ne me vient voir ;→

Et pour ne point gâter sa bonté naturelle[25],→

Je n’y tiens que des gens tout aussi simples qu’elle.→

Vous me direz « pourquoi ↑ cette narration ? »→

C’est pour vous rendre instruit de ma ↑précaution.→

Le résultat de tout, est qu’en ami fidèle,→

Ce soir, je vous invite à souper avec elle :→

Je veux que vous puissiez un peu l’examiner,→

Et voir, si de mon choix on me doit condamne[26] .→

CHRYSALDE

J’y consens.

ARNOLPHE

Vous pourrez↔[27]dans cette conférence,→

Juger de sa personne, et de son innocence.→

CHRYSALDE

Pour cet article-là, ce que vous m’avez dit,→

Ne peut...

ARNOLPHE

La vérité[28]passe encor mon récit.→

Dans ses simplicités à tous coups je l’admire,→

Et parfois elle en dit, dont je pâme de rire.→

L’autre jour (pourrait-on ↑se le persuader)→

Elle était fort en peine, et me vint demander,→

Avec une innocence à nulle autre pareille,→

Si les enfants[29] qu’on fait, se faisaient par l’oreill[30] .→

CHRYSALDE

Je me réjouis ↑ fort,↔Seigneur Arnolphe...

ARNOLPHE

Bon ;[31]

Me voulez-vous toujours appeler de ce nom ?→

CHRYSALDE

Ah ! malgré que j’en aie, il me vient à la bouche,→

Et jamais je ne songe à Monsieur de la Souche.→

Qui diable vous a fait aussi vous aviser,→

À quarante et deux ans de vous débaptise[32] ,→

Et d’un vieux tronc pourri de votre métairie,→

Vous faire dans le monde un nom de seigneurie ?→

ARNOLPHE

Outre que la maison par ce nom se connt,→

La Souche, plus qu’Arnolphe, à mes oreilles pl[33] .→

CHRYSALDE

Quel abus, de quitter le vrai nom de ses pères,→

Pour en vouloir prendre un bâti sur des chimères !→

De la plupart des gens c’est la démangeaison ;→

Et sans vous embrasser dans la comparaison,→

Je sais un pa[i](y)[i]san, qu’on appelait Gros-Pierre,→

Qui n’a[i](y)[i]ant, pour tout bien, qu’un seul quartier de terre,→

Y fit tout à l’entour faire un fossé bourbeux,→

Et de Monsieur de l’Isle en prit le nom pompeu[34] .→

ARNOLPHE

Vous pourriez vous passer d’exemples de la sorte :→

Mais enfin de la Souche est le nom que je porte ;→

J’y vois de la raison, j’y trouve des appas,→

Et m’appeler de l’autre, est ne m’obliger pas.→

CHRYSALDE

Cependant la plupart ont peine à s’y soumettre,→

Et je vois même encor des adresses de lettre...→

ARNOLPHE

Je le souffre aisément de qui n’est pas instruit ;→

Mais vous...→

CHRYSALDE→

Soit. Là-dessus nous n’aurons point de bruit,→

Et je prendrai le soin d’accoutumer ma bouche→

À ne plus vous nommer que Monsieur de la Souche.→

ARNOLPHE→

Adieu ; je frappe ici, pour donner le bonjour,→

Et dire seulement, que je suis de retour.→

CHRYSALDE, s’en allant.

Ma foi je le tiens fou de toutes les manières.→

ARNOLPHE

Il est un peu blessé sur certaines matres.→

Chose étrange de voir, comme avec passion,→

Un chacun est chaussé ↑de son opinion !→

Holà !

SCÈNE II

ALAIN, GEORGETTE, ARNOLPHE.

ALAIN

Qui heurte ?

ARNOLPHE

Ouvrez. ↔ On aura, que je pense,→[35]

Grande joie à me voir, ↔ après dix jours d’absence.→

ALAIN

Qui va là ?

ARNOLPHE

Moi.

ALAIN

Georgette ?↔[36]

GEORGETTE

Hé bien ?

ALAIN

Ouvre là-bas.→[37]

GEORGETTE

Vas-y, toi.

ALAIN

Vas-y, toi.[38]

GEORGETTE

Ma foi, je n’irai pas.→

ALAIN

Je n’irai pas aussi.↔

ARNOLPHE

Belle cérémonie,→

Pour me laisser dehors. ↔ Holà ho je vous prie.→

GEORGETTE

Qui frappe ?

ARNOLPHE

Votre mtre.[39]

GEORGETTE

Alain ?

ALAIN

Quoi ?

GEORGETTE

C’est Monsieur,→[40]

Ouvre vite.

ALAIN

Ouvre, toi.→[41]

GEORGETTE

Je souffle notre feu.→

ALAIN

J’empêche, peur du chat, ↔ que mon moineau ne sorte.→

ARNOLPHE

Quiconque de vous deux ↔ n’ouvrira pas la porte,→

N’aura point à manger ↔ de plus de quatre jours.→

Ha.

GEORGETTE

Par quelle raison ↔[42] y venir quand j’y cours[43].→

ALAIN

Pourquoi plutôt que moi ? ↔ Le plaisant strodagème [44] !→

GEORGETTE

Ôte-toi donc de là. ↔

ALAIN

Non, ôte-toi, toi-même.→

GEORGETTE

Je veux ouvrir la porte. ↔

ALAIN

Et je veux l’ouvrir, moi. →

GEORGETTE

Tu ne l’ouvriras pas. ↔

ALAIN

Ni toi non plus.

GEORGETTE

Ni toi.→[45]

ARNOLPHE

Il faut que j’aie ici ↔ ↑l’âme bien patiente.→

 

ALAIN

Au moins, c’est moi, Monsieur. ↔

GEORGETTE

Je suis votre servante ;

C’est moi.→

ALAIN

Sans le respect ↔[46] de Monsieur que voilà,→

Je te...

ARNOLPHE, recevant un coup d’Alain.

Peste.

ALAIN

Pardon. [47]

ARNOLPHE

Vo[i](y)[i]ez ce lourdaud-là.→

ALAIN

C’est elle aussi, Monsieur... ↔

ARNOLPHE

Que tous deux on se taise.→

Songez à me répondre, ↔ et laissons la fadaise.→

Hé bien, Alain, comment ↔ se porte-t-on ici ?→

ALAIN

Monsieur, nous nous... Monsieur, ↔ nous nous por... Dieu merci ;→

Nous nous...

Arnolphe ôte par trois fois le chapeau de dessus la tête d’Alain.

ARNOLPHE

Qui vous apprend, ↔[48] impertinente bête,→

À parler devant moi, ↔ le chapeau sur la tête ?→

ALAIN

Vous faites bien, j’ai tort. ↔

ARNOLPHE, à Alain.

Faites descendre Agnès.→

 

à Georgette Lorsque je m’en allai, ↔ fut-elle triste après ?→

GEORGETTE

Triste ! Non.

ARNOLPHE

Non !

GEORGETTE

Si fait. ↔[49]

ARNOLPHE

Pourquoi donc...

GEORGETTE

Oui, je meure,→

Elle vous cro[i](y)[i]ait voir ↔ de retour à toute heure ;→

Et nous n’o[i](y)[i]ions jamais ↔ passer devant chez nous,→

Cheval, âne, ou mulet, ↔ qu’elle ne prît pour vous.→

SCÈNE III

AGNÈS, ALAIN, GEORGETTE, ARNOLPHE.

ARNOLPHE

La besogne à la main, ↔ c’est un bon témoignage.→

Hé bien, Agnès, je suis ↔ de retour du vo[i](y)[i]age,→

En êtes-vous bien aise ? ↔

AGNÈS

Oui, Monsieur, Dieu merci.

ARNOLPHE

Et moi de vous revoir, ↔ je suis bien aise aussi :→

Vous vous êtes toujours, ↔ comme on voit, bien portée ?→

AGNÈS

Hors les puces, qui m’ont ↔ la nuit ↑ inquiétée.→

ARNOLPHE

Ah ! vous aurez dans peu ↔ quelqu’un pour les chasser.→

AGNÈS

Vous me ferez plaisir. ↔

ARNOLPHE

Je le puis bien penser.

Que faites-vous donc là ?→

AGNÈS

Je me fais des cornettes, ↔

Vos chemises de nuit, ↔ et vos coiffes sont faites.→

ARNOLPHE

Ha ! voilà qui va bien ; ↔ allez, montez là-haut,→

Ne vous ennu[i](y)[i]ez point, ↔ je reviendrai tantôt,→

Et je vous parlerai ↔ d’affaires importantes.→

(Tous étant rentrés.)

Héroïnes du temps, ↔ Mesdames les savantes,→

Pousseuses de tendresse ↔ et de beaux sentimens,→

Je défie à la fois ↔ tous vos vers, vos romans,→

Vos lettres, billets doux, ↔ ↑ toute votre science,→

De valoir cette honnête ↔ et pudique ignorance.

SCÈNE IV

HORACE, ARNOLPHE.

ARNOLPHE

Ce n’est point par le bien qu’il faut être ébloui ;→

Et pourvu que l’honneur soit... Que vois-je ? Est-ce ?... Oui.→

Je me trompe. Nenni. Si fait. Non, c’est lui-même.→

Hor...

HORACE

Seigneur Ar...

ARNOLPHE

Horace. [50]

HORACE

Arnolphe.

ARNOLPHE

Ah ! joie extrême !→

Et depuis quand ici ?

HORACE

Depuis neuf jours.

ARNOLPHE

Vraiment.→

HORACE

Je fus d’abord chez vous, mais inutilement.→

ARNOLPHE

J’étais à la campagne.

HORACE

Oui, depuis deux journées.→

ARNOLPHE

Oh comme les enfants croissent en peu d’années !→

J’admire de le voir au point où le voilà,→

Après que je l’ai vu pas plus grand que cela.→

HORACE

Vous vo[i](y)[i]ez.

ARNOLPHE

Mais, de grâce, [51] Oronte votre père,→

Mon bon et cher ami, que j’estime et révère,→

Que fait-il ? Que dit-il ? est-il toujours gaillard [52] ?→

À tout ce qui le touche il sait que je prends part.→

Nous ne nous sommes vus depuis quatre ans ensemble,→

Ni, qui plus est, écrit l’un à l’autre, me semble [53] .→

HORACE

Il est, Seigneur Arnolphe, encor plus gai que nous,→

Et j’avais de sa part une lettre pour vous ;→

Mais depuis par une autre il m’apprend sa venue,→

Et la raison encor ne m’en est pas connue.→

Savez-vous qui peut être un de vos cito[i](y)[i]ens,→

Qui retourne en ces lieux avec beaucoup de biens,→

Qu’il s’est en quatorze ans acquis dans l’Amérique ?→

ARNOLPHE

Non : vous a-t-on point dit comme on le nomme [54] ?

HORACE

Enrique.→

ARNOLPHE

Non.

HORACE

Mon père m’en parle, et qu’il est revenu,→

Comme s’il devait m’être entrement connu,→

Et m’écrit qu’en chemin ensemble ils se vont mettre,→

Pour un fait important que ne dit point sa lettre [55] .→

ARNOLPHE

J’aurai certainement grande joie à le voir,→

Et pour le régaler je ferai mon pouvoir.→

(Après avoir lu la lettre.) Il faut pour deamis[56], des lettres moins civiles [57] ,→

Et tous ces compliments sont choses inutiles ;→

Sans qu’il prît le souci de m’en écrire rien,→

Vous pouvez librement disposer de mon bien.→

HORACE

Je suis homme à saisir les gens par leurs paroles,→

Et j’ai présentement besoin de cent pistoles [58] .→

ARNOLPHE

Ma foi, c’est m’obliger, que d’en user ainsi,→

Et je ↑me réjouis de les avoir ici.→

Gardez aussi la bourse.

HORACE

Il faut...

ARNOLPHE

Laissons ce style [59] .→

Hé bien, comment encor trouvez-vous cette ville ?→

HORACE

Nombreuse en cito[i](y)[i]ens, superbe en bâtiments,→

Et j’en crois merveilleux les divertissements.→

ARNOLPHE

Chacun a ses plaisirs, qu’il se fait à sa guise :→

Mais pour ceux que du nom de galans on baptise,→

Ils ont en ce pays de quoi se contenter,→

Car les femmes y sont faites à coquete[60] .→

On trouve d’humeur douce et la brune, et la blonde,→

Et les maris aussi les plus bénins du monde :→

C’est un plaisir de prince, et des tours que je voi,→

Je me donne souvent la comédie[61] à moi.→

Peut-être en avez-vous déjà féru [62] quelqu’une :→

Vous est-il point encore arrivé de fortune ?→

Les gens faits comme vous, font plus que les écus,→

Et vous êtes de taille à faire des cocus.→

HORACE

À ne vous rien cacher de la vérité pure,→

J’ai d’amour en ces lieux eu certaine aventure,→

Et l’amit m’oblige à vous en faire part.→

ARNOLPHE

Bon, voici de nouveau quelque conte gai[i]llard,→

Et ce sera de quoi mettre sur mes tablettes.→

HORACE

Mais, de grâce, qu’au moins ces choses soient secrètes.→

ARNOLPHE

Oh.

HORACE

Vous n’ignorez pas ↑ qu’en ces occasions→

Un secret éventé ↑ rompt nos prétentions.→

Je vous avouerai donc avec pleine franchise,→

Qu’ici d’une beauté mon âme s’est éprise :→

Mes petits soins d’abord ont eu tant de succès,→

Que je me suis chez elle ouvert un doux accès ;→

Et sans trop me vanter, ni lui faire une injure,→

Mes affaires y sont en fort bonne posture.→

ARNOLPHE, riant.

Et c’est ?

HORACE, lui montrant le logis d’Agnès.

Un jeune obje[63]  qui loge en ce logis,→

Dont vous vo[i](y)[i]ez d’ici que les murs sont rougis,→

Simple à la vérité, par l’erreur sans seconde→

D’un homme qui la cache au commerce du monde,→

Mais qui dans l’ignorance où l’on veut l’asservir,→

Fait bri[i]ller des attraits capables de ravir,→

Un air tout engageant, je ne sais quoi de tendre,→

Dont il n’est point de cœur qui se puisse défendre :→

Mais, peut-être, il n’est pas que vous n’a[i](y)[i]ez bien vu

Ce jeune astre d’amour de tant d’attraits pourvu :→

C’est Agnès qu’on l’appelle.

ARNOLPHE, à part.

Ah ! je crève.

HORACE

Pour l’homme,→

C’est, je crois, de la Zousse, ou Souche, qu’on le nomme,→

Je ne me suis pas fort arrêté sur le nom ;→

Riche, à ce qu’on m’a dit, mais des plus sensés, non,→

Et l’on m’en a parlé comme d’un ridicule[64].→

Le connaissez-vous point ?

ARNOLPHE, à part.

La fâcheuse pilule !→

HORACE

Eh ! vous ne dites mot.

ARNOLPHE

Eh oui, je le connois.→

HORACE

C’est un fou, n’est-ce pas ?

ARNOLPHE

Eh...

HORACE

Qu’en dites-vous ? quoi ?→

Eh ? c’est-à-dire oui. Jaloux ? à faire rire[65].→

Sot ? Je vois qu’il en est ce que l’on m’a pu dire.→

Enfin l’aimable Agnès a su m’assujettir,→

C’est un joli bijou, pour ne vous point mentir,→

Et ce serait péché, qu’une beauté si rare→

Fût laissée au pouvoir de cet homme bizarre.→

Pour moi, tous mes efforts, tous mes vœux les plus doux,→

Vont à m’en rendre mtre, en dépit du jaloux ;→

Et l’argent que de vous j’emprunte avec franchise,→

N’est que pour mettre à bout cette juste entreprise.→

Vous savez mieux que moi, quels que soient nos efforts,→

Que l’argent est la clef de tous les grands ressorts,→

Et que ce doux métal qui frappe tant de têtes,→

En amour, comme en guerre, avance les conquêtes.→

Vous me semblez chagrin ; serait-ce qu’en effet→

Vous désapprouveriez le dessein que j’ai fait ?→

ARNOLPHE

Non, c’est que je songeais...

HORACE

Cet entretien vous lasse ;→

Adieu, j’irai chez vous tantôt vous rendre grâce.→

ARNOLPHE

Ah ! faut-il...

HORACE, revenant.

Derechef, veuillez être discret,→

Et n’allez pas, de grâce, éventer mon secret.→

ARNOLPHE

Que je sens dans mon âme...

HORACE, revenant.

Et surtout à mon père,

Qui s’en ferait peut-être un sujet de colère.→

ARNOLPHE, croyant qu’il revient encore.

Oh...

Oh que j’ai souffert durant cet entretien !→

Jamais trouble d’esprit ne fut égal au mien.→

Avec quelle imprudence, et quelle hâte extrême,→

Il m’est venu conter cette affaire à moi-même !→

Bien que mon autre nom le tienne dans l’erreur,→

Étourdi montra-t-il jamais tant de fureur ?→

Mais a[i](y)[i]ant tant souffert, je devais me contraindre [66] ,→

Jusques à m’éclaircir de ce que je dois craindre,→

À pousser jusqu’au bout son caquet indiscret,→

Et savoir pleinement leur commerce secret.→

Tâchons à le rejoindre [67] , il n’est pas loin je pense,→

Tirons-en de ce fait l’entre confidence ;→

Je tremble du malheur qui m’en peut arriver,→

Et l’on cherche souvent plus qu’on ne veut trouver.→

ACTE 2

SCÈNE PREMIÈRE

ARNOLPHE

Il m’est, lorsque j’y pense, avantageux sans doute [68]

D’avoir perdu mes pas, et pu manquer sa route :→

Car enfin, de mon cœur le trouble impérieux→

N’eût pu se renfermer tout entier à ses yeux,→

Il t fait éclater l’ennui qui me dévore,→

Et je ne voudrais pas qu’il sût ce qu’il ignore.→

Mais je ne suis pas homme à gober le morceau,→

Et laisser un champ libre aux vœux du damoiseau [69] ;→

J’en veux rompre le cours, et sans tarder, apprendre→

Jusqu’ l’intelligence entre eux a pu s’étendre :→

J’y prends, pour mon honneur, un notable intérêt,→

Je la regarde en femme, aux termes qu’elle en est,→

Elle n’a pu faillir, sans me couvrir de honte,→

Et tout ce qu’elle a fait, enfin est sur mon compte [70] .→

Éloi[i]gnement fatal ! Vo[i](y)[i]age malheureux !→

Frappant à la porte.

SCÈNE II

ALAIN, GEORGETTE, ARNOLPHE.

ALAIN

Ah ! Monsieur, cette fois... ↔

ARNOLPHE

Paix. Venez çà tous deux :

Passez là, passez là. ↔ Venez là, venez dis-je.→

GEORGETTE

Ah ! vous me faites peur, ↔ et tout mon sang se fige.→

ARNOLPHE

C’est donc ainsi, qu’absent, ↔ vous m’avez oi,→

Et tous deux, de concert, ↔ vous m’avez donc trahi ?→

GEORGETTE

Eh ne me mangez pas, ↔ Monsieur, je vous conjure.→

ALAIN, à part.

Quelque chien enragé ↔ l’a mordu, je m’assure.→

ARNOLPHE

Ouf. Je ne puis parler, ↔ tant je suis prévenu [71] ,→

Je suffoque, et voudrais ↔ me pouvoir mettre nu [72] .→

Vous avez donc souffert, ↔ ô canaille maudite,→

 

Qu’un homme soit venu... ↔ Tu veux prendre la fuite ?→

 

Il faut que sur-le-champ... ↔ Si tu bouges... Je veux→

Que vous me disiez... Euh ? ↔ Oui, je veux que tous deux...→

Quiconque remûra, ↔ par la mort[73], je l’assomme.→

Comme est-ce que chez moi ↔ s’est introduit cet homme ?→

Eh ? parlez, dépêchez, ↔ vite, promptement, tôt,→

Sans rêver, veut-on dire ?

ALAIN ET GEORGETTE

Ah, Ah.

GEORGETTE

Le cœur me fau[74] .[75]

ALAIN

Je meurs.

ARNOLPHE

Je suis en eau, ↔[76] prenons un peu d’haleine,

Il faut que je m’évente, ↔ et que je me promène.→

Aurais-je deviné, ↔ quand je l’ai vu petit,→

Qu’il crtrait pour cela ? ↔ Ciel que mon cœur pâtit !→

Je pense qu’il vaut mieux ↔ que de sa propre bouche→

Je tire avec douceur l’affaire qui me touche :→

Tâchons de modérer ↔ notre ressentiment.→

Patience, ↓mon cœur, ↔ doucement, doucement,→

Levez-vous, et rentrant, ↔ faites qu’Agnès descende.→

Arrêtez. Sa surprise ↔ en deviendrait moins grande,→

Du chagrin qui me trouble, ↔ ils iraient l’avertir ;→

Et moi-même je veux ↔ l’aller faire sortir.→

Que l’on m’attende ici.

SCÈNE III

ALAIN, GEORGETTE.→

GEORGETTE

Mon Dieu, qu’il est terrible !→

Ses regards m’ont fait peur, ↔ mais une peur horrible,→

Et jamais je ne vis ↔ un plus hideux chrétien.→

ALAIN

Ce Monsieur l’a fâché, ↔ je te le disais bien.→

GEORGETTE

Mais que diantre est-ce là, qu’avec tant de rudesse→

Il nous fait au logis ↔ garder notre maîtresse ?→

D’où vient qu’à tout le monde ↔ il veut tant la cacher,→

Et qu’il ne saurait voir ↔ personne en approcher ?→

ALAIN

C’est que cette action ↔ le met en jalousie.→

GEORGETTE

Mais d’ vient qu’il est pris ↔ de cette fantaisie ?→

ALAIN

Cela vient… Cela vient, ↔ de ce qu’il est jaloux.→

GEORGETTE

Oui : mais pourquoi l’est-il ? ↔ et pourquoi ce courroux ?→

ALAIN

C’est que la jalousie... ↔ Entends-tu bien, Georgette,→

Est une chose… là… ↔ qui fait ↑qu’on s’inqute...→

Et qui chasse les gens ↔ d’autour d’une maison.→

Je m’en vais te bailler ↔ une comparaison,→

Afin de concevoir ↔ la chose davantage.→

Dis-moi, n’est-il pas vrai, ↔ quand tu tiens ton potage,→

Que si quelque affamé ↔ venait pour en manger,→

Tu serais en colère, ↔ et voudrais le charge?→

GEORGETTE

Oui, je comprends cela. ↔

ALAIN

C’est justement tout comme.→

La femme est en effet ↔ le potage de l’homme ;→

Et quand un homme voit ↔ d’autres hommes parfois,→

Qui veulent dans sa soupe ↔ aller tremper leurs doigts,→

Il en montre aussitôt ↔ une colère extrême.→

GEORGETTE

Oui : mais pourquoi chacun ↔ n’en fait-il pas de même ?→

Et que nous en vo[i](y)[i]ons ↔ qui paraissent jo[i](y)[i]eux,→

Lorsque leurs femmes sont ↔ avec les biaux monsieu[77] ?→

ALAIN

C’est que chacun n’a pas ↔ cette amit goulue,→

Qui n’en veut que pour soi. ↔

GEORGETTE

Si je n’ai la berlue,→

Je le vois qui revient. ↔

ALAIN

Tes yeux sont bons, c’est lui.→

GEORGETTE

Vois comme il est chagrin. ↔

ALAIN

C’est qu’il a de l’ennui.→

SCÈNE IV

ARNOLPHE, AGNÈS, ALAIN, GEORGETTE.

ARNOLPHE

Un certain Grec disait ↔ à l’empereur Auguste,→

Comme une instruction[78] utile, autant que juste,→

Que lorsqu’une aventure ↔ en colère nous met,→

Nous devons avant tout ; ↔ dire notre alphabet.→

Afin que dans ce temps ↔ la bile se tempère,→

Et qu’on ne fasse rien ↔ que l’on ne doive faire.→

J’ai suivi sa leçon ↔ sur le sujet d’Agnès ;→

Et je la fais venir ↔ en ce lieu tout exprès,→

Sous prétexte d’y faire ↔ un tour de promenade ;→

Afin que les soupçons ↔ de mon esprit malade→

Puissent sur le discours ↔ la mettre adroitement :→

Et lui sondant le cœur ↔ s’éclaircir doucement.→

Venez, Agnè[79] . Rentrez.

SCÈNE V

ARNOLPHE, AGNÈS.

ARNOLPHE

La promenade est belle.

AGNÈS

Fort belle.

ARNOLPHE

Le beau jour ! [80]

AGNÈS

Fort beau !

ARNOLPHE

Quelle nouvelle ?[81]

AGNÈS

Le petit chat est mort. ↔

ARNOLPHE

C’est dommag: mais quoi

Nous sommes tous mortels, ↔ et chacun est pour soi.→

Lorsque j’étais aux champs ↔ n’a-t-il point fait de pluie ?→

AGNÈS

Non.

ARNOLPHE

Vous ennuyait-il ?

AGNÈS

Jamais je ne m’ennuie.

ARNOLPHE

Qu’avez-vous fait encor ↔ ces neuf ou dix jours-ci ?→

AGNÈS

Six chemises, je pense, ↔ et six coiffes aussi.→

ARNOLPHE, ayant un peu rêvé.

Le monde, chère Agnès, ↔ est une étrange chose.→

Vo[i](y)[i]ez la médisance, ↔ et comme chacun cause.→

Quelques voisins m’ont dit ↔ qu’un jeune homme inconn:→

Était en mon absence ↔ à la maison venu ;→

Que vous aviez souffert ↔ sa vue et ses harangues.→

Mais je n’ai point pris foi ↔ sur ces méchantes langues ;→

Et j’ai voulu gager ↔ que c’était faussement...→

AGNÈS

Mon Dieu, ne gagez pas, ↔ vous perdri[i]ez vraiment.→

ARNOLPHE

Quoi ! c’est la vérité ↔ qu’un homme...

AGNÈS

Chose sûre.[82]

Il n’a presque bougé ↔ de chez nous, je vous jure.→

ARNOLPHEà part.

Cet aveu qu’elle fait ↔ avec sincérité,→

Me marque pour le moins ↔ ↑ son ingénuité.→

Mais il me semble, Agnès, ↔ si ma mémoire est bonne,→

Que j’avais défendu ↔ que vous vissiez personne.→

AGNÈS

Oui : mais quand je l’ai vu, ↔ vous ignorez pourquoi [83] ,→

Et vous en auriez fait, ↔ sans doute, autant que moi.→

ARNOLPHE

Peut-être : mais enfin, ↔ contez-moi cette histoire.→

AGNÈS

Elle est fort étonnante ↔ et difficile à croire.→

J’étais sur le balcon ↔ à travailler au frais :→

Lorsque je vis passer ↔ sous les arbres d’auprès→

Un jeune homme bien fait, ↔ qui rencontrant ma vue,→

D’une humble révérence ↔ aussitôt me salue.→

Moi, pour ne point manquer ↔ à la civilité,→

Je fis la révérence ↔ aussi de mon côté.→

Soudain, il me refait ↔ une autre révérence.→

Moi, j’en refais de même ↔ une autre en diligence ;→

Et lui d’une troisme ↔ aussitôt repartant,→

D’une troisme aussi ↔ j’y repars à l’instant.→

Il passe, vient, repasse, ↔ et toujours de plus belle→

Me fait à chaque fois ↔ révérence nouvelle.→

Et moi, qui tous ces tours ↔ fixement regardais.→

Nouvelle révérence ↔ aussi je lui rendais.→

Tant, que si sur ce point ↔ la nuit ne fût venue,→

Toujours comme cela ↔ je me serais tenue.→

Ne voulant point céder ↔ et recevoir l’ennui [84] ,→

Qu’il me pût estimer ↔ moins civile que lui.→

ARNOLPHE

Fort bien.

AGNÈS

Le lendemain[85] étant sur notre porte,

Une vieille m’aborde ↔ en parlant de la sorte.→

« Mon enfant [86] , le bon Dieu ↔ puisse-t-il vous bénir,→

Et dans tous vos attraits ↔ longtemps vous maintenir.→

Il ne vous a pas faite ↔ une belle personne ;→

Afin de mal user ↔ des choses qu’il vous donne.→

Et vous devez savoir ↔ que vous avez blessé

Un cœur, qui de s’en plaindre ↔ est aujourd’hui forcé. »→

ARNOLPHE, à part.

Ah suppôt de Satan, ↔ exécrable damnée.→

AGNÈS

« Moi, j’ai blessé quelqu’un ? ↔ fis-je toute étonnée.→

Oui, dit-elle, blessé, ↔ mais blessé tout de bon ;→

Et c’est ↑ l’homme qu’hier ↔ vous vîtes du balcon.→

Hélas ! qui pourrait, dis-je, ↔ en avoir été cause ?→

Sur lui, sans y penser, ↔ fis-je choir quelque chose ?→

Non, dit-elle, vos yeux ↔ ont fait ce coup fatal,→

Et c’est de leurs regards ↔ qu’est venu tout son mal.→

Hé, mon Dieu ! ma surprise ↔ est, fis-je, sans seconde.→

Mes yeux ont-ils du mal ↔ pour en donner au monde ?→

Oui, fit-elle, vos yeux, ↔ pour causer le trépas→

Ma fille, ont un venin ↔ que vous ne savez pas.→

En un mot, il languit ↔ le pauvre misérable.→

Et s’il faut, poursuivit ↔ la vieille charitable,→

Que votre cruauté ↔ lui refuse un secours,→

C’est un homme à porter ↔ en terre dans deux jours.→

Mon Dieu ! j’en aurais, dis-je, ↔ une douleur bien grande,→

Mais pour le secourir, ↔ qu’est-ce qu’il me demande ?→

Mon enfant, me dit-elle, ↔ il ne veut obtenir,→

Que le bien de vous voir ↔ et vous entretenir.→

Vos yeux peuvent eux seuls ↔ ↑ empêcher sa ruine,→

Et du mal qu’ils ont fait ↔ être la médecine.→

Hélas ! volontiers, dis-je, ↔ et puisqu’il est ainsi,→

Il peut tant qu’il voudra ↔ me venir voir ici. »→

ARNOLPHE, à part.

Ah sorcière maudite, ↔ empoisonneuse d’âmes,→

Puisse l’enfer pa[i](y)[i]er ↔ tes charitables trames.→

AGNÈS

Voilà comme il me vit ↔ et reçut guérison.→

Vous-même, à votre avis, ↔ n’ai-je pas eu raison ?→

Et pouvais-je après ↔ tout avoir la conscience [87]

De le laisser mourir faute d’une assistance ?→

Moi qui compatis tant ↔ aux gens qu’on fait souffrir,→

Et ne puis sans pleurer ↔ voir un poulet mourir.→

ARNOLPHE, bas.

Tout cela n’est parti ↔ que d’une âme innocente :→

Et j’en dois accuser ↔ mon absence imprudente,→

Qui sans guide a laissé ↔ cette bonté de mœurs,→

Expoe aux aguets ↔ des rusés séducteurs.→

Je crains que le pendard, ↔ dans ses vœux téméraires,→

Un peu plus fort que jeu ↔ n’ait poussé les affaires.→

AGNÈS

Qu’avez-vous ? vous grondez, ↔ ce me semble, un petit.→

Est-ce que c’est mal fait ↔ ce que je vous ai dit ?→

ARNOLPHE

Non. Mais de cette vue ↔ apprenez-moi les suites,→

Et comme le jeune homme ↔ a passé ses visites[88].→

AGNÈS

Hélas ! si vous saviez, ↔ comme il était ravi,→

Comme il perdit son mal, ↔ sitôt que je le vi ;→

Le présent qu’il m’a fait ↔ d’une belle cassette,→

Et l’argent qu’en ont eu ↔ notre Alain et Georgette.→

Vous l’aimeriez sans doute, ↔ et diriez comme nous...→

ARNOLPHE

Oui ; mais que faisait-il ↔ étant seul avec vous ?→

AGNÈS

Il jurait qu’il m’aimait ↔ d’une amour sans seconde [89] :→

Et me disait des mots ↔ les plus gentils du monde :→

Des choses que jamais ↔ rien ne peut égaler.→

Et dont, toutes les fois ↔ que je l’entends parler,→

La douceur me chatouille, ↔ et là-dedans remue→

Certain je ne sais quoi, dont je suis toute émue.→

ARNOLPHE, à part.

Ô fâcheux examen ↔ d’un mystère fatal,→

Où l’examinateur ↔ souffre seul tout le mal !→

(À Agnès) Outre tous ces discours, ↔ toutes ces gentillesses,→

Ne vous faisait-il point ↔ aussi quelques caresses ?→

AGNÈS

Oh tant ; il me prenait ↔ et les mains et les bras,→

Et de me les baiser ↔ il n’était jamais las.→

ARNOLPHE

Ne vous a-t-il point pris, ↔ Agnès, quelque autre chose ?→

(La voyant interdite.) Ouf.

AGNÈS

Hé, il m’a...

ARNOLPHE

Quoi ?

AGNÈS

Pris...[90]

ARNOLPHE

Euh !

AGNÈS

Le...

ARNOLPHE

Plaît-il ?

AGNÈS

Je n’ose,→[91]

Et vous vous fâcherez ↔ peut-être contre moi.→

ARNOLPHE

Non.

AGNÈS

Si fait.

ARNOLPHE

Mon Dieu ! non. ↔[92]

AGNÈS

Jurez donc votre foi.

ARNOLPHE

Ma foi, soit.

AGNÈS

Il m’a pris... ↔ vous serez en colère.

ARNOLPHE

Non.

AGNÈS

Si.

ARNOLPHE

Non, non, non, non ! ↔ Diantre ! que de mystère !

Qu’est-ce qu’il vous a pris ?↔

AGNÈS

Il...

ARNOLPHE, à part.

Je souffre en damné.

AGNÈS

Il m’a pris le ruban ↔ que vous m’aviez donné,→

À vous dire le vrai, ↔ je n’ai pu m’en défendre.→

ARNOLPHE, reprenant haleine.

Passe pour le ruban. ↔ Mais je voulais apprendre,→

S’il ne vous a rien fait ↔ que vous baiser les bras.→

AGNÈS

Comment. Est-ce qu’on fait ↔ d’autres choses ?

ARNOLPHE

Non pas.

Mais pour guérir du mal ↔ qu’il dit qui le possède,→

N’a-t-il point exigé ↔ de vous d’autre remède [93] ?→

AGNÈS

Non. Vous pouvez juger ↔ s’il en eût demandé,→

Que pour le secourir ↔ j’aurais tout accordé.→

ARNOLPHE

Grâce aux bontés du Ciel, ↔ j’en suis quitte à bon compte.→

Si j’y retombe plus ↔ je veux bien qu’on m’affronte [94] .→

Chut. De votre innocence, ↔ Agnès, c’est un effet,→

Je ne vous en dis mot, ↔ ce qui s’est fait est fait.→

Je sais qu’en vous flattant ↔ le galant ne désire→

Que de vous abuser, ↔ et puis après s’en rire[95].→

AGNÈS

Oh ! point. Il me l’a dit ↔ plus de vingt fois à moi.→

ARNOLPHE

Ah ! vous ne savez pas ↔ ce que c’est que sa foi.→

Mais enfin : apprenez ↔ qu’accepter des cassettes,→

Et de ces beaux blondins ↔ écouter les sornettes :→

Que se laisser par eux ↔ à force de langueur→

Baiser ainsi les mains, ↔ et chatouiller le cœur :→

Est un péché mortel ↔ des plus gros qu’il se fasse.→

AGNÈS

Un péché, dites-vous, ↔ et la raison de grâce ?→

ARNOLPHE

La raison ? La raison, ↔ est l’arrêt prononcé,→

↑ Que par ces actions ↔ le Ciel est courroucé.→

AGNÈS→

Courroucé. Mais pourquoi ↔ faut-il qu’il s’en courrouce ?→

C’est une chose, héla[96] ! si plaisante et si douce.→

J’admire quelle joie ↔ on gte à tout cela.→

Et je ne savais point ↔ encor ces choses-là.→

ARNOLPHE

Oui. C’est un grand plaisir ↔ que toutes ces tendresses,→

Ces propos si gentils, ↔ et ces douces caresses ;→

Mais il faut le goûter ↔ en toute honnêteté [97],→[98]

Et qu’en se mariant ↔ le crime en soit ôté.→

AGNÈS

N’est-ce plus un péché ↔ lorsque l’on se marie ?→

ARNOLPHE

Non.

AGNÈS→

↓ Mariez-moi donc ↔ promptement, je vous prie.

ARNOLPHE→

Si vous le souhaitez, ↔ je le souhaite aussi,→

Et pour vous marier ↔ on me revoit ici.→

AGNÈS

Est-il possible ?

ARNOLPHE

Oui. ↔[99]

AGNÈS

Que vous me ferez aise !

ARNOLPHE

Oui, je ne doute point ↔ que l’hymen [100] ne vous plaise.→

AGNÈS

Vous nous voulez, nous deux... ↔

ARNOLPHE

Rien de plus assuré.

AGNÈS

Que si cela se fait, ↔ je vous caresserai !→

ARNOLPHE

Hé, la chose sera ↔ de ma part réciproque.→

AGNÈS

Je ne reconnais point, ↔ pour moi, quand on se moque.→

Parlez-vous tout de bon ? ↔

ARNOLPHE

Oui, vous le pourrez voir.→

AGNÈS

Nous serons mariés ?

ARNOLPHE

Oui. ↔[101]

AGNÈS

Mais quand ?

ARNOLPHE

↑ Dès ce soir.[102][103] [!!!]

AGNÈS, riant.

Dès ce soir ?→

ARNOLPHE→

Dès ce soir. ↔ Cela vous fait donc rire ?

AGNÈS

Oui.

ARNOLPHE

Vous voir bien contente, ↔ est ce que je désire.

AGNÈS

Hélas ! que je vous ai ↔ grande obligation ![104]

Et qu’avec lui j’aurai ↔ ↑ de satisfaction !→

ARNOLPHE

Avec qui ?

AGNÈS

Avec... là. ↔[105]

ARNOLPHE

Là... là n’est pas mon compte [106] .

À choisir un mari, ↔ vous êtes un peu prompte.→

C’est un autre en un mot ↔ que je vous tiens tout prêt,→

Et quant au monsieur, là, ↔ je prétends, s’il vous plt,→

Dût le mettre au tombeau ↔ le mal dont il vous berce,→

Qu’avec lui désormais ↔ vous rompiez tout commerce ;→

Que venant au logis ↔ pour votre compliment→

Vous lui fermiez au nez ↔ la porte honnêtement,→

Et lui jetant, s’il heurte, ↔ un grès par la fenêtre,→

L’obligiez tout de bon ↔ à ne plus y partre.→

M’entendez-vous, Agnès ? ↔ Moi, caché dans un coin,→

De votre procédé ↔ je serai le témoin.→

AGNÈS

Las ! il est si bien fait. ↔ C’est...

ARNOLPHE

Ah que de langage ![107]

AGNÈS

Je n’aurai pas le cœur... ↔

ARNOLPHE

Point de bruit davantage,

Montez là-haut.

AGNÈS

Mais quoi, ↔[108] voulez-vous...

ARNOLPHE

C’est assez.→[109]

Je suis maître, je parle, ↔ allez, obéisse[110] .

ACTE III,

SCÈNE PREMIÈRE

ARNOLPHE, AGNÈS, ALAIN, GEORGETTE.

ARNOLPHE

Oui : tout a bien été, ↔ ma joie est sans pareille.→

Vous avez là suivi ↔ mes ordres à merveille :→

Confondu de tout point ↔ le blondin séducteur ;→

Et voilà de quoi sert ↔ un sage directeu[111] .→

Votre innocence, Agnès, ↔ avait été surprise,→

Vo[i]y[i]ez, sans y penser ↔ où vous vous étiez mise.→

Vous enfiliez tout droit, ↔ ↑ sans mon instruction,→

Le grand chemin d’enfer ↔ ↑ et de perdition.→

De tous ces damoiseaux ↔ on sait trop les coutumes.→

Ils ont de beaux canons, ↔ force rubans, et plumes,→

Grands cheveux, belles dents, ↔ et des propos fort doux :→

Mais comme je vous dis ↔ la griffe est là-dessous.→

Et ce sont vrais satans, ↔ dont la gueule altérée→

De l’honneur féminin ↔ cherche à faire curé[112] .→

Mais encore une fois, ↔ grâce au soin apporté,→

Vous en êtes sortie ↔ avec honnêteté[113].→

L’air dont je vous ai vu ↔ lui jeter cette pierre,→

Qui de tous ses desseins ↔ a mis l’espoir par terre,→

Me confirme encor mieux ↔ à ne point différer→

Les noces, je dis ↔ qu’il vous faut préparer.→

Mais avant toute chose ↔ il est bon de vous faire→

Quelque petit discours, ↔ qui vous soit salutaire.→

Un sge au frais ici. ↔ Vous, si jamais en rien...→

GEORGETTE

De toutes vos leçons ↔ nous nous souviendrons bien.→

Cet autre monsieur-là ↔ nous en faisait accroire.→

Mais...

ALAIN

S’il entre jamais, ↔ je veux jamais ne boire.→

Aussi bien est-ce un sot, ↔ il nous a l’autre fois→

Donné deux écus d’or ↔ qui n’étaient pas de poids [114] .

ARNOLPHE

A[i](y)[i]ez donc pour souper ↔ tout ce que je désire,→

Et pour notre contrat, ↔ comme je viens de dire,→

Faites venir ici ↔ l’un ou l’autre au retour,→

Le notaire qui loge au coin de ce carfou[115] .

SCÈNE II

ARNOLPHE, AGNÈS.

ARNOLPHE, assis.

Agnès, pour m’écouter, laissez là votre ouvrage.→

Levez un peu la tête, et tournez le visage.→

Là, regardez-moi là, durant cet entretien :→

Et jusqu’au moindre mot imprimez-le-vous bien.→

Je vous épouse, Agnès, et cent fois la journée→

Vous devez bénir l’heur de votre destinée :→

Contempler la bassesse où vous avez été,→

Et dans le même temps admirer ma bonté,→

Qui de ce vil état de pauvre villageoise,→

Vous fait monter au rang d’honorable bourgeoise :→

Et jouir de la couche et des embrassements,→

D’un homme qui fu[i](y)[i]ait tous ces engagements ;→

Et dont à vingt partis fort capables de plaire,→

Le cœur a refusé l’honneur qu’il vous veut faire.→

Vous devez toujours, dis-je, avoir devant les yeux→

Le peu que vous étiez sans ce nœud glorieux ;→

Afin que cet objet d’autant mieux vous instruise,→

À mériter l’état où je vous aurai mise ;→

À toujours vous conntre, et faire qu’à jamais→

Je puisse ↓me louer de l’acte que je fai[116] .→

Le mariage, Agnès, n’est pas un badinage.→

À d’austères devoirs le rang de femme engage :→

Et vous n’y montez pas, à ce que je prétends,→

Pour être libertine [117] et prendre du bon temps.→

Votre sexe n’est là que pour la dépendance.→

Du côté de la barbe est la toute-puissance.→

Bien qu’on soit deux moits de la société,→

Ces deux moits pourtant n’ont point d’égalité :→

L’une est moit suprême, et l’autre subalterne :→

L’une en tout est soumise à l’autre qui gouverne.→

Et ce que le soldat dans son devoir instruit→

Montre d’obéissance au chef qui le conduit,→

Le valet à son mtre, un enfant à son père,→

À son supérieur le moindre petit frère,→

N’approche point encor de la docilité,→

Et de l’obéissance, et de l’humilité,→

Et du profond respect, où la femme doit être→

Pour son mari, son chef, son seigneur, et son mtre.→

Lorsqu’il jette sur elle un regard sérieux,→

Son devoir aussitôt est de baisser les yeux ;→

Et de n’oser jamais le regarder en face→

Que quand d’un doux regard il lui veut faire grâce,→

C’est ce qu’entendent mal les femmes d’aujourd’hui :→

Mais ne vous gâtez pas sur l’exemple d’autrui.→

Gardez-vous d’imiter ces coquettes vilaines,→

Dont par toute la ville on chante les fredaines :→

Et de vous laisser prendre aux assauts du malin,→

C’est-à-dire, d’ouïr aucun jeune blondin.→

Songez qu’en vous faisant moit de ma personne ;→

C’est mon honneur, Agnès, que je vous abandonne :→

Que cet honneur est tendre, et se blesse de peu ;→

Que sur un tel sujet il ne faut point de jeu :→

Et qu’il est aux enfers des chaudières bouillantes,→

Où l’on plonge à jamais les femmes mal vivantes.→

Ce que je vous dis là ne sont pas des chansons :→

Et vous devez du cœur dévorer ces leçons.→

Si votre âme les suit[118] et fuit d’être coquette,→

Elle sera toujours comme un lis blanche et nette :→

Mais s’il faut qu’à l’honneur elle fasse un faux bond[119],→

Elle deviendra lors noire comme un charbon.→

Vous paraîtrez à tous un objet effro[i](y)[i]able,→

Et vous irez un jour, vrai partage du diable,→

Bouillir dans les enfers à toute éternité :→

Dont vous veuille garder la céleste bonté.→

Faites la révérence. Ainsi qu’une novice→

Par cœur dans le couvent doit savoir son office [120] ,→

Entrant au mariage il en faut faire autant :→

Et voici dans ma poche un écrit important→

Qui vous enseignera l’office de la femme.→

J’en ignore l’auteur : mais c’est quelque bonne âme.→

Et je veux que ce soit votre unique entretien. (Il se lève.)

Tenez : vo[i](y)[i]ons un peu si vous le lirez bien.→

AGNÈS lit.

LES MAXIMES DU MARIAGE OU LES DEVOIRS DE LA FEMME MARIÉE, AVEC SON EXERCICE JOURNALIER.

Ire MAXIME.

Celle qu’un lien honnête,→

Fait entrer au lit d’autrui :→

Doit se mettre dans la tête,

Malgré le train d’aujourd’hui,→

Que l’homme qui la prend, ne la prend que pour lui [121] .→

ARNOLPHE

Je vous expliquerai ce que cela veut dire.→

Mais pour l’heure présente il ne faut rien que lire.→

AGNÈS poursuit.

IIe MAXIME.

Elle ne se doit parer,

Qu’autant que peut désirer→

Le mari qui la possède.→

C’est lui que touche seul le soin de sa beauté ;→

Et pour rien doit être compté :→

Que les autres la trouvent laide.

IIIe MAXIME.

Loin, ces études d’œillades,→

Ces eaux, ces blancs, ces pommades,→

Et mille ingrédients qui font des teints fleuris.→

À l’honneur tous les jours ce sont drogues mortelles.→

Et les soins de partre belles

Se prennent peu pour les maris.

IVe MAXIME.

Sous sa coiffe en sortant, comme l’honneur l’ordonne,→

Il faut que de ses yeux elle étouffe les coups[122]

Car pour bien plaire à son époux,→

Elle ne doit plaire à personne[123].

Ve MAXIME.

Hors ceux, dont au mari la visite se rend,→

La bonne règle défend→

De recevoir aucune âme.→

Ceux qui de galante humeur,→

N’ont affaire qu’à Madame,

N’accommodent pas Monsieur.→

VIe MAXIME.

Il faut ↑ des présents des hommes→

Qu’elle se défende bien[124].→

Car dans le scle nous sommes→

On ne donne rien pour rien[125].→

VIIe MAXIME.

Dans ses meubles, dût-elle en avoir de l’ennui,→

Il ne faut écritoire, encre, papier ni plumes.→

↑ Le mari ↑doit, dans les bonnes coutumes,→

Écrire tout ce qui s’écrit ↑↓ chez lui.→

VIIIe MAXIME.

Ces sociétés ↑ déréglées,

Qu’on nomme belles assemblées,→

Des femmes tous les jours corrompent les esprits.→

En bonne politique on les doit interdire ;→

Car c’est là que l’on conspire→

Contre les pauvres maris. [äàêòèëè÷åñêàÿ ñòðîêà]

IXe MAXIME.

Toute femme qui veut à l’honneur se vouer,→

Doit se défendre de jouer, [äàêòèëè÷åñêàÿ ñòðîêà]→

Comme d’une chose funeste. [äàêòèëè÷åñêàÿ ñòðîêà]→

Car le jeu fort décevant [äàêòèëè÷åñêàÿ ñòðîêà]→

Pousse une femme souvent, [äàêòèëè÷åñêàÿ ñòðîêà]

À jouer de tout son reste.→

Xe MAXIME.

Des promenades du temps,→

Ou repas qu’on donne aux champs→

Il ne faut point qu’elle essaye.→

Selon ↑ les prudents cerveaux,

↑ Le mari dans ces cadeau[126]

Est toujours celui qui paye.

XIe MAXIME...

ARNOLPHE

Vous achèverez seule, et pas à pas tantôt→

Je vous expliquerai ces choses comme il faut.→

Je me suis souvenu d’une petite affaire.→

Je n’ai qu’un mot à dire, et ne tarderai guère.→

Rentrez et conservez ce livre chèrement.→

Si le notaire vient, qu’il m’attende un moment.→

SCÈNE III

ARNOLPHE

Je ne puis faire mieux ↔ que d’en faire ma femme.→

Ainsi que je voudrai, ↔ je tournerai cette âme.→

Comme un morceau de cire ↔ entre mes mains elle est,→

Et je lui puis donner ↔ la forme qui me plt.→

Il s’en est peu fallu ↔ que, durant mon absence,→

On ne m’ait attrapé ↔ par son trop d’innocence.→

Mais il vaut beaucoup mieux, ↔ à dire vérité,→

Que la femme qu’on a ↔ pèche de ce côté.→

De ces sortes d’erreurs ↔ le remède est facile,→

Toute personne simple ↔ aux leçons est docile :→

Et si du bon chemin ↔ on l’a fait écarter→

Deux mots incontinent ↔ l’y peuvent rejeter.→

Mais une femme habile ↔ est bien une autre bête.→

Notre sort ne dépend ↔ que de sa seule tête :→

De ce qu’elle s’y met, ↔ rien ne la fait gauchir,→

Et nos enseignements ↔ ne font là que blanchi[127] .→

Son bel esprit lui sert ↔ à railler nos maximes,→

À se faire souvent ↔ des vertus de ses crimes :→

Et trouver, pour venir ↔ à ses coupables fins,→

Des détours à duper ↔ l’adresse des plus fins.→

Pour se parer du coup ↔ en vain on se fatigue,→

Une femme d’esprit ↔ est un diable en intrigue [128] :→

Et dès que son caprice ↔ a prononcé tout bas→

L’arrêt de notre honneur, ↔ il faut passer le pas.→

Beaucoup d’honnêtes gens ↔ en pourraient bien que dire [129] .→

Enfin mon étourdi ↔ n’aura pas lieu d’en rire.→

Par son trop de caquet ↔ il a ce qu’il lui faut.→

Voilà de nos Français ↔ l’ordinaire défaut.→

Dans la ↑ possession ↔ d’une bonne fortune,→

Le secret est toujours ↔ ce qui les importune ;→

Et la vanité sotte ↔ a pour eux tant d’appas,→

Qu’ils se pendraient plutôt ↔ que de ne causer pas.→

Oh que les femmes sont ↔ du diable bien tentées,→

Lorsqu’elles vont choisir ↔ ces têtes éventées,→

Et que... Mais le voici : ↔ cachons-nous toujours bien,→

Et découvrons un peu ↔ quel chagrin est le sien.→

SCÈNE IV

HORACE, ARNOLPHE.

HORACE

Je reviens de chez vous, et le destin me montre→

Qu’il n’a pas résolu que je vous y rencontre.→

Mais j’irai tant de fois qu’enfin quelque moment...→

ARNOLPHE

Hé mon Dieu ! n’entrons point dans ce vain compliment.→

Rien ne me fâche tant que ces cérémonies,→

Et si l’on m’en cro[i](y)[i]ait, elles seraient bannies.→

C’est un maudit usage, et la plupart des gens→

Y perdent sottement les deux tiers de leur temps.→

Mettons donc sans façon[130] . Hé bien. Vos amourettes.→

Puis-je, Seigneur Horace, apprendre où vous en êtes ?→

J’étais tantôt distrait par quelque vision :→

Mais depuis là-dessus j’ai fait ↑ réflexion.→

De vos premiers progrès j’admire la vitesse,→

Et dans l’événement [131] mon âme s’intéresse.→

HORACE

Ma foi, depuis qu’à vous s’est découvert mon cœur,→

Il est à mon amour arrivé du malheur.→

ARNOLPHE

Oh, oh ! comment cela ?

HORACE

La fortune cruelle,

A ramené des champs le patron [132] de la belle.→

ARNOLPHE

Quel malheur !

HORACE

Et de plus, à mon très grand regret,

Il a su de nous deux le commerce secret.→

ARNOLPHE

D’où diantre a-t-il sitôt appris cette aventure ?→

HORACE

Je ne sais. Mais enfin c’est une chose sûre.→

Je pensais aller rendre, à mon heure à peu près,→

Ma petite visite à ses jeunes attraits,→

Lorsque changeant pour moi de ton et de visage,→

Et servante et valet m’ont bouché le passage,→

Et d’un : « Retirez-vous, vous nous importune[133] »,→

M’ont assez rudement fermé la porte au nez.→

ARNOLPHE

La porte au nez !

HORACE

Au nez.

ARNOLPHE

La chose est un peu forte.→

HORACE

J’ai voulu leur parler au travers de la porte :→

Mais à tous mes propos ce qu’ils ont répondu

C’est, « Vous n’entrerez point, Monsieur l’a défendu. »→

ARNOLPHE

Ils n’ont donc point ouvert ?

HORACE

Non. Et de la fenêtre→

Agnès m’a confirmé le retour de ce mtre ;→

En me chassant de là d’un ton plein de fierté,→

Accompagné d’un grès que sa main a jeté.→

ARNOLPHE

Comment d’un grès ?

HORACE

D’un grès de taille non petite,

Dont on a par ses mains régalé ma visite.→

ARNOLPHE

Diantre ! ce ne sont pas des prunes que cela ;→

Et je trouve fâcheux l’état où vous voilà.→

HORACE

Il est vrai, je suis mal par ce retour funeste.→

ARNOLPHE

Certes j’en suis fâché pour vous, je vous proteste.→

HORACE

Cet homme me rompt tout.

ARNOLPHE

Oui, mais cela n’est rien,

Et de vous raccrocher vous trouverez mo[i](y)[i]en.→

HORACE

Il faut bien essa[i](y)[i]er, par quelque intelligence [134]

De vaincre du jaloux l’exacte vigilance.→

ARNOLPHE

Cela vous est facile, et la fille, après tout→

Vous aime.

HORACE

Assurément.

ARNOLPHE

Vous en viendrez à bout.→

HORACE

Je l’espère.

ARNOLPHE

Le grès vous a mis en déroute,

Mais cela ne doit pas vous étonner.

HORACE

Sans doute,

Et j’ai compris d’abord que mon homme était là,→

Qui sans se faire voir conduisait tout cela :→

Mais ce qui m’a surpris et qui va vous surprendre,→

C’est un autre incident que vous allez entendre,→

Un trait hardi qu’a fait cette jeune beauté,→

Et qu’on n’attendrait point de sa simplicité ;→

Il le faut avouer, l’amour est un grand mtre,→

Ce qu’on ne fut jamais il nous enseigne à l’être,→

Et souvent de nos mœurs l’absolu changement→

Devient par ses leçons l’ouvrage d’un moment.→

De la nature en nous il force les obstacles,→

Et ses effets soudains ont de l’air des miracles,→

D’un avare[135] à l’instant il fait un libéral :→

Un vaillant d’un poltron, un civil d’un brutal.→

Il rend agile à tout l’âme la plus pesante,→

Et donne de l’esprit à la plus innocente :→

Oui, ce dernier miracle éclate dans Agnès,→

Car tranchant avec moi par ces termes exprès,→

« Retirez-vous, mon âme aux visites[136] renonce,→

Je sais tous vos discours : et voilà ma réponse, »→

Cette pierre ou ce grès dont vous vous étonniez,→

Avec un mot de lettre est tome à mes pieds,→

Et j’admire de voir cette lettre ajustée,→

Avec le sens des mots ; et la pierre jetée ;→

D’une telle action n’êtes-vous pas surpris ?→

L’amour sait-il pas l’art d’aiguiser les esprits ?→

Et peut-on me nier que ses flammes puissantes,→

Ne fassent dans un cœur des choses étonnantes ?→

Que dites-vous du tour, et de ce mot d’écrit ?→

Euh ! n’admirez-vous point cette adresse d’esprit ?→

Trouvez-vous pas plaisant de voir quel personnage[137]

A joué ↑ mon jaloux dans tout ce badinage ?→

Dites...

ARNOLPHE

Oui, fort plaisant.

HORACE

Arnolphe rit d’un rire forcé [138] .

Riez-en donc un peu,

Cet homme gendarmé d’abord contre mon feu,→

Qui chez lui se retranche, et de grès fait parade [139] ,→

Comme si j’y voulais entrer par escalade,→

Qui pour me repousser dans son bizarre effroi,→

Anime du dedans tous ses gens contre moi,→

Et qu’abuse à ses yeux par sa machine même [140] ,→

Celle qu’il veut tenir dans l’ignorance extrême :→

Pour moi je vous l’avoue, encor que son retour→

En un grand embarras jette ici mon amour,→

Je tiens cela plaisant autant qu’on saurait dire,→

Je ne puis y songer sans de bon cœur en rire.→

Et vous ↑ n’en riez pas assez à mon avis.→

ARNOLPHE, avec un rire forcé.

Pardonnez-moi, j’en ris tout autant que je puis.→

HORACE

Mais il faut qu’en ami je vous montre la lettre [141] .→

Tout ce que son cœur sent, sa main a su l’y mettre :→

Mais en termes touchants, et tous pleins de bonté,→

De tendresse innocente, et d’ingénuité ;→

De la manre enfin que la pure nature[142]

Exprime de l’amour la première blessure.→

ARNOLPHE, bas.

Voilà, friponne, à quoi l’écriture te sert,→

Et contre mon dessein l’art t’en fut découvert.→

HORACE lit.

Je veux vous écrire, et je suis bien en peine par où je m’y prendrai. J’ai des pensées que je désirerais que vous sussiez ; mais je ne sais comment faire pour vous les dire, et je me défie de mes paroles. Comme je commence à connaître qu’on m’a toujours tenue dans l’ignorance, j’ai peur de mettre quelque chose, qui ne soit pas bien, et d’en dire plus que je ne devrais. En vérité je ne sais ce que vous m’avez fait ; mais je sens que je suis fâchée à mourir de ce qu’on me fait faire contre vous, que j’aurai toutes les peines du monde à me passer de vous, et que je serais bien aise d’être à vous. Peut-être qu’il y a du mal à dire cela, mais enfin je ne puis m’empêcher de le dire, et je voudrais que cela se pût faire, sans qu’il y en eût. On me dit fort, que tous les jeunes hommes sont des trompeurs, qu’il ne les faut point écouter, et que tout ce que vous me dites, n’est que pour m’abuser ; mais je vous assure, que je n’ai pu encore me figurer cela de vous, et je suis si touchée de vos paroles, que je ne saurais croire qu’elles soient menteuses. Dites-moi franchement ce qui en est : car enfin, comme je suis sans malice, vous auriez le plus grand tort du monde, si vous me trompiez. Et je pense que j’en mourrais de déplaisir.

ARNOLPHE

Hom chienne.

HORACE

Qu’avez-vou?

ARNOLPHE

Moi ? rien ; c’est que je tousse.

HORACE

Avez-vous jamais vu, d’expression plus douce,→

Malgré les soins maudits d’un injuste pouvoir,→

Un plus beau naturel peut-il se faire voi[143] ?→

Et n’est-ce pas sans doute [144]  un crime punissable,→

De gâter méchamment ce fonds d’âme admirable ?→

D’avoir dans l’ignorance et la stupidité,→

Voulu de cet esprit étouffer la clarté ?→

L’amour a commencé d’en déchirer le voile,→

Et si par la faveur de quelque bonne étoile,→

Je puis, comme j’espère, à ce franc animal,→

Ce trtre, ce bourreau, ce faquin, ce brutal...→

ARNOLPHE

Adieu.

HORACE

Comment, si vite ?

ARNOLPHE

Il m’est dans la pensée→

Venu tout maintenant une affaire pressée.→

HORACE

Mais ne sauriez-vous point comme on la tient de près,→

Qui dans cette maison pourrait avoir accès ?→

J’en use sans scrupule, et ce n’est pas merveille,→

Qu’on se puisse entre amis servir à la pareill[145] .→

Je n’ai plus là-dedans que gens pour m’observer,→

Et servante et valet que je viens de trouver,→

N’ont jamais de quelque air que je m’y sois pu prendre,→

Adouci leur rudesse à me vouloir entendre ;→

J’avais pour de tels coups certaine vieille en main,→

D’un génie à vrai dire au-dessus de l’humain,→

Elle m’a dans l’abord servi de bonne sorte :→

Mais depuis quatre jours la pauvre femme est morte,→

Ne me pourriez-vous point ouvrir quelque mo[i](y)[i]en ?→

ARNOLPHE

Non vraiment, et sans moi vous en trouverez bien.→

HORACE

Adieu donc. Vous vo[i](y)[i]ez ce que je vous confie.→

SCÈNE V

ARNOLPHE

Comme il faut devant lui ↔ que je me mortifie,→

Quelle peine à cacher ↔ mon déplaisir cuisant.→

Quoi pour une innocente, ↔ un esprit si présent ?→

Elle a feint d’être telle ↔ à mes yeux la traîtresse ;→

Ou le diable à son âme ↔ a soufflé cette adresse :→

Enfin me voilà mort ↔ par ce funeste écrit,→

Je vois qu’il a le trtre ↔ empaumé son esprit,→

↑ Qu’à ma suppression   il s’est ancré chez elle,→

Et c’est mon désespoir, ↔ et ma peine mortelle,→

Je souffre doublement ↔ dans le vol de son cœur,→

Et l’amour y pâtit ↔ aussi bien que l’honneur.→

J’enrage de trouver ↔ cette place usurpée,→

Et j’enrage de voir ↔ ma prudence trompée.→

Je sais que pour punir ↔ son amour libertin

Je n’ai qu’à laisser faire ↔ à son mauvais destin,→

Que je serai vengé ↔ d’elle par elle-même :→

Mais il est bien fâcheux ↔ de perdre ce qu’on aime [146] .→

Ciel ! puisque pour un choix ↔ j’ai tant philosophé,→

Faut-il de ses appas ↔ m’être si fort coiffé ?→

Elle n’a ni parents, ↔ ni support [147] , ni richesse,→

Elle trahit mes soins, ↔ mes bontés, ma tendresse,→

Et cependant je l’aime, ↔ après ce lâche tour,→

Jusqu’à ne me pouvoir ↔ passer de cet amour.→

Sot, n’as-tu point de honte ? ↔ Ah je crève, j’enrage,→

Et je souffletterais ↔ mille fois mon visage,→

Je veux entrer un peu ; ↔ mais seulement pour voir→

Quelle est sa contenance ↔ après un trait si noir.→

Ciel ! faites que mon front ↔ soit exempt de disgrâce,→

Ou bien s’il est écrit, ↔ qu’il faille que j’y passe,→

Donnez-moi tout au moins ↔ pour de tels accidens,→

La constance qu’on voit ↔ à de certaines gens.→

ACTE IV

SCÈNE PREMIÈRE

ARNOLPHE

J’ai peine, je l’avoue, ↔ à demeurer en place,→

Et de mille soucis ↔ mon esprit s’embarrasse,→

Pour pouvoir mettre un ordre ↔ et dedans et dehors,→

Qui du godelureau ↔ rompe tous les efforts :→

De quel œil la traîtresse ↔ a soutenu ma vue,→

De tout ce qu’elle a fait ↔ elle n’est point émue.→

Et bien qu’elle me mette ↔ à deux doigts du trépas,→

On dirait à la voir ↔ qu’elle n’y touche pas.→

Plus en la regardant ↔ je la vo[i](y)[i]ais tranquille,→

Plus je sentais en moi ↔ s’échauffer une bile,→

Et ces bouillants transports ↔ dont s’enflammait mon cœur,→

Y semblaient redoubler ↔ mon amoureuse ardeur.→

J’étais aigri, fâché, ↔ désespéré contre elle,→

Et cependant jamais ↔ je ne la vis si belle ;→

Jamais ses yeux aux miens ↔ n’ont paru si perçants,→

Jamais je n’eus pour eux ↔ des desirs si pressants,→

Et je sens là dedans ↔ qu’il faudra que je crève,→

Si de mon triste sort ↔ la disgrâce s’achève.→

Quoi ? j’aurai dirigé ↔ ↑ son éducation

Avec tant de tendresse ↔ et ↓ de précaution ?→

Je l’aurai fait passer ↔ chez moi dès son enfance,→

Et j’en aurai chéri ↔ la plus tendre espérance ?→

Mon cœur aura bâti ↔ sur ses attraits naissains,→

Et cru la mitonner ↔ pour moi durant treize ans,→

Afin qu’un jeune fou ↔ dont elle s’amourache→

Me la vienne enlever ↔ jusque sur la moustache,→

Lorsqu’elle est avec moi ↔ mare à demi ?→

Non parbleu, non parbleu, ↔ petit sot mon ami,→

Vous aurez beau tourner ↔ ou j’y perdrai mes peines,→

Ou je rendrai ma foi, vos espérances vaines,→

Et de moi tout à fait ↔ vous ne vous rirez point.→

SCÈNE II

LE NOTAIRE, ARNOLPHE.

LE NOTAIRE

Ah le voilà ! Bonjour, me voici tout à point→

Pour dresser le contrat que vous souhaitez faire.→

ARNOLPHE, sans le voir.

Comment faire ?

LE NOTAIRE

Il le faut dans la forme ordinaire.

ARNOLPHE, sans le voir.

À mes précautions je veux songer de près.→

LE NOTAIRE

Je ne passerai rien contre vos intérêts.→

ARNOLPHE, sans le voir.

Il se faut garantir de toutes les surprises.→

LE NOTAIRE

Suffit qu’entre mes mains vos affaires soient mises,→

Il ne vous faudra point de peur d’être déçu,→

Quittancer le contrat que vous n’a[i](y)[i]ez reçu [148] .→

ARNOLPHE, sans le voir.

J’ai peur si je vais faire éclater quelque chose→

Que de cet incident par la ville on ne cause.→

LE NOTAIRE

Hé bien il est aisé d’empêcher cet éclat,→

Et l’on peut en secret faire votre contrat.→

ARNOLPHE, sans le voir.

Mais comment faudra-t-il qu’avec elle j’en sorte ?→

LE NOTAIRE

↑ Le douaire se règle au bien qu’on vous apporte.→

ARNOLPHE, sans le voir.

Je l’aime, et cet amour est mon grand embarras.→

LE NOTAIRE

On peut avantager une femme en ce cas.→

ARNOLPHE, sans le voir.

Quel traitement lui faire en pareille aventure ?→

LE NOTAIRE

L’ordre est que le futur doit douer la future→

Du tiers du dot qu’elle a [149] , mais cet ordre n’est rien,→

Et l’on va plus avant lorsque l’on le veut bien.→

ARNOLPHE, sans le voir.

Si...

LE NOTAIRE, Arnolphe l’apercevant.

Pour le précipu[150] , ↔ il les regarde ensemble,→

Je dis que le futur ↔ peut comme bon lui semble→

Douer la future.

ARNOLPHE, l’ayant aperçu.

Euh ! ↔

LE NOTAIRE

Il peut l’avantager

Lorsqu’il l’aime beaucoup ↔ et qu’il veut l’obliger,→

Et cela par douaire, ↔ ou préfix qu’on appelle,→

Qui demeure perdu par ↔ ↑ le trépas d’icelle,→

Ou sans retour, qui va ↔ de ladite à ses hoirs,→

Ou coutumier, selon ↔ les différents vouloirs,→

Ou par donation ↔ dans le contrat formelle,→

Qu’on fait, ou pure et simple, ↔ ↑ ou qu’on fait mutuelle [151] ;→

Pourquoi hausser le dos ? ↔ Est-ce qu’on parle en fat,→

Et que l’on ne sait pas ↔ les formes d’un contrat ?→

Qui me les apprendra ? ↔ Personne ; je présume.→

Sais-je pas qu’étant joints ↔ on est par la coutume,→

Communs en meubles, biens, ↔ immeubles et conquêts [152] ,→

À moins que par un acte ↔ on y renonce exprès ?→

Sais-je pas que le tiers ↔ du bien de la future→

Entre en communauté ? ↔ pour...

ARNOLPHE→

Oui, c’est chose sûre,

Vous savez tout cela, ↔ mais qui vous en dit mot ?→

LE NOTAIRE

Vous qui me prétendez ↔ faire passer pour sot,→

En me haussant l’épaule, ↔ et faisant la grimace.→

ARNOLPHE

La peste soit fait l’homme [153] , ↔ et sa chienne de face.→

Adieu. C’est le mo[i]y[i]en ↔ de vous faire finir.→

LE NOTAIRE

Pour dresser un contrat ↔ m’a-t-on pas fait venir ?→

ARNOLPHE

Oui, je vous ai mandé : ↔ mais la chose est remise,→

Et l’on vous mandera ↔ quand l’heure sera prise.→

Vo[i]y[i]ez quel diable d’homme ↔ avec son entretien ?→

LE NOTAIRE

Je pense qu’il en tien[154] , ↔ et je crois penser bien. →

SCÈNE III

LE NOTAIRE, ALAIN, GEORGETTE [155] .LE NOTAIRE

M’êtes-vous pas venu ↔ querir pour votre mtre ? →

ALAIN

Oui.

LE NOTAIRE

J’ignore pour qui ↔ vous le pouvez conntre :

Mais allez de ma part ↔ lui dire de ce pas→

Que c’est un fou fieffé. ↔

GEORGETTE

Nous n’y manquerons pas.

SCÈNE IV

ALAIN, GEORGETTE, ARNOLPHE.

ALAIN

Monsieur...

ARNOLPHE

Approchez-vous, vous êtes mes fidèles,→

Mes bons, mes vrais amis, et j’en sais des nouvelles. →

ALAIN

Le notaire...

ARNOLPHE

Laissons, c’est pour quelque autre jour.

On veut à mon honneur jouer d’un mauvais tour : →

Et quel affront pour vous mes enfants pourrait-ce être,→

Si l’on avait ôté l’honneur à votre mtre ?→

Vous n’oseriez après partre en nul endroit,→

Et chacun vous vo[i](y)[i]ant vous montrerait au doigt :

Donc puisque autant que moi l’affaire vous regarde,→

Il faut de votre part faire une telle garde→

Que ce galant ne puisse en aucune façon...→

GEORGETTE

Vous nous avez tantôt montré notre leçon.→

ARNOLPHE

Mais à ses beaux discours gardez bien de vous rendre.→

ALAIN

Oh vraiment...

GEORGETTE

Nous savons comme il faut s’en défendre.→

ARNOLPHE

S’il venait doucement. « Alain, mon pauvre cœur,→

Par un peu de secours soulage ma langueur. »→

ALAIN

Vous êtes un sot.

ARNOLPHE

Bon.

(À Georgette.) « Georgette ma mignonne,

Tu me parais si douce, et si bonne personne. »→

GEORGETTE

Vous êtes un nigaud.

ARNOLPHE

Bon.

(À Alain.) « Quel mal trouves-tu

Dans un dessein honnête, et tout plein de vertu ? »→

ALAIN

Vous êtes un fripon.

ARNOLPHE

Fort bien.

(À Georgette.) « Ma mort est sûre→

Si tu ne prends pit des peines que j’endure. »→

GEORGETTE

Vous êtes un benêt, un impudent.

ARNOLPHE

Fort bien.→

« Je ne suis pas un homme à vouloir rien pour rien,→

Je sais quand on me sert en garder la mémoire :→

Cependant par avance, Alain voilà pour boire,→

Et voilà pour t’avoir, Georgette, un coti[i]llon.→

(Ils tendent tous deux la main, et prennent l’argent.)→

Ce n’est de mes bienfaits qu’un simple échanti[i]llon,→

Toute la courtoisie enfin dont je vous presse,→

C’est que je puisse voir votre belle maîtresse. »→

GEORGETTE, le poussant

À d’autres.

ARNOLPHE

Bon cela.

ALAIN, le poussant

Hors d’ici.

ARNOLPHE

Bon.

GEORGETTE, le poussant.

Mais tôt.→

ARNOLPHE

Bon. Holà, c’est assez.

GEORGETTE

Fais-je pas comme il faut ?→

ALAIN

Est-ce de la façon que vous voulez l’entendre ?→

ARNOLPHE

Oui, fort bien, hors l’argent qu’il ne fallait pas prendre.→

GEORGETTE

Nous ne nous sommes pas souvenus de ce point.→

ALAIN

Voulez-vous qu’à l’instant nous recommencions ?

ARNOLPHE

Point.→

Suffit, rentrez tous deux.

ALAIN

Vous n’avez rien qu’à dire.→

ARNOLPHE

Non, vous dis-je, rentrez, puisque je le désire.

Je vous laisse l’argent, allez, je vous rejoins,→

A[i](y)[i]ez bien l’œil à tout, et secondez mes soins.

SCÈNE V

ARNOLPHE

Je veux ↑ pour espion ↔ qui soit d’exacte vue,→

Prendre le savetier ↔ du coin de notre rue ;→

Dans la maison toujours ↔ je prétends la tenir,

Y faire bonne garde, ↔ et surtout en bannir→

Vendeuses de ruban, ↔ perruquières, coiffeuses,→

Faiseuses de mouchoirs, ↔ gantres, revendeuses,→

Tous ces gens qui sous main ↔ travaillent chaque jour,→

À faire réussir ↔ les mystères d’amou[156] ;

Enfin j’ai vu le monde, ↔ et j’en sais les finesses,→

Il faudra que mon homme ↔ ait de grandes adresses,→

Si message ou poulet ↔ de sa part peut entrer.

SCÈNE VI

HORACE, ARNOLPHE.

HORACE

La place m’est heureuse ↔ à vous y rencontrer,→

Je viens de l’échapper ↔ bien belle je vous jure,

Au sortir d’avec vous ↔ sans prévoir l’aventure,→

Seule dans son balcon ↔ j’ai vu partre Agnès,→

Qui des arbres prochains ↔ prenait un peu le frais ;→

Après m’avoir fait signe, ↔ elle a su faire en sorte→

Descendant au jardin, ↔ de m’en ouvrir la porte :

Mais à peine tous deux ↔ dans sa chambre étions-nous,→

Qu’elle a sur les degrés ↔ entendu son jaloux,→

Et tout ce qu’elle a pu ↔ dans un tel accessoire [157] ,→

C’est de me renfermer ↔ dans une grande armoire ;→

Il est entré d’abord ; ↔ je ne le vo[i](y)[i]ais pas,

Mais je l’o[i](y)[i]ais marcher ↔ sans rien dire à grands pas ;→

Poussant de temps en temps ↔ des soupirs pito[i](y)[i]ables,→

Et donnant quelquefois ↔ de grands coups sur les tables,→

Frappant un petit chien ↔ qui pour lui s’émouvait,→

Et jetant brusquement ↔ les hardes qu’il trouvait,

Il a même cassé ↔ d’une main mutinée,→

Des vases dont la belle ↔ ornait sa cheminée,→

Et sans doute il faut bien ↔ qu’à ce becque cornu [158] ,→

Du trait qu’elle a joué ↔ quelque jour soit venu ;→

Enfin après cent tours [159] a[i](y)[i]ant de la manre,

Sur ce qui n’en peut mais ↔ déchargé sa colère,→

↑ Mon jaloux inquiet ↔ sans dire son ennui,→

Est sorti de la chambre, ↔ et moi de mon étui,→

Nous n’avons point voulu, ↔ de peur du personnage[160],→

Risquer à nous tenir ↔ ensemble davantage,

C’était trop hasarder ; ↔ mais je dois cette nuit,→

Dans sa chambre un peu tard ↔ m’introduire sans bruit,→

En toussant par trois fois ↔ je me ferai conntre,→

Et je dois au signal ↔ voir ouvrir la fenêtre,→

Dont avec une échelle, ↔ et secondé d’Agnès,

Mon amour tâchera ↔ de me gagner l’accès.→

Comme à mon seul ami ↔ je veux bien vous l’apprendre,→

L’allégresse du cœur ↔ s’augmente à la répandre,→

Et gtât-on cent fois ↔ un bonheur trop parfai[161] ,→

On n’en est pas content ↔ si quelqu’un ne le sait ;

Vous prendrez part je pense ↔ à l’heur de mes affaires→

Adieu je vais songer ↔ aux choses nécessaires.

SCÈNE VII

ARNOLPHE

Quoi ? l’astre qui s’obstine à me désespérer,

Ne me donnera pas le temps de respirer,

Coup sur coup je verrai par leur intelligence,

De mes soins vigilants confondre la prudence,

Et je serai la dupe en ma maturité,

D’une jeune innocente, et d’un jeune éventé ?

En sage philosophe on m’a vu vingt années,

Contempler des maris les tristes destinées,

Et m’instruire avec soin de tous les accidents,

Qui font dans le malheur tomber les plus prudents,

Des disgrâces d’autrui profitant dans mon âme,

J’ai cherché les mo[i](y)[i]ens voulant prendre une femme,

De pouvoir garantir mon front de tous affronts,

Et le tirer de pair d’avec les autres fronts [162] ;

Pour ce noble dessein j’ai cru mettre en pratique,

Tout ce que peut trouver l’humaine politique,

Et comme si du sort il était arrêté,

Que nul homme ici-bas n’en serait exempté,

Après ↑ l’expérience, et toutes les lumres,

Que j’ai pu m’acquérir sur de telles matres,

Après vingt ans et plus, ↑ de méditation,

Pour me conduire en tout avec ↑ précaution,

De tant d’autres maris j’aurais quitté la trace,

Pour me trouver après dans la même disgrâce [163] .

Ah bourreau de destin vous en aurez menti,

De l’objet qu’on poursuit, je suis encor nanti ;

Si son cœur m’est volé par ce blondin funeste,

J’empêcherai du moins qu’on s’empare du reste,

Et cette nuit qu’on prend pour ce galant exploit,

Ne se passera pas si doucement qu’on croit,

Ce m’est quelque plaisir parmi tant de tristesse,

Que l’on me donne avis du pge qu’on me dresse,

Et que cet étourdi qui veut m’être fatal,

Fasse son confident de son propre rival.

SCÈNE VIII

CHRYSALDE, ARNOLPHE.

CHRYSALDE

Hé bien, souperons-nous avant la promenade ?→

ARNOLPHE

Non, je jeûne ce soir.

CHRYSALDE

D’où vient cette boutade ?→

ARNOLPHE

De grâce excusez-moi, j’ai quelque autre embarras.→

CHRYSALDE

Votre hymen [164] résolu ne se fera-t-il pas ?→

ARNOLPHE

↑ C’est trop s’inquiéter des affaires des autres.→

CHRYSALDE

Oh, oh, si brusquement ? Quels chagrins sont les vôtres ?→

Serait-il point, compère, à votre ↓ passion,→

Arrivé quelque peu de tribulation ?→

Je le jurerais presque à voir votre visage.→

ARNOLPHE

Quoi qu’il m’arrive au moins aurai-je l’avantage,→

De ne pas ressembler à de certaines gens,→

Qui souffrent doucement l’approche des galants.→

CHRYSALDE

C’est un étrange fait qu’avec tant de lumières,→

Vous vous effarouchiez toujours sur ces matières,→

Qu’en cela vous mettiez le souverain bonheur,→

Et ne conceviez point au monde d’autre honneur ;→

Être avare, brutal, fourbe, méchant, et lâche,→

N’est rien à votre avis auprès de cette tache,→

Et de quelque façon qu’on puisse avoir vécu,→

On est homme d’honneur quand on n’est point cocu.→

À le bien prendre au fond, pourquoi voulez-vous croire,→

Que de ce cas fortuit dépende notre gloire ?→

Et qu’une âme bien née ait à se reprocher,→

L’injustice d’un mal qu’on ne peut empêcher ?→

Pourquoi voulez-vous, dis-je en prenant une femme,→

Qu’on soit digne à son choix de louange ou de blâme,→

Et qu’on s’aille former un monstre plein d’effroi,→

De l’affront que nous fait son manquement de foi ?→

Mettez-vous dans l’esprit qu’on peut ↑ du cocuage,→

Se faire en galant homme une plus douce image,→

Que des coups du hasard aucun n’étant garant,→

Cet accident de soi doit être indifférent,→

Et qu’enfin tout le mal quoi que le monde glose,→

N’est que dans la façon de recevoir la chose.→

Car pour se bien conduire en ces difficulté[165] ,→

Il y faut comme en tout fuir les extrémités,→

N’imiter pas ces gens un peu trop débonnaires,→

Qui tirent vanité de ces sortes d’affaires ;→

De leurs femmes toujours vont citant les galants,→

En font partout l’éloge, et prônent leurs talents,→

Témoignent avec eux d’étroites sympathies,→

Sont de tous leurs cadeau[166] , de toutes leurs parties,→

Et font qu’avec raison les gens sont étonnés,→

↑ De voir leur hardiesse à montrer là leur nez.→

Ce procédé, sans doute, est tout à fait blâmable :→

Mais l’autre extrémité n’est pas moins condamnable,→

Si je n’approuve pas ces amis des galants,→

Je ne suis pas aussi pour ces gens turbulents,→

Dont l’imprudent chagrin qui tempête et qui gronde,→

Attire au bruit qu’il fait, les yeux de tout le monde ;→

Et qui par cet éclat semblent ne pas vouloir→

Qu’aucun puisse ignorer ce qu’ils peuvent avoir.→

Entre ces deux partis il en est un honnête,→

Où dans ↑ l’occasion l’homme prudent s’arrête,→

Et quand on le sait prendre on n’a point à rougir,→

Du pis dont une femme avec nous puisse agir.→

Quoi qu’on en puisse dire, enfin ↑ le cocuage→

Sous des traits moins affreux aisément s’envisage :→

Et comme je vous dis, toute l’habileté,→

Ne va qu’à le savoir tourner du bon côté.→

ARNOLPHE

Après ce beau discours toute la confrérie,→

Doit un remerciement à votre seigneurie :→

Et quiconque voudra vous entendre parler,→

Montrera de la joie à s’y voir enrôler.→

CHRYSALDE

Je ne dis pas cela, car c’est ce que je blâme :→

Mais comme c’est le sort qui nous donne une femme,→

Je dis que l’on doit faire ainsi qu’au jeu de dés,→

Où s’il ne vous vient pas ce que vous demandez→

Il faut ↑ jouer d’adresse, et d’une âme réduite [167] ,→

Corriger le hasard par la bonne conduite.→

ARNOLPHE

C’est-à-dire dormir, et manger toujours bien,→

Et se ↑ persuader que tout cela n’est rien.→

CHRYSALDE

Vous pensez vous moquer, mais à ne vous rien feindre,→

Dans le monde je vois cent choses plus à craindre,→

Et dont je me ferais un bien plus grand malheur,→

Que de cet accident qui vous fait tant de peur.→

Pensez-vous qu’à choisir de deux choses prescrites,→

Je n’aimasse pas mieux être ce que vous dites,→

Que de me voir mari de ces femmes de bien,→

Dont la mauvaise humeur fait un procès sur rien.→

Ces dragons de vertu, ces honnêtes diablesses,→

Se retranchant toujours sur leurs sages prouesses,→

Qui pour un petit tort qu’elles ne nous font pas,→

Prennent droit de traiter les gens de haut en ba[168] ,→

Et veulent sur le pied de nous être fidèles [169] ,→

Que nous so[i](y)[i]ons tenus à tout endurer d’elles :→

Encore un coup compère, apprenez qu’en effet,→

↑ Le cocuage n’est que ce que l’on le fait,→

Qu’on peut ↑ le souhaiter pour de certaines causes,→

Et qu’il a ses plaisirs comme les autres choses [170] .→

ARNOLPHE

Si vous êtes d’humeur à vous en contenter,→

Quant à moi ce n’est pas la mienne d’en tâter ;→

Et plutôt que subir une telle aventure...→

CHRYSALDE

Mon Dieu ne jurez point de peur d’être parjure ;→

Si le sort l’a réglé, vos soins sont superflus,→

Et l’on ne prendra pas votre avis là-dessus.→

ARNOLPHE

Moi ! je serais cocu ?

CHRYSALDE

Vous voilà bien malade,

Mille gens le sont bien sans vous faire bravade ;→

Qui de mine, de cœur, de biens et de maison,→

Ne feraient avec vous ↑ nulle comparaison.→

ARNOLPHE

Et moi je n’en voudrais avec eux faire aucune :→

Mais cette raillerie en un mot m’importune.→

Brisons là, s’il vous plt.

CHRYSALDE

Vous êtes en courroux,→

Nous en saurons la cause ; adieu souvenez-vous ;→

Quoi que sur ce sujet votre honneur vous inspire,→

Que c’est être à demi ce que l’on vient de dire :→

Que de vouloir jurer qu’on ne le sera pas.→

ARNOLPHE

Moi ! je le jure encore, et je vais de ce pas,→

Contre cet accident trouver un bon remède.→

SCÈNE IX

ALAIN, GEORGETTE, ARNOLPHE.

ARNOLPHE

Mes amis, c’est ici que j’implore votre aide,

Je suis ↑ édif de votre affection ;

Mais il faut qu’elle éclate en cette occasion :

Et si vous m’y servez selon ↑ ma confiance,

Vous êtes assurés de votre récompense.

L’homme que vous savez, n’en faites point de bruit,

Veut comme je l’ai su m’attraper cette nuit,

Dans la chambre d’Agnès entrer par escalade,

Mais il lui faut nous trois dresser une embuscade :

Je veux que vous preniez chacun un bon bâton,

Et quand il sera près du dernier échelon ;

Car dans le temps qu’il faut j’ouvrirai la fenêtre,

Que tous deux à l’envi vous me chargiez ce trtre :

Mais d’un air dont son dos garde le souvenir,

Et qui lui puisse apprendre à n’y plus revenir,

Sans me nommer pourtant en aucune manre,

Ni faire aucun semblant que je serai derrre.

Aurez-vous bien l’esprit de servir mon courrou[171] ?

ALAIN

S’il ne tient qu’à frapper, Monsieur, tout est à nou[172] .

Vous verrez, quand je bats, si j’y vais de main morte.

GEORGETTE

La mienne, quoique aux yeux, elle n’est pas si forte [173] ,

N’en quitte pas sa part à le bien étriller.

ARNOLPHE

Rentrez donc, et surtout gardez de babiller ;

Voilà pour le prochain une leçon utile,

Et si tous les maris qui sont en cette ville,

De leurs femmes ainsi recevaient le galant,

Le nombre des cocus ne serait pas si grand.

ACTE V

SCÈNE PREMIÈRE

ARNOLPHE, ALAIN, GEORGETTE.

ARNOLPHE

Traîtres, qu’avez-vous fait ↔ ↑ par cette violence ?→

ALAIN

Nous vous avons rendu, ↔ Monsieur, obéissance.→

ARNOLPHE

De cette excuse en vain ↔ vous voulez vous armer.

L’ordre était de le battre, ↔ et non de l’assommer ;→

Et c’était sur le dos, ↔ et non pas sur la tête,→

Que j’avais commandé ↔ qu’on fît choir la tempête.→

Ciel ! dans quel accident ↔ me jette ici le sort ?→

Et que puis-je résoudre ↔ à voir cet homme mort ?

Rentrez dans la maison ; ↔ et gardez de rien dire→

De cet ordre innocent ↔ que j’ai pu vous prescrire.→

Le jour s’en va partre, ↔ et je vais consulter→

Comment dans ce malheur ↔ je me dois comporter.→

Hélas ! que deviendrai-je ? ↔ et que dira le père,

Lorsque inopinément ↔ il saura cette affaire ?

SCÈNE II

HORACE, ARNOLPHE.

HORACE

Il faut que j’aille un peu ↔ reconnaître qui c’est.

ARNOLPHE

Eût-on jamais prévu... ↔ Qui va là ? s’il vous plt.

HORACE

C’est vous, Seigneur Arnolphe ? ↔

ARNOLPHE

Oui ; mais vous...

HORACE

C’est Horace.

Je m’en allais chez vous, ↔ vous prier d’une grâce,→

Vous sortez bien matin !

ARNOLPHE, bas

↑ Quelle confusion !

Est-ce un enchantement ? ↔ est-ce une illusion ?

HORACE

J’étais, à dire vrai, ↔ dans une grande peine ;→

Et je bénis du Ciel ↔ la bonté souveraine,→

Qui fait qu’à point nommé ↔ je vous rencontre ainsi.→

Je viens vous avertir ↔ que tout a réussi,→

Et même beaucoup plus ↔ que je n’eusse osé dire ;→

Et par un incident ↔ qui devait [174] tout détruire.→

Je ne sais point par ↔ l’on a pu soupçonner→

Cette assignation ↔ qu’on m’avait su donner :→

Mais étant sur le point ↔ d’atteindre à la fenêtre→

J’ai, contre mon espoir, ↔ vu quelques gens partre,→

Qui sur moi brusquement ↔ levant chacun le bras→

M’ont fait manquer le pied ↔ et tomber jusqu’en bas ;→

Et ma chute aux dépens ↔ de quelque meurtrissure,

De vingt coups de bâton ↔ m’a sauvé l’aventure.→

Ces gens-là, dont était ↔ je pense mon jaloux,→

Ont imputé ma chute ↔ à l’effort de leurs coups,→

Et comme la douleurun assez long espace→

↑ M’a fait sans remuer demeurer sur la place,

Ils ont cru tout de bon ↔ qu’ils m’avaient assommé,→

Et chacun d’eux s’en est aussitôt alarmé.→

J’entendais tout leur bruit dans le profond silence [175] ,→

L’un l’autre ils s’accusaient ↔ ↑ de cette violence,→

Et sans lumre aucune en querellant le sort,

Sont venus doucement tâter si j’étais mort.→

Je vous laisse à penser si dans la nuit obscure,→

J’ai d’un vrai trépassé su tenir la figure.→

Ils se sont retirés avec beaucoup d’effroi ;→

Et comme je songeais à me retirer moi,

De cette feinte mort la jeune Agnès émue,→

Avec empressement est devers moi venue :→

Car les discours qu’entre eux ces gens avaient tenus,→

Jusques à son oreille étaient d’abord [176] venus,→

Et pendant tout ce trouble étant moins observée,

Du logis aisément elle s’était sauvée.→

Mais me trouvant sans mal ↔ elle a fait éclater→

Un transport difficile ↔ à bien représenter.→

Que vous dirai-je ? enfin ↔ cette aimable personne→

A suivi les conseils ↔ que son amour lui donne,

N’a plus voulu songer ↔ à retourner chez soi,→

Et de tout son destin ↔ s’est commise à ma foi.→

Considérez un peu ↔ par ce trait d’innocence→

Où l’expose d’un fou ↔ la haute impertinence ;→

Et quels fâcheux périls ↔ elle pourrait courir,

Si j’étais maintenant ↔ homme à la moins chérir ?→

Mais d’un trop pur amour ↔ mon âme est embrasée,→

J’aimerais mieux mourir ↔ que l’avoir abusée.→

Je lui vois des appas ↔ dignes d’un autre sort,→

Et rien ne m’en saurait ↔ séparer que la mort.

Je prévois là-dessus ↔ l’emportement d’un père :→

Mais nous prendrons le temps ↔ d’apaiser sa colère.→

À des charmes si doux ↔ je me laisse emporter,→

Et dans la vie, enfin, ↔ il se faut contenter.→

Ce que je veux de vous ↔ sous un secret fidèle,

C’est que je puisse mettre ↔ en vos mains cette belle,→

Que dans votre maison, ↔ en faveur de mes feux,→

Vous lui donniez retraite ↔ au moins un jour ou deux.→

Outre qu’aux yeux du monde ↔ il faut cacher sa fuite,→

Et qu’on en pourra faire ↔ une exacte poursuite [177] ,

Vous savez qu’une fille ↔ aussi de sa façon

Donne avec un jeune homme ↔ un étrange soupçon.→

Et comme c’est à vous, sûr de votre prudence→

Que j’ai fait de mes feux ↔ entre confidence ;→

C’est à vous seul aussi ↔ comme ami généreux

↑ Que je puis confier ↔ ce dépôt amoureux.

ARNOLPHE

Je suis, n’en doutez point, ↔ tout à votre service.

HORACE

Vous voulez bien me rendre ↔ un si charmant office ?

ARNOLPHE

Très volontiers, vous dis-je, ↔ et je me sens ravir→

De cette occasion ↔ que j’ai de vous servir.

Je rends grâces au Ciel ↔ de ce qu’il me l’envoie,→

Et n’ai jamais rien fait ↔ avec si grande joie.

HORACE

Que je suis redevable ↔ à toutes vos bontés !→

J’avais de votre part ↔ craint des difficultés :→

Mais vous êtes du monde, ↔ et dans votre sagesse

Vous savez excuser ↔ le feu de la jeunesse,→

Un de mes gens la garde ↔ au coin de ce détou[178] .

ARNOLPHE

Mais comment ferons-nous ? ↔ car il fait un peu jour ;→

Si je la prends ici, ↔ l’on me verra, peut-être,→

Et s’il faut que chez moi ↔ vous veniez à paraître,

Des valets causeront. ↔ ↑ Pour jouer au plus sûr,→

Il faut me l’amener ↔ dans un lieu plus obscur,→

Mon allée [179] est commode, ↔ et je l’y vais attendre.

HORACE

Ce sont ↑ précautions ↔ qu’il est fort bon de prendre.→

Pour moi je ne ferai ↔ que vous la mettre en main,

Et chez moi sans éclat ↔ je retourne soudain.

ARNOLPHE, seul.

Ah fortune ! ce trait ↔ d’aventure propice,→

Répare tous les maux ↔ que m’a faits ton caprice.

SCÈNE III

AGNÈS, ARNOLPHE, HORACE.

HORACE [180]

Ne so[i](y)[j]ez point en peine, ↔ où je vais vous mener, →

C’est un logement sûr ↔ que je vous fais donner. →

Vous loger avec moi, ↔ ce serait tout détruire, →

Entrez dans cette porte, ↔ et laissez-vous conduire. →

Arnolphe lui prend la main sans qu’elle le connaisse [181] .

AGNÈS

Pourquoi me quittez-vous ? ↔

HORACE

Chère Agnès, il le faut.

AGNÈS

Songez donc, je vous prie, ↔ à revenir bientôt.→

HORACE

J’en suis assez pressé ↔ par ma flamme amoureuse.→

AGNÈS

Quand je ne vous vois point, ↔ je ne suis point jo[i](y)[j]euse.→

HORACE

Hors de votre présence ↔ on me voit triste aussi.→

AGNÈS

Hélas ! s’il était vrai, ↔ vous resteriez ici.→

HORACE

Quoi ! vous pourriez douter ↔ de mon amour extrême ?→

AGNÈS

Non, vous ne m’aimez pas ↔ autant que je vous aime. →

(Arnolphe la tire.)

Ah l’on me tire trop ! ↔

HORACE

C’est qu’il est dangereux,

Chère Agnès, qu’en ce lieu ↔ nous so[i](y)[j]ons vus tous deux,→

Et ce parfait ami ↔ de qui la main vous presse [182] , →

Suit le zèle prudent ↔ qui pour nous l’intéresse.→

AGNÈS

Mais suivre un inconnu ↔ que...

HORACE

N’appréhendez rien,

Entre de telles mains vous ne serez que bien.

AGNÈS

Je me trouverais mieux ↔ entre celles d’Horace.→

HORACE

Et j’aurais...

AGNÈS à celui qui la tient.

Attendez. ↔

HORACE

Adieu, le jour me chasse.

AGNÈS

Quand vous verrai-je donc ? ↔

HORACE

Bientôt, assurément.

AGNÈS

Que je vais m’ennu[i](y)[j]er ↔ jusques à ce moment !→

HORACE

Grâce au Ciel, mon bonheur ↔ n’est plus en concurrence [183] , →

Et je puis maintenant ↔ dormir en assurance.

SCÈNE IV

ARNOLPHE, AGNÈS.

ARNOLPHEle nez dans son manteau.

Venez, ce n’est pas là ↔ que je vous logerai,→

Et votre gîte ailleurs ↔ est par moi préparé,→

Je prétends en lieu sûr ↔ mettre votre personne.→

Me connaissez-vous ?

AGNÈSle reconnaissant.

Hay.

ARNOLPHE

Mon visage, friponne,

Dans cette occasion ↔ rend vos sens effra[i](y)[i]és ;→

Et c’est à contre-cœur ↔ qu’ici vous me vo[i](y)[i]ez ;→

Je trouble en ses projets ↔l’amour qui vous possède,→

(Agnès regarde si elle ne verra point Horace.)

N’appelez point des yeux ↔le galant à votre aide,

Il est trop éloigné ↔pour vous donner secours ;→

Ah, ah, si jeune encor, ↑ vous jouez de ces tours,→

Votre simplicité, ↔qui semble sans pareille,→

Demande si l’on fait ↔les enfants par l’oreille,→

Et vous savez donner ↔des rendez-vous la nuit,

Et pour suivre un galant ↔vous évader sans bruit.→

Tudieu ? comme avec lui ↔ votre langue cajole [184] ;→

Il faut qu’on vous ait mise ↔à quelque bonne école.→

Qui diantre tout d’un coup ↔vous en a tant appris ?→

Vous ne craignez donc plus ↔de trouver des esprits ?

Et ce galant la nuit ↔vous a donc enhardie.→

Ah, coquine, en venir ↔à cette perfidie ;→

Malgré tous mes bienfaits ↔former un tel dessein,→

Petit serpent que j’ai ↔réchauffé dans mon sein,→

Et qui dès qu’il se sent, ↔par une humeur ingrate,

Cherche à faire du mal ↔à celui qui le flatte.

AGNÈS

Pourquoi me criez-vous ?

ARNOLPHE

J’ai grand tort en effet.

AGNÈS

Je n’entends point de mal ↔dans tout ce que j’ai fait.

ARNOLPHE

Suivre un galant n’est pas ↔une action infâme ?

AGNÈS

C’est un homme qui dit ↔qu’il me veut pour sa femme ;

J’ai suivi vos leçons, ↔et vous m’avez prêché

↑ Qu’il se faut marier ↔pour ôter le péché.

ARNOLPHE

Oui, mais pour femme moi ↔je prétendais vous prendre,→

Et je vous l’avais fait, ↔me semble, assez entendre.

AGNÈS

Oui, mais à vous parler ↔franchement entre nous,

Il est plus pour cela, ↔selon mon gt, que vous ;→

Chez vous ↑ le mariage ↔est fâcheux et pénible,→

Et vos discours en font ↔une image terrible :→

Mais las ! il le fait lui ↔si rempli de plaisirs,→

↑ Que de se marier ↔il donne des désirs.

ARNOLPHE

Ah, c’est que vous l’aimez, ↔traîtresse.

AGNÈS

Oui je l’aime.

ARNOLPHE

Et vous avez le front ↔de le dire à moi-même ?

AGNÈS

Et pourquoi s’il est vrai, ↔ne le dirais-je pas ?

ARNOLPHE

Le deviez-vous aime[185] ? ↔impertinente.

AGNÈS

Hélas !

Est-ce que j’en puis mais ? ↔Lui seul en est la cause,

Et je n’y songeais pas ↔lorsque se fit la chose.

ARNOLPHE

Mais il fallait chasser ↔cet amoureux désir.

AGNÈS

Le mo[i](y)[i]en de chasser ↔ce qui fait du plaisir ?

ARNOLPHE

Et ne saviez-vous pas ↔que c’était me déplaire ?

AGNÈS

Moi, point du tout, quel mal ↔cela vous peut-il faire ?

ARNOLPHE

Il est vrai, j’ai sujet ↔↑ d’en être réjoui,→

Vous ne m’aimez donc pas ↔à ce compte ?

AGNÈS

Vous ?

ARNOLPHE

Oui.

AGNÈS

Hélas, non.

ARNOLPHE

Comment, non ?

AGNÈS

Voulez-vous que je mente ?

ARNOLPHE

Pourquoi ne m’aimer pas, ↔Madame l’impudente ?

AGNÈS

Mon Dieu, ce n’est pas moi ↔que vous devez blâmer ;

Que ne vous êtes-vous ↔comme lui fait aimer ?→

Je ne vous en ai pas empêché, que je pense.

ARNOLPHE

Je m’y suis efforcé ↔de toute ma puissance ;→

Mais les soins que j’ai pris, ↔je les ai perdus tous.

AGNÈS

Vraiment il en sait donc ↔là-dessus plus que vous ;

Car à se faire aimer ↔il n’a point eu de peine.

ARNOLPHE

Vo[i](y)[i]ez comme raisonne ↔et répond la vilaine.→

Peste, une précieuse ↔en dirait-elle plus ?→

Ah ! je l’ai mal connue, ↔ou ma foi là-dessus→

Une sotte en sait plus ↔que le plus habile homme ;

Puisque en raisonnement ↔votre esprit se consomme [186] ,

La belle raisonneuse, ↔est-ce qu’un si long temps→

Je vous aurai pour lui ↔nourrie à mes dépens ?

AGNÈS

Non, il vous rendra tout ↔jusques au dernier double [187] .

ARNOLPHE

Elle a de certains mots ↔où mon dépit redouble,

Me rendra-t-il, coquine, ↔avec tout son pouvoir→

↑ Les obligations ↔ que vous pouvez m’avoir ?

AGNÈS

Je ne vous en ai pas de ↔ si grandes ↓ qu’on pense.

ARNOLPHE

N’est-ce rien que les soins ↔ d’élever votre enfance ?

AGNÈS

Vous avez là dedans ↔ bien opéré vraiment,

Et m’avez fait en tout ↔ instruire joliment ;→

Croit-on que je me flatte, ↔ et qu’enfin dans ma tête→

Je ne juge pas bien ↔ que je suis une bête ?→

Moi-même j’en ai honte, ↔ et dans l’âge je suis→

Je ne veux plus passer ↔ pour sotte, si je puis.

ARNOLPHE

Vous fu[i](y)[j]ez l’ignorance, ↔ et voulez, quoi qu’il cte,→

Apprendre du blondin ↔ quelque chose.

AGNÈS

Sans doute,

C’est de lui que je sais ↔ ce que je puis savoi[188] ,

Et beaucoup plus qu’à vous ↔ je pense lui devoir.

ARNOLPHE

Je ne sais qui [189] me tient ↔ qu’avec une gourmade

Ma main de ce discours ↔ ne venge la bravade.→

J’enrage quand je vois ↔ sa piquante froideur,→

Et quelques coups de poing ↔ satisferaient mon cœur.

AGNÈS

Hélas, vous le pouvez, ↔ si cela vous peut plaire.

ARNOLPHE

Ce mot, et ce regard ↔ désarme [190] ma colère,

Et produit un retour ↔ de tendresse et de cœur,→

↑ Qui de son action ↔ m’efface la noirceu[191] .

Chose étrange ! d’aimer, ↔ et que pour ces traîtresses→

Les hommes soient sujets ↔ à de telles faiblesses,→

Tout le monde connt ↔ ↑ leur imperfection.

Ce n’est qu’extravagance, ↔ ↑ et qu’indiscrétion ;→

Leur esprit est méchant, ↔ et leur âme fragile,→

Il n’est rien de plus faible ↔ et de plus imbécile,→

Rien de plus infidèle, ↔ et malgré tout cela

Dans le monde on fait tout ↔ pour ces animaux-là.

Hé bien, faisons la paix, ↔ va petite traîtresse,→

Je te pardonne tout, ↔ et te rends ma tendresse ;→

Considère par là ↔ l’amour que j’ai pour toi,→

Et me vo[i](y)[j]ant si bon, ↔ en revanche aime-moi.

AGNÈS

Du meilleur de mon cœur, ↔ je voudrais vous complaire,

Que me coûterait-il, ↔ si je le pouvais faire ?

ARNOLPHE

Mon pauvre petit bec, ↔ tu le peux si tu veu[192] .

(Il fait un soupir.) Écoute seulement ↔ ce soupir amoureux,→

Vois ce regard mourant, ↔ contemple ma personne,→

Et quitte ce morveux, ↔ et l’amour qu’il te donne ;

C’est quelque sort qu’il faut ↔ qu’il ait jeté sur toi,→

Et tu seras cent fois ↔ plus heureuse avec moi.→

Ta forte passion est ↔ d’être brave [193] et leste,→

Tu le seras toujours, ↔ va, je te le proteste ;→

Sans cesse nuit et jour ↔ je te caresserai,

Je te bouchonnerai [194] , ↔ baiserai, mangerai ;→

Tout comme tu voudras, ↔ tu pourras te conduire,→

Je ne m’explique point, ↔ et cela c’est tout dire.→

(À part.) ↑ Jusqu’où la passion ↔ peut-elle faire aller ?→

Enfin à mon amour ↔ rien ne peut s’égaler ;

Quelle preuve veux-tu ↔ que je t’en donne, ingrate ?→

Me veux-tu voir pleurer ? ↔ Veux-tu que je me batte ?→

Veux-tu que je m’arrache ↔ un côté de cheveux ?→

Veux-tu que je me tue ? ↔ Oui, dis si tu le veux,→

↑ Je suis tout prêt, cruelle, ↔ à te prouver ma flamme.

AGNÈS

Tenez, tous vos discours ↔ ne me touchent point l’âme.→

Horace avec deux mots ↔ en ferait plus que vous.

ARNOLPHE

Ah ! c’est trop me braver, ↔ trop pousser mon courroux ;→

Je suivrai mon dessein, ↔ bête trop indocile,→

Et vous dénicherez ↔ à l’instant de la ville ;

Vous rebutez mes vœux, ↔ et me mettez à bout ;→

Mais un cul de couven[195] ↔ me vengera de tout.

SCÈNE V

ARNOLPHE, AGNÈS, ALAIN [196] .

ALAIN

Je ne sais ce que c’est, ↔ Monsieur, mais il me semble→

Qu’Agnès et le corps mort ↔ s’en sont allés ensemble.

ARNOLPHE

La voici ; dans ma chambre ↔ allez me la nicher,

Ce ne sera pas là ↔ qu’il la viendra chercher,→

Et puis c’est seulement ↔ pour une demie-heure,→

Je vais pour lui donner ↔ une sûre demeure→

Trouver une voiture ; ↔ enfermez-vous des mieux,→

Et surtout gardez-vous ↔ de la quitter des yeux :

 

Peut-être que son âme ↔ étant dépa[i](y)[i]sée

Pourra de cet amour ↔ être désabusée.→

SCÈNE VI

ARNOLPHE, HORACE.

HORACE

Ah ! je viens vous trouver ↔ accablé de douleur,→

Le Ciel, Seigneur Arnolphe, ↔ a conclu [197] mon malheur,→

Et par un trait fatal ↔ d’une injustice extrême

On me veut arracher ↔de la beauté que j’aime.→

Pour arriver ici ↔mon père a pris le frai[198] ,

J’ai trouvé qu’il mettait ↔pied à terre ici près,→

Et la cause en un mot ↔d’une telle venue,→

Qui, comme je disais, ↔ne m’était pas connue,

↑ C’est qu’il m’a mar ↔sans m’en récrire rie[199] ,→

Et qu’il vient en ces lieux ↔ ↑ célébrer ce lien.→

Jugez, en prenant part ↔ ↑ à mon inquiétude,→

S’il pouvait m’arriver ↔ un contre-temps plus rude ;→

Cet Enrique, dont hier ↔je m’informais à vous,

Cause tout le malheur ↔ dont je ressens les coups ;→

Il vient avec mon père ↔↑ achever ma ruine,→

Et c’est sa fille unique ↔à qui l’on me destine.→

J’ai dès leurs premiers mots ↔ pensé ↑ m’évanouir,→

Et d’abord sans vouloir ↔ plus longtemps les ouïr ;

Mon père a[i](y)[i]ant parlé ↔de vous rendre visite→

L’esprit plein de fra[i](y)[i]eur ↔ je l’ai devancé vite :→

De grâce, gardez-vous ↔ de lui rien découvrir→

De mon engagement, ↔ qui le pourrait aigrir,→

Et tâchez, comme en vous ↔ il prend grande créance,

↑ De le dissuader ↔ de cette autre alliance[200].

ARNOLPHE

Oui-da.

HORACE

Conseillez-lui ↔de différer un peu,

Et rendez en ami ↔ce service à mon feu.

ARNOLPHE

Je n’y manquerai pas. ↔

HORACE

C’est en vous que j’espère.

ARNOLPHE

Fort bien

HORACE

Et je vous tiens ↔mon véritable père ;→

Dites-lui que mon âge... ↔ ah ! je le vois venir,→

Écoutez les raisons ↔que je vous puis fournir.→

Ils demeurent en un coin du théâtre.

SCÈNE VII

ENRIQUE, ORONTE, CHRYSALDE, HORACE, ARNOLPHE.

ENRIQUE, à Chrysalde.

Aussitôt qu’à mes yeux ↔je vous ai vu partre,→

Quand on ne m’t rien dit ↔j’aurais su vous conntre ;→

Je vous vois tous les traits ↔ de cette aimable sœu[201] ,

Dont l’hymen [202] autrefois ↔ m’avait fait possesseur ;→

Et je serais heureux, ↔ si la Parque cruelle→

M’eût laissé ramener ↔ cette épouse fidèle[203],→

Pour jouir avec ↑ moi ↔ des sensibles douceurs→

De revoir tous les siens ↔ après nos longs malheurs :

Mais puisque du destin ↔ la fatale puissance[204]

Nous prive pour jamais ↔ de sa chère présence,→

Tâchons de nous résoudre, ↔ et de nous contenter→

Du seul fruit amoureux ↔ qui m’en est pu rester,→

Il vous touche de près. ↔ Et sans votre suffrage

J’aurais tort de vouloir ↔ disposer de ce gage ;→

Le choix du fils d’Oronte ↔ est ↓ glorieux de soi,→

Mais il faut que ce choix ↔ vous plaise comme à moi [205] .

CHRYSALDE

C’est de mon jugement ↔ avoir mauvaise estime,→

Que douter si j’approuve ↔ un choix si légitime.

ARNOLPHEà Horace.

Oui, je vais vous servir ↔ de la bonne façon [206] .

HORACE

Gardez encore un coup... ↔

ARNOLPHE

N’a[i](y)[i]ez aucun soupçon.

ORONTEà Arnolphe.

Ah ! que cette embrassade ↔ est pleine de tendresse.

ARNOLPHE

Que je sens à vous voir, ↔ une grande allégresse.

ORONTE

Je suis ici venu... ↔

ARNOLPHE

Sans m’en faire récit, ↔

Je sais ce qui vous mène.

ORONTE

On vous l’a déjà dit ? ↔

ARNOLPHE

Oui.

ORONTE

Tant mieux.

ARNOLPHE

Votre fils ↔ à cet hymen [207] résiste,

Et son cœur prévenu ↔ n’y voit rien que de triste,→

Il m’a même pri[j]é ↔ de vous en détourner ;→

Et moi tout le conseil ↔ que je vous puis donner,

C’est de ne pas souffrir ↔ que ce nœud se diffère,→

Et de faire valoir ↔ l’autorité de père ;→

Il faut avec vigueur ↔ range[208] les jeunes gens,→

Et nous faison[209] contre eux ↔ à leur être indulgents.

HORACE

Ah trtre !

CHRYSALDE

Si son cœur ↔ a quelque répugnance,

Je tiens qu’on ne doit pas ↔ ↑ lui faire violence [210] ;→

Mon frère, que je crois, ↔ sera de mon avis.

ARNOLPHE

Quoi ? se laissera-t-il ↔ gouverner par son fils ?→

Est-ce que vous voulez ↔ qu’un père ait la mollesse→

De ne savoir pas faire ↔ obéir la jeunesse ?

Il serait beau vraiment, ↔ qu’on le vît aujourd’hui

Prendre loi de qui doit ↔ la recevoir de lui.→

Non, non, c’est mon intime, ↔ et sa gloire est la mienne,→

Sa parole est donnée, ↔ il faut qu’il la maintienne,→

Qu’il fasse voir ici ↔ de fermes sentiments,

Et force de son fils ↔ tous les attachements.

ORONTE

C’est parler comme il faut, ↔ et dans cette alliance,→

C’est moi qui vous réponds ↔ de son obéissance.

CHRYSALDEà Arnolphe.

Je suis surpris, pour moi, ↔ du grand empressement→

Que vous me faites voir ↔ pour cet engagement,→

Et ne puis deviner ↔ quel motif vous inspire...

ARNOLPHE

Je sais ce que je fais, ↔ et dis ce qu’il faut dire.

ORONTE

Oui, oui, Seigneur Arnolphe, ↔ il est...

CHRYSALDE

Ce nom l’aigrit,

C’est Monsieur de la Souche, ↔ on vous l’a déjà dit.

ARNOLPHE

Il n’importe.

HORACE

Qu’entends-je ? ↔

ARNOLPHEse retournant vers Horace.

Oui c’est là le mystère,

Et vous pouvez juger ↔ ce que je devais faire.

HORACE

En quel trouble...

SCÈNE VIII

GEORGETTE, HENRIQUE, ORONTE, CHRYSALDE, HORACE, ARNOLPHE.

GEORGETTE

Monsieur, ↔ si vous n’êtes auprès,

Nous aurons de la peine ↔ à retenir Agnès,→

Elle veut à tous coups ↔ s’échapper, et peut-être→

Qu’elle se pourrait bien ↔ jeter par la fenêtre.→

ARNOLPHE

Faites-la-moi venir, ↔ aussi bien de ce pas→

Prétends-je l’emmener, ↔ ne vous en fâchez pas,→

Un bonheur continu ↔rendrait l’homme superbe,→

Et chacun a son tour, ↔comme dit le proverbe.→

HORACE

Quels maux peuvent, ô Ciel ↔ égaler mes ennuis ?

Et s’est-on jamais vu ↔dans l’abîme où je suis ?→

ARNOLPHEà Oronte.

Pressez vite le jour ↔de la cérémonie,→

J’y prends part, et déjà ↔moi-même je m’en prie.→

ORONTE

C’est bien là notre dessein [211] .↔

SCÈNE IX

AGNÈS, ALAIN, GEORGETTE, HENRIQUE, ORONTE, CHRYSALDE, HORACE, ARNOLPHE.

ARNOLPHE

Venez, belle, venez,

Qu’on ne saurait tenir, ↔ et qui vous mutinez,→

Voici votre galant, ↔à qui pour récompense→

Vous pouvez faire une ↔humble et douce révérence [212] .→

(À Horace) Adieu, l’événement ↔trompe un peu vos souhaits ;→

Mais tous les amoureux ↔ne sont pas satisfaits.→

AGNÈS

Me laissez-vous, Horace, ↔ emmener de la sorte ?[213]

HORACE

Je ne sais j’en suis, ↔tant ma douleur est forte.→

ARNOLPHE

Allons, causeuse, allons. ↔

AGNÈS

Je veux rester ici.→

ORONTE

Dites-nous ce que c’est ↔que ce mystère-ci,→

Nous nous regardons tous ↔sans le pouvoir comprendre.→

ARNOLPHE

Avec plus de loisir ↔je pourrai vous l’apprendre,→

Jusqu’au revoir.

ORONTE

Où donc ↔prétendez-vous aller ?

Vous ne nous parlez point, ↔comme il nous faut parler.→

ARNOLPHE

Je vous ai conseillé ↔malgré tout son murmure,→

D’achever l’hyméné[214] . ↔

ORONTE

Oui, mais pour le conclure

Si l’on vous a dit tout, ↔ ne vous a-t-on pas dit→

Que vous avez chez vous ↔ celle dont il s’agit ?→

La fille qu’autrefois ↔ de l’aimable Angélique→

Sous des liens secrets ↔ eut le seigneur Enrique.→

Sur quoi votre discours ↔ était-il donc fondé ?→

CHRYSALDE

Je m’étonnais aussi ↔ de voir son procédé.→

ARNOLPHE

Quoi...

CHRYSALDE

D’un hymen [215] secret ↔ ma sœur eut une fille,

Dont on cacha le sort ↔ à toute la famille.→

ORONTE→

Et qui sous de feints noms ↔pour ne rien découvrir,→

Par son époux aux champs ↔fut donnée à nourrir.→

CHRYSALDE→

Et dans ce temps le sort ↔lui déclarant la guerre,→

L’obligea de sortir ↔de sa natale terre.→

ORONTE

Et d’aller essuyer ↔ mille périls divers→

Dans ces lieux séparés ↔de nous par tant de mers.→

CHRYSALDE

Où ses soins ont gagné ↔ ce que dans sa patrie→

Avaient pu lui ravir ↔l’imposture et l’envi[216] .→

ORONTE

Et de retour en France, ↔ il a cherché d’abord→

Celle à qui de sa fille ↔ ↑ il confia le sort.→

CHRYSALDE

Et cette pa[i](y)[i]sanne ↔ a dit avec franchise,→

Qu’en vos mains à quatre ans ↔ elle l’avait remise.→

ORONTE

Et qu’elle l’avait fait ↔ sur votre charité [217] ,→

Par un accablement ↔ d’extrême pauvreté.→

CHRYSALDE

Et lui plein de transport, ↔ et l’allégresse en l’âme [218] →

A fait jusqu’en ces lieux ↔ conduire cette femme.→

ORONTE

Et vous allez, enfin, ↔ la voir venir ici

Pour rendre aux yeux de tous ↔ce mystère éclairci.→

CHRYSALDE

Je devine à peu près ↔ quel est votre supplice,→

Mais le sort en cela ↔ ne vous est que propice ;→

Si n’être point cocu ↔ vous semble un si grand bien,→

Ne vous point marier ↔ en est le vrai mo[i](y)[i]en.→

ARNOLPHEs’en allant tout transporté et ne pouvant parler.

Oh !

ORONTE

D’ vient qu’il s’enfuit ↔ sans rien dire ?

HORACE

Ah mon père

Vous saurez pleinement ↔ ce surprenant mystère.→

Le hasard en ces lieux ↔avait exécuté

Ce que votre sagesse ↔ avait prémédité.→

J’étais par les doux nœuds ↔d’une ardeur mutuelle [219] ,→

Engagé de parole ↔avecque cette belle ;→

Et c’est elle en un mot ↔que vous venez chercher,→

Et pour qui mon refus ↔a pensé vous fâcher.→

ENRIQUE

Je n’en ai point douté ↔ d’abord que je l’ai vue,→

Et mon âme depuis ↔n’a cessé d’être émue.→

Ah ! ma fille, je cède ↔à des transports si doux.→

CHRYSALDE

J’en ferais de bon cœur, ↔mon frère, autant que vous.→

Mais ces lieux et cela ↔ne s’accommodent guères ;→

Allons dans la maison ↔débrouiller ces mystères,→

Pa[i](y)[i]er à notre ami ↔ ↑ ses soins officieux,→

Et rendre grâce au Ciel ↔ qui fait tout pour le mieux.



[1] - áåçóäàðíûé ñëîã; ‘ óäàðíûé ñëîã.

[2] Öåçóðà.

[3] Ñòðîêîâàÿ ïàóçà.

[4] Cette « dissertation » deviendra La Critique de l’École des femmes.

[5] Chagrin : mauvaise humeur.

[6] Pour se purger de sa magnificence : pour justifier ses dépenses fastueuses.

[7] Le mépris qui frappe la comédie tient à l’importante question du rire, phénomène qui suscite une grande méfiance chez les moralistes et les prédicateurs du grand siècle, car l’idée qu’ils s’en font condamne a priori tout effort de la comédie tendant à la reconnaissance des honnêtes gens. Non seulement le rire est une manifestation purement mécanique que la rationalité classique ne parvient pas à maîtriser et qui traduit une attitude de contestation pouvant à terme menacer l’équilibre social, mais c’est une attitude que l’Église ne peut que réprouver chez l’homme, sous le coup du péché originel, qui est censé faire ici bas le salut de son âme et non se divertir. Durant les années où s’élabore la doctrine classique, la société et les théoriciens adoptent le point de vue aristotélicien selon lequel « le risible est une partie du laid » (Poétique, 49a32), et nourrissent une méfiance profonde pour le rire, comme l’a montré Dominique Bertrand (Dire le rire à l’Age Classique). Cela explique que le rire ne constitue pas, avant Molière, un critère constitutif du genre comique. Corneille écrit, dans une épître à M. de Zuylichem précédant Dom Sanche d’Aragon :

Cet argument [la présence du rire] a été jusqu’ici tellement de la pratique de la comédie, que beaucoup ont cru qu’il était aussi de son essence, et je serais encore dans ce scrupule, si je n’en avais été guéri par votre M. Heinsius, de qui je viens d’apprendre heureusement que movere risum non constituit comoediam, sed plebis aucupium est, et abusus. (La comédie ne se définit pas par le rire qu’elle suscite ; ce n’est qu’un leurre pour le public, et un abus).

De même l’abbé D’Aubignac, dans sa Pratique du théâtre, ouvrage de référence publié en 7, mais médité quelque vingt ans plus tôt, qualifie avec mépris les farces d’« ouvrages indignes d’être mis au rang des poèmes dramatiques, sans art, sans parties, sans raison, et qui n’étaient recommandables qu’aux marauds et aux infâmes ». Et Boileau témoignera encore en 4 d’un même mépris dans son Art poétique :

Le comique ennemi des soupirs et des pleurs, N’admet point en ses vers de tragiques douleurs, Mais son emploi n’est pas d’aller, dans une place, De mots sales et bas charmer la populace. (v. –)

Le rire ne conquiert qu’avec Molière un droit de cité limité en revendiquant un sens et une utilité morale qu’on ne reconnaît pas auparavant ; la comédie, heureusement servie en cela par l’émergence de la notion de ridicule, prétend alors plaire et instruire en corrigeant les mœurs, ce que Boileau souligne dans ses Stances sur l’École des femmes que plusieurs gens frondaient :

En vain mille jaloux esprits, Molière, osent avec mépris Censurer ton plus bel ouvrage : Sa charmante naïveté S’en va pour jamais d’âge en âge Enjouer la postérité. Ta Muse avec utilité Dit plaisamment la vérité ; Chacun profite à ton École, Tout en est beau, tout en est bon, Et ta plus burlesque parole Est souvent un docte sermon.

La mutation est d’autant plus importante que Molière fait du rire un élément essentiel à sa poétique comique ; alors que, chez ses prédécesseurs, le rire était sporadique et souvent ornemental, il devient ici la clef de voûte du système théâtral. (Voir Dominique Bertrand, Dire le rire à l’Age Classique, Aix-en-Provence, PUP, 5).

[8] Sot est au XVIIe siècle synonyme de cocu.

[9] Triompher : " se réjouir, être fort aise " (Dictionnaire de Richelet, 9).

[10] Ñì. âûøå [10].

[11] De souffrance : de tolérance, de complaisance.

[12] Et... Mon Dieu, notre ami,↔

[13] VAR. Bien rusé qui pourram’attraper sur ce point (2). Huppé : habile, malin.

[14]  Réclamer : invoquer.

[15] Le corbillon est « ‘un petit jeu d’enfants où l’on s’exerce à rimer en on » (Dictionnaire de Furetière, 0).

[16]  Nous ajoutons les guillemets, ainsi que dans la suite de la scène.

[17] La marotte est le bâton des fous ; au figuré, c’est une passion violente, une passion qui rend fou.

[18] Issu des cours italienne de la Renaissance (Baltazar de Castiglione, Il Cortegiano, 8), cet idéal moral et social est théorisé par Nicolas Faret (L’Honnête Homme ou l’art de plaire à la Cour, 0), Guez de Balzac, puis par le chevalier de Méré (Conversations, 8, Discours, 7). L’honnête homme se montre agréable et sociable ; tout entier tourné vers autrui, il fait preuve d’urbanité, et il doit laisser soupçonner ses qualités sans attirer l’attention sur sa personne, bien qu’il ait divers talents intellectuels et artistiques, car il ne se pique de rien. Et dans ses pièces, Molière brosse le portrait de quelques personnages qui, tels Philinte et surtout Éliante dans Le Misanthrope, sont capables de vaincre leur amour-propre, de s’effacer devant les autres et de faire preuve de bienveillance à leur égard. Molière lui-même est présenté en ces termes par Jean Vivot, dans la préface de l’édition de 2 :

Ainsi il se fit remarquer à la Cour pour un homme civil et honnête, ne se prévalant point de son mérite et de son crédit, s’accommodant à l’humeur de ceux avec qui il était obligé de vivre, ayant l’âme belle, libérale : en un mot, possédant et exerçant toutes les qualités d’un parfaitement honnête homme.

Quand, dans La Critique de l École des femmes, Dorante, porte-parole de Molière, affirme que « c’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens », on peut se demander de qui il parle : s’agit-il, comme on le pense d’ordinaire, de ceux qu’on pourrait appeler les braves gens du public, ou, dans ce contexte polémique, de ces esprits raffinés, adeptes de l’art de plaire selon Faret ou Méré ? Si l’on n’oublie pas que l’honnête homme est celui qui se maîtrise parfaitement en toute situation et qui, dans cette perspective, réprime les éclats de rire, qui sont le propre du peuple, on est en droit de penser que Molière vise ici cette partie du public, si rétive à une poétique dont le comique est la pierre angulaire.

[19] une bête ↑ avec soi

[20] Il faut sous-entendre : « Je réponds... ».

[21] Rabelais, Tiers Livre, ch. V, où Pantagruel répond à Panurge : « Prêchez et patrocinez [plaidez] d’ici à la Pentecôte, enfin vous serez ébahi comment rien ne m’aurez persuadé. »

[22] VAR. De la lui demander↔il me vint en pensée. (2).

[23] Loin de toute pratique : de toute fréquentation.

[24] Idiote : simple et ignorante.

[25] Ññûëêà íà ñòàòüþ « Ïðèðîäà» íà ðåñóðñå http://www.toutmoliere.net/.

[26] VAR. On doit me condamner. (2).

[27] J’y consens. Vous pourrez↔

[28] Ne peut... La vérité

[29] Du mariage de Molière et d’Armande Béjart naît d’abord un fils, Louis, en janvier 4, dont Louis XIV représenté par le Duc de Créqui est le parrain, et Madame Henriette d’Angleterre représentée par la maréchale du Plessy la marraine, mais ce fils ne vit que dix mois. Il naît également une fille, Esprit-Madeleine, baptisée le 4 août 5, qui survivra à son père mais n’aura pas d’enfant elle-même. Plus tard, en 2, le couple a un troisième enfant, Pierre-Jean-Baptiste-Armand, qui ne vit que quelques jours, de sorte que Molière n’a pas de postérité.

[30] L’innocente Agnès pense que les femmes conçoivent par l’oreille, tout comme la Vierge Marie a conçu par l’oreille, puisque c’est par l’oreille qu’elle a appris le dessein de Dieu de faire d’elle la mère du Sauveur.

[31] Seigneur Arnolphe... Bon ;

[32] VAR. À quarante-deux ans↔de vous débaptiser. (2).

[33] Arnolphe n’aime pas son nom, parce que Saint Arnoul est considéré depuis le Moyen Age comme le patron des maris trompés.

[34] Thomas Corneille se faisait appeler Corneille de l’Isle, et Molière ne pouvait pas l’ignorer ; il est très probable qu’il n’était pas en bons termes avec le cadet des Corneille, avant la « Querelle de l’École des femmes ».

[35] Holà ! Qui heurte ? Ouvrez. ↔ On aura, que je pense,→

[36] Qui va là ? Moi. Georgette ?↔

[37] Hé bien ? Ouvre là-bas.→

[38] Vas-y, toi. Vas-y, toi.

[39] Qui frappe ? Votre mtre.

[40] Alain ? Quoi ? C’est Monsieur,→

[41] Ouvre vite. Ouvre, toi.→

[42] Ha. Par quelle raison ↔

[43] Dans les années 0, certains spécialistes de la littérature, comme Chapelain ou le grammairien Vaugelas, prennent conscience du rôle de plus en plus important que commence à jouer la cour ; ils sont loin de la mépriser, bien qu’elle soit alors en grande partie peuplée d’ignorants, car le bon usage qu’elle fait d’un langage clair, débarrassé des figures et des tours de langue surannés, intéresse ces doctes, et ils comprennent qu’elle constitue un public à séduire. Trente ans plus tard, elle est le lieu où il faut plaire si l’on veut faire connaître ses œuvres. Molière connaît bien le milieu de la Cour tout d’abord pour être lui-même détenteur d’une charge de Tapissier ordinaire du roi, ce qui lui vaut de se faire connaître du souverain et des courtisans, ainsi que la rapporte Jean Vivot dans la préface de l’édition de 2 : L’estime dont Sa Majesté l’honorait augmentait de jour en jour, aussi bien que celle des courtisans les plus éclairés, le mérite et les bonnes qualités de Monsieur de Molière faisant de très grands progrès dans tous les esprits. Son exercice de la comédie ne l’empêchait pas de servir le Roi dans sa charge de valet de chambre, où il se rendait très assidu. Ainsi il se fit remarquer à la Cour pour un homme civil et honnête, ne se prévalant point de son mérite et de son crédit, s’accommodant à l’humeur de ceux avec qui il était obligé de vivre, ayant l’âme belle, libérale : en un mot, possédant et exerçant toutes les qualités d’un parfaitement honnête homme. Ensuite, bien entendu, Molière connaît ce milieu puisque la troupe est régulièrement invitée à y donner des représentations ; elle y fait en mai 2, son premier séjour, ce qui constitue une consécration, car le goût de la Cour, différent de celui de la ville, influence au premier chef la production artistique de l’époque. Nombre de comédies y sont représentées pour la première fois, et il est certain que le genre de la comédie-ballet, par exemple, n’aurait pas vu le jour sans l’influence déterminante de Louis XIV. Les représentations qui y sont données contribuent d’autre part à l’enrichissement des troupes, comme le rapporte Chappuzeau, d’autant que ces séjours peuvent durer plusieurs semaines : Quand ils marchent à Saint-Germain, à Chambord, à Versailles ou en d’autres lieux, outre leur pension qui court toujours, outre les carrosses, chariots et chevaux qui leurs sont fournis de l’Écurie, ils ont de gratification en commun, mille écus par mois, chacun deux écus par jour pour leur dépense, leurs gens à proportion, et leurs logements par fourriers. Tout naturellement, Molière sait, en bon courtisan, souligner les qualités de la Cour, et il n’hésite pas à confier à Dorante, dans La Critique de l’Ecole des femmes, le soin de prendre sa défense contre les attaques abusives dont elle peut être l’objet de la part des envieux : […] Sachez, s’il vous plaît, Monsieur Lysidas, que les courtisans ont d’aussi bons yeux que d’autres, qu’on peut être habile avec un point de Venise et des plumes, aussi bien qu’avec une perruque courte et un petit rabat uni […] on s’y fait une manière d’esprit, qui sans comparaison, juge plus finement des choses, que tout le savoir enrouillé des pédants. (sc. 6) Il recommencera de manière encore plus vigoureuse dans Les Femmes savantes, par l’entremise de Clitandre : Vous en voulez beaucoup à cette pauvre cour,/Et son malheur est grand, de voir que chaque jour/Vous autres beaux esprits, vous déclamiez contre elle,/Que de tous vos chagrins vous lui fassiez querelle,/Et sur son méchant goût lui faisant son procès,/N’accusiez que lui seul de vos méchants succès./Permettez-moi, Monsieur Trissotin, de vous dire,/Avec tout le respect que votre nom m’inspire,/Que vous feriez fort bien, vos confrères, et vous,/De parler de la cour d’un ton un peu plus doux ;/Qu’à le bien prendre au fond, elle n’est pas si bête/Que vous autres Messieurs vous vous mettez en tête ;/Qu’elle a du sens commun pour se connaître à tout ;/Que chez elle on se peut former quelque bon goût ;/Et que l’esprit du monde y vaut, sans flatterie,/Tout le savoir obscur de la pédanterie. (III, 3) En fait, contrairement à une idée héritée de la IIIe République qui a voulu faire de Molière l’ami du peuple contraint de se faire l’amuseur de la Cour, il se trouve que notre poète y a joui d’un statut privilégié, étant choyé par Louis XIV qui lui confiait l’organisation de fêtes aussi somptueuses que Les Plaisirs de L’Île enchantée. Molière y possède une sorte de monopole, car sa troupe est souvent la seule invitée à la Cour, ce qui n’est pas sans susciter des jalousies. Toutes les premières, sauf L’Impromptu de Versailles et Psyché sont destinées au roi, qui danse lui-même dans de nombreux ballets. L’étoile de notre poète décline au moment où il souhaite entreprendre lui-même l’édition de ses œuvres complètes, en 1, comme s’il était sensible à la survie de son œuvre. Bien que cette démarche n’ait pas été dictée par l’appât du gain matériel, il est probable que la Cour n’en ait pas compris le sens, habituelle pour nos auteurs contemporains. Il semble qu’elle l’ait interprétée comme une manifestation d’indépendance, choquante de la part d’un courtisan comblé d’honneurs, pour lequel l’approbation du roi doit constituer la récompense suprême. (Voir sur cette question C.E.J. Caldicott, La Carrière de Molière entre protecteurs et éditeurs, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 8).

[44] VAR. Le plaisant sratagème ! (2).

[45] Ni toi non plus. Ni toi.→

[46] C’est moi. Sans le respect ↔

[47] Je te... Peste. Pardon.

[48] Nous nous... Qui vous apprend, ↔

[49] Triste ! Non. Non ! Si fait.→

[50] Hor... Seigneur Ar... Horace.→

[51] Vous vo[i](y)[i]ez. Mais, de grâce,

[52] VAR. Que fait-il à présent ? est-il toujours gaillard ? (2).

[53] Ce vers est mis dans la bouche d’Horace dans l’édition de 3. Nous corrigeons cette erreur d’après l’édition de 2.

[54] VAR. Non ; mais vous a-t-on dit comme on le nomme ?

[55] VAR. Pour un fait important que ne dit pas sa lettre.

[56] Ññûëêà íà ñòàòüþ « Amis » íà ïîðòàëå «http://www.toutmoliere.net.

[57] VAR. Il faut pour les amis des lettres moins civiles.

[58] Cent pistoles font mille livres, ce qui est une grosse somme au XVIIe siècle.

[59] Horace voudrait donner à Arnolphe un reçu, mais Arnolphe refuse ces façons d’agir de banquier ou de notaire (« Laissons ce style »).

[60] Coqueter : "se plaire à cojoler, ou à être cajolée (Dictionnaire de Furetière, 0).

[61] Ññûëêà íà ñòàòüþ « comédie» íà ïîðòàëå «http://www.toutmoliere.net.

[62] Féru : blessé d’amour.

[63] Objet, qui désigne aussi bien un homme qu’une femme, n’est pas péjoratif au XVIIe siècle.

[64] Ññûëêà íà ñòàòüþ « ridicule » íà ïîðòàëå «http://www.toutmoliere.net.

[65] Ññûëêà íà ñòàòüþ « rire » íà ïîðòàëå «http://www.toutmoliere.net.

[66] Je devais me contraindre : j’aurais dû me contraindre.

[67] VAR. Tâchons de le rejoindre. (2).

[68] Sans doute : sans aucun doute, assurément.

[69] VAR. Et laisser un champ libre aux yeux d’un damoiseau. (2).

[70] VAR. Et tout ce qu’elle fait, enfin est sur mon compte. (2). L’édition de 2 indique que les vers  à  étaient sautés à la représentation.

[71] Prévenu : obsédé, obnubilé par les soupçons.

[72] D’après 4, Arnolphe dit les vers  et  à part ; il arrête Alain qui veut s’enfuir (« Tu veux prendre la fuite ! »), puis il saisit le bras de Georgette qui veut faire de même (« Si tu bouges… ») ; il se retourne alors contre Alain (« Euh !… ») ; enfin, au moment où il reprend son discours (« Oui, je veux que tous deux… »), les deux serviteurs font encore une tentative de fuite.

[73] Ññûëêà íà ñòàòüþ « mort » íà ïîðòàëå «http://www.toutmoliere.net.

[74] Le cœur me faut : le cœur me manque.

[75] Ah, Ah. Le cœur me faut.→

[76] Je meurs. Je suis en eau, ↔

[77] VAR. Lorsque leurs femmes sont avec les beaux monsieurs ? (2).

[78] Comme une instruction

[79] VAR. (À Alain et Georgette) (2).

[80] Fort belle. Le beau jour !

[81] Fort beau ! Quelle nouvelle ?

[82] qu’un homme... Chose sûre.

[83] VAR. Oui ; mais quand je l’ai vu, vous ignoriez pourquoi. (2).

[84] VAR. Ne voulant point céder ni recevoir l’ennui. (2).

[85] Fort bien. Le lendemain

[86] Nous ajoutons les guillemets.

[87] Avoir la conscience : avoir la liberté, en toute conscience, de…

[88] Molière, qui a l’intelligence de la situation sociale de son temps, vise la conquête simultanée de deux publics différents et sa troupe donne pour cela deux types de représentations ; les unes ont lieu bien entendu dans son Théâtre du Petit-Bourbon, puis dans celui du Palais-Royal, les autres en privé, dans les hôtels particuliers des Grands du royaume. Le poète sait, en courtisan avisé, entretenir des relations privilégiées avec les aristocrates qu’il a connu dès son séjour en province, de sorte que de retour à Paris, la troupe joue fréquemment en visites, jusqu’à son adoption par le roi en 5 qui y met un terme. Elle donne ainsi  représentations au cours de 75 visites chez 42 hôtes, et autant de représentations chez le roi pour une quarantaine de visites, selon C.E.J. Caldicott d’après le registre de La Grange. Ce sont même ces visites qui sauvent la troupe d’une faillite financière en 0, quand le Théâtre du Petit-Bourbon est détruit sans préavis par le surintendant des bâtiments du roi, M. de Ratabon, et que Molière se trouve sans salle durant trois mois, jusqu’à ce que le souverain ne fasse remettre en état la vieille salle du Palais Royal. (Voir C.E.J. Caldicott, La Carrière de Molière entre protecteurs et éditeurs, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 8).

[89] VAR. Il disait qu’il m’aimait d’une amour sans seconde. (2).

[90] Ouf. Hé, il m’a... Quoi ? Pris...

[91] Euh ! Le... Plaît-il ? Je n’ose,→

[92] Non. Si fait. Mon Dieu ! non. ↔

[93] VAR. N’a-t-il pas exigé de vous d’autre remède ? (2).

[94] Affronter quelqu’un : lui faire un affront.

[95] Ññûëêà íà ñòàòüþ « rire » íà ïîðòàëå «http://www.toutmoliere.net.

[96] Hélas : il arrive que cette interjection ne marque ni le regret ni la douleur, mais l’attendrissement (Cf. Les Femmes savantes, IV, 5, v. 7 : « Hélas ! dans cette humeur conservez-le toujours ! »).

[97] Issu des cours italienne de la Renaissance (Baltazar de Castiglione, Il Cortegiano, 8), cet idéal moral et social est théorisé par Nicolas Faret (L’Honnête Homme ou l’art de plaire à la Cour, 0), Guez de Balzac, puis par le chevalier de Méré (Conversations, 8, Discours, 7). L’honnête homme se montre agréable et sociable ; tout entier tourné vers autrui, il fait preuve d’urbanité, et il doit laisser soupçonner ses qualités sans attirer l’attention sur sa personne, bien qu’il ait divers talents intellectuels et artistiques, car il ne se pique de rien. Et dans ses pièces, Molière brosse le portrait de quelques personnages qui, tels Philinte et surtout Éliante dans Le Misanthrope, sont capables de vaincre leur amour-propre, de s’effacer devant les autres et de faire preuve de bienveillance à leur égard. Molière lui-même est présenté en ces termes par Jean Vivot, dans la préface de l’édition de 2 :

Ainsi il se fit remarquer à la Cour pour un homme civil et honnête, ne se prévalant point de son mérite et de son crédit, s’accommodant à l’humeur de ceux avec qui il était obligé de vivre, ayant l’âme belle, libérale : en un mot, possédant et exerçant toutes les qualités d’un parfaitement honnête homme.

Quand, dans La Critique de l École des femmes, Dorante, porte-parole de Molière, affirme que « c’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens », on peut se demander de qui il parle : s’agit-il, comme on le pense d’ordinaire, de ceux qu’on pourrait appeler les braves gens du public, ou, dans ce contexte polémique, de ces esprits raffinés, adeptes de l’art de plaire selon Faret ou Méré ? Si l’on n’oublie pas que l’honnête homme est celui qui se maîtrise parfaitement en toute situation et qui, dans cette perspective, réprime les éclats de rire, qui sont le propre du peuple, on est en droit de penser que Molière vise ici cette partie du public, si rétive à une poétique dont le comique est la pierre angulaire.

[98] en toute honnête

[99] Est-il possible ? Oui. ↔

[100] L’hymen : le mariage.

[101] Nous serons mariés ? Oui. ↔

[102] Mais quand ? ↑ Dès ce soir.

[103] AGNÈS

↑ Nous serons mariés ?

ARNOLPHE

Oui.

AGNÈS

Mais quand ?

ARNOLPHE

Dès ce soir.

[104]grande obligation !

[105] Avec qui ? Avec... là. ↔

[106] AGNÈS, faute de savoir le nom d’Horace, ne peut que dire , adverbe qui marque l’embarras dans la conversation courante. Arnolphe reprend ce  en lui donnant en revanche un sens très précis, car il sait bien, lui, comment se nomme le jeune homme.

[107] Las ! il est si bien fait. ↔ C’est... Ah que de langage !

[108] Montez là-haut. Mais quoi, ↔

[109] voulez-vous... C’est assez.→

[110] Reprise parodique et burlesque d’un des vers essentiels du Ve acte de Sertorius de Corneille, représenté pour la première fois le 25 février 2. À l’acte V, scène 6, Pompée interrompt le criminel Perpenna et l’envoie à la mort en lui disant précisément ce qu’Arnolphe dit ici à Agnès.

[111] Un sage directeur : un directeur de conscience (rappelons que ce rôle pouvait, au XVIIe siècle être tenu par un laïc).

[112] VAR. Et laisser un champ libre aux yeux d’un damoiseau. (2).

[113] Ññûëêà íà ñòàòüþ « honnêteté » íà ïîðòàëå «http://www.toutmoliere.net.

[114] VAR. Et tout ce qu’elle fait, enfin est sur mon compte. (2). L’édition de 2 indique que les vers  à  étaient sautés à la représentation.

[115] Prévenu : obsédé, obnubilé par les soupçons.

[116] D’après 4, Arnolphe dit les vers  et  à part ; il arrête Alain qui veut s’enfuir ("Tu veux prendre la fuite !"), puis il saisit le bras de Georgette qui veut faire de même ("Si tu bouges...") ; il se retourne alors contre Alain ("Euh !...") ; enfin, au moment où il reprend son discours ("Oui, je veux que tous deux..."), les deux serviteurs font encore une tentative de fuite.

[117] Le c ?ur me faut : le c ?ur me manque.

[118] Si votre âme les suit

[119] elle fasse un faux bond

[120] VAR. Lorsque leurs femmes sont avec les beaux monsieurs ? (2).

[121] L’édition de 2 indique qu’un certain nombre de vers de ces Maximes étaient sautés à la représentation :  à ,  à  et  à .

[122] elle étouffe les coups

[123] Elle ne doit plaire à personne

[124] Qu’elle se défende bien

[125] On ne donne rien pour rien

[126] Un cadeau est un "repas qu’on donne hors de chez soi, particulièrement à la campagne" (Dictionnaire de Furetière, 0).

[127] « Blanchir se dit des coups de canon qui ne font qu’effleurer une muraille et y laissent une marque blanche » (Dictionnaire de Furetière, 0). Au figuré, se dit d’un argument ou d’une idée sans force convaincante, sans valeur démonstrative.

[128] L’édition de 2 indique que les vers  à  et  à  étaient sautés à la représentation.

[129] En pourraient bien que dire : auraient beaucoup à dire.

[130] Mettons donc sans façons : couvrons-nous sans cérémonie.

[131] L’événement : l’issue, le résultat.

[132] Le patron : le maître du logis. Le mot a une nuance familière et un peu méprisante.

[133] Nous ajoutons les guillemets, ainsi que dans la suite de la scène.

[134] Quelque intelligence : quelque complicité dans la maison.

[135] Comédie en cinq actes et en prose, représentée le 9 septembre 8 au théâtre du Palais-Royal, dont le thème est inspiré de L’Aulularia de Plaute.

Élise, fille du riche bourgeois Harpagon, s’est fiancée en secret à Valère, qui s’est introduit dans la maison comme intendant. Cléante, le frère d’Élise, aime de son côté la jeune Mariane, hélas sans fortune. Mais Harpagon forme le projet d’épouser lui-même Mariane et de marier Élise au vieil Anselme, car celui-ci l’accepte « sans dot ». Cléante, qui cherche à se procurer de l’argent, s’aperçoit que l’usurier qui le saigne n’est autre que son propre père. Harpagon, quant à lui, se laisse convaincre par l’entremetteuse, Frosine, du fait que Mariane n’aime que les vieillards et qu’elle vit de peu. Pour recevoir Mariane, Harpagon veille à ce que le souper soit peu coûteux, mais celle-ci profite de l’occasion pour s’entretenir avec Cléante de leur amour, et le jeune homme retire de la main de son père, furieux, une bague qu’il offre à sa bien-aimée. Les soupçons d’Harpagon le poussent à tendre un piège à son fils : il feint de lui abandonner Mariane pour lui faire avouer son amour, puis le déshérite et le chasse. Mais le vol de sa cassette le jette dans la colère et l’affliction. Accusé faussement de ce crime, Valère avoue, à la faveur d’un quiproquo, son amour pour Élise, ce qui accroît la fureur d’Harpagon. L’heureuse arrivée du seigneur Anselme dénoue la situation, car il reconnaît, en Mariane et Valère, les enfants qu’un naufrage lui a jadis enlevés. Les jeunes gens peuvent se marier et Harpagon retrouve sa « chère cassette. »

Contrairement à ce que nous pourrions penser, la pièce obtient un succès très médiocre, préfigurant la longue éclipse qu’elle connaîtra ensuite jusqu’au XXe siècle.

[136] Molière, qui a l’intelligence de la situation sociale de son temps, vise la conquête simultanée de deux publics différents et sa troupe donne pour cela deux types de représentations ; les unes ont lieu bien entendu dans son Théâtre du Petit-Bourbon, puis dans celui du Palais-Royal, les autres en privé, dans les hôtels particuliers des Grands du royaume. Le poète sait, en courtisan avisé, entretenir des relations privilégiées avec les aristocrates qu’il a connu dès son séjour en province, de sorte que de retour à Paris, la troupe joue fréquemment en visites, jusqu’à son adoption par le roi en 5 qui y met un terme. Elle donne ainsi  représentations au cours de 75 visites chez 42 hôtes, et autant de représentations chez le roi pour une quarantaine de visites, selon C. E. J. Caldicott d’après le registre de La Grange. Ce sont même ces visites qui sauvent la troupe d’une faillite financière en 0, quand le Théâtre du Petit-Bourbon est détruit sans préavis par le surintendant des bâtiments du roi, M. de Ratabon, et que Molière se trouve sans salle durant trois mois, jusqu’à ce que le souverain ne fasse remettre en état la vieille salle du Palais Royal. (Voir C.E.J. Caldicott, La Carrière de Molière entre protecteurs et éditeurs, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 8).

[137] Ññûëêà íà ñòàòüþ « personnage » íà ïîðòàëå «http://www.toutmoliere.net.

[138] VAR. Arnolphe rit d’un air forcé. (2).

[139] Et de grès fait parade : et cherche à parer le danger que je représente à ses yeux en me faisant jeter un grès.

[140] Et qu’abuse à ses yeux, par sa machine même : et que trompe, à son nez et à sa barbe, en utilisant la machine de guerre qu’il a imaginée, celle qu’il veut tenir...

[141] VAR. Mais il faut qu’en ami je vous montre sa lettre. (2).

[142] Ññûëêà íà ñòàòüþ « nature » íà ïîðòàëå «http://www.toutmoliere.net.

[143] VAR. Un plus beau naturel se peut-il faire voir. (2).

[144] Sans doute : assurément.

[145] Qu’on se puisse... servir à la pareille : qu’on puisse se rendre service à charge de revanche.

[146] L’édition de 1682 indique que les vers 982 à 993 étaient sautés à la représentation.

[147] Ni support : ni appui, ni protection.

[148] Vers 1046-1047 : « De peur d’être trompé, il vous faudra ne pas donner quittance de la dot au dos du contrat sans avoir reçu les sommes en question. »

[149] Vers 1057-1058 : « La règle est que le futur doit assigner à la future un douaire égal au tiers de sa dot. »

[150] Le préciput est "un avantage que l’on stipule dans les contrats de mariage en faveur du survivant, qu’il doit prendre sur les biens du prédécédé, avant le partage de la succession" (Dictionnaire de Furetière, 1690).

[151] Le douaire préfix est perdu par les héritiers de la femme ; le douaire sans retour passe à sa mort à ses hoirs (héritiers) ; le douaire coutumier donne à la femme la moitié des biens du mari ; enfin, les époux peuvent se faire une donation entre vifs, simple (au profit d’un seul époux) ou mutuelle (au profit de l’un ou de l’autre).

[152] Conquêts  : ce que les époux acquièrent durant leur mariage (nous dirions acquets).

[153] La peste soit fait l’homme : l’absence d’accord de fait avec peste n’est pas surprenant au XVIIe siècle (cf. Les Fâcheux, vers 361).

[154] Il en tient : il est ivre. L’expression signifie aussi, suivant le contexte : il est amoureux.

[155] À la différence de 1663, 1682 ne compte pas Arnolphe parmi les personnages de cette scène : il a en effet laissé seul le Notaire (voir plus haut le vers 1082).

[156] Le douaire préfix est perdu par les héritiers de la femme ; le douaire sans retour passe à sa mort à ses hoirs (héritiers) ; le douaire coutumier donne à la femme la moitié des biens du mari ; enfin, les époux peuvent se faire une donation entre vifs, simple (au profit d’un seul époux) ou mutuelle (au profit de l’un ou de l’autre).

[157] Un tel accessoire : un si grand danger.

[158] Becque cornu : de l’italien becco cornuto, bouc cornu.

[159] VAR. Enfin, après vingt tours... (1682).

[160] Ññûëêà íà ñòàòüþ « personnage» íà ïîðòàëå «http://www.toutmoliere.net.

[161] VAR. Et, goûtât-on cent fois un bonheur tout parfait. (1682).

[162] Tirer du pair (ou de pair) : distinguer.

[163] L’édition de 1682 indique que les vers 1186 à 1205 étaient sautés à la représentation.

[164] L’hymen : le mariage.

[165] VAR. Et pour se bien conduire en ces difficultés. (1682).

[166] Un cadeau est un "repas qu’on donne hors de chez soi, particulièrement à la campagne" (Dictionnaire de Furetière, 1690).

[167] D’une âme réduite : d’une âme résignée.

[168] Traiter les gens de haut en bas : les traiter avec mépris.

[169] Sur le pied de nous être fidèles : fortes du fait qu’elles nous sont fidèles.

[170] Cet éloge burlesque du cocuage (Voir Patrick Dandrey, L’éloge paradoxal de Gorgias à Molière, Paris, PUF, 1997) ne doit évidemment pas être pris au sérieux, et il faut être Bossuet pour voir que Molière y « étale au grand jour les avantages d’une infâme tolérance dans les maris » (Maximes et réflexions sur la Comédie, § 5).

[171] VAR. Auriez-vous bien l’esprit de servir mon courroux ? (1682).

[172] VAR. S’il ne tient qu’à frapper, mon Dieu, tout est à nous (1682).

[173] VAR. La mienne, quoique aux yeux elle semble moins forte (1682).

[174] Devait : aurait dû.

[175] VAR. J’entendis tout le bruit dans le profond silence. (1682).

[176] D’abord : immédiatement.

[177] VAR. Et qu’on en pourrait faire une exacte poursuite. (1682). Poursuite : action de suivre à la trace, de rechercher.

[178] Ce détour : ce tournant de rue.

[179] Mon allée : une allée peut être "un corridor entre des bâtiments où l’on va d’un lieu à un autre" (Dictionnaire de Furetière, 1690). Mais pourquoi Arnolphe dit-il mon allée, alors qu’Horace le croit domicilié à l’autre bout de la ville ? Il y a là une difficulté.

[180] VAR. à Agnès. (1682).

[181] Qu’elle le connaisse : qu’elle le reconnaisse.

[182] VAR. Et le parfait ami de qui la main vous presse. (1682).

[183] N’est plus en concurrence : n’est plus menacé par l’amour du jaloux.

[184] Cajoler : parler, jaser (sens vieilli).

[185] Le deviez-vous aimer : auriez-vous dû l’aimer ?

[186] Se consommer : se parfaire, atteindre la perfection.

[187] Le double était une pièce de deux deniers (il fallait six deniers pour faire un sou).

[188] VAR. C’est de lui que je sais ce que je peux savoir (1682).

[189] Qui : ce qui.

[190] Les deux verbes désarme et produit sont au singulier malgré les deux sujets. Il s’agit soit d’un latinisme (accord avec le sujet le plus rapproché), soit d’une licence poétique.

[191] VAR. Qui de son action efface la noirceur. (1682).

[192] VAR. Mon pauvre petit cœur, tu le peux, si tu veux. (1682). « Faire le petit bec », c’est faire la petite bouche, faire la mignonne, comme l’indique le dictionnaire de l’Académie (1694).

[193] Brave : élégante ; leste : habillée de vêtements légers et pimpants.

[194] Bouchonner, c’est frictionner le dos et les flancs d’un cheval avec un bouchon de paille. Employer le mot à propos d’une femme relève du burlesque.

[195] Un cul de couvent : l’endroit le plus resserré, le mieux gardé d’un couvent.

[196] Les éditions de 1663 et de 1682 indiquent : ALAIN, ARNOLPHE. Nous corrigeons d’après celle de 1734.

[197] A conclu : a décidé.

[198] Le père d’Horace a choisi la fraîcheur de la nuit pour voyager : il est parti au milieu de la nuit et il est arrivé au petit matin.

[199] VAR. C’est qu’il m’a marié sans m’en écrire rien. (1682).

[200] de cette autre alliance.

[201] VAR. J’ai reconnu les traits de cette aimable s ?ur. (1682).

[202] L’hymen : le mariage.

[203] cette épouse fidèle

[204] [la fa]tale ↓ puissance

[205] L’édition de 1682 indique que les vers 1164 à 1667 étaient sautés à la représentation.

[206] VAR. Oui, je veux vous servir de la bonne façon. (1682)

[207] L’hymen : le mariage.

[208] Ranger : faire obéir.

[209] Nous faisons : nous agissons.

[210] VAR. Je tiens qu’on ne doit pas lui faire résistance. (1682).

[211] VAR. C’est bien mon dessein. (1682).

[212] Allusion railleuse aux révérences qu’Agnès a faites à Horace (ci-dessus vers 485-502) : ce sera là une dérisoire compensation (c’est le sens du mot récompense) pour Horace.

[213] de la sorte — òàê; òàêèì îáðàçîì

[214] L’hyménée : le mariage.

[215] L’hymen : le mariage.

[216] L’édition de 1682 indique que les vers 1746 à 1749, et 1754 à 1757 étaient sautés à la représentation.

[217] Sur votre charité : à cause de votre charité.

[218] VAR. Et lui plein de transport et d’allégresse en l’âme. (1682).

[219] VAR. J’étais par les doux n ?uds d’une amour mutuelle. (1682).