Robert THOMAS
«HUIT FEMMES»
C
PERSONNAGES
LA FAMILLE
GABY, la mère. Une belle femme de 45 ans,
élégante, racée, la parfaite bourgeoise. Aime beaucoup son confort, un peu ses
filles… et très peu: son mari…
SUZON, sa fille aînée, 20 ans, jolie,
fraîche, charmante. Fait ses études en Angleterre, ce qui fait très chic…
CATHERINE, sa fille cadette, 17 ans, espiègle,
très « nouvelle vague », adore les r
MAMY, la grand-mère, provinciale dépassée
par les événements, songe à ses rentes, à son confort, s’est fait héberger dans
la maison, adore sa famille (Dit-elle !)
AUGUSTINE, sœur de Gaby, physique acide. Se plaint de tout,
toujours à tout le monde. A cherché en vain un mari qu’elle n’a pas trouvé.
Elle fait payer cet échec à sa famille. Passe les fêtes de Noël avec plaisir,
car elle est gourmande.
LA
DOMESTICITÉ
Madame
CHANEL, charmante dame de 50 ans.
Elle a élevé les enfants. Fait presque partie de la famille. Doit savoir pas
mal de petits secrets qu’elle ne dira jamais. Une brave femme… (Sans doute ?)
LOUISE, la nouvelle femme de chambre, 25 ans,
belle fille, assez insolente et perverse… Ne se laisse pas monter sur les
pieds… De la dynamite.
EL…
CELLE QU’ON N’ATTENDAIT PAS…
PIERRETTE, une belle femme de 35 ans. De la
croupe, de la mâchoire, du réflexe. « Ancienne danseuse nue », disent
ces dames… «Pure c
DECOR
UNIQUE
Le
salon-bibliothèque dans une belle, élégante et charmante demeure provinciale.
On doit sentir un certain, bon goût (un peu provincial peut-être), mais riche…
Grand
canapé devant le feu de bois d’une belle cheminée. Une bergère de repos, des
tables, des fauteuils, un bureau, des tableaux de famille, une grande
bibliothèque…
Au
fond, une très large baie nous découvre une terrasse et la campagne. C’est
l’hiver. Les arbres du grand parc sont couverts de neige. Au centre de la baie,
une porte avec des vitraux de couleurs, C’est la porte d’entrée principale.
Face
à cette porte, après un petit espace qui représente un « hall », un
escalier monte aux chambres du premier étagje. Cet escalier en beau bois, ciré
large et confortable occupe tout le fond de la scène, car il fait un coude vers
nous, puis il arrive à un couloir. Une porte est disposée face à nous, à
mi-hauteur. (C’est la porte du père.)
On
peut sortir de cette pièce et aller dans les différentes parties de la maison
par trois issues (qui sont de belles portes avec tentures) : A gauche vers
la salle à manger ; au fond vers un fumoir ; enfin à droite, vers
l’office.
Matinée
d’hiver, un rayon de soleil un peu pâle fait jouer les vitraux. Atmosphère
chaude et provinciale. Le feu pétille. Une pendule sonne dix coups, quelque
part dans la maison.
On
voit la grand-mère se glisser dans le
salon et atteindre la bibliothèque. Elle se déplace dans un fauteuil à
roulettes… (Note de l’auteur : ce fauteuil est facultatif). Elle regarde
à gauche et à droite, puis fait jouer un déclic dans les livres, déclenchant la
porte d’une cachette. Mais elle entend du bruit, elle referme tout et se sauve. Madame Chanel descend l’escalier, écoute à
la porte du père.
Soudain,
on entend à l’extérieur un klaxon de voiture. Madame Chanel descend et court à
la baie en s’essuyant les mains à son tablier.
Madame Chanel, Louise
Madame CHANEL, folle de joie. La voilà ! La
voilà ! Elle fait de grands signes vers le parc, puis revient crier au
bas de l’escalier. Voilà Suzanne qui arrive ! Voilà Suzon ! Le
mauvais temps n’a pas retardé le train !
En
haut des marches apparaît Louise, la
bonne, un plateau à la main.
Voilà, Mademoiselle !
LOUISE. Oui ! Oui ! J’ai entendu !
Madame CHANEL. Ah ! si vous saviez c
LOUISE. Je sais…
Madame CHANEL. Mais les années vous poussent et voilà que ma
Suzon a dépassé vingt ans ! Depuis qu’elle est partie dans ce collège
anglais, je ne la vois plus que deux fois l’an. Quel beau Noël nous allons
avoir !
LOUISE, sans conviction. ui… Ça va !
Madame CHANEL. C’est un peu ma petite fille… Ah !
l’arbre ! Elle va à son gros paquet dont elle essaie de défaire la
ficelle.
LOUISE. Vous rabâchez la même histoire depuis deux mois
que je suis ici. Elle va débarrasser mollement la table enc
Madame CHANEL. Quand on travaille dans une maison depuis quinze
ans, on finit par croire qu’on est chez soi et que les enfants sont à
vous !.. Vous verrez !..
LOUISE. Si vous croyez que je vais passer ma vie à faire la
boniche !
Madame
CHANEL. C’est un métier qui ne vous
plaît pas ?
LOUISE. Pas beaucoup.
Madame CHANEL. Alors, pourquoi le faites-vous ?
LOUISE, interdite, puis. Faut bien vivre…
Madame CHANEL. Vous êtes t
LOUISE. Vous trouvez ?
Madame CHANEL. Ah ! de mon temps !.. Je veux dire du
temps où Mademoiselle Suzon était là, c’était plais gai !
LOUISE. Evidemment ! C’est bien ma chance.
Madame CHANEL. Nous allons passer de merveilleuses fêtes de
Noël ! Elle fouille dans le bureau à la recherche de ciseaux.
LOUISE, qui croque le sucre qui reste. C’est
ça ! La veillée aux chandelles ! Que voulez-vous qu’on fasse
d’autre ? On est à cinq kil
Madame CHANEL. La télévision ? Bah ! vous ne perdez
rien, ça fait mal aux yeux !..
Louise
hausse les épaules.
C’est le déjeuner de Monsieur que vous avez
monté ?
LOUISE. Non, c’est celui de la petite.
Madame CHANEL. Vous avez averti Monsieur que la voiture vient
d’arriver ? Madame est allée chercher Suzon à la gare…
LOUISE. Monsieur m’a dit hier de ne pas le réveiller.
Madame CHANEL. Ne pas le réveiller quand sa fille arrive pour
les vacances de Noël ! Allez lui porter son déjeuner… Elle a trouvé ses
ciseaux et s’attaque aux ficelles du paquet. Avertissez aussi Mamy et
Mademoiselle Augustine.
LOUISE, qui ricane. Oh ! Rassurez-vous, mademoiselle Augustine
est certainement déjà au courant ! Ce ne serait pas la peine qu’elle
écoute aux portes !
Madame CHANEL. Ne soyez pas aussi insolente. Je n’aime pas vos
réflexions.
LOUISE. Et moi, je n’aime pas qu’on me donne des leçons
de morale ! Parce que la morale !..
Elle
disparaît vers l’office.
Madame CHANEL, seule. Cette fille-là, on n’en fera jamais
rien ! J’aimais mieux. Gisèle ! Enfin !
Elle
a coupé les ficelles du paquet. Apparaît un arbre de Noël. Elle l’installe sur
un meuble.
Madame Chanel, Mamy
MAMY, entre dans sa voiture. Elle est déjà là,
ma bonne Chanel ?
Madame CHANEL. Oui, Madame, votre petite-fille arrive… Regardez
le beau sapin. On va le décorer !
MAMY. Ça vous fait plaisir, n’est-ce pas?
Madame CHANEL. Oh oui !..
MAMY. Ah ! vous êtes gentille, vous !
Madame CHANEL. Pourquoi moi ? Mais tout le monde est gentil avec vous ici !
MAMY. Oui, bien sûr ! Je suis heureuse que Marcel m’ai
accueillie avec ma fille Augustine… Mais, vous savez, nous ne sommes quand même
pas chez nous…
On
entend une voix de jeune fille qui appelle, dehors.
La voilà ! Les chiens l’ont reconnue, ils
n’ont pas aboyé…
Madame CHANEL. C’est un record pour ces gueulards…
Madame Chanel, Mamy, Suzon
Par
la baie, on voit arriver Suzon. Elle
entre, dépose sa valise et elle se jette dans les bras de Mamy qui l’embrasse.
SUZON. Mamy !
MAMY. Ma Suzon ! Ma petite-fille !
SUZON, qui voit Madame Chanel. Chanel ! Ma
grosse Chanel !
Madame CHANEL, riant. Toujours aussi grosse !
SUZON. Tu permets que je t’embrasse ?
Madame CHANEL. Ma Suzon, bien sûr !.. Avec la permission de
Madame !
MAMY. Je vous en prie !
Madame
Chanel et Suzon s’embrassent.
Madame Chanel, Mamy, Suzon, Gaby
Gaby entre.
Belle femme dans un grand manteau de fourrure.
GABY. Elle est magnifique, n’est-ce pas ?
MAMY. C’est une vraie jeune fille à marier !
SUZON, riant. Tout à fait de ton avis… A marier
très vite, Mamy…
MAMY. Ton père va être heureux de te voir. Lui qui se
fait tant de soucis pour toi. Il est averti, madame Chanel ?
Madame CHANEL. Il aurait donné ordre qu’on ne le réveille
pas !
SUZON. C
MAMY. Il a dû travailler dans sa chambre, hier, très
tard.
Madame CHANEL. Oui, il doit être fatigué. Il se tue à la
tâche !
GABY. Il se tue à la tâche ! Il a dû lire toute la
nuit sans doute.
Gaby
sort, déposer son manteau. Un silence. Mamy et Madame Chanel ont échangé un
coup d’œil.
Madame Chanel, Mamy, Suzon
SUZON. C
Madame CHANEL, pour dire quelque chose. Et cette
Angleterre, c
SUZON. Very
interesting with many people.
Madame CHANEL. Quoi ?
SUZON. C’est de l’anglais !
Madame CHANEL. Oh ! moi, l’anglais ! Tout ce que je
sais dire, c’est : “Good bye”, “God save the queen” et “Kiss me”.
SUZON. Comment “kiss me”? Tu as déjà dit “Kiss me” à un Anglais?
Madame CHANEL. Bien sûr. C
Elles
rient. Mais Gaby revient et Mme
Chanel se ressaisit.
Mais je raconte ma vie et j’oublie le petit
déjeuner !..
Elle
sort très vite vers l’office.
Mamy, Suzon, Gaby, puis Louise
SUZON. Ah ! que c’est bon de se retrouver chez
soi ! Ma chère vieille maison !
GABY. Oh ! ta chère vieille maison ! Un grand
coup de peinture ne lui ferait pas de mal ! Mais elle plait à ton père
ainsi, alors !
Entre Louise qui vient chercher les bagages de
Suzon.
Voici Louise, notre
nouvelle femme de chambre.
SUZON. Bonjour, Louise.
LOUISE. Bonjour, Mademoiselle. J’espère que Mademoiselle
a fait un bon voyage…
SUZON. Très bon. Malgré un temps épouvantable. En traversant
la forêt, tout à l’heure, le vent faisait t
GABY. En plein ciel ? En plein désert, tu veux
dire ! Il faut faire des kil
Elle
s’installe, fumant une cigarette blonde, feuilletant des journaux, dépouillant
des lettres.
LOUISE. Puis-je vous débarrasser, Mademoiselle ? Quand
devrai-je réveiller Monsieur?
GABY. Dans quelques minutes.
SUZON. Et si j’y allais, moi, tout de suite ?
GABY. Non, laisse-le se reposer encore un peu. Il a
demandé qu’on ne le réveille pas… Merci, Louise !
Louise sort,
emportant manteau et sac de Suzon.
Mamy, Suzon, Gaby
SUZON. Elle est bien, cette fille.
GABY. Oui, très bien… J’en suis ravie !
MAMY, c
GABY. Et accepter de s’enfermer ici ! C’est une
chance pour nous !
MAMY. Une chance… oui !
SUZON, s’allongeant sur le canapé. Toujours aussi
confortable !
MAMY. Ne fais pas de gymnastique dessus c
GABY. C’est de son âge, maman ! Elle appelle vers
l’escalier. Catherine, lève-toi !
Mamy, Suzon, Gaby, Augustine
Augusiine apparaît en haut des marches : style vieille
fille sans âge, cheveux tirés, robe ordinaire.
GABY. Ah ! c’est toi ? Est-ce que Catherine se
1ève ?
AUGUSINE. Est-ce que je sais?
SUZON, allant vers elle. Bonjour, tante Augustine. C
AUGUSTINE. Toujours pareil… C
SUZON. Pourquoi dis-tu déjà ?
AUGUSTINE. On t’a renvoyée du collège ?
SUZON. Mais non, au contraire, j’ai de très bonnes
notes !
AUGUSTINE. Je sais… Ta mère nous a montré ton carnet scolaire…
Seulement, un carnet, ça se maquille !
MAMY. Pourquoi dis-tu ça ? Ça n’est pas gentil…
AUGUSTINE. Ma nièce arrive et je ne peux pas lui demander si
elle s’est bien conduite ?
SUZON. C’est pour cela que je te dis : tout va
bien !
GABY, moqueuse. En voilà une, au moins, contente de
son sort !
AUGUSTINE. C’est pour moi que tu dis ça ?
GABY. Je dis que ma fille est heureuse, voilà tout… C’est
l’essentiel !
AUGUSTINE, vexée. Alors ! Puisque c’est l’essentiel !
SUZON, gentiment. Tante Augustine, tu as des
ennuis ?
GABY, incisive. Non, mais elle s’en crée…
AUGUSTINE. Quoi ? Je m’en crée ? Quoi, je m’en
crée ?
MAMY, s’interposant. Mes petites… je vous en prie…
Ne rec
AUGUSTINE. Je suis heureuse, moi ? Voilà du nouveau !
MAMY. Augustine… nous ne s
AUGUSTINE. Pas grâce à elle ! Grâce à ton père, Suzon, qui
nous estime à notre juste valeur, qui sait respecter une dame âgée et infirme c
MAMY. Grâce à eux, deux, bien sûr…
SUZON, prend gentiment Augustine par le bras. Tante
Augustine, ne sois pas triste. Nous t’aimons toutes ici, sans exception. Ne
nous fais pas de peine.
AUGUSTINE, touchée. Pardonne-moi… Je n’ai pas pu dormir
de la nuit… Pardon, Gaby, ma chérie, grâce à toi, je suis heureuse et je mange
à ma faim…
Mamy, Suzon, Gaby, Augustine, Madame Chanel
Un
affreux m
Madame
CHANEL. Voilà le déjeuner !..
SUZON. Le café de Chanel se sent de loin…
Elle
s’installe pour manger. Augustine s’approche.
AUGUSTINE, Oh ! des brioches toutes chaudes !.. Je n’ai
eu droit qu’à du pain grillé, moi !
Madame
CHANEL. C
SUZON, lui tend l’assiette. Tante, si ça te fait
plaisir…
AUGUSTINE. Oh oui !.. Elle se jette sur les brioches.
J’aime les brioches. Merci. J’ai du chocolat dans ma chambre… Je vais le
chercher, Les gâteaux, c’est toujours meilleur avec du chocolat… Elle
disparaît toute joyeuse.
Mamy, Suzon, Gaby
MAMY, très émue. Il faut être indulgente, c’est une
vraie gamine ! Ta mère est très gentille de tolérer ses petites manies
sans se fâcher…
GABY. Tu appelles ça des manies ?.. Ce sont presque
des insolences. Elle me provoque tout le temps, maman ! A Suzon. Mais
puisque ton père la tolère…
SUZON. Papa est un h
MAMY, qui tricote. Oui, toujours gai, toujours de
bonne humeur ! Pourtant ses affaires ne vont pas c
SUZON. Ah !
GABY. Tu sembles mieux renseignée que moi sur les soucis
de Marcel, maman ! J’ignore même s’il en a !
MAMY, bafouille. C’est-à-dire… par hasard…
GABY. Et c’est très bien c
MAMY. Je l’ai consulté dernièrement pour la vente de mes
titres… et incidemment, il m’a dit quelques mots…
GABY. Et tu les as vendus, tes titres ?
MAMY, hésite, puis. Non… Marcel m’a conseillé
d’attendre…
GABY, moqueuse. Garde-les, tu as raison ! On
ne sait jamais ! Elle va à l’escalier. Catherine !
VOIX DE
CATHERINE. Voui ?
GABY. Voyons ! lève-toi ! Ta sœur est
arrivée !..
SUZON. Elle est sage, Catherine ?
GABY. Oui, très.
SUZON. Elle travaille bien à l’école ?
GABY. Oui, ça peut aller. Elle a beaucoup grandi, elle va
bien, et c’est le principal.
MAMY. Très exubérante, c
GABY. Tu la voudrais neurasthenique, c
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine
Apparaît Catherine, en pyjama, physique de petit
chat sauvage. Nattes.
CATHERINE. Salut les mères ! Salut sister !
Elle
enjambe la rampe d’escalier, se lance sur Suzon et la chahute.
MAMY. Attention aux tasses…
GABY, riant. Mais laisse les donc
tranquilles !
CATHERINE. Tu m’apportes un cadeau pour Noël ?
SUZON. Oui, des chocolats !
CATHERINE. Et bien, vrai ! Tu ne t’es pas creuse la
cervelle !
SUZON. Je croyais qu’a quinze ans, on aimait les chocolats.
CATHERINE. Quinze ans ! Et le pouce ! J’en aurai
seize en février.
SUZON. Tu m’as l’air en pleine forme !
CATHERINE. « Ça gaze, ça carbure, ça fonctionne… »
SUZON. En un mot, ça « boume » !
CATHERINE. Dis donc, l’Angleterre t’a drôlement dessalée !
SUZON. Tu devrais frapper à la porte de papa…
CATHERINE. Il n’est pas encore réveillé ? Quel
flemmard ! On va le virer ?
GABY, se tordant. « Le virer ! »
MAMY, choquée. Catherine ! Voyant Gaby rire
dans ses mains. Enfin, du m
CATHERINE. Oh ! Mais je le respecte, mon père ! A ma
manière, voilà tout ! Et surtout, je l’admire. Il s’habille c
Augustine paraît.
Tiens, voilà la
plus belle !
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine
AUGUSTINE. Ah ! je t’en
prie, je suis très mécontente…
CATHERINE, plaisantant. A quel sujet,
« baronne » ?
AUGUSTINE. Tu as laissé ta lumière allumée jusqu’à je ne sais
quelle heure et à travers la porte vitrée, ça m’a empêchée de dormir ! Tu
lisais encore, sans doute, tes livres ab
SUZON. Quels livres ab
CATHERINE, riant. Tante Augustine appelle livres ab
AUGUSTINE Ce n’est guère de ton âge !
CATHERINE. Ah ! Mon âge !
GABY, claironne, cachée derrière son journal. Lire
ne fait de tort à personne… Mais aller cinq fois dans la salle de bains, la
nuit, ça réveille les voisins.
Augustine, vient à elle, baisse le
journal. On voit Gaby le sourire sur les lèvres.
AUGUSTINE. C’est moi qui y suis allée, parfaitement.
GABY. Tu étais malade ?
AUGUSTINE. Je ne pouvais pas dormir… Je suis allée boire.
Excuse-moi.
GABY. Ça n’est pas grave !
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine,Louise, puis Mme Chanel
Elles
se fixent. Louise traverse le salon avec
le déjeuner de Monsieur.
LOUISE. Puis-je aller réveiller Monsieur ?
GABY. Je vous en prie…
Louise
gravit l’escalier et frappe à la porte du père.
AUGUSTINE. Je t’offrirai un abat-jour pour ta lampe,
Catherine ! C
CATHERINE. Merci, tu me choisirais le Petit Chaperon Rouge ou la Belle au Bois dormant… Tu
me donneras l’argent et j’irai l’acheter moi-même.
AUGUSTINE. C
LOUISE, qui frappe en vain. Madame… Monsieur ne
répond pas…
GABY. Entrez, Louise.
LOUISE. Bien, Madame…
Louise
frappe à nouveau et entre, laissant la porte entrebâillée.
AUGUSTINE. Il a de la chance de pouvoir dormir… avec tout le
bruit que nous faisons. Moi, dès que j’entends une pendule sonner à l’autre
bout de la maison, je sursaute… Ah ! les h
Dans
la chambre, là-haut, on entend un cri et le bruit du plateau qui t
Oh ! quelle
maladroite ! Bonne idée que vous avez eu d’engager cette fille ! On
se demande où elle a appris son métier !
Louise apparaît,
défigurée, tremblante… Le plateau vide au bout du bras. Puis elle crie soudain
c
LOUISE. Madame!.. Madame!..
GABY. Qu’y a-t-il !
LOUISE, dans un délire. Monsieur… Monsieur… c’est
affreux…
On
se regarde. Louise descend les marches.
Monsieur est mort,
sur son lit… Un couteau dans le dos… Le sang…
On
la soutient.
GABY. Vous êtes folle… Qu’est-ce que vous dites ?
LOUISE. Monsieur est mort… et le sang partout…
Catherine
s’élance et disparaît dans la chambre, tandis qu’on fait asseoir Louise. Toutes
les femmes font un groupe autour d’elle. Gaby fait un pas vers l’escalier quand Catherine sort de la chambre, hurlante c
GABY. C
MAMY. Quel horrible spectacle pour cette enfant !..
AUGUSTINE. Nerveuse c
GABY. Occupez-vous d’elle…
Gaby
gravit l’escalier lentement. Toutes, immobiles, suivent des yeux Gaby qui
tremble. Elle s’adosse à la rampe, soudain pétrifiée par la peur… Suzon va vers
elle, la retient par le bras.
SUZON. Maman, n’entre pas… Attends une seconde.
Gaby
fait un effort sur elle-même et parvient à la porte.
CATHERINE, soudain. Maman !.. Personne ne doit
entrer dans la chambre !
GABY. Qu’est-ce que tu dis ?
CATHERINE. Je dis ce que tout le monde ici oublie de dire…
Personne ne doit toucher à quoi que ce soit dans cette chambre avant l’arrivée
de la police…
GABY. Mais, ma petite fille…
SUZON. Elle a raison, maman ! C’est trop grave… Ne
rentre pas dans la chambre…
AUGUSTINE. La police ?
GABY. Tu ne veux tout de même pas dire que je ne dois pas
entrer… voir Marcel ?..
Un
silence.
Mais enfin… Dites
quelque chose…
On
se regarde.
MAMY. Gaby, je ne sais pas… Catherine a peut-être raison…
AUGUSTINE. Les journaux disent toujours ça… De ne toucher à
rien… pour les empreintes…
SUZON, rejoignant sa mère. Maman… Viens !.. Elle
veut l’entraîner vers le bas.
GABY. Non… non… Je dois entrer. Elle va avec résolution
vers la porte, mais elle ne peut pas l’ouvrir. C
Toutes
se tournent vers Catherine.
CATHERINE, brandissant la clef. Je la donnerai au c
Un
silence.
SUZON, qui s’inquiète et va à elle. Catherine… as-tu
vu quelque chose… que quelqu’un pourrait faire disparaître ?
Catherine
ne répond pas. On se regarde un peu inquiets.
Catherine,
donne-moi la clef, à moi. Tu es trop impulsive !
CATHERINE. Tiens !.. Fais-en ce que tu veux…
Elle
donne la clef à Suzon et va pleurer c
GABY. As-tu le courage, Suzon, de?..
SUZON. Oui, maman. Nous devons voir.
Suzon
monte l’escalier suivie de Gaby et d’Augustine. Suzon ouvre et elles voient le
spectacle. Elles sont pétrifiées sur le palier. Soudain Catherine, c
CATHERINE. C’est de la dernière imprudence ! L’assassin
est peut-être encore dans la chambre !
AUGUSTINE. Elle a raison ! Oui ! Fermons !
Fermons vite !
Les
trois femmes se jettent sur la porte et la ferment, mais alors Gaby glisse.
Oh ! elle se
trouve mal ! Gaby ! Gaby !
Madame
CHANEL. Pauvre Madame !
SUZON. Vite ! Portons-la sur le divan.
AUGUSTINE. Doucement ! doucement !
Elles
descendent Gaby, tandis que Catherine a couru vers l’office.
MADAME
CHANEL. Louise ! Faites quelque
chose ! Venez avec moi ! Allez chercher les sels dans la salle de
bains !
Elles
disparaissent an premier étage.
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine
AUGUSTINE. Doucement ! Là Allongez ses jambes !
Gaby ! Gaby !
CATHERINE, revient avec une serviette mouillée. Voilà
pour sa tête !
AUGUSTINE. Non ! Sur les tempes !
MAMY, après un silence. Ses affaires allaient trop
mal. Il s’est suicidé !
SUZON. Pas suicidé ! J’ai bien vu. Le couteau est
enfoncé dans le dos.
MAMY. Oh !
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine, Louise, Mme
Chanel
Madame Chanel redescend avec un coussin et Louise avec des sels.
Madame
CHANEL. Mais… un couteau c
LOUISE. Un genre de poignard.
Madame
CHANEL. Le poignard avec le manche en
corne ?
LOUISE. Oui.
Madame
CHANEL. Monsieur me l’avait demandé
pour découper du carton.
AUGUSTINE. Du carton ? Qu’est-ce qu’il faisait avec du
carton ?
Sous
l’effet des sels et relevée par les coussins, Gaby reprend alors connaissance.
GABY. II faut téléphoner à la police.
SUZON. Tout de suite ?
Madame
CHANEL. Nous n’avons que trop tardé…
Catherine
prend l’appareil de téléphone et le passe à Suzon qui actionne le déclic
plusieurs fois.
SUZON. Il n’y a pas de tonalité. Ça ne répond pas !
Soudain
le regard de Catherine devient fixe. Elle regarde le fil, le tire à elle. Il
vient, coupé net. Sensation.
CATHERINE. On a coupé les fils du téléphone !
GABY. Qui ?
SUZON. …Quelqu’un !
Un
silence. Le vent fait battre un volet. Le store en bois de la fenêtre bouge.
AUGUSTINE, dans un souffle. Vous croyez que…
« quelqu’un »… est encore dans la maison ?
MAMY. Ecoutez ! J’entends du bruit par là…
Suspense.
Louise ouvre soudain la porte derrière elle, pousse un cri, mais conclut.
LOUISE. Non ! Rien !
Madame CHANEL. Oh ! oh ! c’est le vent ! Et votre
imagination !
CATHERINE. Qu’est-ce qu’on va faire, si le c
GABY, se lève. Il viendra ! Je vais le
chercher en voiture…
SUZON. Oui, maman…
GABY. Louise, mon manteau !
LOUISE, fait un pas, se’arrête soudain.
Madame !.. les chiens !
SUZON. Quoi, les chiens…
LOUISE. Ils n’ont pas aboyé de la nuit!
AUGUSTINE. Alors ?
LOUISE. Méchants c
Un
silence.
GABY. Si quoi !
SUZON. Vous voulez dire : si un étranger était entré
dans la propriété ?
LOUISE. Oui. C’est ça !
AUGUSTINE. Mais, si personne n’est venu de l’extérieur… ça veut
dire… quoi ?
Un
silence… Le vent fait soudain t
MAMY. Ce n’est plus tenable ! Il faut que vous alliez
voir !
Madame
CHANEL. Eh ?.. Oui, il faut… que…
Madame… aille voir.
GABY, pas fière, se retourne vers Suzon. Oui, il
faut que quelqu’un prenne cette initiative…
SUZON. Oui… il faut…
Elle
fixe Augustine.
AUGUSTINE, glapit. Je suis cardiaque.
MAMY. Je ne peux pas marcher, moi !
On
se tourne vers Louise qui se met à sangloter.
GABY. Si je c
Madame
Chanel a un petit geste de frayeur qui se répercute sur les autres.
SUZON, nette. Que s’est-il passé hier soir ?
GABY. Rien de spécial. Ton père est rentré vers les huit
heures. Nous avons diné… Puis il s’est retiré dans sa chambre pour travailler…
SUZON. Il n’a pas reçu de visites ?
GABY. Non.
Approbation
générale.
Avec le temps qu’il
a fait ! Il faudrait du courage pour gravir la colline !
SUZON. Pas de coup de téléphone ?
GABY. Pas que je sache !
Madame
CHANEL. On aurait entendu la sonnerie…
MAMY. C’est un vagabond, un voleur qui s’est introduit… et
qui…
AUGUSTINE. Ecoute ce qu’on dit, maman ! Louise qui dort
au-dessus du garage aurait entendu les chiens aboyer, dans ce cas-là !
LOUISE. Ils n’ont pas bougé, j’en suis sûre.
MAMY. Mais alors ? Ce serait quelqu’un que nous
connaissons ? Un familier de la maison ?
Un
silence.
SUZON. Qui a téléphoné la dernière ?
Silence.
Qui a téléphoné la
dernière ?
Madame
CHANEL. Moi !
SUZON. Eh bien ! dites-le !
Madame
CHANEL. Eh bien ! je le dis !
Ce matin, vers les sept heures et demie, j’ai c
Devant
les yeux accusateurs de Mamy.
…Du gigot,
là !
SUZON. Donc, ce matin à sept heures et demie, l’assassin
était encore ici. Il a coupé les fils du téléphone après.
Affreux
silence.
Il faut se rendre à
l’évidence… Les affaires de papa marchaient-elles ?
GABY. Oui !.. Tu sais c
SUZON. Monsieur Farnoux ?
GABY. Oui, son nouvel associé à l’usine.
SUZON. Ah oui !.. Ce monsieur est-il déjà venu
ici ?
GABY. Non ! (Elle se reprend.) Si ! une
fois ou deux peut-être… Nous ne le fréquentons absolument pas… Enfin, très
peu !
Madame
CHANEL. Je me souviens que les chiens,
le jour où il est venu chercher Monsieur, l’ont à moitié renversé… parce que
monsieur Farnoux a un chien chez lui et que les nôtres l’avaient senti…
SUZON. Donc, il faut abandonner l’idée de penser que ce
monsieur… aurait ?..
GABY. Bien sûr ! C’est invraisemblable !
SUZON. Connaissez-vous quelqu’un qui aurait voulu du mal à
papa ?
Madame
CHANEL. Personne !
AUGUSTINE. C’est vite dit ! Quand il allait à Paris, on ne
sait pas au juste qui il fréquentait…
GABY. Que vas-tu imaginer ? Un étranger à huit heures
ici, dans notre salon, coupant le téléphone?.. et personne ne le voit !
MAMY. Te rends-tu c
SUZON, après un temps. Qui hérite des biens de
papa ?
GABY. Moi !.. Je veux dire, nous… Enfin, dans ce cas
on vend l’usine, et on partage entre les enfants et la femme… La femme a la
moitié et… Les notaires savent tout ça… Je n’y c
CATHERINE. Il faudra prévenir la sœur de papa ! Et elle
disparaît dans les étages.
Mamy, Suzon, Gaby, Augustine, Louise, Mme Chanel
GABY, sursautant. La sœur de ton père ? En
voilà une idée ! Une femme pareille !
SUZON. Oui, tu m’as écrit qu’elle était venue s’installer
dernièrement dans la maison près du village. Pourquoi ?
GABY. Dans l’espoir sans doute de renouer avec Marcel…
Après la vie de débauche qu’elle a menée à Paris, elle a essayé, de trouver
refuge auprès de son frère riche… Je n’ai pas voulu influencer ton père, le
laissant libre de recevoir cette… Pierrette qui, après tout, est sa sœur… Mais
il a très bien c
Madame
Chanel et Louise se regardent c
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine, Louise, Mme
Chanel
SUZON. Papa a-t-il revu sa sœur en ville ?
GABY. Sûrement pas !
SUZON. C
GABY. Est-ce que je sais ? Je ne l’ai jamais vue.
MAMY. Moi, on me l’a montrée de loin… C’est une belle
femme… assez étrange !
SUZON. De quoi vit-elle ? J’aimerais bien lui parler…
GABY. Tu lui parleras où tu voudras, mais pas dans cette
maison.
SUZON. J’irai la voir.
GABY. Laisse faire la police, c’est son rôle de poser des
questions. Pas le tien… Louise, mon manteau !
SUZON, assez bouleversée. Je suis absente depuis un
an. Je vois tout avec des yeux neufs. C’est incroyable c
GABY. Tu trouves que j’ai vieilli ?.. Elle se mord
les lèvres. Mais cette catastrophe va bien se charger de me donner mon
âge ! Marcel… nous nous c
AUGUSTINE, sourdement, mais durement. …Au point de faire
chambre à part !
GABY, fait face à Augustine. Marcel rentrait tard parfois, il travaillait souvent
la nuit, il m’avait demandé d’occuper provisoirement la chambre du second.
As-tu quelque chose à ajouter ?
AUGUSTINE, soutenant le regard de Gaby. Pas pour
l’instant.
MAMY. Mes petites… calmez-vous. Il ne faut pas rester sans
aide… Pars avec la voiture, Gaby… Dépêche-toi !
Madame
CHANEL, s’avançant. Madame, on
ne peut pas laisser ce pauvre Monsieur tout seul. Si Madame le permet, je vais
monter…
CATHERINE, terrorisée. Et si l’assassin est encore
là ?
Madame
CHANEL. Non, ne fais pas de r
LOUISE. Par la fenêtre de la chambre, on peut sauter sur le
toit du garage…
Madame
CHANEL, accablée. Mais
non ! II a dû partir par la porte, c
Un
silence.
GABY. Que voulez-vous dire ?
Madame
CHANEL. …Je me c
GABY. Non ! Qui a la clef ? Augustine, tu as la
clef ?
AUGUSTINE. Non !.. J’ai pas la clef. C’est Suzon.
Suzon. Non !..
GABY. Mais enfin qui a la clef ? C’est
invraisemblable ! Qui a pu la prendre ?
On
c
Madame
CHANEL. C’est vous, Madame !
GABY. Moi ?.. Je me suis évanouie !
AUGUSTINE, traquée. Je tenais Gaby !
SUZON. Moi aussi… D’ailleurs, nous s
MAMY. Moi, je n’ai pas bougé ! Aaah ! Elle
ouvre ses mains et constate. On l’a mise dans mon tricot ! Elle
tend la clef.
GABY. N’approfondissons pas ! Madame Chanel, j’ai une
parfaite confiance en vous. Vous êtes peut-être la seule, dans cette maison, à
qui je vais donner la clef sans arrière-pensée…
AUGUSTINE. C’est agréable pour les autres !
GABY. Madame Chanel, puisque vous êtes la plus courageuse,
voici la clef.
Elle
la lui donne.
Madame
CHANEL. Merci, Madame ! Elle
gravit les marches.
AUGUSTINE, à Gaby. Tu aurais pu consulter les autres,
non ?
GABY. Je fais ce que je crois être mon devoir.
AUGUSTINE. Ton devoir !
GABY. Ne laissez entrer personne, madame Chanel.
AUGUSTINE, dressée. Ah ! non alors ! Si madame
Chanel entre, nous devons toutes entrer.
LOUISE. C’est évident. Ou personne ou tout le monde.
MAMY. Il ne faut toucher à rien !
LOUISE. A cause des empreintes…
Madame
CHANEL, clouée sur place, devant la
porte. Voulez-vous insinuer, Mesdames, que j’ai demandé la clef dans ce
but ?
Affreux
silence.
Très bien. Dans ce
cas-là… Elle redescend.
MAMY. Oh ! Madame Chanel, ne soyez pas susceptible…
Madame
CHANEL, l’œil mauvais. Je n’ai
jamais été susceptible. C’est pour ça que je sers depuis quinze ans dans cette
maison… On peut me dire ce qu’on veut. Tout m’est égal. Je suis ici pour gagner
mon pain. C’est tout… D’ailleurs, je préfère ne pas être montée… Je peux bien
vous le dire… J’avais peur, c
Silence…
On s’èloigne de cette clef maudite.
LOUISE, soudain. Cet h
Madame
CHANEL. Un h
MAMY. Qu’est-ce que ça peut-être d’autre ?
Madame
CHANEL. Mais… une femme !
Sensation
muette… On se regarde.
AUGUSTINE, grince. C’est honteux. Vous avez l’air de
nous accuser !
GABY, ironique. Quand on a la conscience
tranquille…
AUGUSTINE, froidement. Tu me détestes, n’est-ce
pas ?
GABY. Non. Tu m’es indifferente !
AUGUSTINE. Vous l’entendrez ?
MAMY. Augustine, ma chérie, tais-toi !.. Gaby,
excuse-la…
GABY. Evidemment, ta petite chouchoute, tu la
couves !
AUGUSTINE, explosant. Mais oui, maman, donne raison à
Gaby… Elle est riche à present… très riche et elle va nous mettre dehors…
Alors, fait ta cour, maman, sauve ton bifteck… Vous n’osez rien lui dire parce
que vous êtes toutes des lâches… Mais, moi, je dirai des choses à la police…
Des choses que je sais…
GABY. Quelles choses ?
AUGUSTINE. C’est mon affaire.
SUZON. On ne cal
Brouhaha
général d’approbation et de fureur.
AUGUSTINE. C’est une coalition contre moi ! Ta mère
m’attaque de front…
GABY. Tu préfères, toi, attaquer de dos ?
Affreux
silence.
AUGUSTINE, qui fond eu larmes. Que je suis malheureuse…
Tout le monde dit que je suis une idiote, une laissée pour c
LOUISE. Oh çà !
Augusttne s’est tournée vers Louise
qu’elle voit ricaner.
AUGUSTTNE. Ni la mentalité !..
LOUISE, du tac au tac. Pleurez pas ! Vous avez
la poésie !
AUGUSTINE La poésie ?
LOUISE. Oui, souvent, de la fenêtre de ma chambre, je vous
vois, la nuit, arpenter le parc en recitant des vers… Aux autres.
Parole !..
MAMY. Il ne fallait pas y prendre garde, Louise.
LOUISE. On n’a pas tant de distractions dans ce coin
perdu ! Mademoiselle Augustine, le soir, dans le parc… en train de déclamer… C’est
ma télévision à moi !
Augustine
pique sa crise.
MAMY. Calme-toi… Veux-tu boire quelque chose pour te
détendre ?
AUUGUSTINE. J’ai horreur de boire quoi que ce soit quand je ne
suis pas à table…
GABY. Tiens ? Je croyais que tu, t’étais levée cinq
fois cette nuit pour boire?..
AUGUSTINE. …Au lit, c’est defférent… Je suis une grande malade…
Je suis cardiaque.
MAMY. Va prendre des cachets pour te calmer !
AUGUSTINE, se levant. C’est ça, mes cachets ! Eh
bien, je vais prendre toute la boîte d’un seul coup, c
MAMY. Excusez-la !.. Ma pauvre petite…
La
grand-mère, soudain, se dresse et sort de sa voiture. Les autres femmes son
effarées… Mamy fait trois pas.
TOUTES. Elle marche ! Ça alors ! Elle
marche !
GABY. Maman ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Tes
jambes ?
MAMY, glapit, hautaine. Ça va !
Et
elle disparaît rejoindre Augustine. Consternation et inquiétude… L’horloge
sonne la demie.
SUZON. Mais, elle marche donc ?
GABY. Il faut croire ! C’était bien la peine de nous
faire acheter cette chaise roulante ! Tout est organisé entre elle et son
Augustine ! Je suis écœurée !
Un
silence.
Madame
CHANEL. Que faire, Madame ?
GABY. Je pars… Louise, mon manteau, je vous prie… Ça fait
trois fois que je vous le démande…
Louise
sort.
Madame
CHANEL. …Je vais mettre une bûche… Elle
sort.
Suzon, Gaby, Catherine
GABY, s’assoit. C’est épouvantable…
SUZON, vient à elle, tendrement. Maman, parle-moi de
papa, de ce qu’il a fait depuis mon départ, depuis que vous avez reçu Mamy et
tante Augustine…
GABY. Ton père, c’était la bonté même… Tu le connaissant
aussi bien que moi… mieux sans doute, car tu lui racontais tout avant que je le
sache !
SUZON. Mamy et tante Augustine s’entendaient bien avec
lui ?
CABY. Je l’espère !
Avec ce qu’elles mangent, qu’elles aient au moins la reconnaissance du
ventre!.. Avec une certaine perfidie. Elles se sont parfois disputées
avec lui, mais ce n’était pas grave.
SUZON Disputées ? A propos de quoi ?
GABY. Des bêtises… Augustine fait un drame de rien et Mamy
dort avec des titres sous son oreiller…
SUZON. Grand-mère a des titres cachés sous son
oreiller ?
GABY. Oui, qu’elle garde c
SUZON Ces titres auraient été utiles à papa ?
GABY. Oui, il y a quinze jours pour une écheance à
laquelle il devait faire face.
CATHERINE, inquiète. Ses affaires allaient mal ?
GABY, désinvolte. Ma chérie, une écheance est une
écheance !
SUZON. Ça ne t’aurait rien fait que mamy dispose de cet
argent ? Car tu as ta part dessus.
GABY. Justement, j’ai donné ma part à Marcel, après,
l’avoir littéralement arrachée des mains de grand-mère ! Augustine s’en
est mélée, naturellement ! La bataille à repris quand…
SUZON. Pourquoi me donnes tu tant de détails, c’est
grave ?
GABY. Non, mais tu sais qu’elles
sont fachées…
SUZON, avec une logique mordante. Je ne le sais pas.
Tu viens de me le dire…
GABY. Bref, ce n’est rien du tout ! Mamy et Augustine
sont écartelées entre la reconnaissance qu’elles nous doivent… et leur avarice.
SUZON. Que veux-tu, elles n’ont pas rencontré, elles, un
mari riche…
GABY. Est-ce ma faute ?.. Et dire que j’ai tout fait
pour que Marcel les accepte ici ! Ton père ne pouvait pas les voir… Ton
père a toujours aimé… la jeunesse !
Suzon, Gaby, Catherine, Louise
Entre Louise, avec le manteau de Gaby, qu’elle
l’aide à passer, tandis que.
SUZON. Louise, depuis quand servez-vous dans la maison
exactement ?
LOUISE. Pourquoi vous me demandez ça ?
GABY. Louise est là depuis octobre…
LOUISE. J’ai de bons certificats… J’ai travaillé deux ans
chez un notaire qui s’est retiré… Vous pouvez vérifier…
SUZON. Ce n’est pas mon rôle…
Louise
fait un pas vers la sortie. Suzon la rattrape.
Louise, vous êtes
certaine du silence des chiens.
LOUISE. Certaine ! J’ai mal dormi cette nuit !
J’avais un pressentiment, hier… Monsieur avait mauvaise mine quand je lui ai
porté sa tisane.
GABY, intriguée. Il vous a demandé une
tisane ?
LOUISE. Oui. Vers minuit.
GABY. A quelle heure ?
LOUISE. Minuit.
SUZON. C’était son habitude ?
GABY. Non ! Pourquoi de la tisane ?
LOUISE. Il travaillait, il a dû avoir soif ou mal à l’est
SUZON. Etes-vous restée longtemps dans la chambre de mon
père ?
LOUISE. Non, je suis repartie aussitôt.
CATHERINE. Dites donc, c
LOUISE. Je l’ai remporté, hier soir…
SUZON. Pourquoi venez-vous de dire que vous étiez repartie
aussitôt ?
LOUTSE. Parce que c’est vrai ! Il a bu très vite, voilà
tout.
On
entend hurler Augustine.
Suzon, Gaby, Catherine, Louise,Mamy
MAMY, apparaissant et allant à Gaby qu’elle entraîne.
Gaby, viens une seconde ! Je n’arrive pas à calmer Augustine. Elle veut
avaler toute sa boîte de cachets !
GABY. C’est du chantage, c’est sûr ! ta
chouchoute !
Mamy
disparaît, suivi de Gaby. On entend des éclats de voix d’Augustine.
Suzon, Catherine, Louise
LOUISE. Je peux disposer ?
SUZON. Dites-moi, quand vous avez fait le tilleul, Madame
Chanel était encore dans la maison ?
LOUISE. Elle venait de partir… Elle habite le pavillon de
chasse au fond du parc… Pour sa liberté, dit-elle.
SUZON. Je sais, c’est une bonne nounou pleine de vieilles
habitudes.
LOUISE. C’est son droit. Après la journée de travail, on est
libre de faire ce qu’on veut… Perfide. Et ça n’a jamais fait de mal à
personne de jouer aux cartes ! Elle attend la réaction des filles du
coin de l’œil.
SUZON, sidérée. Ah ? Madame Chanel joue aux
cartes, maintenant ?
LOUISE. Mademoiselle ne savait pas ? Oh ! zut,
j’ai fait une gaffe.
SUZON, qui ne sait plus que dire. Pas du tout… Je
sais que madame Chanel aime jouer aux cartes… Mais avec qui
joue-t-elle ?..
Louise
se tait.
CATHERINE. Avec quelqu’un de la maison ?
Silence.
LOUISE. C’est pas mon genre de moucharder…
CATHERINE. Dites-nous avec qui elle joue et nous ne le dirons à
personne.
LOUISE, qui ménage son effet. Elle joue avec. Et
puis, flûte… je m’en fiche… Elle joue, avec mademoiselle Pierrette, la sœur de
votre père !
CATHERINE. Çà alors !
SUZON. C
LOUISE. C’est Mamy qui les a vues ! Et elle me l’a dit,
un jour de confidence où elle avait un verre dans le nez !.. Il y a
toujours une bonne petite bouteille dans la chambre de Mamy…
Louise
et Catherine échangent un petit rire c
SUZON. Et c
LOUISE. Je ne sais pas, elle n’a jamais mi les pieds ici.
« Ancienne danseuse nue », disent ces dames… « Artiste de talent
et pure c
SUZON. Mais c
LOUISE. Elle fait du stop jusqu’au carrefour de la route
nationale !
SUZON. Mais, de la route ici, il y a encore deux kil
LOUISE. Elle les fait à pied… Le bitume à arpenter, c’est
son rayon.
Suzon, Catherine, Mme Chanel, puis Louise sort.
Madame
CHANEL, entrant avec une théière et
une tasse sur un plateau. Où est mademoiselle Augustine ?
SUZON. Par là…
Madame
CHANEL, à Louise. Portez-lui
ça ! Elle donne son plateau à
Louise et la pousse vers la sortie, puis. Quelle c
SUZON. Pourquoi dis-tu c
Madame
CHANEL. Elle n’a jamais été
malade ! C’est son numéro…
SUZON. Mamy et Augustine que tu connaissais peu, que
penses-tu d’elles ?
Madame
CHANEL. Gentilles toutes les deux, mais
enc
CATHERINE. Qu’est-ce qu’elle a, mon éducation ?
Madame
CHANEL. Tu parles mal, tu manges du chewing-gum à table, tu fumes
en cachette, tu lis des r
CATHERINE. Oh ! là ! là ! Ce que tu es vieille
vague ! Et elle lit un r
Madame
CHANEL. Suzon, tu étais plus sage, toi…
SUZON. Nous avons deux caractères différents, voilà
tout !
Madame
CHANEL. Mes pauvres petites…
Un
silence accablé.
CATHERINE, perfidement. Chanel ! A quelle heure
es-tu partie, hier soir ?
Madame
CHANEL. Vers minuit.
CATHERINE. Tu es allée te pr
Madame
CHANEL. Tu te moques ! Avec un
temps pareil !
CATHERINE. Tu as reçu des visites ?
Madame
CHANEL, après un temps de gêne.
Des visites ?.. Il y a dix ans que je n’en ai pas reçu !
Catherine
et Suzon se regardent. Madame Chanel, soudain éclate.
Catherine, je t’ai
repassé un pantalon dans la lingerie. Va t’habiller correctement !
CATHERINE. Oui ! J’y vais !
Elle
sort vers l’office en ricanant.
Suzon, Mme Chanel, puis Mamy entre.
SUZON. Chanel, est-ce que Louise travaille bien ?
Madame
CHANEL. Oh ! sur ce chapitre-là,
je vais te dire ce que je pense : Louise est une coquine qui va de place
en place, avec l’espoir de coucher avec le patron !.. Quant aux
autres !..
Mamy est
entrée sans faire de bruit. Elle a entendu les dernières phrases de Chanel.
MAMY. Quant aux autres, je m’en charge !
Alors
Chanel sort avec une dignité c
MAMY. Il faut absolument que je te fasse une confidence.
Il n’y a que toi en qui j’aie confiance… Voilà… Ton père n’avait plus
d’argent ! Personne ne le sait, que moi !
SUZON. Mais c’est très important. Explique-toi…
MAMY, tout bas, très vite. J’ai voulu donner à
Marcel, en reconnaissance pour notre hébergement, des actions que je tenais de
ton grand-père, le colonel. Il les a refusées et il m’a dit :
« Gardez votre argent ! Il serait impuissant à me sauver de la
faillite… » Alors pour ne pas le trahir, j ai joué, pour la famille,
celle qui refuse de donner ses titres…
SUZON. Ensuite, qu’as-tu fait ?
MAMY. Rien. J’ai gardé mes actions. Pas pour longtemps,
parce que…
SUZON. Parce que ?..
MAMY, tremblante. Parce que on me les a volées, il
y a deux jours…
SUZON. Volées ?
MAMY. On a drogué mon porto !.. Oui, un petit verre
de porto après le dîner fait du bien… à mes douleurs ! On m a
droguée, on est entrée dans ma chambre et on m a volée ! C’est
quelqu’un qui savait la cachette !
SUZON. Sous ton oreiller !
MAMY, soufflée. Sous mon ?.. C
SUZON. Tout le monde semble le savoir…
MAMY, s’exaltant. Tout le monde ! Ah !
bande de voleurs ! Au voleur ! (Elle hurle.) A
l’assassin ! Au voleur !
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine, Louise, Mme
Chanel
Toutes
les femmes réapparaîtront, l’une après l’autre, attirées par les cris.
GABY. Qu’est-ce qu’il y a, maman ? Tu as perdu la
tête !
MAMY. Pas la tête, non !
SUZON. Grand-mère vient de m’apprendre qu’on lui a volé ses
titres, la nuit, il y a deux jours…
AUGUSTINE, fonçant. Les titres ! Ah !
menteuse ! Tu les as vendus en cachette et tu ne veux pas me donner ma
part ! Ma part ! Ma part !
Gaby
la retient.
MAMY. On me les a volés !
GABY. Voyons, qui le les aurait pris ?
MAMY. Je ne sors jamais de ma chambre !
AUGUSTINE. Oh ! je t’entends bouger, toutes les
nuits ! J’entends craquer ton parquet !
MAMY. Tu ne dors donc jamais ?
AUGUSTINE. Jamais !.. J’écoute ! Je passe la nuit à
écouter ! Et si les petites n’étaient pas là, je vous dirais bien ce qu’il
m’est arrivé d’entendre !
GABY, méprisante. Ma pauvre Augustine !
AUGUSTINE. J’y suis ! C’est toi qui as volé titres de
maman, rends-les !
Elle
lui saute dessus. Bataille.
TOUTES, ensemble. Augustine ! Sois calme. Tu ne
sais pas ce que tu dis ! Etc…
On
les sépare. Dans le silence qui suit, on entend le rire de Louise qui observait
la bataille.
GABY. Quoi ?
LOUISE. Oh ! Pardon !
GABY. Que personne ne bouge. Je prends la voiture…
Elle
sort très vite par la terrasse.
LOUISE. Madame ! Votre sac ! Les clefs de la voiture !
Elle
s’élance avec le sac de Gaby et disparaît à son tour dans le jardin.
Mamy, Suzon, Catherine, Augustine, Mme Chanel
SUZON, avec reproche. Tante Augustine ! Quelle
honte !
AUGUSTINE, agressive. J’ai été trop malheureuse avant de
venir ici, avec maman !.. Trop pauvre !..
MAMY. Trop pauvre ! Quand je me suis retrouvée seule
à la mort de ton père, avec ta sœur et toi à élever… il a bien fallu que je
travaille !.. Une femme seule, c’est affreux… Gaby va connaître ça,
maintenant… La vie rec
AUGUSTINE. J’espère que Gaby, elle, ne fera pas de différence
entre ses filles ! Entre celle qui est déjà une dame et l’autre qui passe
pour la bonne à rien.
CATHERINE, qui se pr
AUGUSTINE. Attends ! Ça viendra ! Moi ça a c
CATHERINE. Moi, j’ai horreur du bal !
AUGUSTINE. Moi aussi ! Mais j’y allais quand même. Pour
faire c
MAMY. Augustine…
AUGUSTINE. Je t’aime bien, maman, quoi que tu en penses !
J’aime tout le monde ; Mais personne ne c
CATHERINE. G
SUZON. Catherine… Tais-toi ! Nous avons toutes nos
peines et nos excuses… A Augustine. A présent, il faut oublier les
petites choses et faire face aux grandes… Et les grandes…
AUGUSTINE, qui s’exalte. Ah ! le jour de ton
arrivée ! Assassiné ! Un couteau dans le dos !
SUZON. Tais-toi !
AUGUSTINE. Je dis les choses telles qu’elles sont… Tu as dit
vrai, l’assassin est dans la maison…
Catherine
se met à gémir dans les bras de Chanel.
Madame CHANEL. Vous faites peur à la petite !
AUGUSTINE, bas à Suzon, vite. Cette gosse est nue détraquée
et c’est la faute de ta mère. Elle lui laisse lire n’importe quel livre jusqu’à
l’aube, avec la lumière qui m’empêche de dormir ! Enfin !.. je ne
veux pas accabler à présent ma pauvre sœur, parce que…
SUZON. Parce que ?
AUGUSTINE. Parce que ça ne me regarde pas ! Et que je
ne le dirai pas ! Non… je ne dirai pas que… Très vite. Gaby
réclamait toujours à cor et à cri, surtout à cri, de l’argent à Marcel… Et si
elle le dépensait à tort et à travers et Dieu sait avec qui, ça ne me regarde
pas et… je ne le dirai pas non plus ! Ton père, un h
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine, Louise, Mme
Chanel
Augustine va pleurer. Soudain Gaby revient, suivie de Louise.
LOUISE. Non ! Non ! Et non ! Ce coup-là,
inutile de dire à Madame que je lui donne mes huit jours !
GABY. Croyez-vous que ce soit le m
LOUISE. J’en avais déjà assez de tout le monde
avant !
SUZON. Mais qu’est-ce qui se passe ?
GABY. La voiture ne part pas ! On a arraché tous
les fils du moteur !
Sensation.
LOUISE, ricanant. « On » a
arraché !.. Qui « on » ?
GABY, à Louise. Gardez vos insolences !
LOUISE. Ce ne sont pas des insolences, ce sont des
constatations.
GABY. Au premier interrogatoire de la police, je serai
obligée de dire que vous sortez très souvent le soir, ma fille, et que tout le
monde le sait !
LOUISE. Au premier interrogatoire de la police, je serai
obligée de dire que vous sortez très souvent, le soir, Madame… et que tout le
monde l’ignore !!!
GABY. Il y a des lois contre les faux témoignages.
LOUISE. Il y a aussi des lois pour hériter !
GABY. Ça signifie ?
LOUISE. Qu’il faut prévenir le notaire.
GABY. Le notaire, pourquoi ?
LOUISE. Pour l’héritage. Vous savez bien : « A
qui profite le crime? »
GABY. Je ne c
CATHERINE. Ben oui, la personne qui hérite de l’assassiné
est forcément l’assassin. Tous les bouquins policiers le disent !
GABY. Tu ferais mieux d’apprendre la géographie ! Et
elle gifle Catherine.
AUGUSTINE. C’est bien la premiére fois que tu t’occupes de
ses etudes !
SUZON. Maman… il n’y a plus qu’une solution :
partir à pied… J’y vais.
GABY. Je vais avec toi…
SUZON. Non, maman, je vais courir jusqu’à la route…
GABY. Alors, fais vite, cet insolement n’est plus
tolérable !
Suzon
s’élance, mais on entend soudain du bruit.
LOUISE. Ecoutez !.. Regardez ! On marche… Dans
le jardin…
GABY. Chut !
On
écoute dans la terreur. Bruit de pas. Tout le monde bat en retraite vers le
fond de la pièce.
LOUISE. C’est l’assassin qui revient…
MADAME CHANE Taisez-vous !
AUGUSTINE. Je me sens mal… Je me sens mal !
GABY. Regardez…
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine, Louise, Mme
Chanel, Pierrette
Une
PIERRETTE, très émue. Je m’excuse, mesdames… Je ne me
serais jamais permis de venir ici, chez mon frère, sans être invitée… et
surtout par un temps pareil ! Mais… les circonstances… je sais bien que je
semble ridicule, mais… j’ai reçu, il y a une heure, un coup de téléphone… sans
doute une affreuse plaisanterie… On m’a dit : « Venez vite, votre
frère a été assassiné !.. » On a raccroché. Alors j’ai appelé ici…
Mais votre appareil doit être en dérangement. Tout d’un coup, bêtement, j’ai eu
peur… Le boulanger m’a déposée, en bas, sur la route et…
Les
femmes l’encerclent.
Pourquoi me regardez-vous toutes c
Elle réalise que ce doit être
vrai et pousse un cri de terreur, puis grimpe l’escalier et essaye d’ouvrir la
porte de la chambre de Marcel. Elle se retourne, livide.
Pourquoi la chambre de mon frère est-elle
fermée ?
GABY. C
PIERRETE. Vous fixez toutes cette porte… Elle secoue la
poignée, puis frappe. Marcel ! Marcel ! Ouvre-moi ! C’est
Pierrette ! Qu’est-ce qu’il se passe ? Marcel !
GABY. Ne criez pas, je vous en prie… Marcel est mort.
PIERRETTE. Mort ! C’est vrai… vrai ?..
LOUISE. Un couteau dans la dos…
Pierrette
livide, défigurée, descend quelques marches et se laisse aller sur la rampe en
sanglotant.
GABY, qui est venue se poster devant elle. Vous
admettrez que, devant votre irruption, je me trouve l’obligée de vous poser
quelques questions…
PIERRETTE. Laissez-moi, je vous en prie…
GABY. Avez-vous reconnu la voix qui vous
téléphonait ?
PIERRETTE. Non, elle a si peu parlé…
GABY. Une voix d’h
PIERRETTE. Non. De femme !
Un
temps.
GABY. Je ne crois guère à votre coup de téléphone.
PIERRETTE. Dans quel but aurais-je inventé cela ?
GABY. Pour avoir un prétexte pour venir ici, ce matin.
Que dis-je, pour y revenir ! Car vous êtes déjà venue ici, n’est-ce
pas ?
PIERRETTE. Jamais !
GABY. Pourquoi les chiens n’ont-ils pas aboyé ?
Ils semblent habitués à vous.
PIERRETTE. Est-ce que je sais ?
Un
temps.
Pourquoi la porte est-elle fermée ?
GABY. Pour empêcher quiconque de toucher quoi que ce
soit.
PIERRETTE. …Qui a la clef ?
GABY. Nous toutes.
PIERRETTE. Je veux voir Marcel. Donnez-moi la clef. Je veux
entrer.
GABY. Pour faire disparaître quelque chose que vous
auriez laissé derrière vous, sans doute ?
PIERRETTE, dans un cri. Donnez-moi cette clef ou
j’enfonce la porte !
GABY. Prenez la clef vous-même…
Elle
lui montre la clef au coin du meuble. Pierrette hésite, puis traverse la pièce
pour prendre la clef, les autres femmes s’écartant d’elle à son passage.
Pierrette s’empare de la clef et fonce sur la porte qu’elle essaie d’ouvrir… en
vain.
PIERRETTE. Mais… cette clef n’ouvre pas !
GABY. C
PIERRETTE. Regardez vous-même !
Gaby
monte et essaie à son tour, puis.
GABY. Ce n’est plus la clef… On l’a changée !
On
se regarde interdit.
CATHERINE. Pas de téléphone, pas de voiture et plus de clef…
AUGUSTINE. Une, ici, travaille contre nous. Le doute n’est
plus possible.
MAMY. Ah ! Par pitié ! Je vous supplie de
réfléchir à ce que vous dites… C’est très grave… Nos nerfs ne vont pas
résister !
SUZON. Que veux-tu qu’elles disent, grand-mère ?
Moi aussi, je suppose le pire… Nous avons toutes tourné autour de cette clef.
Chacune a pu l’échanger contre une autre. Pour nous empêcher d’entrer chez
papa. Y c
C’en
est trop! Pierrette fonce vers l’extérieur. Trois femmes lui barrent la porte.
PIERRETTE. Non mais ! Dites donc ! Vous me gardez
prisonnière ?
GABY. Appelez ça c
Alors
Pierrette se résigne et redescend au centre de la pièce, balançant son manteau
n’importe où !
PIERRETTE. Bon… Qui êtes-vous, d’abord, toutes ?
SUZON. Je suis votre nièce, Suzon.
CATHERINE. Moi, Catherine…
MAMY. Je suis Mamy et…
GABY, attaque. Quand avez-vous vu mon mari pour
la dernière fois ?
PIERRETTE. Nous s
GABY. Ne me dites pas que vous ne le rencontriez
jamais, je ne vous croirais pas…
PIERRETTE. Oui !.. J’ai rencontré Marcel une ou deux
fois, par hasard, en ville !.. Il m’aimait beaucoup et souffrait que vous
me refusiez l’accès de la maison…
GABY. C’est un monde !
SUZON. En tout cas, maintenant, vous y êtes dans la
maison !
PIERRETTE. Oui… ce coup de téléphone semble avoir voulu me
joindre à vous. C’est clair !
SUZON. Pourquoi le criminel vous aurait-il avertie ?
GABY. C’est invraisemblable…
PIERRETTE, glapit, haineuse. En tout cas mon frère
est mort et je suis décidée à vous soupçonner toutes, d’avance et par
principe !
GABY. Vous êtes beaucoup plus soupçonnante que
nous !
PIERRETTE. Ah ! Vous trouvez ?
GABY. Oui. Le fait que vous ayez voulu fuir prouve que
vous êtes coupable !
PIERRETTE. J’allais prévenir la police. La mort de Marcel me
prive de tout ce qui me restait au monde. En le perdant, je suis plus seule que
jamais… Tandis que vous… c’est la liberté, la richesse !
GABY. Accusez-moi de ce meurtre !
PIERRETTE. Pourquoi pas ?
Elles
sont dressées face à face.
MAMY, s’interpose. Nous perdons la tête… Je suis
la belle-mère de Marcel et voici mon autre fille, Augustine. Nous étions
hébergées par mon gendre, votre frère. J’avais de l’argent, Mademoiselle, et,
figurez-vous, on me l’a volé, l’autre nuit…
AUGUSTINE. Maman ! Ah !
MAMY. Autant mettre Mademoiselle au courant tout de
suite.
PIERRETTE, qui fixe Augustine. Alors, c’est vous,
Augustine ? J’étais curieuse de vous connaître.
AUGUSTINE, outrée. Pour quelles raisons, s’il vous
plaît ?
PIERRETTE. Parce que nous s
MAMY. Tu es abonnée à un club de lecture ? Tu ne
me l’avais jamais dit.
PIERRETTE. Excusez-moi, j’ai gaffé.
AUGUSTINE, pâle. Pas du tout. J’y suis inscrite, mais
n’y prends jamais rien.
MAMY. Ma fille n’aime pas lire.
PIERRETTE. Ah ! vraiment ? J’y suis abonnée moi
aussi et la secrétaire, qui est bavarde, m’a dit que vous preniez au moins cinq
r
AUGUSTINE. Vous vous tr
PIERRETTE. C’est possible ! En tout cas, vous avez lu,
il y a huit jours « La Gondole des Amants ! » Non ?
AUGUSTINE, perd pied. « La Gondole des
Amants ?.. » Je ne sais plus…
PIERRETTE. J’ai pris ce r
SUZON. Qu’avez-vous trouvé dans ce livre ?
MAMY. Si ma fille y a laissé quelque chose,
rendez-le-lui et c’est tout.
PIERRETTE. Vous avez oublié le brouillon d’une lettre que
vous avez adressée à mon frère.
GABY. A Marcel ? Tu écrivais à Marcel que tu
voyais tous les jours ?
AUGUSTINE. C’est une invention de cette femme.
PIERRETTE. Une invention ? Vous n’avez pas de
chance ! Je conserve tout, c’est une très, très, très vieille
habitude ! Elle sort de son sac une feuille de papier qu’elle va passer
sous le nez des autres en la lisant à haute voix. « Cher Marcel, il ne
faut pas m’en vouloir d’avoir fait une scène à maman devant toi à propos des
titres ! J’étais obligée de réclamer ma part pour ne pas qu’elle soupçonne
le trop grand intérêt que je te porte. S’il n’avait tenu qu’à moi, je te les
aurais donnés… », etc., etc., etc… presque illisible… Ah !
« Sache que je suis capable de tout pour t’éviter des ennuis, mais cesse
de me narguer avec Gaby. Je glisse ce mot sous ta porte et t’embrasse affectueusement.
Signé : Augustine. »
AUGUSTINE, lui arrachant la lettre des mains et la
déchirant en petits morceaux. Ce n’est pas vrai ! Je n’ai jamais aimé
Marcel ! Je le détestais. C’était un noceur ; il avait des liaisons
un peu partout !.. Et je lui aurais donné mes titres pour qu’il les porte
à ses maîtresses ? Regardez sa sœur, avec son sourire, et dites-vous bien
que c’est la même famille.
MAMY. Ma fille ne sait plus ce qu’elle dit.
AUGUSTINE, à Pierrette. Vous me le paierez.
PIERRETTE. Des menaces ? Un mobile de meurtre et des
menaces, c’est beaucoup pour une seule personne.
AUGUSTINE. Ce n’est pas vrai, je n’ai pas pu tuer ! Je
n’ai pas bougé de ma chambre de la nuit.
GABY. Pardon ! Tu as été cinq fois dans la salle
de bains.
AUGUSTINE. La salle de bains ? Quelle salle de
bains ? C
SUZON, reprend la situation en main. Bravo !
tante Pierrette, pour cette diversion sur Augustine. Vous êtes très forte.
Seulement, nous avons quelques questions à vous poser.
PIERRETTE, va s’asseoir, allumant une cigarette pour
calmer sa nervosité. Je vous écoute.
SUZON. Etes-vous déjà venue ici ?
PIERRETTE. Jamais.
SUZON. Vous mentez : nous en avons la preuve.
PIERRETTE, se retournant brusquement vers Madame Chanel.
Chanel… Merci !
Madame CHANEL, affolée. Je n’ai rien dit,
Pierrette !
Pierrette
se mord les lèvres.
GABY. Qu’est-ce que ça signifié ?
SUZON. Oui, elles se connaissent, se rencontrent, je le
sais. Elles adorent toutes deux jouer aux cartes.
GABY. Où vous rencontrez-vous ?
PIERRETTE, après un temps. Chez moi. En ville !
Le soir ! C’est notre droit… Non ?
GABY. A qui ferez-vous croire que Madame Chanel fait
neuf kil
SUZON. Oui, vous mentez encore ! Je vous ai demandé
si vous veniez ici en cachette et vous vous êtes tournée vers Chanel !
Donc vous veniez ici et Chanel le savait ! Mieux, elle vous acc
Un
silence.
MADAME CHANEL. Oh ! Autant le dire, Pierrette. Aux
autres. Je la recevais dans mon pavillon ou souvent, elle passait la nuit…
GABY. Voilà ! Et du pavillon à la maison, la
distance n’a pas du être longue à franchir !
PIERRETTE. Oui, je suis venu ici un jour voir mon frère.
Bon ! J’avais quelque chose d’important, à lui dire.
SUZON. C’était si important ? Madame Chanel ne
pouvait pas faire la c
Silence
de Pierrette et de Madame Chanel.
Ecoutez, les circonstances sont graves, la police
va arriver !
AUGUSTINE. Si elle arrive ! Car personne ne semble se
decider à aller la chercher !
SUZON. Oui… La police met beaucoup moins de gants que
nous pour découvrir toutes la vérités qui se cachent dans cette maison. Alors,
faites un effort pour parler…
GABY, acide. Elle venait sans doute lui demander
de l’argent.
PIERRETTE, se dresse. Je n’ai jamais demandé de
l’argent à Marcel.
GABY. Mais il vous en a donné de lui-même, n’est-ce
pas ?
PIERRETTE. Parfaitement. Il a c
GABY, se dresse aussi. C’est inconcevable !
SUZON. Maman, tais-toi ! Papa était libre… Là n’est
pas la question !
GABY, s’enflammant. C
PIERRETTE, brusquement. Maintenant il est à vous tout
à fait !
GABY. Oui. Parfaitement !
PIERRETTE. Votre amour de l’argent vous étouffera, ma chère
belle-sœur…
GABY. Vous entendez ? Elle ose me dire que…
SUZON, logique et nette. Il fallait te taire,
maman !
GABY. Cette femme est épouvantable ! Elle
s’effondre. Je suis à bout. Elle pleure dans son mouchoir.
CATHERINE, à Suzon. Alors, inspecteur, cette
enquête ? Ça avance ? Elle est rabrouée par Mamy.
SUZON. Ecoutez !.. Il s’agit de savoir ce que toutes
nous avons fait exactement cette nuit. Maman, où étais-tu ?
GABY. Dans ma chambre. Quelle question !
SUZON. En es-tu sortie ?
GABY, troublée, dirait-on. Non… Si ! une
fois. J’ai été voir si Catherine n’était pas malade, il m’avait semblé entendre
claquer la porte… Elle lisait tranquillement et je suis rentrée me coucher.
SUZON. Tu n’as rencontré personne dans le couloir ?
GABY. Si… Non… Je ne sais plus !
SUZON. Catherine, tu t’es, levée !
CATHERINE. Oui, pour aller au petit coin, quand maman a dû
m’entendre. Je n’ai vu personne.
SUZON. Tu n’as rien entendu ?
CATHERINE. Tu sais, j’étais en plein dans mon bouquin, et je
n’ai pas fait attention. Tante Augustine, un m
SUZON. Tu lui as répondu ?
CATHERINE. Oui.
AUGUSTINE. Oui. Un gros mot… Petite peste ! A ce
souvenir, elle griffe Catherine.
CATHERINE, hurlant. Tu vas me payer ça ! Je ne
voulais pas le dire, mais… tant pis pour toi. Aux autres. Voilà :
au m
Cri
général.
AUGUSTINE. Petite folle, toutes tes lectures t’ont tourné la
tête.
CATHERINE. Tu lis davantage que moi, alors ?
« Gondole des Amants ! »
AUGUSTINE Ce que je tenais à la main était mon peigne blanc,
en nacre, que je nettoyais…
GABY. A trois heures du matin ?
AUGUSTINE, glapit. Il n’y a pas d’heure pour les
peignes !
SUZON. Tante Augustine, nous te croyons. Elle fait
signe aux autres de se taire. Tu nous as dit que tu étais allée cinq fois
dans la salle de bains, n’est-ce pas ?
AUGUSTINE. Oui.
SUZON. As-tu rencontré, quelqu’un?
AUGUSTINE. Personne.
SUZON. As-tu entendu des pas, des portes claquer ?
AUGUSTINE. Je n’ai pas fait attention.
GABY. Pardon ! Tu ne pouvais pas dormir !
Quelqu’un qui ne peut pas dormir est nerveux et le moindre bruit le fait sursauter.
Tu as dit, tout à l’heure, avoir entendu Mamy se lever…
AUGUSTINE. Oui. C’est exact.
GABY. Mamy ? Tu t’es levée ?
MAMY. Non !
AUGUSTINE. Ooooh !
MAMY, nerveuse. Oui ! Je me suis levée vers
une heure. J’ai fait du tricot dans mon lit très tard et j’ai soudain pensé que
la laine qui me restait était dans le salon. Je suis descendue la chercher pour
pouvoir travailler de bonne heure dans mon lit.
GABY. As-tu croisé quelqu’un ?
MAMY. Non. La lumière brûlait chez Catherine et chez
Augustine… Il m’a semblé entendre des éclats de voix, venant de chez Marcel…
Mais je n’ai pas distingué qui criait et je ne m’en suis pas inquiétée. J’ai
pensé que c’était toi…
GABY. Tu as entendu crier et tu as pensé que c’était
moi ? Merci !
MAMY. Gaby, excuse-moi, je ne voulais pas…
GABY. Peut-être ! Mais ça fait plaisir d’entendre
dire par sa mère que l’on vit avec son mari à couteaux tirés…
Le
mot porte. Silence.
Enfin, je veux dire.
Silence.
SUZON. Louise, avez-vous quelque chose à dire sur ces
éclats de voix venant de chez mon père ?
LOUISE. Non, quand j’ai monté le tilleul, à minuit,
Monsieur était seul.
SUZON. Avez-vous rencontré quelqu’un ?
LOUISE. Oui. Mademoiselle Augustine. Tête d’Augustine.
SUZON. Tiens ? Tu nous a dit, tante Augustine,
n’avoir rencontré personne.
AUGUSTINE. J’avais oublié… J’étais allée boire…
GABY. Elle a passé sa nuit à boire !!!
SUZON. Louise, où avez-vous croisé ma tante ?
LOUISE. Euh !.. Vers là pendule ancienne.
SUZON. La pendule ancienne ! Mais, tante Augustine,
si ma mémoire est bonne, la pendule ancienne n’est pas entre ta chambre et la
salle de bains.
AUGUSINE. Ah ? Tiens ! Ce devait être au m
GABY, s’avance. Tu rôdais du côté de la chambre
de Marcel !.. Que s’est-il passé ?
SUZON. Tu l’aurais su, maman, si tu ne faisais pas
chambre à part !
La
réplique a claqué c
GABY, soufflée. Se faire juger par ses enfants,
c’est affreux !
PIERRETTE, goguenarde. C’est pour cette raison, ma
belle, que je n’en ai jamais fait !
GABY, contre-attaque vers Madame Chanel qu’elle voit
sourire. A quelle heure, madame Chanel, êtes-vous partie ?
Madame CHANEL, s’affole. Je n’ai pas regardé, mais
c’était autour de minuit.
GABY. Avant ou après le tilleul ?
Madame CHANEL. Vers ce m
GABY. C
Madame CHANEL. Un peu plus, car lorsque Louise occupe ma
cuisine, j’en ai pour un bon m
GABY. Pourquoi avez-vous tenu à le faire vous-même,
Louise, ce tilleul ?
LOUISE. Monsieur me l’avait c
GABY. Vous vouliez le lui monter vous-même ?
LOUISE. Pourquoi dites-vous ça, Madame ?
GABY. Il y a longtemps que j’ai vu clair dans votre
jeu, ma fille.
LOUISE. C
GABY, vexée. Ah ? Bon ! Gaby cherche
qui attaquer, va alors vers Pierrette. Il ne me reste plus qu’à vous
demander où vous étiez, vous, Pierrette. Où étiez-vous hier soir ?
PIERRETTE. Je suis allée faire une visite personnelle qui ne
regarde que moi et qui n’a aucun rapport avec ce qui nous bouleverse.
GABY. Vous n’avez pas vu mon mari hier soir ?
C’est certain ?
PIERRETTE. Oui. C’est certain.
GABY. Donc, jusqu’à preuve du contraire, la dernière
personne à avoir vu Marcel vivant, c’est vous, Louise !
Louise
semble frappée de frayeur.
LOUISE. C’est grave ! On peut m’accuser du
meurtre ?
GABY. Sans aucun doute.
Louise
bredouille quelque chose.
Quoi ?
LOUISE. Je n’aime pas les ennuis… Elle hésite puis se
jette à l’eau. Je vais tout dire… Je m’excuse, mademoiselle Pierrette, mais
il le faut.
PIERRETTE. Je m’y attendais.
LOUISE, aux autres. Eh bien ! voilà, quand
j’ai monté son tilleul à Monsieur, sa sœur était avec lui.
GABY, après un silence sourd. Pierrette !
Qu’êtes-vous venue faire chez mon mari, hier soir ?
PIERRETTE, tête basse. Je suis venue bavarder avec
lui, j’avais le cafard.
SUZON. Pourquoi la conversation a-t-elle été
bruyante ?
LOUISE. Pourquoi élevait-il la voix ?
AUGUSTINE. Vous vous êtes disputés ?
PIERRETTE. Non !.. On riait, même !
GABY. Et ma mère disait avoir reconnu ma voix !
Joli témoignage ! Tête de Mamy.
SUZON. Louise, vous avez donc assisté à la conversation
entre mon père et Pierrette ?
LOUISE. Non ! Non ! Je suis partie tout de
suite, en emportant le plateau.
GABY. Et vous, Pierrette ? Qu’avez-vous fait après
le départ de Louise ?
PIERRETTE. Rien… On a parlé, puis j’ai quitté mon frère
quelques minutes plus tard !
LOUISE. Oui, ça, je peux le jurer, j’ai vu Mademoiselle
repasser devant la fenêtre de la cuisine.
SUZON. Elle ne vous a rien dit à ce m
LOUISE, hésite. …Non.
GABY. Vous venez d’hésiter ! Faites attention,
Louise, si vous mentez, la police peut vous arrêter pour c
PIERRETTE, s’énerve. Laissez donc cette fille
tranquille ! Ça n’a pas de sens !
GABY. Vous vous trahissez, Pierrette ! Vous avez
dit quelque chose à Louise en descendant et vous avez peur qu’on l’apprenne.
LOUISE. Ecoutez, je vais tout vous dire c
PIERRETTE. Et je les regrette bien, petite grue…
LOUISE. C
PIERRETTE. Ah ! permettez ! C’est pas un
secret ! Vous couchez avec tout le pays !!!
LOUISE. Nous couchons donc toutes les deux avec les mêmes !..
Et puisque vous mentez pour me faire avoir des ennuis, je vais encore dire
pourquoi vous m’avez donné dix mille francs : parce que, quand je suis
entrée dans la chambre, vous étiez en train de dire à Monsieur : « Si
tu ne me donnes pas cet argent, je te tue ! »
PIERRETTE. C’est faux ! Je disais : « Je me
tue. »
LOUISE. Non ! Je te tue !
Elles
se battent en s’injuriant. Soudain le volet claquent et elles poussent un cri
général. Un silence.
GABY. Assis ! Et que personne ne bouge…
Elles
s’assoient à contre-cœur.
MAMY. Où allons-nous ? Nous perdons toutes la
têtes !
CATHERINE. Dans tous les bons r
LOUISE. J’en ai assez ! Je cours jusqu’au carrefour
appeler une voiture ! Elle sort.
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine, Mme Chanel,
Pierrette
SUZON. Oui, parce que, maintenant, il n’y a pas de
doute ! L’assassin est parmi nous…
PIERRETTE, glapit. Prouvez-le !
SUZON. Ce ne peut être qu’une de vous sept. Voilà mon
avis. C’est tout.
Silence.
L’horloge sonne.
CATHERINE, vient à elle. Dis donc, Suzon… Tu as
oublié d’interroger quelqu’un.
SUZON. Qui ?
CATHERINE. Toi.
SUZON. Moi ?
CATHERINE. Oui, tu as passé en revue nos sept emplois du
temps d’hier soir, mais tu as oublié de nous parler… du tien.
GABY. Tu dis des bêtises, Catherine, ta sœur est
descendue du train, ce matin, sous mes yeux.
CATHERINE. Erreur, petite mère, erreur !
GABY. C
CATHERINE, place son effet. Oui. Suzon était dans la maison
hier soir. — Je l’ai vue.
Stupéfaction
générale.
SUZON, voix blanche. Quand m’as-tu vue ?
CATHERINE. Cette nuit… J’ai entrouvert ma porte et je t’ai
vue entrer chez papa. Il était quatre heures du matin.
Sensation.
Les femmes fixent Suzon qui prend peur.
SUZON. Je n’ai pas tué mon père ! Je le jure !
GABY. Mais enfin, Suzanne, explique-toi. Cette
révélation est bouleversante.
SUZON. Oui… J’ai pris le train avec un jour d’avance. A
l’aube, je suis passée par le service. Je suis entrée chez papa et lui ai dit
quelque chose de grave que je voulais qu’il soit le seul à savoir. S’il ne
m’avait pas approuvée, je ne serais jamais revenue… Il a été merveilleux de
gentillesse. Pauvre papa ! Il m’a pr
GABY. Que devait-il nous dire ?
SUZON, qui a retenu son émotion jusque-là, éclate en
sanglots. Je… Je… Je vais avoir un enfant !!
Soudain
Louise revient, hurlante.
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine, Louise, Mme
Chanel, Pierrette
LOUISE. …Madame ! Madame !
GABY. Qu’y a-t-il ? Vous n’êtes pas partie ?
LOUISE, crie. La grille est bouclée. On ne peut
pas sortir du parc. Nous s
Elles
se regardent.
RIDEAU
Début
de l’après-midi. Ciel bas. Toutes en scène, silencieuses, accablées.
Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine, Louise, Mme
Chanel, Pierrette
Gaby actionne un appareil de T.S.F. qui crache… Puis :
LE SPEAKER. « Météorologiques… les chutes de neige
persistent. La tempête fait rage sur les côtes où certaines routes sont
impraticables. La neige et le froid ont fait de n
Gaby
ferme la T.S.F., puis soupire.
GABY. Eh bien, mesdames !.. Ça ne s’arrange pas !
Un
silence. L’horloge sonne deux coups.
Madame CHANEL. Deux heures !.. Vous devriez prendre quelque
chose… J’ai servi, dans la salle à manger, un petit repas froid…
AUGUSTINE, gourmande. Ah oui ? Qu’est-ce qu’il y
a à manger ?
MAMY. Augustine !
AUGUSTINE. Quoi ! Ce n’est pas parce que nous s
Mamy
la regarde avec réprobation. Augustine se tait. Mme Chanel s’éloigne vers la
baie, découragée. Suzon s’est levée, elle passe devant sa mère, implorant un
regard.
SUZON. Maman !
GABY. Tu oses encore me regarder ? Tu as une autre
révélation à me faire ?
SUZON. Non, maman, je t’ai tout dit.
GABY, s’exaltant. Une fille ! Voilà ce que
tu es ! Une fille !
PIERRETTE, qui lit un magazine. Ce sont des choses
qui arrivent !..
GABY. Dans votre milieu sûrement ! Dans le nôtre,
on se marie, avant !
PIERRETTE. Vous retardez ! Il n’y a plus
« milieux » à présent… C’est ça le progrès !
GABY. Il faut que je la félicite, sans doute…
d’attendre un enfant ?
PIERRETTE. Laissez-la donc tranquille ! Vous feriez
mieux de…
GABY. Nous nous passerons de vos conseils !
PIERRETTE. Oh ! moi, ce que j’en dis !
MADAME CHANEL, pousse soudain un cri,
ayant regardé dans le jardin. Vite ! Venez ! Les chiens sont en train
de mourir. Je viens de les voir, l’un tout raide et l’autre se tordant. J’en ai
les jambes coupées. Venez !
Elle
sort sur la terrasse, disparait.
GABY. Les chiens sont morts ?
AUGUSTINE. Empoisonnés, c’est sûr !
Elles
sortent derrière Mme Chanel.
MAMY. Ne touchez à rien !
LOUISE. Le poison pour les rats !
Elle
sort vers l’office.
Mamy, Suzon, Catherine, Pierrette
SUZON. Mon dieux ! Qu’est-ce que je vais
devenir ?
PIERRETTE, à Suzon, gentiment. Au point où nous en s
MAMY, qui grogne dans son coin avec son tricot.
Il la conduira sans doute là où vous êtes ! Jolie perspective !
PIERRETTE. Occupez-vous de votre tricot, pas de ma
perspective ! Vu ?
Pierrette,
écœurée, va se replonger dans son journal. Alors Suzon voit Catherine la tête
dans les mains.
SUZON, se jetant sur sa sœur et l’entourant de ses
bras. Catherine !
CATHERINE, qui pleure. Quelle horreure ! J’ai lu
ça dans les livres, mais jamais je n’aurais pensé que ça fasse cet effect !
SUZON. C’est impossible à croire.
Un
temps.
Je t’aime beaucoup, tu sais, Catherine. J’ai
beaucoup pensé à toi…
CATHERINE. Moi aussi. Alors… tu vas avoir un petit
enfant ?
SUZON. Oui ?
CATHERINE. Je n’airais pas dû dire tout à l’heure que tu étais
venue…
SUZON, Si, tu as bien fait…
CATHERINE. C
SUZON. Grand, blond, avec des yeux verts…
CATHERINE. T’as de la veine. Qu’est-ce qu’il fait ?
SUZON. Il travaille dans une banque.
CATHERINE. La banque est à lui ?
SUZON. Non.
CATHERINE. Il a une bagnole ?
SUZON. Non !
CATHERINE, effarée. Mais alors, il est fauchée ?
SUZON. Tu crois donc encore que l’argent, c’est le
bonheur ?
CATHERINE. Il a un frère ?
SUZON. Non.
CATHERINE, déçue. D
SUZON. Grosse bête, tu as tout le temps de penser à ça.
Ce n’est pas de ton âge !
CATHERINE. Mon âge, toujours le même refrain ! Faut pas
lire, faut pas suffler dans la rue, ni lancer des pierres, ni fumer… Faut pas…
Faut pas… Et zut alors !
SUZON. Catherine !
Mamy, Suzon, Catherine, Pierrette,Gaby
Retour
de Gaby de la terrasse. Pierrette se
lève.
PIERRETTE. Alors ?
GABY. Les chiens sont morts ! C’est
effrayant ! Les pauvres bêtes !
MAMY. Pourquoi les avoir tués ?
GABY. Je me le demande.
PIERRETTE. Je vais vous le dire : l’assassin a voulu
voir si la mort aux rats tuait les êtres humains ! Le voilà
renseigné !.. Alors, attendons — nous à en manger dans de brefs délais.
GABY. éclatant. Vous ne voyez donc pas dans quel état nous s
Mamy, Suzon, Catherine, Pierrette, Gaby, Louise, puis Augustine et Mme Chanel
LOUISE, revenant de la cuisine. La boite de mort
aux rats a disparu !
GABY. Qui a fait ça ? Qui a juré de nous
terroriser à ce point ?
LOUISE. Moi, en tout cas, je ne peux plus respirer. Je fais
mes valises.
PIERRETTE. Ah non ! attendez. A partir de cet instant,
il est interdit de quitter cette pièce.
Augustine, qui était revenue, avec madame Chanel.
AUGUSTINE. Je suis de votre avis, si nous nous dispersons,
l’assassin frappe une autre fois.
GABY. On croit faire un cauchemar ! Le téléphone
coupé, la voiture détraquée, la grille fermée, les chiens empoisonnés… Vous
direz ce que vous voulez : je ne trouve pas ça normal ! Que me
proposez-vous de faire ?
MAMY. On pourrait peut-être crier ou appeler quelqu’un
sur la route !..
GABY. A travers la grille ? Avec cette tempête,
qui s’arrêtera ?
MAMY. Mes enfants, c’est un vagabond, ça ne peut être
qu’un vagabond.
Madame CHANEL. Mais non ! Il faut se rendre à l’évidence.
C’est une de nous huit !
SUZON. Je propose que nous restions dans ce salon
jusqu’à ce que… Elle se tait.
PIERRETTE. Jusqu’à ce que ?..
CATHERINE. Jusqu’à ce que l’assassin se trahisse.
MAMY. Pour avoir une nouvelle vicime à pleurer ?
SUZON. Non… En réfléchissant bien, on doit trouver quelque
chose.
GABY. Ma pauvre petite, tu passes ton temps à réfléchir
et jusqu’à présent sans résultat.
SUZON. Nous savons, au moins, à quelle heure papa a été
tué.
MAMY. A quelle heure ?
SUZON. Après quatre heures du matin ! Puisque je
l’ai quitté vers cette heure-là.
PIERRETTE. Ah ! ah ! Charmante façon de vous
placer, à nouveau, hors du drame !
SUZON. J’ai quitté mon père vivant, je voudrais que l’on
me croie.
PIERRETTE. On vous croit ! Seulement, chacune se dit innocente
et il y a pourtant une coupable entre ces quatre murs.
SUZON, découragée. Oui. C’est un cercle fermé…
CATHERINE. Il n’y a pas de cercle fermé dans la mécanique
policière ! Parmi nous, une ment, c’est l’assassin, oui ! Et ce qui
l’aide à se cacher, c’est que tes autres mentent aussi, pour des raisons autres
que le meurtre ! Croyez-moi, pour découvrir l’assassin, il faudra que vous
vous découvriez d’abord…
Un
silence lourd.
AUGUSTINE, agressive. En tout cas, je préviens la meurtrière
que je suis armée.
GABY. Je la préviens que… moi aussi !
Et
soudain, ensemble.
GABY et AUGUSTINE. Dans ce tiroir, il y a
un revolver !
Affolées,
elles se précipitent toutes deux vers le bureau en se disputant.
AUGUSTINE. Moi d’abord ! J’y ai pensé la
première !
GABY. C’est le revolver de mon mari ! Assez !
Gaby
se penche, fouille. Elle nous fait face, défigurée par la peur.
AUGUSTINE. Quoi ? Elle constate à son tour. On a
volé le revolver !
GABY. Nous s
CATHERINE. Je vous dis et vous répéte que nous avons la
chance d’être cloîtrées et vous ne voulez pas en profiter ! Tant que
l’assassin est entouré de sept temoins, il ne fera rien ! On est sept
contre un. Si on se disperse, on est cuites… Tiens, vous avez entendu parler
d’Horace, qui, pour tuer tranquillement les trois Curiace, les a séparés ?
(Tu vois, maman, j’ai quand même retenu ça de mes études !) Et bien !
C'est pas le m
AUGUSTINE, soudain. Ecoutez ! Je vais dire
quelque chose… Et patatrac, elle s’effondre de toute sa hauteur.
MAMY. Augustine !.. Elle se trouve mal…
On
se précipite.
SUZON, à Catherine. Tu vois ce que tu as
fait ?
CATHERINE. Oh ! La ! La !.. Quelle
mauviette !
On
a allongé Augustine sur le canapé.
MAMY. C’est son cœur. Il faut lui faire sa piqûre.
Madame Chanel, faites bouillir de l’eau.
Madame Chanel sort. A Suzon.
Va chercher sa boîte d’ampoules.
SUZON. Où est-elle ?
MAMY. Dans le tiroir de sa table.
Suzon
se dirige vers l’escalier, marque un temps de frayeur, ne bouge plus.
GABY, désignant Augustine. Il ne nous manquait
plus que ça !
Elle
voit Suzon clouée sur place.
Va les chercher, Suzon… Dépêche-toi !.. Du
courage !
Suzon
disparaît à l’étage.
Mamy, Catherine, Pierrette, Gaby, Louise, Augustine
MAMY. Sa piqûre va la ranimer ! Louise, allez
chercher votre trousse d’infirmière.
LOUISE. Quoi ? Ah non ! Je ne ferai pas la
piqûre. J’ai été trop bonne jusqu’à ce jour. Pour l’ingratitude que je récolte…
MAMY. Louise, vous ne pouvez pas refuser de…
LOUISE. Débrouillez-vous ! J’ai été engagée c
MAMY. Il n’y a que vous ici qui sachiez faire les
piqûres. Vous ne pouvez pas refuser. C’est criminel.
LOUISE. Criminel ou pas, c’est pareil. Ah ! ce
serait trop facile ! On me traite c
GABY. Non assistance à une personne en danger de mort,
c’est la correctionnelle et la prison. Le savez-vous ?
LOUISE. J’ai donné mes huit jours.
PIERRETTE. Louise, réfléchissez. Vous vous mettez une
mauvaise affaire sur les bras. Croyez-moi. Faites la piqûre. Conseil d’amie.
LOUISE. Bon, ça va…
MAMY. Merci, Louise… Merci…
LOUISE. Oh ! les merci…
Elle
sort.
Mamy, Catherine, Pierrette, Gaby, Augustine, Suzon
SUZON, apparaissant en haut de l’escalier. Je ne
trouve rien dans la chambre d’Augustine !
MAMY. Elle a la manie de tout déplacer… Je vais avec
toi.
Elles
disparaissent.
Catherine, Pierrette, Gaby, Augustine
CATHERINE. Tante Augustine est toute
pâle…
GABY. N’ai pas peur, elle va revenir à elle… La piqûre lui
fera du bien…
CATHERINE. C’est pas du chiqué ? Elle est vraiment
évanouie ?
GABY. Mais tais-toi donc !
Catherine, Pierrette, Gaby, Augustine, Louise
LOUISE, revenant avec sa trousse. Ce que je me mords
les doigts d’avoir dit en arrivant ici que j’avais mon diplôme d’infirmière… Si
mademoiselle Augustine meurt en route, on dira que j’ai mal fait la piqûre… Je
ne suis pas au bout de mes peines. Le jour où je suis entrée ici, j’aurais
mieux fait de me casser la jambe… Alors, ces ampoules, ça vient ?
GABY. Mais qu’est-ce qu’elles font ?
CATHERINE. Tu veux que j’aille voir ?
GABY. Reste ici.
Catherine, Pierrette, Gaby, Augustine, Louise, Mamy,
Suzon
Apparaissent Mamy et
Suzon, l’air inquiet.
SUZON. Nous ne trouvons rien !
MAMY. Je ne c
PIERRETTE. Qu’est-ce que ça veut dire ? On aurait fait
disparaître les remèdes… volontairement ?
MAMY, à Augustine. Ma petite fille… Augustine…
GABY. Peut-être les a-t-elle jetés…
MAMY. Non ! On les a jetés… On a voulu tuer
Augustine, indirectement.
SUZON. Je vais encore fouiller.
Elle
remonte l’escalier.
Catherine, Pierrette, Gaby, Augustine, Louise, Mamy
PIERRETTE. Faites quelque chose ! Il faudrait lui
mettre de l’eau sur la tête non ?
GABY. Un torchon mouillé ! Giflez-la !
AUGUSTINE, ouvrant un œil. Je t’entends, Gaby, tu
veux me gifler !..
GABY. St tu m’entends, c’est que tu es encore en vie.
Tant mieux !
MAMY. Ma petite, c
AUGUSTINE. C’est terrible. J’ai le cœur arrêté.
MAMY. Il ne faut pas bouger. Il va repartir.
AUGUSTINE. Je veux… je veux une piqûre…
On
se regarde, sans oser rien dire.
GABY. On est allé les chercher.
MAMY. Sont-elles dans la table ou ailleurs ?
AUGUSTINE. J’en ai dans la table avec tous les cachets et
aussi dans le placard avec tout le reste…
MAMY. …Tu ne les as pas changées de place ?
AUGUSTINE. Mais non… Quelle idée !
On
se regarde.
Ma piqûre !
MAMY, mentant. Je ne sais pas si ça te ferait du
bien…
AUGUSTINE. Mais je vais mourir, maman !
GABY. Mais non, tu ne vas pas mourir ! Tu
t’évanouis deux fois par jou !
MAMY, geste d’impuissance aux autres. Ma petite…
Un
temps.
AUGUSTINE. Quoi ? Personne ne bouge ? Personne ne
parle ? Ah !.. j’ai c
PIERRETTE. On voudrait bien, ma belle, mais tous vos
médicaments ont disparu !
AUGUSTINE. Disparu ?
MAMY. Nous n’osions pas te le dire…
AUGUSTINE, ret
CATHERINE. « Gondoles des Amants », chapitre
8 !
Catherine, Pierrette, Gaby, Augustine, Louise, Mamy,
Suzon
SUZON, arrivant avec une énorme feuille de journal
remplie de boites de toutes les couleurs. J’ai trouvé les médicaments…
AUGUSTINE, toute ravie, battant des mains.
Sauvée !.. Sauvée !..
MAMY, se rue sur le paquet et fouille. Tiens,
les voilà tes piqûres… Elle a trouvé la boîte. Vite, Louise, votre
trousse… Madame Chanel, l’eau bouillie !
On
se précipite.
MAMY. Viens dans le salon, sur le canapé.
AUGUSTINE. Eh bien ! soutiens-moi, maman !
Mamy
soutient Augustine et elles sortent par la porte de gauche. Catherine leur
emboîte le pas.
GABY. Catherine, reste ici.
CATHERINE. Je veux voir faire la piqûre… Elle se sauve.
Madame
Chanel traverse la pièce avec une casserole et une serviette et elle disparaît.
LOUISE. Quelle journée !.. Je m’en
rappellerai ! Elle fait gicler la seringue et fonce vers le salon,
venimeuse. Elle est sortie.
Pierrette, Gaby, Suzon
PIERRETTE, faisant face à Suzon. Où avez-vous trouvé les
médicaments ?
SUZON. Le vol ne devait pas remonter à plus d’une heure,
car Augustine, qui est retournée dans sa chambre, s’en serait aperçue. Le
voleur — que dis-je, la voleuse ! — n’a pas eu plus de deux ou trois
minutes pour agir. Elle a donc déposé le paquet où elle a pu. J’ai fouillé les
chambres. C’était sous un lit.
GABY. Lequel ?
SUZON. Le tiens, maman.
GABY, soufflée. Sous le mien ?? C’est
incroyable. On a voulu me c
SUZON, ambiguë. Sans doute.
GABY. Qui peut nous en vouloir à ce point ? Il
s’agit d’un ennemi de la famille. Rien ne s’explique autrement… « Qui
n’est pas de la famille ? » Voilà le problème.
PIERRETTE. C’est aimable pour moi !
GABY. Vous avez trop d’intérêts dans la maison. Ça vous
lie à nous.
PIERRETTE. Des intérêts ? Je ne vois pas.
GABY. Faites l’innocente. Vous savez très bien que
Marcel a pensé à vous dans son testament !
PIERRETTE. Il vous l’a dit ou vous le supposez ?
GABY. Il me l’a dit. Il y a huit jours. Il m’a annoncé
qu’il vous laissait deux millions.
SUZON. Mais c’est une grande nouvelle, maman ! Tu
ne nous disais rien !
GAFY. Mais… je n’y pensais plus…
PIERRETTE. Ce que vous avez dû pester !
GABY. Oh ! pas tant que vous croyez. J’étais si
contente de me débarrasser de vous à ce prix-là.
PIERRETTE, émue, dirait-on. Tiens ! Marcel a
donc eu un geste…
GABY. Il a dû prendre rendez-vous avec son notaire,
dans les jours qui ont suivi… et lorsque vous avez été certaine de votre
héritage…
PIERRETTE. Voyez-vous, ma version est différente, Marcel
n’avait pas encore testé en ma faveur, mais allait le faire. Vous avez alors
agi… de toute urgence !
GABY. Quelle horreur !
PIERRETTE. Le testament a-t-il été fait, oui ou non ?
S’il a été fait, les doutes t
SUZON. Je peux vous renseigner sur ce point. Le
testament n’est pas fait.
Pierrette
tri
Hier soir, quand j’ai vu papa… il m’a parlé d’une chose
relative à un testament!.. Il m’a dit : « Tu as bien fait de m’avouer
tout… Je c
GABY, explosant. Ingénieuse façon de dire :
« Je n’ai pas tué mon père, car le lendemain, il allait me coucher sur son
testament », et ignoble façon de m’accuser du crime ! Tu es
monstrueuse de parler de cette façon à ta mère, Suzon !
SUZON. Je ne t’ai pas accusée, maman. J’ai dit ce qui
était.
GABY. Tu oses me regarder et me donner des leçons dans
l’état où tu es ! Moi, je peux encore te regarder en face…
Elle
prend Suzon par le bras.
Regarde-moi, regarde ta mère et ose répéter ce que
tu as dit.
SUZON, éclatant en san flots. Maman…
Elle
se jette contre elle.
GABY. Je ne me remettrai jamais de toutes ces
horreurs !
PIERRETTE, qui ricane de loin. Bien jouée la scène du
mélodrame !
GARY. Ah ! vous ! Taisez-vous… Dites-nous
plutôt où vous étiez la nuit dernière ?
PIERRETTE. Ce n’est pas à vous que j’en rendrai c
GABY, méprisante. Un h
PIERRETTE, est prête à répondre, puis. Vous me l’avez
déjà demandé et je n’ai pas répondu. Elle remonte vers la baie.
GABY. C’est vous qui avez mis les médicaments sous mon lit,
pour me faire du mal. Vous me détestez ! Ça se voit !
Pierrette
lui lance une bouffée de cigarette au nez et disparaît au fond. Un temps.
Suzon… Tu as regardé sous mon lit ?..
Un
temps.
SUZON. Oui, maman. J’ai vu.
GABY. Tu as vu ?
SUZON. Oui. J’ai vu tes valises. Prêtes, garnies,
bondées. Tu c
GABY. Ben…
Un
temps. Elles se regardent.
Pierrette, Gaby, Suzon, Louise
LOUISE, sortant du salon. Ça y est ! La
piquée est piquée !
Elle
disparaît par la porte de l’office.
Pierrette, Gaby, Suzon, Catherine, Mamy
GABY, qui veut vite parler d’autre chose. Et
elle ? Tu crois qu’elle n’est pas d’une insolence inquiétante ?
CATHERINE, rentrant. Oh ! c’est formidable les
piqûres. Crac !.. et tu te sens mieux. Elle est suivie de Mamy.
GABY. Sais-tu, maman, où on a retrouvé les
médicaments ? Sous mon lit.
MAMY. Non ? Qui a pu faire ça ?
CATHERINE. Tout le monde, tiens. Puisque nous nous s
MAMY, voyant Louise qui revient de la cuisine.
Et Louise qui refusait de faire la piqûre ? Vous trouvez ça normal ?
CATHERINE. Ben oui, quoi ! Vous lui avez dit des
sottises… Ceci dit, c’est une bien curieuse personne…
Elle
vient sur elle.
Pierrette, Gaby, Suzon,
Catherine, Mamy, Louise
LOUISE, qui recule. Qu’est-ce que j’ai encore
fait ?
CATHERINE. Louise, dites-nous les n
LOUISE. Menteuse !..
CATHERINE. Je vous ai suivie, un soir…
LOUISE, au bord des larmes. Vous mentez… Mais je
dirai aussi tout ce que je sais sur vous !
CATHERINE Allez-y ! « De la discussion jaillit la
lumière ».
LOUISE. J’ai trouvé sous votre matelas des livres
drôlement salés, avec des illustrations.
GABY. bondit. Pourquoi ne m’en avez-vous rien
dit ?
LOUISE. Ça dépasse mes attributions. Je me suis contentée
de les confisquer.
CATHERINE. Ah ! c’est
vous ?
GABY. Catherine, où as-tu pris ces livres ?
CATHERINE. Je les ai barbotés en sortant du collège. Ils
étaient en devanture d’un kiosque de journaux. C’est une honte !
Hop ! ni vu, ni connu !
MAMY, fonçant sur Louise avec sa canne. C’est
Louise qui fouille sous les matelas, les oreillers !! Mon argent !
Mon argent ! Voleuse !..
LOUISE, qui recule. Doucement !..
MAMY. Louise fouille sous les lits… Et elle va nous
dire… tout ce qu’elle a vu sous les lits…
Louise
s’est retournée vers Gaby. Silence. Elles se regardent. Madame Chanel attirée par les cris, est entrée.
LOUISE. Sous les lits ?
CATHERINE. Louise, parlez ! Parlez ! Personne ne
vous punira ! Ah ! si le Syndicat des Gens de Maison vous voyait, il
en crèverait de joie !
SUZON. Si personne n’a rien de précis à reprocher à
Louise, nous pourrions la laisser en paix, non ?
MAMY, attaque. Moi, j’ai des choses à lui reprocher… Sans parler de la piqûre qu’elle
refusait de faire à Augustine… je dois dire que, un jour, j’ai vu cette fille
ouvrir une lettre qui m’était destinée !
LOUISE. C’était une erreur !
MAMY. Oh ! une erreur !
Pierrette, Gaby,
Suzon,Catherine, Mamy, Louise, Mme Chanel
Madame CHANEL, intervient. Parfaitement, une
erreur ! Je suis obligée de témoigner pour Louise. C’est moi qui vais
retirer le courrier de la boite, depuis dix ans… Louise ne l’approchait jamais.
Louise ne pouvait rien dérober. C’est ma faute si, un jour, j’ai donné une
lettre de Madame à Louise. En voiîà une affaire ! On peut se tr
MAMY. J’avais un mandat dans cette lettre.
Madame CHANEL. Et après ? On peut se tr
LOUISE. Merci, Chanel.
MAMY, contre-attaque. Madame Chanel, puisque
vous êtes si honnête, vous allez nous expliquer pourquoi — alors que vous avez
dit être partie de la maison vers minuit — pourquoi j’ai vu votre manteau et
votre fichu accrochés dans le vestibule de l’office et cela vers une heure et
demie, quand je suis descendue chercher ma laine au salon… Vous avez la
répartie si facile ! Répondez !
Un
silence. Mamy tri
Répondez donc !
Madame CHANEL, après un temps. Oui, je suis revenue dans
la maison vers une heure du matin !
SUZON. Pourquoi ne l’avais-tu pas dit ?
Madame CHANEL. Je ne pensais pas que les choses en arriveraient
là ! Je croyais qu’on allait arrêter le coupable tout de suite.
SUZON. Pourquoi as-tu éprouvé le besoin de revenir ici
après minuit ?
Madame CHANEL. En quittant la maison, je suis allée droit à mon
pavillon où j’avais laissé Pierrette. Elle était là depuis 9 heures du soir.
Nous c
SUZON. Peur ?
Madame CHANEL. Non, ce n’est pas le mot… Je veux dire que j’ai pensé
qu’on s’était croisées… que Pierrette avait dû venir voir Monsieur ! Je
craignais leurs rencontres, leurs différends, leurs disputes !
PIERRETTE, qui bondit dans la pièce c
Madame CHANEL. Si vous voulez insinuer…
Suzon les sépare et prend Chanel par le bras.
SUZON. Chanel, tu est donc montée chez papa vers une
heure ?
Madame CHANEL. Oui.
SUZON. Et tu y as retrouvé Pierrette ?
Madame CHANEL. Oui.
SUZON. Que disaient-ils ?
Madame CHANEL. Rien.
SUZON. C
Madame CHANEL. Ben !.. Ils jouaient aux cartes !
GABY, bondit, sidérée. Qu’est-ce que vous
dites ? Mon mari jouait aux cartes aussi ?
Madame CHANEL. Oui, madame…
GABY. Depuis quand ?
Madame CHANEL, qui désigne Pierrette. Depuis…
PIERRETTE. Depuis mon arrivée ici, sans doute ?
Madame CHANEL. Oui.
PIERRETTE. C’est faux ! Marcel courait les tripots à
tous ses voyages à Paris. Je vous en parle en connaissance de cause. C’est moi
qui le pilotais… Alors qu’on ne vienne pas me coller ses défauts sur mon c
Madame CHANEL. Oh ! non ! Moi, je joue depuis toujours
Seulement, depuis votre arrivée, je perds plus souvent… C’est tout.
PIERRETTE. Vous avez englouti toutes vos écon
Madame CHANEL. Je ne dis rien. Parce que…
PIERRETTE. …Parce que quoi ?
Madame CHANEL. Parce que je n’ai pas de preuves !
PIERRETTE. Quand on n’a pas de preuves, on se tait ! Elle
s’éloigne, moqueuse.
Madame CHANEL, aux autres. Mettez-vous à ma place :
j’avais deux as de cœur !!! Elle c
SUZON. Ma Chanel ! Toi !
Madame CHANEL. Suzon… Je te jure que je
suis incapable d’avoir fait quelque chose de mal ! Ne crois pas ça de moi,
ma petite fille…
MAMY. Mais alors, Marcel, Pierrette et Madame Chanel,
ils jouaient tous les trois ?
CATHERINE. Tu regrettes de n’avoir pas fait la quatrième
pour jouer tes titres ? Elle évite un coup de canne.
GABY. Madame Chanel ! Vous qui aviez toute ma
confiance ! Vous à qui j’ai laissé l’honneur d’élever mes filles…
Madame CHANEL. Fallait bien que j’ai
l’honneur de les élever, Madame ! Si elles n’avaient eu que vos
attentions, elles n’auraient pas eu grand-chose !
GABY. Oh ! c’est la première et la dernière fois
que j’entends de pareils propos. Quand la police arrivera, je ne vous
épargnerai pas, madame Chanel.
Madame CHANEL. C
SUZON, qui reprend Madame Chanel par le bras.
Chanel as-tu joué longtemps au poker, hier soir avec papa et Pierrette ?
Réponds !
Madame CHANEL. Oui. Plus d’une heure…
SUZON. Tu as gagné ?.. Perdu ?..
Madame CHANEL. Perdu. Bien sûr !
SUZON. Perdu c
PIERRETTE. …300 000 balles !
SUZON Tu as payé ?
Madame CHANEL. Non… J’ai emprunté.
SUZON. A qui ?
Madame CHANEL. A Monsieur…
Sensation
générale.
Je l’ai quitté vivant ! Jamais je n’aurais pu
faire cette horreur ! Je suis sortie, en laissant Monsieur et Pierrette
continuer la partie. Je le jure !
SUZON. Pierrette, vous êtes donc restée seule avec mon
père ? Qu’avez-vous fait ?
PIERRETTE. Rien. On a bavardé…
Madame CHANEL, éclatant de rage. C’est pas vrai !
Vous avez ri ! Je vous ai entendus. Vous avez ri de moi Vous avez ri parce
que vous aviez triché tous les deux. Vous avez ri parce que vous m’aviez volé
300 000 francs !
PIERRETTE, se dresse livide. Et hop là ! Vous
venez de vous trahir ! Le doute n’est plus possible. C’est vous qui avez
tué Marcel…
Madame CHANEL. J’ai ma conscience pour moi… Je ne me suis pas
retirée en province pour me garer d’une mauvaise affaire… moi !
Elles
s’affrontent du reggard.
SUZON. Chanel, tu les as entendus rire ?
Alors ? Qu’as-tu fait ?
Madame CHANEL. Rien. J’ai pleuré. Elle
cache son visage. Qu’on me laisse tranquille à présent ! Je n’ai plus
rien à dire.
Elle
monte l’escalier et disparaît en pleurant.
Pierrette,Gaby,
Suzon,Catherine, Mamy, Louise
SUZON. Pierrette, c’est donc vous désormais qui êtes la
dernière à avoir vu mon père vivant !
PIERRETTE. Ah ! non ! Louise a dû le voir, plus
tard et… de plus près !
LOUISE. Oh ! Pourquoi voulez-vous que je sois remontée
voir Monsieur ? C’est de la cal
PIERRETTE. Marcel et cette fille se connaissaient depuis
cinq ans.
GABY. Qu’est-ce que vous dites ?
PIERRETTE. Oui… Cinq ans de garçonnière, de week-ends clandestins…
Cet hiver, ici, la place de femme de chambre a été libre. Louise s’est fait
engager… C’est ce qu’on appelle : s’installer à d
LOUISE. Vous feriez mieux de vous occuper de vos
affaires. Elles sont assez mal en point !
GABY, pincée. Louise… Que devons-nous penser de
ce que nous venons d’entendre ?
LOUISE. Ben…
GABY. Vous connaissiez Monsieur avant ?
LOUISE. Oui.
GABY. Et vous avez décidé d’un c
LOUISE. Oui.
GABY. Et vous avez accepté cette corvée
facilement ?
LOUISE. Oui.
GABY. Pourquoi ?
LOUISE. Parce que… parce que… nous… nous… plaisions. (Elle
se met soudain à pleurer.)
Pierrette, Gaby, Suzon,
Catherine, Mamy, Louise, Augustine
La
porte s’ouvre et Augustine paraît bien
vivante, se frottant les mains.
AUGUSTINE. J’en entends de belles ! Pas besoin
d’écouter aux portes, vous hurlez !
MAMY. C
AUGUSTINE. Je ne suis pas encore enterrée… C’est pas
joli-joli tout ça ! Pauvre Marcel ! Il était bien à plaindre avec
vous toutes.
GABY, acide. Tu l’aurais volontiers consolé,
n’est-ce pas ?
AUGUSTINE. C’est ça ! Jette ta colère sur moi pour
masquer le fait que tu as surpris Marcel et Louise ensemble et que tu t’es
vengée, plus tard, dans la nuit… Pan !
GABY, outrée. Tu oses dire ça devant mes
filles ?
AUGUSTINE. Ah ! tes filles ! Elles sont
jolies !
CATHERINE. Merci !
AUGUSTINE. Catherine est la méchanceté et la paresse
réunies. Ses r
GABY. Ce n’est pas à toi de juger.
AUGUSTINE. On me juge bien, moi ! Suzon est
enceinte ! Quand je pense qu’elle nous a interrogées c
GABY. Puisque tu sais si bien élever les enfants,
pourquoi n’en as-tu pas fait une douzaine ?
AUGUSTINE, drapée dans sa dignité. On m’a respectée,
moi !
GABY. Oui ! Mais quel résultat !
Tontes
ricanent de la réplique et Augustine ne sait que répondre.
MAMY, éclatant de colère. Elle ne mérite pas que
vous la traitiez ainsi ! Elle est seule et moi je suis vieille, mais je vous
avertis toutes que la première qui attaque encore Augustine, c’est à moi
qu’elle aura affaire.
GABY, qui se lève et s’en va à elle lentement. —
Si tu voyais tes yeux ! Tu es une coléreuse, maman, et une ingrate.
J’aurais dû te laisser croupir dans ta province.
MAMY. Quoi ?
Elle
a honte soudain et se laisse t
SUZON. L’assassin est très fort. Il se cache derrière
nos défauts, nos faiblesses, nos mensonges…
Un
temps très long.
CATHERINE. Joli tableau de famille !
GABY. Ma petite Catherine, j’aurais tout donnr au monde
pour que tu ne sois pas ici, avec nous, aujourd’hui…
CATHERINE. Oh ! tu sais, je ne dépare pas le lot… Et si
nous reprenions la conversation au m
SUZON. Et aucun meurtre n’a eu lieu !
CATHERINE. Et aucun meurtre n’a encore eu lieu !.. Donc
il est en marche !
PIERRETTE. Elle n’a pas tout à fait tort… L’une de nous a pu
préméditer quelque menace.
SUZON. Cette façon de vivre dans la terreur de sa
voisine est intolérable.
CATHERINE, perfide. Moi, à ta place, tante Augustine,
je serais inquiète. L’assassin a dérobé tes ampoules, les a mal cachées !
C
LOUISE. L’ampoule était intacte.
CATHERINE. Je n’ai pas dit que vous aviez mis du poison dans
la seringue.
GABY, à Catherine. Tu te tais, dis, tu te
tais ? Tu as juré de nous rendre folles ? Tu te tais, oui ou
non ?
AUGUSTINE, verte de peur. C’est vrai… J’ai
l’impression que mes piqûres ne me font pas le même effet… On a peut-être
ouvert l’ampoule…
GABY. Toi aussi, tais-toi…
Soudain
une espèce d’explosion ébranle l’air. Cris et affolement.
Pierrette, Gaby, Suzon,
Catherine, Mamy, Louise, Augustine, Mme Chanel
Madame CHANEL, arrivant du premier étage. C’est le
chauffe-bain qui a éclaté ! On avait éteint la flamme de la veilleuse.
J’ai voulu rallumer : tout a explosé ! L’eau fuit. Je ne sais plus
que faire… Donnez-moi des chiffons… N’importe quoi ! Des journaux !
Affolement
général. Chacune cherche.
GABY, tendant un coussin du fauteuil à Madame Chanel.
Tenez !
MAMY, s’emparant du coussin. Ah non ! pas
celui-là… Ce n’est pas possible.
GABY. Maman, donne ce coussin !
MAMY. C’est ridicule, il est tout neuf !
Bataille
pour le coussin entre Gaby et Mamy. Chacune tire d’un côté. Enfin, le coussin
se déchire de part en part et une nuée de papiers roses et bleus s’envole dans
la pièce. L’assistance est médusée… Madame Chanel, écoeurée, regagne les
étages. Sans un cri, Mamy est t
CATHERINE. Oh ! le fric de grand-mère !
GABY. Tes titres ! Je croyais qu’on te les avait
volés ! Tu les cachais dans ce coussin !
PIERRETTE. Pas très solide le coffre-fort, même !
AUGUSTINE, fonçant sur Mamy. Et ma part ? Avare,
menteuse, assassin, voleuse !
MAMY, repoussant Augustine. C’est mon argent. Si
je vis encore vingt ans, qui me nourrira ? Je veux vivre encore vingt ans…
Soudain. Il me manque des actions !
AUGUSTINE, qui regarde les actions. Mais… elles ne
valent plus rien ! Tu peux les jeter !
MAMY, glapit. Si on jetait ce qui ne vaut rien,
j’en connais qui ne seraient pas de ce monde !..
AUGUSTINE. Où as-tu caché l’argent liquide, hein ? Les
louis d’or de papa, hein ?
GABY. Vous n’avez pas honte, c’est effrayant ! Ça
fait deux heures qu’on n’a pas entendu une pale sensée…
Madame CHANEL, réapparaissant en haut de l’escalier, fait
soudain sensation. Madame ! Madame ! J’ai c
On
se regarde, interdits.
GABY. Qu’est-ce que vous avez c
Madame CHANEL, elle les regarde dans un silence, puis la
porte du père. Oui… Tout c
GABY. Parlez !
Madame CHANEL. Il me manque une dernière preuve. Vous allez
toutes rester là… sans bouger ! Je vais sortir sur la terrasse pour
vérifier quelque chose. Accordez-moi quelques minutes et je vous rapporte la
vérité sur la mort de Monsieur… Mon Dieu ! Est-ce possible ? Mon
Dieu !
Elle
disparaît très vite vers la terrasse.
Pierrette, Gaby, Suzon,
Catherine, Mamy, Louise, Augustine
MAMY, après un temps. Vous y croyez à ce qu’elle
raconte ?
PIERRETTE. Sans aucun doute, elle sait quelque chose.
AUGUSTINE. Elle divague… Où est-elle partie ?
LOUISE. Je vous fais simplement remarquer que personne ne
devait sortir et que vous l’avez laissée faire !
GABY. C’est vrai…
AUGUSTINE. Elle nous échappe !..
SUZON. Ce serait elle ?
PIERRETTE. Oui. J’en suis certaine depuis une demi-heure.
Maintenant, elle va essayer de fuir… faites quelque chose.
AUGUSTINE. Evidemment, elle sait le n
GABY. Elle essaie de c
Elles
sont toutes disparues dans différentes directions, laissant les portes
ouvertes. La scène reste vide, puis Madame
Chanel apparaît, de ta terrasse.
Madame Chanel. C’était bien ça ! Je sais tout… tout… Elle réalise. Où
sont-elles ? Pourquoi sont-elles parties ? Où êtes-vous ? Où
êtes-vous ?
Elle
fait quelques pas et se trouve au centre de la pièce. Un coup de feu claque
dans l’air. Elle porte la main à son cœur, chancelle et s’abat. Des cris se
font entendre et toutes les femmes arrivent, chacune de leur côté l’une après
l’autre. Tableau autour de madame Chanel.
Gabt. Madame Chanel !
Mamy. Mon Dieu ! Mon
Dieu !
Louise. Elle est morte ?
Suzon. Parce qu’elle savait…
Un
silence. Personne ne bouge.
Gaby. En tout cas, nous,
maintenant, nous s
PIERRETTE, dans un souffle. Sûres de
quoi ?
Gaby. Que l’assassin… ce n’est
pas elle !!!
RIDEAU
Louise, Augustine
La
nuit est tombée. Les reflets du feu de bois et les lampes allumées ont
transformé l’atmosphère de là pièce.
Suzon est entrain de tirer
les rideaux avec un certain air craintif, tandis que la pendule sonne sept
coups. Soudain, les lumières clignotent. Dehors le vent souffle.
Suzon
gagne le premier étage, entendant du bruit. C’est Augustine qui entre, morte de peur. Les lumières clignotent
encore et elle frémit, puis soudain, c’est le noir… On ne voit plus que le fond
du ciel blafard et le feu.
AUGUSTINE. Zut ! Une
panne ! Elle se sauve vers le salon.
Dehors,
quelqu’un craque une allumette et, dans la lueur, on voit une silhouette avec
un chapeau d’homme allumer un cigare. L’ombre entre, s’arrête, repart… puis vite se cache derrière le canapé, car Gaby une lampe électrique à la main,
traverse le salon et se perd au premier étage. Alors Louise arrive de la cuisine avec un plateau garni de tasses
et une bougie allumée. Augustine revient et pousse un cri.
Augustine. C’est vous, Louise ?
Louise. Oui… C’est vous,
mademoiselle Augustine ?
Augustine. Oui… Que
s’est-il passé ?
Louise. C’est le vent qui a dû
faire toucher les fils. Un court-circuit !
Augustine. Oh ! ce que j'ai eu peur !
Et
la lumière revient. Elles font : Ouf !
Augustine. Qu’est-ce que
vous faites ?
Louise. Madame m’a dit de faire
du café pour tout le monde et…
Elles
voient de la fumée sortir de derrière le canapé. Elles pâlissent.
Augustine, dans un souffle. Est-ce que vous voyez ce que je vois ?
Louise. Oui…
Louise, Augustine,
Catherine
De
derrière le canapé apparaît un chapeau d’h
Catherine. Qu’est-ce
qu’elles font ?
Augustine. Elles ont
allongé Chanel sur un lit.
Catherine. Elle a repris
connaissance ?
Augustine. Oui ! mais
elle ne parle pas ! Une faiblesse ! C’était bien la peine ! La balle
ne la même pas touchée !
Louise. Heureusement !
Augustine. Peub !.. Ah
oui… bien sûr, heureusement !
Louise. Si on avait tiré sur
vous, j’aurais voulu vous voir !
Catherine. L’assassin n’a
pas dû vouloir tuer Chanel, mes enfants… ou alors il est drôlement myope… Rater
une cible pareille, c’est invraisemblable ! Non. Il a voulu impressionné
Chanel. Un ultimatum, une invitation au silence. La preuve, Chanel se tait.
Augustine. En tout cas,
moi, si je découvre quelque chose, je me tais aussi ! Ma vie n’est pas
merveilleuse…
Louise. Oh ! non !
Augustine. Mais… tout c
Catherine. Tous ces
événements t’auront au moins apris à vivre, c’est déjà ça !
Louise. Je suis effondrée. Pas
vous ?
Augustine. Oh ! si !
Catherine. Moi, je réfléchis…
(Logique.) Si Chanel parle, on la supprime. C’est la loi…
Louise. C’est affreux…
Catherine. Vous ne lisez
donc pas les journaux ?
Louise. Si !
Catherine. Un témoin
gênant, ça se sucre !
Lohise. Vous dites ça avec un
apl
Catherine. Oui, c’est
drôle, je suis plus dure que vous toutes… et je fais travailler ma tête… Il
faut que je sache.
LOUISE. Vous avez une
idée ?
Catherine. Pas une
malheureusement, mais vingt.
LOUISE.
Vous
soupçonnez une de ?.. Elle
montre les étages.
Catherine. Oui… Elle place
son effet. Vous deux en plus !
Augustine
et Louise se sont reculées de frayeur.
LOUISE. Mademoiselle veut
me faire peur ?
AUGUSTINE, aigre.
Bien sûr ! Charmante enfant !
Un
temps.
AUGUSTINE, qui trépigne.
Qu’est-ce qu’on pourrait faire ?
Catherine, qui se
débarrasse du manteau. Nous avons toutes besoin de faire quelque chose…
surtout l’assassin ! Ce doit
être terrible ! Ça doit produire un drôle de choc de tirer au revolver.
Vous avez déjà tiré, vous ?
LOUISE. Non.
Catherine. Et toi, tante
Augustine ?
AUGUSTINE. En voilà une
question ! Jamais ! Tu me vois en train de… ?
Catherine. Moi non plus. Un
jour, j’ai failli. A la foire, papa tirait des fleurs, je lui ai demandé de me
passer la carabine… Il a refusé. Il n’était pas toujours gentil, papa. Et le
même refrain : « Tu es trop petite, trop petite. » Ah !
vivement mes vingt ans !
LOUISE. Moi aussi, j’étais
pressée d’avoir vingt ans. Maintenant je peux faire tout ce que je veux… mais
ça ne m’amuse plus autant. Elle s’est appuyée contre la bibliothèque et
soudain… elle libère le déclic et la cachette de grand-mère s’ouvre.
Augustine Un placard secret ?
Catherine. Regardez ! Le
porto de grand-mère ! Elle en sort une bouteille et des verres. On
boit un coup ?
Toutes
trois s’attablent.
Catherine. Vous êtes une brave fille, Louise !
Louise. J’ai parfois été un peu
brusque avec Mademoiselle, il ne faut pas m’en vouloir.
Catherine. Je vous en veux
d’autant moins que je sais très bien que je suis un vrai monstre.
Louise. Oh ! un
monstre !
Catherine. Oui, un monstre.
Je suis à tuer.
Augustine, gui
s’étrangle avec le porto. Tais-toi, Catherine, tais-toi. Je sens qu’il va y
avoir encore un malheur. Je sens la mort qui rôde… J’ai peur!
Catherine. Et moi donc!
Louise. Vous avez peur
aussi ?
Catherine. Et c
Louise. Ne dites pas ça !
Catherine. Si, je le dis.
Avec moi pas de police, je règle mes affaires sans intermédiaires…
Louise. Vous avez des soupçons
réels ?
Catherine. Oui…
Louise. Qu’est-ce que je peux
faire pour vous aider ?
Catherine. Allez me chercher…
le sucrier !
Louise,
terrifiée, se sauve vers la cuisine, on entend des croassements de corbeaux.
Catherine, à Augustine.
Tiens ! tes petits copains ! Les corbeaux !
Louise, Catherine, Suzon
La
vieille fille en avale son café de travers et fuit dans te salon, furieuse
Catherine rit. Suzon descend l’escalier.
SUZON. Qu’est-ce que tu lui as
raconté ?
Catherine. Pas grand-chose.
J’ai voulu un peu la secouer. Elle boit son café.
SUZON, t
Catherine. Moi aussi. C’est
bon.
SUZON. C
Catherine. C’est bon d’être une femme et non pas une petite fille qu’on ne prend pas
au sérieux. On vous écoute, on a même peur de ce que vous dites… On ne vous
répète plus : « Reste là, ce n’est pas de ton âge ! »
SUZON. Tu ne pouvais quand même
pas venir avec nous coucher Chanel…
Catherine donne du café que Suzon boit.
Catherine. Vous l’avez mise
dans la chambre de maman ?
SUZON. Oui ! Elle nous
regarde avec de gros yeux ronds, sans rien dire. Pourquoi ne parle-t-elle
pas ?
Catherine. Ou bien elle ne
peut pas parler… ou bien elle ne veut pas ! Elle couvre quelqu’un…
SUZON. C’est impossible !
Catherine, incisive.
Dis donc, Suzon, as-tu déjà tiré au revolver ?
SUZON. Mais laisse-moi donc.
Catherine. On dirait que tu
as peur de parler de ça. Et pourtant, il faut bien que la vérité se fasse. Tu
as peur de la vérité ?
Suzon. Mais Catherine ?..
Louise, Catherine, Suzon, Augustine, puis Gaby
Augustine, revient. Je veux une autre tasse de café… Je ne peux pas rester seule…
Catherine
lui tend une deuxième tasse. Entre Louise qui dépose un sucrier.
Catherine. Vous avez bu du
café, Louise ?
Louise. Oui, Mademoiselle, à la
cuisine. Maintenant je file dans ma chambre et je me barricade, avec l’armoire
devant la fenêtre.
Catherine. L’assassin est
peut-être dans votre armoire ! Qui sait ?
Louise
stoppe son élan, ne bouge plus.
Gaby,
descend
dans un silence. J’ai laissé Chanel… On ne peut pas lui tirer un mot, elle semble
foudroyée…
Augustine, boit son café et pleure. La mort, la mort partout !
Gaby. Augustine, ne crie pas…
Augustine Je ne crie pas !
Gaby,
après
un temps. — Et Pierrette, où est-elle ?
Catherine. Je ne sais pas.
Suzon. Moi non plus.
Louise. Elle n’est pas montée
avec vous ?
Gaby,
lentement. Non… Pourvu
qu’elle ne soit pas partie !
Suzon. Partie ?
Augustine. Elle nous a
échappé !
Gaby. Je vous l’ai dit
vingt fois que cette femme était dangereuse. On ne m’a pas écoutée ! Elle
n’a pas répondu une seule fois à nos questions… Qu’a-t-elle fait la nuit
dernière ? Mystère ! Et voilà. Maintenant, allez lui courir après.
Louise,
Catherine, Suzon, Augustine, Gaby, Mamy
Mamy,
entre,
en poussant sa chaise roulante devant elle. J’en ai assez de cette
voiture d’infirme que vous m’avez achetée pour m’humilier ! Alors ?
Que se passe-t-il ? Vous en faites des têtes !
Catherine. Tante Pierrette
a pris la clef des champs.
Mamy. C
Suzon. Elle est partie…
Mamy. Elle n’est sûrement pas
loin : la grille est fermée et, pour sauter le mur, il y a de quoi se
casser le cou. Elle s’assoit dans sa chaise.
Catherine. Il avait été
convenu que personne ne devait sortir…
Suzon. Pour ce que ça nous a
réussit !
Gaby. Les affaires de
Pierrette sont encore là ?
Louise,
montrant
le sac de Pierrette posé sur un meuble. Oui, son sac !
Suzon
a bondi, mais s’arrête devant.
Augustine. Eh bien !
fouille-le !
Suzon,
l’ouvre,
fouille et en sort un revolver. Oh ! un revolver ! Effarement
général.
Gaby. Qui avait raison ?
Quand je pense à toutes les accusations que j’ai été obligée de subir !
Vous la souteniez toutes contre moi ! Enfin, c’est fini, j’éprouve un
soulagement… J’avais tellement peur qu ce fût une de nous.
Augustine. Tu sais, au
fond, je ne pensais pas les choses que j’ai dites… Tiens, bois ! Elle
lui passe une tasse de café.
Gaby,
ayant
bu et sûre d’elle. Voilà ce qui a dû se passer : Pierrette s’est
disputée hier soir avec Marcel. Puis elle est allée se coucher tranquillement
dans le pavillon, chez Chanel. À l’aube,
elle est revenue tuer Marcel et, au lieu de rentrer chez elle après c
SUZON. crois ?
Gaby. Etant dans la place,
elle a mis de la mort aux rats dans l’assiette des chiens, a volé le revolver,
et a voulu supprimer où intimider son amie Chanel qui en sait trop long.
Croyez-moi, tout s’enchaîne, tout s’éclaire… Louise, emportez vite les tasses
et que tout le monde se mette à sa recherche. Louise prend le plateau, mais
soudain s’immobilise c
Louise. Madame… Oh !
Madame… Elle tremble. Le café !
Mamy. Quoi ? Le
café ?
Louise. Je… Je me rappelle maintenant…
J’ai vu mademoiselle Pierrette dans la cuisine… avant qu’elle ne se sauve… et
je l’ai laissée seule en face de la cafetière !
Augustine, la main à la gorge. Nous s
Louise. Madame, vous croyez ?..
Mamy. Allez chercher du lait…
Vite !
Louise
sort.
Catherine, Suzon,
Augustine, Gaby, Mamy
Augustine. Mon cœur bat
plus fort, c’est le poison.
Mamy. Non, c’est l’émotion…
Reste calme.
Catherine, hurlant. Je sens que je vais mourir…
Gaby. Ne crie pas c
Catherine. Je ne veux pas
mourir c
Louise, Catherine,
Suzon, Augustine, Gaby, Mamy
Louise, revient avec une
bouteille.
Louise. Voilà le lait…
Elles
se jettent dessus, se disputant le lait. Soudain, on entend un bruit de porte
que l’on ferme violemment. On écoute. La scène qui suit est chuchotée.
Gaby. Qu’est-ce que c’est que
ce bruit ?
Augustine. On a fermé une
porte… Par là…
Elle
indique le premier étage.
Catherine. Pierrette
revient. Elle revient pour nous achever !
Elle
va prendre le revolver du sac de Pierreite et vise l’escalier.
Suzon,
bondissant
sur elle. Lâche ça…
Augustine. Laisse-la faire,
il faut se défendre ! Vas-y, Catherine ! Tire !
Suzon,
qui
a repris le revolver après une courte lutte. Ce n’est pas le m
Gaby. Après tout ce que je
t’ai dit, tu la crois encore innocente ?
Suzon. Justement, tu en as trop
dit.
Gaby. Quoi ?
Augustine. Et le revolver
dans son sac ?
Suzon.
L’assassin
a pu l’y mettre après avoir tiré sur madame Chanel.
Louise. Et le café ?
Suzon. Pour le m
Mamy,
après
un temps. Qu’est-ce qu’on fait, alors ?
Suzon,
décisive. D’abord, on fait
disparaître le revolver. Elle met le revolver sous un journal illustré.
Ensuite, nous nous asseyons calmement et nous lui offrons du café. Si elle
refuse de le boire, c’est un aveu.
Gaby. Je ne pourrai pas rester
calme, je sors.
Suzon. Reste, maman, c’est
mieux.
Mamy. Reste, Gaby, c’est trop
grave d’accuser quelqu’un c
Gaby. Tu ne t’en es portant
pas privée, de m’accuser.
Augustine. Allons,
taisez-vous !
Mamy. As-tu le courage de lui
parler, toi, Suzon ?
Suzon. Je vais essayer. Une
autre porte claque. Attention ! Asseyez-vous !
Groupe
des femmes assises. Pierrette desdescend. Elle va à la baie, lentement.
Louise, Catherine,
Suzon, Augustine, Gaby, Mamy, Pierrette
Suzon. Où étiez-vous,
Pierrette ?
Pierrette. A la salle de
bains… malade ! Où est Chanel ? Où l’avez-vous mise ?
SUZON. Sur le lit de maman.
Pierrette. Elle est…
morte ?
Gaby. Non. Heureusement, l’assasin
l’a manquée ! Elle a eu une faiblesse !
Pierrette. A-t-elle
parlé ?
GABY. Rassurez-vous. Elle n’a rien dit.
Suzon. Voulez-vous du
café ?
Pierrette. Non merci je
suis déjà trop nerveuse !
Gaby,
calmant
d’un geste un mouvement général des autres, prend une tasse et s’avance vers
Pierrette. Pierrette, buvez cette tasse de café.
Pierrette. Vous êtes
aimable, mais non, merci.
Gaby,
s’avance
encore avec la tasse. Buvez. !
Pierrette, levant la tête, intriguée. Pourquoi ? Je n’en bois jamais.
Gaby. Buvez ce café !
Buvez ce café !
Pierrette. Pourquoi
tenez-vous tant à me le faire boire ?
Gaby. Et pourquoi tenez-vous
tant, vous à ne pas le boire ?
Pierrette, livide. J’ai c
Gaby. Nous ne voulons pas vous
tuer, mais il se passe que vous êtes la seule à ne pas avoir bu de café… Voyez,
toutes nos tasses vides sont là. Nous avons cru que vous étiez partie en
empoisonnant le café.
Pierrette. Moi ?
GABY. Prouvez-nous le contraire, en en buvant… Elle
lui tend la tasse.
Pierrette. Si tout le monde
en a bu, je peux boire sans crainte.
Catherine.
Stop !
On la regarde.
Louise n’a pas bu non plus !
Louise. Si, à la cuisine !
Catherine. Pas de preuves…
Buvez ici, devant nous. Elle lut tend une tasse pleine.
Pierrette, effarée. Vous n’avez donc pas bu toutes ?
Mamy. Nous avions oublié
Louise…
Pierrette. Vous appelez ça « oublier » ? Vous m’envoyer à la mort pour
un oubli ? A la vôtre !
Chacune
une tasse en main, Pierrette et Louise se regardent.
Gaby. Eh bien, Louise, buvez…
Qu’est-ce que vous attendez ?
Louise. Je boirai quand elle
aura bu.
Silence.
J’ai peur. Je n’ai pas empoisonné le café, je le
jure, mais j’ai peur de mourir… Non, je ne veux pas. Elle pose sa tasse et
fuit plus loin.
Pierrette. Moi, je ne suis
pas sortie de la salle de bains.
Louise. Avant, dans la cuisine,
vous avez touché à la cafetière…
Pierrette. Vous avez fait
le café, c'est pire !
Catherine. Et si on leur en
faisait boire de force à toutes les deux ?
MAMY. Finis de dire des sottises…
CATHERINE. Alors, vous le buvez, ce café?
Louise
et Pierrette se regardent.
Louise. Non ! Je refuse.
Catherine. Alors,
Pierrette, on se le boit toutes les deux ?
Elle
prend la tasse laissée par Louise et la boit. Alors Pierrette boit à son tour.
Gaby. Catherine !
Catherine ! Pourquoi ne l’as-tu pas laissée boire seule ?
CATHERINE. Mais je l’ai laissée boire seule !..
Et
elle fait voir que sa tasse est restée pleine en la vidant dans la cafetière.
Elle part d’un rire diabolique.
Pierrette. Aaaah !
Garce ! Qu’as-tu fait ?
Elle
se prend la gorge et va s’effondrer de peur sur le canapé.
Mamy. C’est trop
pénible ! Je deviens folle ! Je ne veux pas voir mourir
quelqu’un !
Augustine. C’est rien
maman ! C’est Pierrette !
Mamy. Quand même !
Non ! Non ! Elle se débat.
Augustine, à Gaby. Qu’est-ce qu’on en fait ?
Gaby. Range-la. Mets-la de
côté !
Augustine,
malgré les protestations de Mamy, pousse la voiture dans le salon et ferme la
porte à clef.
Augustine. C
Voix de Mamy. Augustine !
Je te maudis !
Tête
d’Augustine qui s’assoit, démoralisée.
Louise, Catherine,
Suzon, Augustine, Gaby, Pierrette
Suzon, à Pierrette. C
Pierrette. Ça va ! Ça
va ! Je voudrais bien savoir la raison pour laquelle vous vous êtes toutes
liguées contre moi.
Gaby. La raison, la voici… Elle
sort le revolver. Ce revolver trouvé dans votre sac !
Pierrette. On l’y a
mis ! Je le jure !
Augustine.
Evidemment !
Pierrette. Ce sera facile à
prouver ! Quand la police l’examinera, elle ne trouvera pas mes
empreintes ! Tandis que vous, vous l avez toutes tripoté !
Gaby,
le
revolver à la main, affolée. J’avais pas pensé à ça ! (Et elle le
repose vite.)
Suzon,
dans
an sursaut d’énergie. L’assassin
nous a isolées pour que la police ne soit pas avertie. Donc il faut sortir de
la maison… C’est une question de vie ou de mort.
Augustine. Mais puisque le
portail est fermé !
Louise,
soudain. Eh bien !
passons par-dessus ! Prenez l’échelle du jardinier… Je ne sais pas.
Essayons…
Elle
disparaît dans le jardin, après avoir regardé les autres qui ne bougent pas.
AUGUSTINE. Allons-y, allons-y !
Elle
sort, entraînant Suzon.
Catherine, bas. Maman ! Surveille Pierrette !
Catherine
sort. Gaby et Pierrette restent seules.
Gaby, Pierrette
Gaby. Ah ! Ce drame m’a
tuée. Je n’ai plus qu’à me terrer maintenant dans ma petite ville.
Pierrette, ricane. Jolie petite ville !
Gaby. Qu’est-ce que vous
dites ?
Pierrette. Je n’ai rien dit.
Gaby. Votre sourire est
bavard.
Pierrette. On a beaucoup
dit de choses sur mon sourire, mais qu’il soit bavard, jamais !.. Et,
puisque nous s
Gaby. Merci de quoi ?
Pierrette. D’avoir tenu ma
langue.
Gaby. A quel propos ?
Pierrette. A quel
propos ? Je vous ai souvent vue de loin et je vous enviais.
Gaby. De quoi ?
Pierrette. De pouvoir jouer
sur les deux tableaux.
Gaby. Je n’ai jamais eu de
talent pour les devinettes…
Pierrette, vient se placer sous son nez. Vous avez un amant !
Gaby. J’ai un amant?.. C’est
votre dernière trouvaille ?
Pierrette. Non, ma
première. Je le sais depuis longtemps.
Gaby,
se
lève, pâle. Autrement dit, j’ai tué mon mari parce que j’ai un amant ?
Pierrette. Ah non ! Je
n’ai pas dit ça… D’ailleurs ce serait trop simple. Si toutes les femmes qui ont
un amant tuaient leur mari, il n’y aurait plus de maris sur terre !.. ni
d’amants ! Car ce sont les mêmes !
Gaby. Et après, si j’ai un
amant, qu’est-ce que ça change ? Vous voilà bien avancée, on ne vous
croira pas.
Pierrette. Mais je n’ai
jamais eu l’intention de le dire.
Gaby. Quel but
poursuivez-vous ?
Pierrette. Aucun. Je sais
que vous avez un amant. C’est tout.
Gaby. Ah! C'est du
chantage !
Pierrette. Non, de la
curiosité.
Gaby. Si c’est moi l’assassin,
vous ne pensez pas que votre curiosité, c
Pierrette. J’en prends le
risque.
Gaby. Courageuse ?
Pierrette. Non, peureuse en
général. Elle a un rire de gorge. C
Gaby. Vous vous trouvez, sans
doute, plus désirable que moi ?
Pierrette. Oh ! le
désir chez un h
Gaby. Vous ne pensez pas que
nous nous égarons ?
Pierrette, goguenarde. Ah ! si toutes les femmes se serraient les coudes ! Elles
mèneraient le monde pour de bon ! Car nous croyons le mener ! Et les
h
Gaby. Les h
Pierrette. Oui.
Gaby. Même Marcel ?
Pierrette, sourdement. Surtout Marcel ! Le mal fait par les autres h
Gaby. Tout ce que vous dites
vous accuse !
Pierrette, dégage. Non, on ne tue pas la vache à lait ! Ni vous, ni moi !
Gaby. Vous pensez que je suis
innocente ?
Pierrette. Oui. Certainement…
GabY,
elle
est au bord de la crise de larmes et elle s’assoit à côté de Pierrette. Je voudrais vous
dire merci, pour votre discrétion… Pas pour moi, pour mes filles…
Pierrette, ricane. Oh ! vos filles… !
Gaby. Je vais vous dire
quelque chose de pire…
Pierrette. Allez-y !
Gaby. Je devrais être loin à
l’heure qu’il est. Je quittais mon mari ce soir… Mes valises étaient prêtes…
Pierrette. Vous quittiez
Marcel ?
Gaby. Oui… C
Pierrette. Marcel s’est-il
douté de quelque chose ?
Gaby. Sûrement pas…
Pierrette. Pauvre Marcel… Elle
se met à rire. Il a toujours tout gobé…
Il
y a un silence.
Et moi, maintenant, qu’est-ce que je vais
devenir ?
Gaby. Pierrette, cet argent que
Marcel vous a refusé, je vous le donnerai.
Pierrette. J’ai menti. Il
ne me l’a pas refusé.
Gaby. Il vous l’a donné ?
Pourquoi ne pas l’avoir dit ?
Pierrette. Je ne pouvais
pas le prouver. Je ne l’ai plus.
Gaby. Qu’en avez-vous
fait ?
Pierrette. Je l’ai donné. A
un h
GABY. Donné ?
PierrettE. Oui… Je paye,
moi aussi, quelquefois ! Ça m’arrive ! Il avait besoin de cet argent
pour un voyage…
Gaby,
soudain
pâle. Un voyage ??. C
Pierrette. Il me fallait
500 000 francs anciens.
Gaby. 500 000
francs ? Il vous les a donnés ? Elle se lève.
Pierrette. Oui… Qu’est-ce
que vous avez ? Vous êtes toute pâle.
Gaby. Pierrette, qui est cet h
Pierrette. Pourquoi ?
De quoi avez-vous peur ?
Gaby. Ces 500 000 francs
étaient dans une enveloppe ?
PIERRETTE. Oui, une grande enveloppe bleue.
Gaby
se précipite sur son sac.
Pierrette, la rejoint. Non ! Vous n’allez pas dire que ?.. C’est impossible ! Qui
est votre amant ?
Gaby. C
Pierrette. Non.
Gaby. C’est l’associé de mon
mari !
Pierrette, effarée. Jacques !
Gaby. Jacques Farnoux.
Pierrette. Jacques, votre
amant ! Gaby sort l’enveloppe. Oui ! C’est mon
enveloppe ! C’est mon argent ! C’est l’argent de Marcel que Jacques
vous a donné…
Gaby. Vous pouvez la
reprendre !
Elle
regarde soudain l’enveloppe de plus près, puis la déchire.
Oh! L’enveloppe est vide !.. L’argent n’y est
plus !..
Un
silence.
Quelqu’un savait !
Pierrette, c
Elle
s’avance vers Gaby.
j’ai envie de vous crever
les yeux, de vous étrangler. Pourquoi est-ce que je m’en prive ?
Gaby,
terrorisée. Au
secours !
Soudain,
elle s’empare du revolver et vise Pierrette.
Pierrette. Lâchez cet
arme !
Elles
sont face à face.
Eh bien, allez-y. Tirez !.. C’est l’affaire
d’une seconde. Un peu de cran… Tirez !.. Liquidez-moi, c
Pierrette
saute sur Gaby. Bataille. Corps à corps. Soudain le coup part. Gaby s’affaisse
sur un fauteuil. Pierrette s’écarte alors. Le revolver t
PIERRETTE. Vous n’avez — rien ?
Gaby. Non… Rien… Et
vous ?
Pierrette. Rien… On l’a
échappé belle ! Dieu nous a épargnées.
Gaby. Nous ne méritons guère
son indulgence.
Pierrette. Peut-être que
si. Il voit les choses de haut. Nous ne devons pas être jolies à regarder…
Elle
s’effondre à son tour sur le canapé. Tontes les femmes arrivent, l’une après
l’autre.
Louise, Catherine, Suzon,
Augustine, Gaby, Mamy, Pierrette
Suzon. Qui a tiré un coup de
revolver ?
Gaby. C’est un accident… Et
l’échelle ? Personne n’a pu sortir en utilisant l’échelle ?
Augustine. Impossible de
franchir le mur.
Suzon. Il est trop haut, il y a
de la neige, on risque de ret
Louise. J’ai manqué me faire
mal…
Cependant Augustine a ouvert la porte du salon et Mamy en sort c
Mamy. Mais faites quelque
chose ! Il faut aller chercher la police.
On
la fait asseoir sur une chaise.
Augustine, ricane. La police ! La police ! Tout le monde en parle, mais on dirait
que chacune a peur de la voir arriver !
L’assassin doit bien rire…
Catherine, soudain, d’une voix étouffée. Et s’il n’y avait pas d’assassin parmi
nous ?
Augustine. Quoi ?
Catherine. Si l’assassin
n’était pas l’une de nous sept ? Y avez-vous pensé ? Si l’assassin de
papa n’était pas ici ?
Louise. Personne n’a pu entrer, ni sortir !
Catherine. Et si l’assassin
de papa était… Si c’était… Chanel !
Suzon. Chanel ?.. Mais,
qui alors aurait tiré sur elle ?
Catherine. Personne.
Elle-même… Imaginez la scène. Elle mime. Nous, nous s
Augustine. Tu es folle,
c’est un r
Catherine. …Ecoutez !
Elle se lève, elle ouvre la porte, marche doucement dans le couloir. Elle va
nous apparaître, histoire de nous faire mourir de peur… Toutes regardent
Catherine qui, soudain, fait face à l’escalier. Regardez… La voilà !
Elles
se retournent terrifiées. Personne n’apparaît. Alors Catherine éclate de rire.
Pierrette, la bousculant. As-tu fini, petite folle ?
Catherine. Avez-vous une
meilleure solution à nous proposer ? Non ?
Pierrette. Nous s
GABY. Si l’on pouvait sortir
seulement !
Suzon. Catherine, est-ce qu’il
y a toujours dans la haie, vers le ruisseau, un passage que les chiens avaient
fait ?
CATHERINE. Il doit y être
encore !
Suzon. Je vais voir. Je vais
essayer de passer, maman !
Elle
disparaît vers la terrasse, très vite.
Mamy. Si elle arrive à sortir,
nous s
Augustine. Mais
voudra-t-elle sortir ? Je me méfie des initiatives de chacune à présent…
Catherine. Je la surveille
de loin… Ne bougez pas. Je me déguise en
Elle
sort.
GABY, prise d’inquiétude.
Catherine, ne va pas dans le parc, il fait noir…
Elle
ouvre la porte, disparaissant à son tour.
Où es-tu ? Catherine ! Reviens ?
Louise,
que
la peur gagne. Je vais m’enfermer dans la cuisine.
Elle
sort rapidement.
Augustine, la poursuivant. Je la suis, je l’espionne… C’est elle, c’est elle… Elle
sort.
Mamy, Pierrette
Mamy. Augustine, voyons… C’est
la débâcle, la panique…
Pierrette, retenant Mamy. Ne me laissez pas seule ici… Je vous en prie… Restez
avec moi.
Mamy. Vous croyez que ?..
Pierrette. Il vaut mieux ne
pas se séparer.
Mamy.
A moins
que ce ne soit vous qui ?..
Pierrette. Vous avez peur
de moi ?
Mamy. Vous avez un air
suspect… Mais c’est plutôt rassurant ! C’est ce que dit Catherine, en tout
cas !
Pierrette. Elle est
effrayante, Catherine. C’est elle qui, pour finir, découvrira l’assassin… Vous
verrez…
Catherine
traverse soudain la pièce c
Mamy, Pierrette,
Augustine
Augustine, entrant à sa poursuite. Vous n’avez pas vu Catherine ? Elle est
passée devant moi c
Mamy. Quelle découverte ?
Augustine. Elle crie
qu’elle sait qui est la coupable…
Pierrette, bondit. Vous êtes toutes inconscientes, mais cette gosse est idiote ! Elle
va subir le sort de Mme Chanel. Laissez-moi m’occupcr d’elle… Catherine ! Elle
sort par la terrasse.
Mamy. Mon Dieu ! mon
Dieu !
Augustine. Qu’est-ce
qu’elle a pu trouver ?
Mamy. Je sens qu’il va y avoir
un malheur ! Ma petite Catherine !
Elle
disparaît à son tour.
Augustine, Gaby
Augustine
réalise soudain qu'elle est seule et tremble de peur. Elle voit soudain le sac de
Gaby. Elle regarde autour d'elle, puis y met la main dedans et fouille. Gaby
entre.
Gaby. Voleuse !
Augustine, bas. Profite de tes derniers instants de liberté ! Catherine a trouvé le
n
Gaby. Rends-moi l’argent de
l’enveloppe…
Augustine. Quelle
enveloppe ?
Gaby. Sale voleuse… Tu me
détestes. Tu me fais payer ta vie ratée.
Augustine. Assassin !
Elles
se battent.
Mamy, Louise, Catherine,
Augustine, Gaby, Pierrette
Mamy,
entrant. Vous n’avez pas
vu Catherine ?..
Gaby
reprend son sac violemment des mains d’Augustine.
Qu’est-ce que vous avez encore ? Vous vous
disputiez ?.. Catherine est en danger de mort… ce n’est guère le m
Louise,
entre. On l’a
retrouvée, cette gamine !
Voix de
Pierrette qui hurle. Au
secours ! Venez vite ! vite ! Ici !
Toutes
se précipitent dehors sauf la grand-mère qui se met à prier.
Mamy. Mon Dieu ! faites quelque
chose ! Mon Dieu, faites quelque chose ! Mon Dieu !..
Crac !
Sa cachette s’ouvre tonte seule.
Ah ! non ! Pas ça !
Elle
la referme vite. On voit revenir Pierrette et Louise portant Catherine
évanouie. On l’allonge.
Augustine. Elle est
morte ?
Gaby. Non, ass
Pierrette, qui désigne un candélabre de bronze que Gaby tient en main. Catherine a donc
été suivie, puis frappée…
Catherine, remue soudain. Aaah… Maman, j’ai mal à la tête… Aaah !
Gaby. Qui t’a frappée ?
As-tu vu quelqu’un ?
Catherine. Aaah !..
Tout le monde est là ?
Gaby. Oui.
Catherine. …Et Suzon ?
Mamy. Elle a dû trouver le
passage dans la haie…
Gaby. Allons ? Parle…
Dis-nous ce que tu sais… Qui t’a frappée ?
Catherine, gémissant, inconsciente. Suzon… Suzon… Suzon… Suzon…
On
se regarde.
Gaby. Suzon ? Tu veux
dire que ?..
Un
silence.
Augustine. Quand on est
fille-mère on est capable de tout…
Pierrette. Ecoutez ! Il
faut avouer qu’il y a dans le meurtre de Marcel une chose qui est
flagrante… Pourquoi cette mort ab
Gaby. Suzon ? Ce n’est
pas possible… Une Crise de rage contre son père ?
Augustine, qui relève Catherine qui va mieux. Tu ne voulais quand même pas qu’il lui donne sa
bénédiction ?
Gaby. Pourquoi pas ?
Mamy. Ce serait Suzon
alors ? Ma petite Suzon ?.. Croyez-vous qu’elle va réellement à la
Police ?
Augustine. Elle n’ira pas…
Elle va nous dire… n’importe quoi… que le passage des chiens est bouché !
voilà tout ! Et hop, voilà la piste fermée.
Suzon
paraît soudain.
Mamy,Louise, Catherine,
Augustine, Gaby,Pierrette,Suzon
Toutes. Alors ?
Suzon. Impossible de sortir ! On a
rebouché le passage des chiens avec des fils de fer barbelés…
Recul
général devant elle.
Gaby,
effondrée. Ma petite fille…
Mamy. Suzon… Est-ce
possible ?
Suzon. Vous avez trouvé
quelque chose ?
Catherine. Oui, la boîte de
mort aux rats. Je l’ai trouvée dans ton armoire.
Suzon,
après
un temps, vient faire face à Catherine. C’est toi qui l’as
trouvée !
Catherine. Oui.
Alors ?
Suzon. Je te regarde… Tu n’as
plus le visage qui m’était familier… C’est terrible. Il me semble que je viens
de te perdre, toi aussi.
Catherine, glapit. Tu as bien failli me perdre, en effet. La prochaine fois, tape plus fort…
Suzon. Tu es un monstre… Mais
puisque tu m’accuses, moi aussi, je vais dire ce que j’ai découvert. Accroché
aux fils de fer barbelés, j’ai trouvé un morceau d’étoffe… L’assassin en
fermant le passage des chiens a laissé une pièce à conviction. La voilà.
Elle
tend un morceau de tissu.
C’est un morceau de ton
pyjama, Catherine… Que penses-tu de ma trouvaille ?
Catherine. Elle vaut la
mienne.
Suzon. Rassure-toi ! La police
va enfin arriver ! J’ai crié
à une voiture qui passait sur la route d’alerter la gendarmerie. Ils ne seront
pas longs.
Catherine. De toute façon,
à présent, les dés sont jetés… C’est l’une de nous deux…
Et
soudain, dans le silence de la nuit, on entend les chiens aboyer.
Gaby. Les chiens ! Ils ne
sont donc pas morts ?
Toutes. Les chiens sont
vivants ! Les chiens !
Gaby. Je deviens folle.
…Aah ! Regardez !
En
haut de l’escalier, apparaît madame Chanel, pâle, se tenant au mur. Elle fait
un gros effort… Pierrette se précipite vers elle.
Mamy, Louise, Catherine,
Augustine, Gaby, Pierrette, Suzon, Mme Chanel
Pierrette. Pourquoi vous
êtes-vous levée ? C’est imprudent.
Madame Chanel, voix faible. Il fallait que je descende ici… Il fallait que je parle…
Pierrette. Là… doucement…
Asseyez-vous.
Enfin
assise, Madame Chanel les regarde… Temps.
Gaby. Eh bien, nous vous
écoutons…
Madame Chanel. C’est une drôle
d’histoire… Catherine… ma petite fille… Viens près de moi…
Catherine. Tu sais tout,
Chanel, n’est-ce pas ?
Madame Chanel. Oui.
Gaby. Nous pourrions,
peut-être, savoir ce que signifient ces mystères ?
Madame
Chanel a un geste d’encouragement vers Catherine.
Madame Chanel. Allez,
Catherine !
CATHERINE. Alors,
écoutez-moi ! Un beau conte de Noël ! Il était une fois un brave h
Mamy
et Augustine se sont lassées dans an coin.
A onze heures, l’offensive c
Un
silence atroce, Gaby s’assoit, livide. Catherine enchaîne.
A 11 heures et demie, Louise fait son entrée de
vamp. Pauvre idiote, vulgaire et intéressée ! Peu après voici Pierrette.
Elle vient traire la vache a lait : 500 000 francs, bonne
chasse ! Mais les billets ne vont pas loin… Mais ceci est une autre histoire. Enfin, pour couronner
le tout, Suzon, sa fille, clandestinement arrivée de Londres, lui confie
qu’elle est enceinte… Sur ce, bonne nuit ! Qui Papa reçoit-il
ensuite ? That is the question ! Vous m’écoutez ? Vous ne faites
plus que ça maintenant ? Pour
vous c’est terminé… Il ne reste plus que moi !
SUZON. Tais-toi… Tais-toi…
Catherine. Pauvre
papa ! Je l’ai retrouvé à 6 heures ce matin… Il pleurait ! C’est
terrible un papa qui pleure. Vous n’en avez jamais vu ? Son nez avec une grosse
larme au bout. Il m’a dit : « Tu es une gentille petite fille. Tu lis
trop et tu ne te laves pas les mains, mais je n’ai plus que toi au monde… J’ai
juré de faire son bonheur à tout prix. Il pleurait toujours, et il a dit :
« C
Recul
général de terreur. Catherine les regarde.
GABY, dans un souffle. Tu ne… veux pas dire que…
c’est toi qui… aurais ?..
CATHERINE. …Qui aurais tué
Papa ? Qui parle de tuer ? Tri
Chanel
acquiesce.
J’ai dû te faire peur. Excuse-moi, ma grosse, mais
il fallait que tu te taises, que j’aille jusqu’au bout… Il fallait que toutes
les vérités éclatent, la maison ne fait pas le détail ! Folle de joie.
Oui, depuis ce matin, papa, bien vivant derrière cette porte et n’ayant pas
perdu un mot de tout ce que vous avez raconté, papa, libéré de vous toutes,
attend que sa petite Catherine l’appelle, pour que nous partions loin… très
loin… tous les deux ! Elle crie vers la chambre. Tu en as assez
entendu, papa ? Tu es convaincu ? Alors, j’arrive ! Elle sort
la clef de sa poche. La clef des champ !
Soudain,
un coup de feu éclate derrière la porte. Le père vient de se suicider dans sa chambre.
Catherine pousse un cri de bête blessée.
Papa ! Non ! Non !.. C’était pour
rire !
Elle
parvient à la porte, ouvre avec la clef et reste pétrifiée devant le spectacle
qui s’offre à ses yeux… Défigurée, elle dit aux femmes qui sont immobiles de frayeur.
Cette fois, c’est vraiment vous qui l’avez
tué !
On
entend alors, soudain, des crissements de pneus, des portières qui claquent au
loin, des coups de sifflet, la police arrive.
LE RIDEAU TOMBE